Aux portes de l'oubli - Barbara Bret-Morel - E-Book

Aux portes de l'oubli E-Book

Barbara Bret-Morel

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Beschreibung

Alors qu'il entame une nouvelle année de lycée, Jacob est loin de s'imaginer que sa vie s'apprête à changer...

Jacob est un ado de 16 ans, plutôt bien dans sa peau mais qui souffre d’un léger manque de confiance en lui. Lors d’un échange linguistique dans son lycée, il fait la connaissance d’Annabelle. Cette jeune beauté américaine et mystérieuse semble capable d’apaiser ses peurs et ses colères et surtout de développer certaines capacités. Elle lui propose un marché : s’il le souhaite, elle peut l’aider à transformer son apparence. Mais rapidement, Jacob s’aperçoit que tout a un prix.
Lorsque la jeune fille disparaît du jour au lendemain, il va tout faire pour la retrouver. Ses recherches le conduisent vers un étrange médaillon, celui qui permet d’accéder aux portes de l’oubli…

À la frontière entre réel et fantastique, Aux portes de l'oubli réunit tous les ingrédients d'un roman pour ados réussi !

EXTRAIT

Ce soir-là, en sortant de cours, je me remémorai cette première journée. J’aimais bien aller au lycée, le contact avec d’autres jeunes m’obligeait à combattre mon inclination naturelle à la solitude et à la réflexion. Édouard était le seul véritable ami que j’aie jamais eu. Lui aussi me poussait à m’ouvrir aux autres, à combattre ma timidité, je savais qu’il avait raison.
Victoria me trottait dans la tête, pourtant j’étais déjà persuadé qu’elle serait une source d’ennuis. Je ne supportais pas les filles comme elle, arrogantes, sûres d’elles et terriblement jolies. En même temps, elles m’attiraient tels des aimants. Comme si, à leur contact, je pouvais devenir comme elles, confiant et attirant.
Je songeai à Annabelle, tellement lointaine, tellement différente, tellement… comme moi. Je me sentais proche d’elle, sans la connaître vraiment, ainsi qu’on peut l’être de quelqu’un qui nous ressemble. C’était rassurant. Tout en laissant libre cours à mes pensées, je montai dans le bus qui me ramènerait à la maison. Je me dirigeais vers l’arrière lorsque la même sensation de bien-être qu’au parc m’envahit. Je levai les yeux, elle était là, qui me souriait.
Hésitant, je m’assis à côté d’elle.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Mariée et mère de deux enfants, Barbara Bret-Morel n’a jamais quitté l’école ! Professeur de français depuis de nombreuses années dans un collège de la banlieue lyonnaise, elle côtoie depuis toujours le monde de la jeunesse et des adolescents. Elle se considère elle-même comme une « adulescente », entre l’insouciance de l’adolescence et le monde trop sérieux des adultes. Même si son métier la passionne, elle est néanmoins attirée depuis toujours par l’écriture et le théâtre. Après quelques contes et petites histoires, dont ses enfants sont les héros, deux comédies pour sa troupe de théâtre, mises en scène en 2010 et 2015, elle publie aujourd’hui Aux portes de l’oubli, un roman qui surfe entre réalité et fantastique, destiné en priorité à ces ados qu’elle apprécie tant.

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PRÉSENTATION DE L'AUTEUR

Mariée et mère de deux enfants, Barbara Bret-Morel n’a jamais quitté l’école ! Professeur de français depuis de nombreuses années dans un collège de la banlieue lyonnaise, elle côtoie depuis toujours le monde de la jeunesse et des adolescents. Elle se considère elle-même comme une « adulescente », entre l’insouciance de l’adolescence et le monde trop sérieux des adultes. Même si son métier la passionne, elle est néanmoins attirée depuis toujours par l’écriture et le théâtre. Après quelques contes et petites histoires, dont ses enfants sont les héros, deux comédies pour sa troupe de théâtre, mises en scène en 2010 et 2015, elle publie aujourd’hui Aux portes de l’oubli, un roman qui surfe entre réalité et fantastique, destiné en priorité à ces ados qu’elle apprécie tant.

