Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
L'art indien a fourni une contribution importante et originale au patrimoine artistique de l'humanité. Contribution importante par la persistance, jusqu'à l'époque contemporaine, d'une tradition dont les manifestations matérielles n'apparaissent guère avant le IIIe siècle avant l'ère chrétienne ...
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 218
Veröffentlichungsjahr: 2015
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Universalis, une gamme complète de resssources numériques pour la recherche documentaire et l’enseignement.
ISBN : 9782852299290
© Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.
Photo de couverture : © Bluraz/Shutterstock
Retrouvez notre catalogue sur www.boutique.universalis.fr
Pour tout problème relatif aux ebooks Universalis, merci de nous contacter directement sur notre site internet :http://www.universalis.fr/assistance/espace-contact/contact
La collection des Grands Articles rassemble, dans tous les domaines du savoir, des articles : · écrits par des spécialistes reconnus ; · édités selon les critères professionnels les plus exigeants.
Afin de consulter dans les meilleures conditions cet ouvrage, nous vous conseillons d'utiliser, parmi les polices de caractères que propose votre tablette ou votre liseuse, une fonte adaptée aux ouvrages de référence. À défaut, vous risquez de voir certains caractères spéciaux remplacés par des carrés vides (□).
L’art indien a fourni une contribution importante et originale au patrimoine artistique de l’humanité.
Contribution importante par la persistance, jusqu’à l’époque contemporaine, d’une tradition dont les manifestations matérielles n’apparaissent guère avant le IIIe siècle avant l’ère chrétienne, mais qu’on ne peut pas plus dissocier de la civilisation « de l’Indus », brillant préambule à l’histoire de l’Inde, que de l’ordre culturel constitué par les Aryens autour des Veda.
Importante aussi par l’immensité de l’aire qu’intéresse le développement de l’art indien. Mûri sur le subcontinent indo-pakistanais, son esthétique a rayonné à travers « les trois quarts de l’Asie » – depuis la mer d’Aral et les oasis de la « route de la soie », au nord, jusqu’à la péninsule indochinoise et l’Indonésie, au sud-est – tandis que s’y répandaient, pacifiquement, le bouddhisme et l’hindouisme. Les écoles extra-indiennes, attestées par des documents archéologiques de plus en plus abondants à partir du IVe, Ve ou VIe siècle, suivant les régions, s’individualisèrent rapidement sans toutefois rompre leurs liens avec la métropole intellectuelle. Elles s’éteignirent lorsque, d’un côté, s’imposa l’islam (VIIIe-Xe s.) et que, de l’autre côté, les États indianisés se disloquèrent sous l’action indirecte de l’expansion chinoise vers le sud (à partir du XIIIe s.).
Contribution originale, puisque cet art à travers ses mutations successives demeura fidèle à des valeurs inconcevables hors du cadre de l’indianité. Fruit d’un perpétuel brassage d’influences, il illustra à merveille un trait foncièrement indien : les éléments étrangers – déferlant en vagues successives sur le subcontinent depuis l’aube de l’histoire par les passes du nord-ouest qu’avaient déjà empruntées les Aryens au IIe millénaire avant l’ère chrétienne – furent assimilés à tour de rôle et enrichirent, sans altérer sa saveur, la substance originelle. Cette capacité d’intégration, que l’étude de la plastique indienne met à chaque instant en évidence, n’est pas moins remarquable que la faculté d’adaptation dont témoigna cet art partout où il s’implanta en même temps que la culture sanskrite.
Mus par des considérations essentiellement religieuses, maîtres et ouvriers élaborèrent un art « total » où toutes les disciplines étaient rigoureusement dépendantes les unes des autres. La sculpture, néanmoins, acquit au niveau de la réalisation une place éminente, prééminente même, au point que certains temples sont conçus comme de colossales rondes-bosses. La sculpture est le miroir de l’Inde : les reflets de ses croyances, de ses spéculations et de la vie de son peuple s’y mêlent harmonieusement ; aussi demeure-t-elle une mine inépuisable d’informations sur le passé.
