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J'atterris dans un monde auquel je n'étais pas préparée, sans notes et sans contrôle. C'est un monde primitif dont j'ignore absolument tout. Mais j'ai une mission, un compte à rebours et un objectif: LA trouver. Je pensais LA connaître en me préparant à cette mission. Mais la pratique diffère de la théorie. Je suis Ariane Web et j'ai 12 jours pour sauver Luna Poderoso.
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Seitenzahl: 270
Veröffentlichungsjahr: 2024
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C’est quoi écrire ?
C'est prendre le risque de vivre plus dans sa tête que dans le monde !
C'est être seule et ne jamais l'être vraiment !
C'est un contrôle et un lâcher prise !
C'est faire confiance et douter de tout !
C'est s'intéresser à tout et ne négliger rien !
C'est aimer et haïr ce qui est de papier !
C'est ressentir des souffrances que l'on a jamais vécu...
Des joies qui nous étaient inconnues et d'estimer qu'en dépit de tout...c'est notre réalité !
Billie Eilish, Ocean Eyes
Birdy, Keeping your head up
Novo amor, Anchor
Cloudy June, Devil is a woman
First Aid Kit, The Lion’s Roar
Dermot Kennedy, Power over me
Lizzy McAlpine, Ceilings
Loreen, Tatoo
Lost Frenquencies, Where are you now
Moana A Koda Kids, Queendom
Radical Face, The crooked king
Rosa Linn, Snap
The Lumineers, Ophelia
Lauren Daigle, Rescue
Loïc Nottet, Millions Eyes
Marshmello, Silence
Taylor Swift, Cardigan
Royal & The Serpent, Overwhelmed
Sasha Alex Sloan, Older
The Neighbourhood, Softcore
Madeline the Person, Mean
Madison Beer, Good in goodbye
Dylan Conrique, Birthday cake
Conan Gray, Family Line,
Marina, Seventeen
Gilded Lily, Haven’t I given enough
Banks, Trainwrecks
Chapitre 1: Ariane Web
Chapitre 2: Luna Poderoso
Chapitre 3 : Ariane Web
Chapitre 4 : Luna Poderoso
Chapitre 5 : Ariane Web
Chapitre 6 : Luna Poderoso
Chapitre 7 : Ariane Web
Chapitre 8 : Luna Poderoso
Chapitre 9 : Ariane Web
Chapitre 10 : Luna Poderoso
Chapitre 11 : Ariane Web
Chapitre 12 : Luna Poderoso
Chapitre 13 : Ariane Web
Rien n’aurait pu me préparer à cela. Rien n’aurait pu me préparer à cette complexité, à ses couleurs, à ses détails et à la diversité des paysages qui bordent les routes que je traverse. Je regarde ma montre : 287 heures, 30 minutes, 15 secondes. Mon temps est compté, il m’est précieux et ne devra pas être gaspillé. Je n’aurai pas deux chances comme celle-là. Je dois la trouver.
J’arrive à une sorte de campement, un vieux village bruyant et bien vivant où s’affairent marchands et fermiers. Étrange… Bien que l’ambiance soit ancienne et presque moyenâgeuse, je remarque des détails incroyablement modernes. Sur les étals et les tables de bois jonchent différents types de marchandises : des fruits, des légumes, des produits de fabrications artisanales, du miel et d’autres denrées naturelles. Mais d’autres établis présentent des objets bien différents : d’anciens composants électroniques d’ordinateurs, de portables, voire d’aspirateurs. On y trouve notamment des morceaux de cuivre, de verre, d’outils d’étain et bien d’autres encore. Des produits, parfois, encore utilisables et en bons états à condition de les recharger, mais que le public du marché méprise pour se focaliser sur les produits en bois ou artisanaux.
Les voix des marchands clament la qualité de leurs marchandises afin d’attirer le plus de clients possibles. Malgré la surprise de cet environnement, je tente de ne pas me laisser submerger par l’émotion, de reprendre contenance et le contrôle d’une situation qui m’échappe. Je ne m’étais pas préparée à cela. Mes notes ne prennent pas en compte un univers si complexe.