RÉSUMÉ

Jacob est un ado de 16 ans, plutôt bien dans sa peau mais qui souffre d’un léger manque de confiance en lui. Lors d’un échange linguistique dans son lycée, il fait la connaissance d’Annabelle. Cette jeune beauté américaine et mystérieuse semble capable d’apaiser ses peurs et ses colères et surtout de développer certaines capacités. Elle lui propose un marché : s’il le souhaite, elle peut l’aider à transformer son apparence. Mais rapidement, Jacob s’aperçoit que tout a un prix. Lorsque la jeune fille disparaît du jour au lendemain, il va tout faire pour la retrouver. Ses recherches le conduisent vers un étrange médaillon, celui qui permet d’accéder aux portes de l’oubli…

Cette nuit-là, je rêvai d’Annabelle. Elle portait une robe blanche, très longue et très vaporeuse. Elle se tenait face à moi, ses mains sur mes épaules. Elle me faisait pivoter très lentement vers un miroir. Mon reflet était magnifique : un visage assuré, un sourire éclatant, des pectoraux et des abdos visibles, un véritable Jacob de cinéma ! Elle se hissait alors sur la pointe des pieds pour me murmurer : « Je peux t’aider, Jacob, j’en ai le pouvoir… »

Je m’appelle Jacob. J’ai seize ans. Ma mère est une folle inconditionnelle de la saga Twilight. C’est pour ça que je m’appelle ainsi. Je la soupçonne d’avoir été plus ou moins en amour avec le personnage du beau loup-garou, fort et puissant, qui vole au secours de sa belle, tout en exhibant une plastique et des abdos irréprochables. À son âge, franchement !

Bref, toujours est-il que moi, j’hérite d’un prénom légèrement lourd à porter, d’autant plus que je suis taillé à peu près comme une asperge… Vous imaginez, les filles, quand je leur dis que je m’appelle Jacob, elles ont tout de suite l’image de l’autre, là, qui passe sa vie torse nu, parce que les loups n’ont jamais froid !

Mon meilleur ami s’appelle Édouard. Je vous jure que c’est vrai. Sauf que lui, il est beau comme un dieu, s’habille comme un prince, se coiffe d’une manière volontairement désordonnée. Les filles sont folles de lui, évidemment. Tout en lui rappelle le héros du film, je me demande même parfois ce qu’il fait, lorsqu’il disparaît, certains jours de soleil. Ces jours-là, je me sens moins invisible aux yeux des autres. Pourtant, je l’adore, mon pote Édouard, nous sommes totalement inséparables, mais il faut avouer que quelquefois, je lui envie sa popularité et son succès. Qui sait, peut-être que d’un coup de baguette magique, je me transformerai moi aussi, un jour ? Mon corps deviendrait musclé, je serais rapide, élégant et séduisant…

CHAPITRE 1

Une nouvelle rentrée, de nouveaux profs, peut-être de nouveaux élèves… J’entrais en 1re S, avec une option littérature fantastique. Je retrouvai Édouard dans la cour, déjà entouré d’une pléiade de jolies filles !

— Salut Jacob ! me lança-t-il.

— Salut !

— Viens que je te présente, ajouta-t-il. Voici Annabelle, Krystal, Victoria et Rebecca. Elles arrivent tout droit de Seattle, pour un échange d’un an dans un lycée français, et elles sont parfaitement bilingues ! Je leur ai proposé qu’on leur serve de guide, t’es d’accord évidemment ?

Je m’approchai, un peu intimidé. Comment faisait-il pour être toujours aussi à l’aise avec tout le monde et en particulier avec les filles ? Moi, dès que l’une d’elles me plaît, je me transforme aussitôt en une sorte de gros mollusque inintéressant, collant et maladroit. Du coup, la plupart du temps, je me retrouve tout seul. Malgré tout, je lançai, d’un air aussi assuré que je le pouvais :

— Hi ! Je m’appelle Jacob. Bienvenue en France !

Aussitôt, un éclat de rire éclata à mes tympans :

— Jacob ! Édouard et Jacob, comme dans Twilight. Tu plaisantes, non ? C’est une technique pour impressionner les filles ?