Faute d’un nombre suffisant de monuments datés avec précision par des épigraphes, c’est en grande partie sur l’examen du bas-relief narratif ou décoratif que se fonde l’établissement d’une chronologie relative à laquelle reste soumise l’histoire de l’art indien. De l’analyse des motifs architectoniques et ornementaux, des costumes et des parures, de la morphologie des personnages, notamment, se dégagent des observations sur leur évolution, que recoupent d’autres observations appliquées au plan des édifices, à leur développement, à l’iconographie, etc. S’il est assez nourri, le faisceau d’évidences autorise à assigner à l’œuvre étudiée une situation qui a quelques chances d’être vraisemblable à l’intérieur d’une séquence, pour peu que la confrontation avec un spécimen daté se révèle positive. Cette méthode, qui se veut aussi objective que possible, exige la remise en question des résultats obtenus dès qu’un nouvel élément d’appréciation est signalé aux historiens.
La conquête musulmane à la fin du XIIe siècle précipita très probablement la décadence de l’architecture et de la sculpture sacrées dans le nord du pays ; mais quand s’apaisa le conflit entre la communauté hindoue et la jeune communauté islamique, en majorité de souche locale, l’Inde, qui avait rapidement assimilé les techniques et les procédés introduits par les envahisseurs, enrichit encore grâce à eux l’éventail déjà fort riche et universellement réputé de son artisanat. Plus tard, ce fut l’intérêt que portaient les empereurs moghols à la peinture qui donna un nouveau souffle à l’illustration des textes en Inde.
Dans la tradition indienne, la création artistique participe, ainsi que toutes les activités humaines, à l’harmonie universelle. Outre que chacune de ses phases s’accompagne d’actes rituels, elle doit tendre, quelles que soient ses fins, culturelles ou laïques, à la réalisation d’un ensemble cohérent résumant au travers de subtiles équivalences la substance et l’ordonnance du monde. Aussi l’efficacité de tout objet conçu et façonné par l’homme doit-elle être garantie par la stricte observance de règles éprouvées, transmises de génération en génération.
Dans cette perspective, le désir d’innover et toute recherche d’expression personnelle sont inconnus de l’architecte comme de l’ornemaniste. Pour ceux-ci seule compte la valeur symbolique du matériau et de la forme. Le site où s’élèvera le monument est l’objet d’un choix minutieux ; il doit comporter des éléments qui le font regarder comme un véritable microcosme. Le cadre naturel, la structure de l’édifice et son revêtement décoratif suggèrent ensemble l’univers tout entier au centre duquel réside la divinité suprême.
Si, dès l’origine, le symbolisme cosmologique a conféré à l’architecture indienne ses traits spécifiques, c’est au respect des formules traditionnelles qu’elle doit la remarquable continuité de son évolution. Mais ces lois ne s’appliquent pas seulement aux monuments élevés sur le sol de l’Inde ; elles s’étendent aussi à tous ceux qui, en Asie continentale et sud-orientale, datent du temps où de nombreux États bénéficiaient de l’influence culturelle indienne.
Le sacrifice constituait à l’époque védique l’acte religieux par excellence. Sur la « trame » de sa liturgie complexe, on prétendait renouveler sans fin la création et assurer l’accord permanent des hommes et des « puissances » divinisées. Aux moments désignés par les astrologues se déroulait une série d’opérations préparatoires : fabrication des briques destinées à l’autel ; choix, purification et aménagement de l’aire sacrée ; abattage de l’arbre et taille du poteau auquel serait attachée plus tard la victime animale ; construction des huttes qui abriteraient le sacrifiant et les instruments liturgiques, etc. Et sur l’autel provisoire dressé en plein air on allumait enfin le feu qui porterait aux dieux leur part d’offrande.
D’un foisonnement de notions relatives au sacrifice, quelques-unes sont propres à éclairer, au moins partiellement, les équivalences magico-symboliques sous-jacentes aux mythes et aux rituels ultérieurs de fondation, d’édification et de consécration.
« Chaque fois qu’il est offert, le sacrifice a la taille d’un homme », lit-on dans le Śatapatha Brāhmaṇa. Le sacrifice, c’est l’homme : telle est donc l’idée fondamentale. Un passage célèbre du Ṛgveda explique comment les membres dispersés puis regroupés du « mâle primordial » (le Puruṣa) auraient formé le monde lors du premier sacrifice offert aux dieux par les dieux eux-mêmes. La notion de l’homme dépecé ne se sépare point de celle du démiurge, que ce démiurge se nomme Prājapati (« Maître des créatures », âme du monde) ou Viśvakarma (« Celui dont tout est l’œuvre ») ou qu’il s’agisse du brahman, principe créateur neutre et permanent (qui sera plus tard l’Absolu). Les identifications multiples introduites par les exégètes tendaient à exalter le rôle du démiurge qui, opérant à partir de sa propre substance, est à la fois le sacrifiant et la victime, celui qui différencie et qui fixe la matière. En un mot : l’axe du monde. Son œuvre est assimilée à un travail d’artisan ; elle relève des techniques du charpentier, du forgeron et du tisserand, auxquelles on compare aussi les actes accomplis par les officiants durant la cérémonie.