En apercevant un bar, au coin d’une rue boueuse, je m’y engage en espérant recevoir plus d’informations, voire des réponses. Je sais ce que je cherche, mais ignore par quoi commencer. Une odeur de moisi, de renfermé et d’alcool me prend à la gorge à l’instant où je pousse la porte. Je ne peux empêcher une quinte de toux de quitter ma bouche. Les clients de ce bar lâchent des petits rires amusés en me voyant arriver et me tournent le dos avec mépris et arrogance.
Ne me laissant pas faire, je m’approche du comptoir où un barman discute avec un homme bien imbibé et sentant fort le fumier.
— Je ne vais plus te faire crédit, Helix, le prévient-il avec autorité, clarifie-moi ton ardoise et, après, je remplirai ton verre.
— Je vais te clarifier la face, moi, tu vas voir, rétorque le fameux Helix d’une voix pâteuse.
Le barman lève les yeux au ciel et fait un signe de la tête à un autre homme, dissimulé dans l’obscurité. Ce dernier se redresse, attrape Helix par les aisselles et le pousse dehors sans que quiconque ne lève un petit doigt pour réagir. J’écarquille les yeux et me tourne, hésitante, vers le barman.
— Elle voudra quoi, la bourge ? me demande-t-il en chiquant son tabac.
J’avale ma salive difficilement, ne sachant pas par quoi commencer. Dois-je donner son prénom pour lui demander des informations ? Devrais-je l’interroger sur ce monde étrange ? Devrais-je déjà demander des pistes vers mon objectif ? Mais, à la place, je décide de me présenter.
— Je m’appelle Ariane, avouai-je, je suis nouvelle ici.
— Le contraire m’aurait étonné, se moque-t-il, écoute, p’tit cœur, j’adorerais me la jouer 'psychologue de comptoir' mais je suis juste là pour te servir à boire. Tu veux un verre ? C’est comme si c’était fait. Tu veux parler ? La psy du quartier est libre.
Il était sur le point de partir au bout du comptoir, je l’ai arrêté rapidement.
— Attendez, en fait, vous sauriez en quelle année nous sommes ?
Il s’arrête dans son mouvement d’un coup avant de se tourner vers moi en ouvrant de grands yeux. Il possède, sur son visage, la même expression que j’aurais pu retrouver si je lui avais demandé s’il servait des chiots dans son menu. Un rictus apparaît à ses lèvres gercées alors qu’il lâche un énorme éclat de rire me faisant sursauter. L’attention du bar entier se tourne, bientôt, vers nous.
— Eh ! Les gars, hurle-t-il, la petite bourge veut savoir en quelle année on est.
Cette réflexion semble provoquer une forme d’hilarité générale qui m’échappe. Une frustration s’empare de mon corps en totale contradiction avec les rires résonnant dans la grande salle. D’un mouvement nerveux, je replace mes lunettes sur mes yeux et observe autour de moi un peu ahurie. Mon cœur s’embrase et mes joues s’empourprent alors que je ne pense pas avoir posé une question si idiote que cela.
L’homme pose un verre sur le comptoir et y verse une grande lampée d’une drôle de boisson jaunâtre à l’odeur aussi prenante que du gel hydroalcoolique.
— C’est pour la maison, avoue-t-il, tu m’as bien fait rire.
Serrant les dents, j’attrape mon verre et m’assois à une table vide en regardant passer la foule de l’autre côté de la vitre couverte de poussière. Je sors un carnet de mon sac, il est totalement vide. Je n’ai pu emmener ma documentation avec moi et je réalise maintenant que je ne pourrai faire confiance qu’à ma mémoire et à mon esprit critique. Un homme, l’air louche, les pupilles dilatées et la bouche édentée, s’approche et s’assoit à ma table en se voulant discret. Regardant derrière lui pour vérifier que personne ne l’a vu, il se penche vers moi. Il sent la sueur et la poussière, j’en suis révulsée.
— Tu n’es pas d’ici, n’est-ce pas ? Me demande-t-il plus comme un constat que comme une question.
— Ça se voit tant que ça ? Êtes-vous là pour vous moquer de moi à votre tour ?
Il lâche un grand sourire qui me donne froid dans le dos avant de secouer la tête. Il regarde de nouveau derrière lui en soupirant.
— Cela fait bien longtemps que les notions d’années, d’époques et de générations ont totalement disparu. Tout le monde ignore l’année à laquelle nous sommes depuis l’investiture de La Présidente.