Je me retournai, furieux. Je ne supportais pas cette plaisanterie stupide, qui ne faisait qu’aggraver mon sentiment d’infériorité. Je me préparais déjà à laisser sortir une remarque bien acerbe de mes lèvres, lorsque j’entendis :

— Remarque, ce n’est pas possible, pour impressionner qui que ce soit, il faudrait déjà que… Non, laisse tomber.

La petite phrase assassine m’atteignit en plein cœur, mais je ne laissai rien paraître. Avec le temps, j’avais appris à me protéger des attaques extérieures, de ces petites méchancetés qui vous pourrissent la vie mais contre lesquelles vous ne pouvez rien. Alors, j’encaissais, j’intériorisais, je gardais tout au fond de moi, j’enfermais à double tour et je jetais la clé.

J’observai l’auteure de mes premiers maux de la journée. Comment Édouard avait-il dit qu’elle s’appelait, déjà ? Elle était belle, elle était grande, elle avait de magnifiques cheveux noirs bouclés, qui encadraient un visage sorti tout droit d’une aquarelle.

Comme pour enfoncer un peu plus le couteau qu’elle venait de planter, elle ajouta, faussement penaude :

— C’est que, tu comprends, j’ai revu le film, dans l’avion, en français, pour m’entraîner… Alors, Édouard, oui, peut-être, y’a quelque chose, mais Jacob… vraiment, non !

De nouveau, elle éclata de rire, un joli rire cristallin, qui scintillait, un de ces rires qu’on voudrait attraper au vol et enfermer dans un recoin de sa mémoire, pour le laisser sortir, un de ces jours de grisaille où tout nous semble terne et triste, et qui d’un coup, nous redonnerait le sourire. Le sien s’envola, loin, très loin, au-delà des bâtiments du lycée, s’évanouit comme un souvenir et je restai là, à essayer d’en capter l’écho.

La sonnerie me tira de ma rêverie et j’emboîtai le pas machinalement au groupe, Édouard en tête. La matinée se déroula rapidement, distribution des emplois du temps, énumération des profs… Tiens, ce serait une nouvelle en littérature fantastique, je n’avais jamais entendu ce nom. J’interrogeai Édouard du regard, lui qui était toujours au courant de tout, mais non, il haussa les épaules en signe de dénégation. Le prof principal continua son speech de rentrée, souhaita la bienvenue aux étudiantes américaines, les présenta au reste de la classe. J’écoutai, ma jeteuse de remarques s’appelait Victoria… J’en profitai pour détailler les autres étudiantes : Rebecca semblait un peu perdue, ses cheveux blonds relevés en queue de cheval la faisaient ressembler à une petite fille sage, d’ailleurs elle paraissait bien plus jeune que les autres, une impression sans doute, il fallait au minimum avoir seize ans pour pouvoir participer au programme d’échange.

Krystal, quant à elle, avait l’air déterminée et attentive, elle n’avait cessé de prendre des notes depuis le début du cours, remontant sans cesse ses lunettes Guess sur le haut de son nez, permettant ainsi à ses yeux couleur d’ébène de ne rien rater de ce qui l’entourait. Telle une petite souris, elle s’affairait, s’appliquait, se concentrait, comme si le fait de manquer une information pouvait compromettre tout le reste de son existence. Je la trouvai touchante.

La quatrième, Annabelle, sortait sans doute d’un conte de fées, ou d’un roman de fantasy, longue, élancée, presque gracile, une peau d’une extrême pâleur, quasi translucide, une immense chevelure auburn qui descendait jusqu’à la courbe de ses reins, des doigts tellement gracieux lorsqu’ils couraient sur le papier qu’on les aurait dit animés d’une vie propre. Elle avait été projetée là, par hasard ; c’est sûr, un jour elle s’évaporerait comme elle était venue, elle semblait si… lointaine.

La cloche de midi mit fin à ma quiétude d’observateur. Édouard était déjà près de moi, suivi de ses quatre nouvelles amies.

— On va manger à l’extérieur du lycée ? Les cours ne commencent qu’à 15 heures, on pourrait rester dans le parc, pour profiter du beau temps.