Le souci qu’avait la communauté d’assurer sa stabilité transparaît dans la notion de l’étai dressé au centre de l’univers et maintenant en place les trois portions du monde (ciel, terre, espace aérien). Corps cosmique et pilier cosmique : les deux concepts se rejoignent, découlant l’un et l’autre du regroupement et de la fixation de forces diffuses. « L’unique, Brahman, lit-on encore dans le Śatapatha Brāhmaṇa, se tient comme un arbre fixé dans le ciel. »
De la notion précédente se dégagèrent peu à peu des spéculations sur l’« ordre » (dharma de la racine sanskrite dhṛ, « soutenir »). L’image du pilier se confondait avec celle du pivot, laquelle suggérait à son tour la rotation. Cette dernière, observée dans l’ordre naturel, le cycle des saisons ou le mouvement apparent des astres autour de la Terre, impliquait l’idée du bon fonctionnement de l’univers. Plus tard, la roue sera le symbole plastique du dharma lui-même, du rayonnement de la « royauté universelle » comme de la Loi du Buddha, et c’est aussi l’image de la roue qu’évoquera la suite sans fin des transmigrations. On sait aussi qu’à l’époque védique, le rituel comportait déjà une circumambulation de l’objet vénéré.
La signification du sacrifice et des éléments mis en jeu lors de sa célébration reposait donc sur plusieurs séries de rapports, presque interchangeables, entre l’homme et la nature.
À la conception du corps cosmique vint se juxtaposer celle du « lieu saint ». Les montagnes, les roches et les pierres, les rivières et les étangs, les forêts et les arbres isolés, habités par des déités, devinrent les accessoires de base d’un paysage idéal résumant l’univers. Groupés naturellement ou reconstitués artificiellement, ils composaient des lieux de purification (tīrtha) dont la mythologie faisait en outre le théâtre d’exploits héroïques attribués à un dieu majeur ou à quelque divinité locale assimilée à ce dernier. Une géographie sacrée se fonda sur la liste de ces sites privilégiés (Épopées, Purāṇa). Le centre de la vie religieuse se déplaçait progressivement de l’antique autel du feu au tīrtha : le sacrifice védique étant tombé en désuétude, c’était sur les lieux de purification qu’il convenait d’élever le temple, « point d’attache » et « demeure » de la divinité.
Le temple eut sans doute pour prototype un pavillon rudimentaire à l’imitation de la hutte rituelle : il était le gîte modeste de quelque déité campagnarde au centre d’une aire simplement bornée. Mais il finit par constituer une réplique de la montagne sacrée (Meru, Manḍara), pivot du monde et résidence divine mise en relation avec la demeure du roi terrestre.
La composition est centrée sur le sanctuaire, accessible au seul desservant chargé d’accomplir les rites d’hommage quotidien devant l’image de la divinité. Autour du sanctuaire se développa une cour quadrangulaire (la terre), délimitée par des enceintes concentriques (les montagnes) et les douves (l’océan). À noter que le palais du souverain et la ville présentent en théorie une configuration analogue. À la période classique comme au Moyen Âge, c’est dans le sud-est de la péninsule que furent édifiés les meilleurs exemples indiens de ce schéma. Mais les plus fidèles et les plus impressionnants sont, sans conteste, les fondations de la royauté angkorienne au Cambodge, du IXe au XIIIe siècle, qui associaient le culte du roi divinisé à celui du dieu ; la source d’une telle identification doit être recherchée dans la tradition shivaïte de l’Inde méridionale (J. Filliozat).