Mon attention est violemment piquée alors que j’attrape mon carnet pour prendre des notes. L’homme frappe dessus avec force me le faisant glisser des mains et manquant de me faire lâcher un cri. Il se penche encore plus en avant.
— Tu pues, l’étrangère ! clame-t-il simplement en postillonnant sur mon visage, tu ne vas pas faire long feu, ici ?
J’avale ma salive difficilement, réajustant mes lunettes sur mon nez.
— Qui est la Présidente ? ai-je demandé avec curiosité.
— Déesse sur terre, Big Brother au féminin, dictatrice des esprits, énonce-t-il, tu ne le sais pas encore, mais tu lui appartiens comme tout ce qui foule cette terre.
Mon carnet se couvre vite de notes et de renseignements exempts d’un quelconque sens. Tout s’embrouille alors que, dans ma tête, se déroule un plan complet. D’abord, comprendre cet environnement complexe ; ensuite, ce sera elle. Je me penche vers mon mystérieux interlocuteur.
— Je suis désolée, mais… auriez-vous connaissance d’un lieu caché, secret, qui pourrait contenir les secrets du monde ?
J’aimerais me frapper la tête, violemment sur cette table, tant cette question me semble stupide, futile, voire infantile. Tout me parait à la fois réel et inconcevable. L’homme me regarde, hausse un sourcil et éclate de rire d’un coup. Des postillons agressent mon visage alors que je plisse les yeux. Je réalise bien que c’est une question ridicule, que la façon dont je l’ai formulée l’est plus encore mais, qu’en dépit de toutes mes recherches, je n’ai pu trouver meilleure façon de décrire ce dont j’ai besoin.
— Tu cherches les problèmes, la bourgeoise, me rétorque-t-il après s’être bien assuré que l’attention portée sur nous s’était calmée. Fais attention à tes ambitions, et soigne tes problèmes.
Mais, baissant la voix, il se penche vers moi comme pour me confier un secret.
— Demande à Grand-père, il est un parfait médecin.
L’homme qui s’est occupé de sortir Hélix du bar arrive soudain à côté de moi. Il fait tomber son poing sur la table d’un coup, me faisant sursauter. Je réajuste mes lunettes sur mes yeux et lorgne mon nouvel interlocuteur, les mains tremblantes. Il s’approche de moi, très peu loquace, et se penche pour observer mon visage.
— Je te sens pas, me dit-il assez grossièrement.
— Moi, je vous assure que je vous sens, répliquai-je sans vraiment réfléchir.
Il m’aurait été compliqué de passer à côté de son odeur nauséabonde de sueur et de tabac froid. Le barman lâche un rire amusé et s’adresse, de nouveau, à son garde.
— Sors-la d’ici, tu veux ?
— Avec plaisir !
J’essaie de rétorquer, mais le garde m’attrape par le col et me jette dehors sans délicatesse. Je m’écrase, la tête la première dans le sol terreux de la rue. Je relève la tête et crache du sable qui était parvenu à rentrer dans ma bouche. Je réalise que mes lunettes ont glissé de mes yeux et doivent, sans doute, traîner quelque part autour de moi. Je tends les mains et tente de les trouver, mais sans résultat.
Bientôt, je sens une main attraper la mienne afin d’y mettre mes fameuses montures dorées. Je les pose sur mes yeux et lève la tête vers mon sauveur. Je croise le regard d’un vieil homme, les yeux fatigués, une grosse barbe brune recouverte de poil blanc. Il tient un sac à patates dans sa main et se trouve recourbé comme portant un poids insupportable sur les épaules.
— Tu réalises que personne ne va accepter ta présence ici, affirme-t-il d’une voix grave et cassée.
Il m’aide à me redresser et retire de la poussière de mon épaule avant de relever les yeux vers moi.
— Vous êtes… ? hésitai-je.
— Au courant, me coupe-t-il, la situation est-elle si dramatique que cela ?
Encore une complication et je me perds. Ma tête me brûle. Le vieil homme se penche vers moi. Je n’imaginais pas pouvoir trouver quelqu’un de lucide sur la situation.
— Bien plus encore, avouai-je en serrant les lèvres, et je ne sais pas par où commencer ou par quoi.