J’acquiesçai, tout en souriant intérieurement. Sacré Édouard ! Toutes les occasions étaient bonnes pour se prélasser sur la pelouse, dans le grand parc qui jouxtait notre lycée. Et c’était tellement romantique aux yeux des filles, de s’allonger nonchalamment au pied d’un arbre en fleur, tout en acceptant de poser leur tête sur votre jambe, pour ne pas que leur chevelure soit remplie de brins d’herbe…

J’emboîtai le pas à Édouard, et tels des chevaliers servants pour leurs dames, nous partîmes en quête de nourriture et de breuvage, c’est-à-dire que nous traversâmes la rue pour nous rendre dans la boulangerie en face du lycée, où nous commandâmes pêle-mêle sandwiches, salades, sodas et gâteaux.

Les filles nous attendaient à la sortie de la boutique et tous ensemble, nous nous rendîmes au parc Rimbaud. C’était vraiment une belle journée, le soleil chauffait les épaules et la peau, la vitamine D s’infiltrait en nous, tout poussait à la paresse et à la rêverie.

— Hé, Jacob ! s’exclama la belle Victoria. Tu pourrais accélérer un peu, non ?

Cette fois, je ne me laissai pas faire et répliquai :

— Dis donc, il t’arrive parfois d’être agréable avec les autres, ou tu réserves ta bonne humeur au peuple américain ?

— Ça va, répliqua-t-elle. C’est donc vrai que vous n’avez aucun humour, vous autres les Français ?

— Aucun humour mais un minimum de politesse, figure-toi, ce qui n’est pas ton cas !

Édouard intervint alors, comme s’il n’avait rien entendu :

— Que diriez-vous de nous installer ici, on est à cinq minutes du lycée, on pourra rester jusqu’au dernier moment ?

Je bougonnai un « d’accord » entre mes dents et m’arrangeai pour être le plus éloigné possible de la petite peste américaine. Pour qui elle se prenait, cette espèce d’arrogante ? La beauté n’autorisait pas tout. Peu à peu, cependant, l’atmosphère se détendit, je plaisantai avec Krystal, Rebecca et Annabelle, je parvins même à sourire à une ou deux remarques de Victoria. Édouard et moi leur expliquâmes le fonctionnement du lycée, les options que l’on pouvait suivre. Je m’aperçus qu’Annabelle, comme moi, s’était inscrite au cours de littérature fantastique, une sorte de bouffée d’oxygène dans un emploi du temps rempli de sciences et de mathématiques. Le proviseur avait demandé aux autres filles si elles voulaient bien intégrer le cours d’anglais européen, pour motiver les autres élèves. Du coup, comme Édouard faisait partie de cette section, il pourrait de nouveau jouer au gentleman, il serait très à l’aise dans ce rôle-là !

Un peu avant quinze heures, nous rassemblâmes nos affaires et nous dirigeâmes tranquillement vers le lycée. J’observai Victoria à la dérobée, elle avait quelque chose de magnifique, une sorte d’aura qui se dégageait d’elle, inexprimable. Aussitôt, mon inconscient, ou mon subconscient, ou les deux, intervint, et une lutte s’engagea en moi :

— Dis donc Jacob, dit l’un, tu ne vas pas trouver cette fille attirante, tout de même ? Tu as vu comment elle se comporte avec toi ?

— Oui, mais, répondit l’autre, tu as vu, Jacob, comme elle est belle… Qui pourrait lui résister ?

— Toi, tu pourrais, reprit ma conscience. Cette fille n’est pas faite pour toi, tu vas encore être malheureux, laisse tomber.

— Ça dépend, renchérit l’autre. Je suis sûr qu’il ne te manque pas grand-chose pour la séduire, réfléchis-y.

— Ça suffit, tous les deux !

Sans m’en rendre compte, j’avais parlé à haute voix. Édouard me jeta un coup d’œil, l’air interrogateur. Il avait l’habitude de mes conversations intérieures, ne s’inquiétait plus depuis longtemps, même s’il me répétait régulièrement que je ferais mieux de parler directement aux personnes concernées, que ma vie serait plus simple. Victoria, quant à elle, s’engouffra dans ma faille :

— Dis donc, ce ne sont pas les petits vieux, normalement, qui parlent tout seuls ?