Dans le bouddhisme et le jaïnisme, le stūpa, reliquaire dérivé vraisemblablement du tumulus funéraire, constituait une sorte de « succédané » de l’autel védique ainsi qu’un microcosme complet : au centre de l’espace clos par la barrière, la calotte hémisphérique, la chambre secrète qui contient les reliques et la hampe qui porte les parasols n’évoquent-elles pas respectivement la montagne cosmique, le réceptacle de l’embryon universel et le pivot du monde ?
À ces constructions réelles correspondaient des diagrammes ésotériques (yantra). Ces « instruments de pensée », préfigurés par l’autel védique, résument en des tracés géométriques les forces cosmiques et traduisent graphiquement les syllabes des formules sacrées (mantra). Ce sont en même temps des « projections immédiates » de l’image de la divinité et des schémas identiques aux plans types des temples. Dans ses formes évoluées – le mahāyānisme et surtout le tantrisme –, le bouddhisme accueillit les données sur le symbolisme cosmique approfondies par le Yoga. En conjuguant le principe des figurations du microcosme (maṇḍala) et la mise en correspondance du « corps » du Buddha avec l’univers, les théories tantriques présidèrent à la réalisation de complexes architecturaux dont les plus imposants sont situés hors de l’Inde, tels par exemple, l’immense stūpa de Borobuḍur à Java central (env. début du IXe s.) et les temples de Pagān en Birmanie (XIe-XIIIe s.).
Les premiers principes d’où sont issues les conceptions architecturales s’infèrent d’allusions rencontrées dans certains passages de la littérature védique ayant trait au rituel. C’est à partir du IVe siècle après J.-C. que d’importants ouvrages classiques – religieux, dramatiques, romanesques ou didactiques –, consacrent des développements aux arts plastiques ; ils se basent certainement sur des sources aujourd’hui disparues. On peut ainsi glaner à travers la littérature sanskrite quantité de renseignements sur les principes esthétiques, les techniques, la place de l’œuvre d’art dans la vie quotidienne, le statut social de l’artisan, etc.
La « science du site », l’un des soixante-quatre arts traditionnels, est attribuée à Viśvakarma, architecte des dieux dans le
panthéon brahmanique et ancêtre des bâtisseurs. L’encyclopédie Bṛhatsaṃhitā de Varāhamihira (VIe s.) résume cette branche du savoir et le Mānasāra (VIIe s. ou un peu après) l’expose systématiquement. Des données sur la construction des temples et des édifices civils y voisinent avec d’autres concernant l’urbanisme, la sculpture, la peinture, la décoration, la mythologie, l’iconographie, la cosmologie, la géomancie, l’astrologie et le rituel (purification du terrain, cérémonies de fondation et d’inauguration, établissement de la présence réelle de la divinité dans l’image de culte, etc.). D’autres textes, élaborés tardivement, jouissent aussi d’une grande autorité : parties techniques des livres canoniques (Saṃhitā vichnouites, Āgama shivaïtes, Purāṇa et Tantra) ou traités autonomes (Mayamata, Śilparatṇa de Śrī Kumāra, Nāradaśilpa, etc.). Au Moyen Âge, et jusqu’au début des Temps modernes, le sujet a suscité une littérature abondante, mais la majorité des traités d’architecture ne portent ni date ni indication d’un lieu d’origine, ce qui rend difficile tout rapprochement entre textes et monuments. Et l’on chercherait vainement dans ce vaste ensemble des renseignements sur l’état des techniques antérieures à l’époque de la rédaction des premiers exposés systématiques : ainsi, ces ouvrages restent muets sur les procédés utilisés lors de l’aménagement des temples rupestres.
Ces ouvrages, versifiés, étaient essentiellement des recueils mnémoniques destinés à des hommes familiarisés avec tout un arrière-plan d’équivalences symbolico-rituelles. Ils résumaient des théories traditionnelles en les étayant de commentaires et de remarques inspirés par des réalisations connues à la fois des auteurs et des lecteurs. Ils dénombraient les catégories des temples et signalaient celle qui convenait à telle ou telle divinité comme celle qui convenait à la caste du donateur, etc. Ils exposaient des « recettes » garantissant la correction d’un plan, la justesse des proportions, l’harmonie du décor, en un mot la parfaite adaptation du bâtiment à sa destination.