— Je peux peut-être t’aider, je suis Grand-père.
Il lâche son sac à patates par terre, attrape sa canne et reprend sa route en me tournant le dos, recourbé sur lui-même. Choquée, je le fixe sans comprendre jusqu’à ce que je le voie se tourner vers moi, le regard dubitatif.
— Tu attends quoi ? Ce n'est pas le moment de perdre son temps, il me semble.
Je hoche la tête nerveusement et attrape le sac de l’homme pour le rejoindre alors qu’il s’engage sur un chemin isolé du reste du village au sommet d’une colline. En plus de mon très petit sac à dos, je me retrouve avec le lourd sac du vieil homme qui se dirige vers un cabanon perdu à l’entrée d’une forêt.
Autour de moi, c’est une immense plaine et, au loin, je peux percevoir des restes d’une ville moderne : des buildings, des immenses bâtiments et du bitume.
— Plus personne ne vit dans les villes maintenant ! C’est un véritable exode urbain, me confit mon guide.
Je cours pour le rejoindre afin de le couvrir de question. Son sac pend dans mon dos.
— Que s’est-il passé ? Qu’est-ce que tout ça représente ? Je n’étais pas préparée à cela…
— Une cérébrale, en conclut-il un sourire sur les lèvres, il fallait que ce soit une cérébrale.
Il ouvre la porte de sa cabane et m’invite à rentrer. La cabane est petite, menue mais assez chaleureuse. Un feu brûle au bout de la seule pièce, une bouilloire pend au-dessus avec de l’eau bouillonnante. Je pose mon sac et regarde autour de moi. C’est une véritable maison de chasseur, des peaux d’animaux couvrent les murs, sans doute pour favoriser l’isolement des lieux. Des plantes séchées pendent des poutres jusqu’à une petite cuisine toute simple.
Le son, l’odeur, la lumière : tout me pousse à me reposer, à m’asseoir, à me détendre. Le vieil homme retire la bouilloire du feu, et sert le thé dans deux tasses de fabrication artisanale. Une odeur de plantes et de fleurs s’envole jusqu’à mes narines alors que je fais glisser le lourd sac de mes épaules pour attraper la tasse qu’il me tend.
Le thé est excellent, naturel et glisse dans ma gorge pour me réchauffer. Je réalise n’avoir même pas touché à l’alcool qu’on m’avait proposé dans le bar. J’avais vraiment soif. Étrange. Je m’assois en face de l’homme alors qu’il pose une bougie sur la table et un drôle de vieux carnet. Il craque une allumette, allume la bougie et notre petit espace se retrouve occupé par une nouvelle lueur. Il ouvre le carnet.
— Combien de temps avons-nous ? me demande-t-il.
— Moins de 12 jours !
J’observe ma montre, voyant les heures s’écouler au ralenti et, à la fois, trop vite.
— Expliquez-moi la situation, demandai-je.
Il secoue la tête, complètement désespéré.
— Pour tout le monde, raconte-t-il, pour chaque habitant de cet endroit, la société, telle que nous l’avions connue, s’est effondrée il y a des dizaines d’années sans que nous n'en connaissions la raison.
— Mais vous, vous la connaissez la raison, pas vrai ? ai-je demandé.
— Cela ne fait, en réalité que quelques mois, toute juste six pour être précis. La Présidente est montée sur le Trône de ce monde, en a pris le contrôle et recherche, ardemment, cette jeune fille. Celle que tu recherches, toi aussi.
Il fait glisser une carte sur la table et pose une épingle dessus. Je reconnais une carte de l’Europe, remarque que le reste du monde a été décimé. Les continents sont gribouillés au crayon de papier. Il ne reste qu’une partie de la France et quelques bribes des autres pays la bordant auparavant. L’épingle est posée à la frontière de la Belgique, j’observe le lieu avec attention en plissant les yeux.
— Ça se propage plus vite que prévu, remarquai-je.
— Tu es préparée pour cela ? Me demande-t-il, qui es-tu pour elle ?