Quatre classes d’experts prenaient part à l’exécution du programme architectural : maîtres d’œuvre, dessinateurs-traceurs, peintres et assembleurs-charpentiers (Mānasāra). Les unités de mesure (ou mieux : de proportion) courantes dans les textes sanskrits sont le tāla et le hasta, deux termes désignant la hauteur de la main du maître d’œuvre, et l’aṅgula égal à la largeur de la phalange médiane du médius, soit un douzième de tāla. Le vocabulaire emprunte largement à la botanique et à l’anatomie humaine ; il reflète en outre des nuances régionales. Chaque terme désigne un élément architectonique ou ornemental déterminé, généralement sans équivalent dans le répertoire des formes occidentales, et la plupart sont intraduisibles dans les langues européennes.
Le terrain sur lequel devait s’élever le bâtiment avait une forme géométrique, divisée en un nombre variable de carrés et rassemblant symboliquement autour de Brahmā les dieux régents du monde. On imaginait que l’« homme du site » (vāstupuruṣa) gisait la tête tournée vers l’est (c’est à l’est que sont orientés la plupart des temples) et recouvrait de ses membres ces divisions. Grâce au jeu des correspondances, on assimilait le plan au puruṣa et l’édifice à l’architecte, lui-même substitut du démiurge. L’ordonnance interne et la superstructure dépendaient théoriquement de la composition du diagramme initial.
Jusqu’à la fin de la période classique, on bâtit des temples indifféremment sur plan absidal ou carré, encore que le plan carré paraisse avoir été de beaucoup le plus répandu.
On est tenté de rechercher l’origine du plan absidal dans une disposition analogue à celle de la caverne de Sudāma, dans les collines de Barābar près de Gayā, au Bihār (env. 250 avant J.-C.). Ce monument archaïque reproduit une hutte primitive circulaire à toiture hémisphérique accolée au petit côté d’un autre bâtiment ou d’un espace rectangulaire. Le plan absidal prédomina dans la majorité des sanctuaires bouddhiques et dans l’architecture brahmanique ; il correspond au type de temple dit « en dos d’éléphant ». Il existait aussi des temples octogonaux, comme celui placé sous le vocable de Śaṅkarācārya à Śrīnagar, datant du VIIIe siècle. Mais la cella cubique, probablement inspirée par la hutte primitive elle-même, ainsi qu’on l’a dit plus haut, devait prévaloir en tant que noyau du temple hindou. Et c’est au cours du VIIIe siècle que la disposition des organes annexes semble avoir été définitivement fixée.
Mégasthène, ambassadeur de Séleucus Ier Nicator à la cour de Pāṭaliputra (moderne Patnā) à la fin du IVe siècle avant J.-C., avait remarqué que les villes indiennes s’élevant sur des hauteurs étaient d’argile et de brique alors que les agglomérations construites au voisinage de la mer et des cours d’eau étaient de préférence en bois, celui-ci résistant mieux que la brique aux inondations que subissaient périodiquement ces cités.
La robustesse relative du bois, l’abondance des forêts et la cristallisation autour de l’arbre de toutes sortes de croyances suffisent à expliquer la vogue durable de ce matériau et peut-être aussi l’influence de l’architecture de bois sur l’architecture de pierre.
Cette influence se manifeste, à la période ancienne, dans les reproductions de bâtiments en bois que sont les couvents bouddhiques rupestres, particulièrement nombreux autour de Bombay (Bhājā, Beḍsā, Nāsik...), où les motifs de charpente et de menuiserie taillés dans le roc jouent un rôle décoratif. Quant aux balustrades des stūpa, dont les montants s’ajustent par des tenons et des mortaises, elles copient servilement des barrières de bois.
Assemblage d'une balustrade de stupa. Influence de l'architecture de bois à la période archaïque : procédé d'assemblage d'une balustrade de stupa (pierre) à Sañci (d'après P. Brown, « Indian Architecture (Buddhist and Hindu Periods) », Bombay, 1961)
Le déboisement progressif, la raréfaction de certaines essences eurent pour résultat une utilisation de plus en plus courante de la brique et du pisé pour les édifices laïques, puis de la pierre pour les constructions destinées au culte. Mais partout où subsistent des forêts (Cachemire [Kaśmīr], Népal, côte de Malabar...), les arts du bois demeurent vivaces.
Cependant la brique, séchée ou cuite, avait été employée massivement dans les cités de la civilisation dite de l’Indus (Mohenjo-Daro au Sindh, Harappā au Pañjāb, Lothal au Kāṭhiāvār, entre 2300 et 1500 env. av. J.-C.). À la période védique, la brique constituait le matériau sacré par excellence, réservé à l’autel sacrificiel. Plus tard, les bouddhistes l’introduisirent dans la maçonnerie de leurs stūpa et ils s’en servirent généralement pour édifier leurs monastères. Quantité de temples brahmaniques furent aussi élevés en briques. Celles-ci ont varié, tant par leur composition que par leur taille, selon les périodes et les régions. L’appareil, disposé à joints alternés, était maintenu à l’aide d’un mortier. Une structure de brique pouvait être renforcée aux points névralgiques par de la pierre (encadrement des portes et des fenêtres). On revêtait les murs d’un enduit que l’on sculptait, ou bien on les masquait sous des plaques de terre cuite. La brique servait encore à couvrir les sols, utilisée tantôt sous forme de carrelage à décor moulé, comme celui qu’on a retrouvé sous les ruines d’un palais au Cachemire (musée Guimet, Paris), tantôt pilée et mêlée à des substances adhésives composant une sorte de béton, comme à Nālandā si l’on en croit le témoignage de Yijing [Yi-tsing] à la fin du VIIe siècle.
L’observation directe des monuments rupestres et tout particulièrement des grottes restées inachevées renseigne sur les procédés mis en œuvre lors de leur réalisation. Les ouvriers égalisaient la paroi rocheuse, y marquaient les grandes lignes de la façade et pratiquaient ensuite, à l’aide de pics et de pioches en fer, des galeries jusqu’à la profondeur voulue. Cela fait, ils travaillaient au plafond, en réservant la masse de chaque pilier, et aux parties supérieures des murs. Le niveau de circulation était ensuite abaissé peu à peu et le décor des murs se poursuivait.
Il en allait ainsi jusqu’au moment où l’hypogée avait la hauteur désirée. Les colonnes étaient alors redressées au marteau, leur décor épannelé et achevé au ciseau.
L’exploitation régulière de certaines carrières remonte à l’époque Maurya. Dans chaque région, une roche se distinguait par ses qualités et son emploi prédominait localement. L’extraction était facilitée par l’insertion de coins de bois dans la roche ; mouillés, ces coins se dilataient et faisaient éclater la pierre aux endroits voulus. On acheminait les blocs vers les chantiers au moyen de chars puissants traînés par plusieurs paires de bœufs. Quand on construisait un édifice de grande taille, des plans inclinés permettaient d’amener les blocs dégrossis jusqu’à son sommet. La sculpture était réalisée tantôt au sol avant montage, tantôt sur le bâtiment achevé.
La pierre, matériau recommandé aux architectes pour les temples de quelque importance, restait néanmoins un substitut du bois et de la brique, seuls utilisés à la période ancienne. Il est fait état de temples de pierre dès le Ier siècle avant J.-C., mais aucun de ceux qui subsistent ne paraît antérieur au Ve siècle de l’ère chrétienne. Les fondations de ces ouvrages varient d’une région à l’autre ; toutes, cependant, furent calculées de telle sorte qu’elles ont bien supporté leur charge. Les blocs, dont les dimensions décroissent généralement à mesure que s’élève l’édifice, sont posés à joints vifs, une taille parfaite assurant leur adhérence. Pour maintenir les pierres jointives, on recourait parfois à des crampons ou à des ancres de scellement en double queue-d’aronde, en fer ou en bronze. Et pour rendre étanches terrasses et toitures plates, on plaçait à la jonction des dalles des couvre-joints semi-cylindriques. On utilisait aussi des enduits imperméables à base de sucre et de matières collantes d’origine végétale ; certaines de ces formules nous sont connues grâce aux traités spécialisés, d’autres demeurent en usage chez les artisans.
Les notions relatives à l’aire sacrée, que développèrent les hindous d’un côté et les bouddhistes de l’autre, s’étaient formées à partir d’éléments communs puisés au substrat postvédique. Elles présidèrent à une conception presque identique du lieu de culte. Mais, vers le Ve siècle probablement, hindous et bouddhistes se trouvèrent amenés à différencier la disposition de leurs temples en raison d’impératifs découlant de leurs liturgies respectives.