Je plisse les yeux, observant de nouveau la carte, dessinant du bout des doigts les continents fantômes qui ornaient le papier glacé par le passé. Je ne suis personne pour elle. Je ne suis que moi, Ariane Web, une jeune femme de 27 ans, d’une famille heureuse, sortie majeure d’excellentes études avec un parcours personnel et professionnel sans fautes. Je suis à des lieues de sa vie et de son histoire. Je serre les lèvres et remonte mes lunettes sur mon nez.
— Je me suis portée volontaire pour la trouver et la ramener. Mais je ne la connais que par les recherches que j’ai faite à son sujet. Que devrais-je savoir, pour être prête ?
Il tourne une page de son carnet et le fait glisser vers moi sans rien dire de plus. Sur le papier abîmé et jauni, est représentée une sorte de bête sans forme, comme un monstre de fumée noire qui me glace le sang. J’observe le dessin sans comprendre.
— Les Ombres ! Elles vont en avoir après toi, car tu leur es étrangère et, donc, dangereuse.
— Quelles menaces représentent-elles ?
— La paralysie, la folie… La mort si tu es chanceuse.
Mon regard s’écarquille alors que je réalise les véritables dangers de ma mission. Je dois impérativement la ramener, mais à quel prix ? Celui de ma vie ? Mon visage se décompose alors que je blêmis d’angoisse. Je retire mes lunettes et me masse les tempes en prenant de profondes inspirations. Le vieil homme me donne un sac de papier dans lequel je respire compulsivement pour contenir ma panique.
Je redresse la tête, remets mes lunettes en place et reprends contenance.
— Que puis-je faire contre elles ?
— Rien, me rétorque-t-il, tu ne t’attendais pas à cela, pas vrai ?
— Je connais la théorie, mais la pratique est encore un peu trouble.
Il lâche un petit rire condescendant et pose une boite de punaise sur la table sans me quitter des yeux.
— J’ai une bonne et deux mauvaises nouvelles, m’avoue-t-il, que veux-tu savoir d’abord ?
— Ce qu’il me serait logique d’entendre en premier pour assimiler les informations.
Il répond à cela par une grimace blasée, ses paupières battant avec dédains.
— C’est du cérébral, tout craché, rétorque-t-il.
Il pose une punaise rouge sur une partie de la carte représentant une île, tout au bout de la Bretagne. Je me penche pour observer le lieu.
— Voilà le lieu que tu cherches : c’est là que tu dois l’amener, m’avoue-t-il.
— Qu’est-ce que c’est ?
— La Bibliothèque de MacGuffin, un lieu aussi mythique que la bibliothèque d’Alexandrie et aussi fictif que l’Atlantide. C’est la bonne nouvelle.
Je prends tout cela en note. Dessinant un morceau de la carte pour m’assurer de n’oublier aucune information. J’écris hâtivement ma destination :« La Bibliothèque de MacGuffin », ravie de voir tout cela prendre forme plus clairement.
— Et la mauvaise nouvelle ?
— Les mauvaises nouvelles, me contredit-t-il, ce lieu est l’un des plus dangereux surtout pour toi. Et il est proche d’un lieu encore plus périlleux pour elle.
La mine de mon crayon se casse alors que le pire traverse mon esprit.
— La Bibliothèque se trouve au centre du territoire des Ombres qui vont s’en prendre constamment à toi, explique-t-il, le territoire des Ombres se trouve sur la même île que la résidence principale de la Présidente… qui est obsédée à l’idée de la récupérer, elle.
Mon stylo m’échappe des mains et tombe au sol dans un bruit sourd que je ne parviens pas à entendre. Mes oreilles sifflent alors que l’image de ces bêtes traverse mon esprit. Je me redresse en secouant la tête.
— Non, c’est hors de question.
— La Cérébrale ne supporte pas les challenges ? me demande-til en buvant une gorgée de thé.
Je récupère mon sac pour me préparer à quitter la cabane.
— Tu pensais que cela allait être facile ? me demande-t-il, que tu allais arriver avec tes théories, tes études, tes recherches, et la sortir de là aussi facilement ?
Je me retourne en serrant les dents, le visage rempli d’angoisse.
— Je ne la connais même pas, rétorquai-je.
— Toi, mieux que quiconque, peut bien avoir conscience que toute vie mérite d’être sauvée, non ?
Des cris me font sursauter, comme une lueur de panique générale lointaine. Ou peut-être pas si lointaine que ça. J’ouvre la porte en grand, suivie de Grand-père. Il arrive derrière moi et son visage s’obscurcit. J’ai le sentiment de rêver… Seulement le sentiment. Car ce que je vois devant moi m’apparaît comme la chose la plus réelle au monde. Une force mauvaise et négative d’une puissance inébranlable. Des nuages immenses de noirceur entourent, maintenant, le village… Et s’approchent de moi. Je me tourne vers Grand-père.
Ce dernier me pousse à sortir de la maison et me donne une sorte de revolver, mais dont l’embout ressemble à une grosse lampe de poche.
— Cet appareil ne peut que les ralentir… me prévient-il, il ne te permettra pas de te débarrasser d’eux.
Je regarde l’arme en tremblant, reviens vers les nuages avançant vers moi avec une intensité destructrice. Je suis tétanisée avant même d’avoir reçu le baiser froid de leur passage. Grand-père revient et me met un casque de soldat sur la tête avec force avant de me pousser à m’enfuir.
— Si tu la trouves, hurle-t-il, reste à ses côtés. Sa proximité dissimulera ta présence aux Ombres.
Les cries s’intensifient alors que les Ombres, grandes et majestueuses dans leurs horreurs, traversent la colline en s’avançant vers moi. Une poussée d’adrénaline me réveille et je me mets à courir dans la forêt en espérant que le bois des arbres me protégera et me cachera. Je ne suis pas du tout sportive, je m’essouffle vite… Mais mon instinct de survie me pousse à tenir la cadence voire à l’accentuer. Derrière moi, j’entends le chaos du passage des nuages qui, de leurs mains noires et fumeuses, détruisent les arbres en cherchant à m’atteindre.
Mes doigts serrent l’arme avec tant de force que je ne sens plus mes jointures. Je ne trouve pas l’opportunité de l’utiliser et je crains de m’arrêter pour prendre le risque de faire face au danger. Je continue de courir, la respiration haletante, les jambes douloureuses, évitant, comme je le peux, les buissons et les racines recouvrant le sol des bois que je traverse.
J’aimerais prendre le temps d’analyser mes nouveaux adversaires, mais je suis tétanisée par la peur, les poumons douloureux, le crâne en feu dû à ma respiration que je ne contrôle pas suffisamment par manque d’exercice. Bientôt, je m’effondrerai. Non… Ce n’était pas prévu ainsi !
Après une course d’une quinzaine de minutes, je remarque, au bout du chemin que j’ai emprunté, que j’ai atteint l’orée de la forêt. Je tressaille d’espoir à l’idée de recevoir de l’aide jusqu’à réaliser être arrivée au bord d’une falaise, sans possibilité d’échappatoire. Je regarde rapidement l’arme dans mes mains. Elle est basique, un canon en forme de torche électrique, une détente et une bonne prise en main. Si je parviens à trouver le courage de me retourner avant qu’il ne soit trop tard…
La falaise apparaît devant moi, plus de temps de tergiverser. Je saisis l’arme de ma main gauche, opère un rapide demi-tour et tire en direction des horribles bruits de souffle froid et de destruction qui m’accompagnaient depuis plusieurs minutes. Une énorme détonation résonne dans l’atmosphère suivie d’une sorte de sonnette d’alarme. Un éclat de lumière aussi violent qu’un laser de haut-niveau avec une intensité inégalable sort du canon et frappe la monstruosité qui me pourchassait.
Pas de cri de sa part, rien d’humain ou de sensible dans ces choses. L’étrange nuage d’une dizaine de mètres se contente de se décaler pour éviter mon rayon, mais je le redirige où qu’il se rende. Il finit par se dupliquer et m’entoure, sans me laisser d’autres échappatoires qu’une violente chute. Je tourne autour de moi-même avec l’arme en main en pleurant sans savoir où tirer, où placer le faisceau de lumière. Je sens la puissance de la lumière décliner et je n’imaginais pas finir ainsi.
Le nuage se montre plus insistant et s’approche de moi de partout, attendant que je fatigue pour donner le coup de grâce.
— Cassez-vous de là, espèce de pet de vache !