La communauté bouddhique se réunissait pour vénérer des reliques et entendre des sermons. La présence d’une assistance nombreuse aux offices entraîna la construction de locaux spacieux et aérés. Les maîtres d’œuvre résolurent ce problème en lançant sur le sanctuaire, de plan rectangulaire ou absidal, une charpente à pannes (ou reins de voûte) soutenues par des cerces reposant sur le sommet, les parois formant les grands côtés du rectangle ; à l’extérieur, lui correspondait semble-t-il une couverture en berceau. On connaît les prototypes et les variantes de ces toitures par les monuments figurés sur les bas-reliefs archaïques (IIe s. av.-Ier s. apr. J.-C.) et sur ceux des écoles de Mathurā et d’Amarāvatī (IIe-IVe s. apr. J.-C.), ainsi que par les transpositions d’édifices construits que sont les sanctuaires rupestres (échelonnés du IIIe s. environ av. J.-C. au VIIIe s. apr. J.-C.) où les charpentes ont été parfaitement imitées dans la pierre, ou bien parfois réellement exécutées en bois et encastrées sous la voûte taillée dans la falaise.
Les couvents construits à l’air libre à l’époque archaïque ont tous été anéantis. Plus tardifs (premiers siècles de l’ère chrétienne), ceux de Taxila, de Takht-i-Bāhi, de Haḍḍa..., aux confins du Pakistan et de l’Afghanistan, furent saccagés par les Huns au Ve siècle, et ceux de Sārnāth, près de Bénarès, de Nālandā et de Vikrāmaśila au Bihār furent ruinés par les musulmans lors de leur avance irrésistible à la fin du XIIe siècle. À l’écart des routes empruntées par les envahisseurs, Sāñcī, au centre de l’Inde, a conservé d’importants vestiges d’édifices de style Gupta, et Ratṇagiri, à l’est, des fragments d’un bel ensemble postclassique. Il faut, pour se faire une idée assez précise de la variété de l’architecture bouddhique, non seulement étudier ces ruines dispersées en territoire indien, mais aussi voyager à Sri Lanka, en Birmanie et en Thaïlande où demeurent encore des complexes inspirés de réalisations indiennes.
Pour les hindous, l’exiguïté et le caractère secret du sanctuaire (garbhagṛha, « matrice »), où l’image sainte s’enveloppe d’ombre comme l’embryon dans le sein maternel, devaient être préservés en dépit de l’augmentation progressive, en nombre et en volume, des divers organes du temple. Les architectes en vinrent à concevoir une structure en fonction de ses pleins (volume) plutôt que de ses vides (espace utile), leurs démarches s’effectuant à l’inverse de celles des bâtisseurs de cathédrales. Le problème de l’espace interne ne se posait en fait que secondairement aux hindous, l’âme du temple restant la minuscule cella. C’est à partir de ce noyau et en recourant à des solutions constructives sanctionnées par la tradition qu’on envisagea de nouveaux développements.
L’étirement en hauteur du sanctuaire accentuant l’identification temple-montagne sacrée et l’accumulation d’éléments représentant symboliquement l’univers entraînaient nécessairement un renforcement des murs. Dans les styles médiévaux, à mesure donc que s’accroissait la superstructure (śikhara) de la cella, le saint des saints s’entoura de murs de plus en plus épais, redentés, formés parfois d’une maçonnerie en blocage de moellons entre deux parements de pierre taillée. On peut considérer comme un aboutissement heureux, après les tâtonnements que trahissent bien des temples de styles Gupta (Cāḷukya) et post-Gupta (Inde centrale et Dekkan, VIe-VIIIe s.), la solution qui consiste à entourer la cella d’une galerie de circumambulation. Ainsi, la tour-sanctuaire (śikhara) prend appui à la fois sur le mur extérieur de la galerie et sur le mur intérieur de la cella. Pourvue d’un double support et d’une importante surface de base, elle peut croître en hauteur sans inconvénient. Pour renforcer l’impression de verticalité qui se dégage de la tour-sanctuaire, des réductions de cette même tour-sanctuaire sont sculptées sur ses flancs. Tels sont par exemple les temples de Khajurāho (Inde centrale, Xe-XIe s.) qui sont parmi les mieux équilibrés et les plus riches en invention décorative.
Femme avec bijoux, Madhya Pradesh, Inde. Femme avec bijoux. Grès. Provient de Khajuraho, Madhya Pradesh. XIe siècle. Musée indien, Calcutta. (J.-L. Nou/ AKG)
La