Le cri me surprend. Je tourne la tête et me trouve éblouie par une lueur plus forte encore que l’arme que m’avait donnée Grand-père. Je sens une main attraper mon sac à dos et me tirer vers le haut à vitesse grand V. Mon souffle se coupe soudain alors que je me sens aspirée par un esprit mystérieux. Je me retrouve au sommet d’un arbre sur une grosse branche.
Mon héroïne me lâche et je dois me rattraper rapidement pour ne pas tomber dans le vide. Je mets un temps pour réaliser que j’ai, encore, perdu mes lunettes et le casque qui recouvrait mon crâne. J’ai dû les perdre dans ma course ou quand j’ai été aspirée. Je suis incapable de voir le combat. Mais je l’entend. Les cris, les tirs, les plans de bataille et les prénoms inconnus lancés au hasard dans la précipitation.
— On est quand même mieux loin de tout ce raffut, entendis-je à côté de moi.
— Nom d’un écureuil, sursautai-je en manquant de lâcher la branche me raccrochant à la vie.
Le nouveau venu me retient. Je n’arrive pas à le percevoir, mais il a l’air jeune, brun… Et c’est tout ! Je ne peux rien dire de plus sur lui. Je plisse les yeux, mais c’est peine perdue.
— Binoclarde hein ? en conclut-il. Je suis Raven.
Je le vois tendre une main vers moi. Remarquant que j’hésite, il attrape mon poignet et guide, lui-même, le geste traditionnel de salutation. Il s’assoit à côté de moi et observe le combat qui continue de plus belle en bas.
— Tu veux que je te décrive les hostilités ? J’ai de bons talents de narrateur, tu sais…
Il lâche un cri qui me fait sursauter et se redresse en hurlant.
— Laetitia, tu viens de me jeter de la boue… Ça ne part pas au lavage, tu es écœurante.
— Et toi, pédant, rétorque la même voix que celle qui m’a sauvé la vie.
Un cri ultime résonne dans la forêt, une énorme implosion de lumière me fait sursauter et m’éblouit. Je me couvre les yeux. Un petit temps passe, silencieux, les oiseaux se remettent à chanter en cœur. L’équipe se réjouit de la victoire en se frappant les mains avec frivolité.
— Et Ira a encore mis fin au combat, crie Raven en applaudissant.
— Et, pendant ce temps, Raven n’a rien fait d’autre que de se la jouer 'présentateur télé' pour Madame Myopie, rétorque une femme avec une voix puissante et profonde.
— Tiens d’ailleurs, je les ai trouvés par terre.
Une jeune fille apparaît à côté de moi, je ne vois rien d’autre que sa silhouette et sa main me tendant mes fameuses montures. Je les attrape, embarrassée, et les met sur mon nez avant de lever la tête vers la nouvelle venue.
Nom d’un écureuil ! Je n’étais pas préparée à cela, à ces monstres, à cette mission, à cette pression et à ces ennemis. Mais je remarque que, maintenant que je me tiens en face d’elle, je n’étais, également pas prête à son regard.
Elle a l’air complètement paumée celle-là. On pourrait croire qu’elle débarque seulement sur terre. Je penche la tête sur le côté pour observer les traits de son visage, surprise par la soudaine fascination que mon cerveau construit envers elle. Elle possède un petit nez légèrement arrondi donnant une forme affectueuse à son visage. Sur ce nez, reposent des lunettes aux bords dorés protégeant de beaux yeux verts. L’ensemble de son visage est encadré par des cheveux châtains presque blonds, ondulés, en carré. Je remarque l’assurance de son regard contrastant avec la timidité de sa posture alors qu’elle ne me quitte pas des yeux.
Je me racle soudain la gorge, détourne les yeux et, aidée par la corde de Laetitia, descend de l’arbre. Une fois en bas, Kanashi s’approche de moi pour me lécher la main. Je recule et le repousse.
— Laetitia, hurlai-je, surveille ton foutu chien !
Laetitia descend enfin avec la jeune fille que nous avons sauvé dans ses bras. Elle est la plus jeune du groupe, elle a tout juste 11 ans, les cheveux longs, blonds et en bataille, toujours recouverts d’un bob rouge. Elle ouvre les bras pour accueillir, contre elle, le Shiba Inu qui nous sert de compagnon.
— Tu ne peux pas juste le caresser en retour ? Se plaint-elle, il t’adore ?
— Je suis d’accord avec Luna, me défend Raven, ce genre de bête transporte des centaines de germes avec eux… Et les puces, c’est une malédiction.
Raven est à peine plus jeune que moi, de quelques années seulement, il vient d’avoir 19 ans. Il est notre infirmier et reste en retrait pendant les combats, refusant de se prêter aux hostilités. Avec ses yeux noirs bridés et son costume, il pourrait facilement passer pour un homme d’affaires coréen.
— Je n’avais jamais vu ça, s’extasie Ira en vérifiant les contrôles de son arme, des Ombres sauvages qui s’en prennent ainsi à quelqu’un sans ordre de la Présidente, c’est incroyablement rare.
Ira s’approche de moi pour me montrer son arme. Je vérifie ce qui a bloqué la détente plus tôt dans le combat, mais ne trouve rien.
— Je vais la nettoyer ce soir, lui ai-je promis en prenant l’appareil, elle doit juste s’être encrassée.
Elle hoche la tête, attrape son sac et boit un peu d’eau. Une vraie guerrière cette femme ! Des cheveux noirs tressés, une véritable armure sur les bras et des muscles dignes d’une parfaite bodybuildeuse. Elle est la seule garde du corps dont on pourrait avoir besoin… Mais elle n’est pas très loquace et possède de grandes difficultés pour créer des liens sociaux. Laetitia aime bien lui rappeler de sourire, car elle pose souvent, sur son visage, un air blasé et colérique qui peut faire peur.
Ses dernières paroles percutent mon cerveau. Jamais je n’ai vu d’Ombres attaquer aussi librement quelqu’un. Je me tourne vers la jeune fille que nous avons sauvée in extrémis et remarque l’arme qu’elle porte dans ses mains. Les jointures de ses doigts sont blanchies par la force qu’elle met pour s’accrocher à l’appareil. Je m’approche d’elle, elle recule instinctivement. Je lui prends son arme et l’observe à la lueur du soleil.
C’est artisanal, mais je pense que Beldur saura d’où vient cet objet, car il n’est pas de fabrication industrielle comme les nôtres. Je me baisse vers la jeune fille.
— Tu es qui ? lui ai-je demandé, tu as dû faire quelque chose de vraiment sale pour t’attirer l’attention des Ombres.
Elle secoue la tête nerveusement avant de baisser les yeux vers son sac qu’elle tient dans ses bras. Je serre les dents.
— Ar… Ariane Web, se présente-t-elle en tendant la main vers moi.
Je baisse les yeux vers sa main, lève les yeux au ciel et lui tourne le dos.
— Luna Poderoso, ai-je répondu avant de rejoindre Beldur sortant de la forêt avec sa hache sur l’épaule.
Il est le plus vieux du groupe. Du haut de ses 65 ans, il possède une sagesse et une véritable connaissance du terrain le poussant à nous surprotéger. Il est obsédé par le contrôle et ne laisse rien au hasard. Il plaque ses cheveux mi-long gris sur son crâne et se penche vers moi avec un petit sourire. Me regardant de haut en bas, je devine qu’il veut s’assurer que je ne suis pas blessée.
— Je vais bien, l’ai-je rassuré, la Princesse aussi.
Je montre la jeune fille, Ariane, d’un mouvement de tête presque dédaigneux. Beldur acquiesce et prend l’arme que je lui présente avant de l’observer à la lueur du soleil descendant de son zénith. Il claque la langue et siffle d’admiration.
— Tu as eu ça où, Princesse ? lui demande-t-il en montrant la Luxarma.
— J’ai… On me l’a donné.
— On dirait une arme originale ? Non ? demande Raven en regardant l’objet sans oser le toucher.
Kanashi revient à côté de moi et pose ses pattes avant sur mes cuisses. Je le repousse en lâchant un cri d’agacement.
— Laetitia, ton chien.
En tournant la tête, je remarque que Laetitia regarde Ariane avec fascination. Elle s’est mise sur la pointe des pieds et s’amuse à toucher le visage de la jeune fille en riant doucement.
— Lâche ça, Laetitia, la prévient Raven, on sait pas où ça a trainé.
— On peut la garder ? demande-t-elle dans une supplique.