Aussitôt mon agressivité ressurgit :

— Le petit vieux te salue bien bas, mademoiselle « j’ai un commentaire à faire sur tout et tout le monde ». Oublie-moi un peu, tu veux, ça me fera des vacances !

Une main fraîche se posa alors sur mon bras nu et une voix vaporeuse me parvint :

— Ne t’énerve pas Jacob, laisse-la.

D’habitude, qu’on me dise de ne pas m’énerver produit l’effet inverse, je m’emporte encore plus et je peux devenir très désagréable, voire grossier. Je m’apprêtais à rétorquer lorsque je sentis une sorte de fourmillement courir le long de mon bras, remonter le long de mon épaule, envahir le haut de mon dos. Une nappe de bien-être m’envahit, inexplicable. Les mots moururent au bord de mes lèvres. Je regardai la main d’Annabelle, toujours posée sur mon avant-bras, suivis la courbe de ses doigts, comme fasciné. Je relevai la tête, croisai son regard, me noyai dans l’immensité bleue de ses iris, j’avais l’impression de perdre pied, je tombais, attiré par le néant…

— Jacob ! Bouge-toi un peu, la cloche vient de sonner ! Tu vas rater ton premier cours de fantastique !

Édouard me poussait, me secouait, m’obligeait à courir. J’arrivai essoufflé au bâtiment de littérature, montai quatre à quatre les escaliers, volai jusqu’à la porte de la salle au moment où la nouvelle prof se présentait aux élèves :

— Bonjour, je m’appelle mademoiselle Bianca, je suis votre professeur de littérature fantastique.

Elle se tourna vers moi, souriante :

— C’est gentil de nous rejoindre, vous êtes ?

— Je m’appelle Jacob, m’dame, je suis vraiment désolé pour le retard.

— Eh bien, Jacob, installez-vous vite, nous allons commencer.

J’entrai dans la salle, rougissant. Moi qui détestais me faire remarquer, je crois que c’était loupé. Il restait une seule place de libre, au fond de la classe, à côté d’Annabelle. Comment avait-elle fait pour arriver avant moi et être déjà installée ? Nous étions pourtant ensemble lorsque… Je n’eus pas le temps de réfléchir, mademoiselle Bianca avait commencé ; elle nous expliqua le programme, les livres qu’elle aimerait nous faire découvrir, les travaux que nous devrions mener à bien. Pour le cours suivant, elle nous donna un devoir un peu spécial : observer son voisin de classe, noter tout ce qui nous paraissait étrange en lui et comment on pourrait utiliser nos découvertes dans un récit fantastique. Je levai la main, sceptique :

— Excusez-moi mademoiselle, mais n’est-ce pas un peu intrusif, comme méthode ?

— Pas du tout Jacob, répondit-elle avec un grand sourire. Il ne s’agit pas d’espionner ou de suivre votre voisin, en l’occurrence votre voisine, il s’agit de montrer que l’on peut donner un double sens à propos de quasiment chaque geste anodin de la vie quotidienne.

— Ce n’est pas rationnel, comme principe, rétorquai-je.

— Je sais, répliqua-t-elle, c’est d’autant plus intéressant pour vous qui suivez une filière scientifique, où tout doit avoir une explication. Vous verrez, vous allez adorer cette expérience !

La sonnerie de fin de cours retentit sur ces dernières paroles. Tout en rangeant mes affaires dans mon sac, je jetai un coup d’œil à la dérobée sur Annabelle. Ses longs doigts diaphanes semblaient si fragiles, on avait l’impression qu’ils laissaient passer la lumière. Pouvais-je considérer ça comme étrange ? Bien sûr que non, voyons ! Annabelle avait tout simplement la peau très claire, qui laissait apercevoir les veines de ses mains, et le soleil qui tapait derrière la vitre avait renforcé cette impression de fragilité, voilà tout ! Néanmoins, mon esprit nota ce détail. Après tout, il s’agissait d’un devoir, autant le faire de la manière la plus sérieuse possible…

Ce soir-là, en sortant de cours, je me remémorai cette première journée. J’aimais bien aller au lycée, le contact avec d’autres jeunes m’obligeait à combattre mon inclination naturelle à la solitude et à la réflexion. Édouard était le seul véritable ami que j’aie jamais eu. Lui aussi me poussait à m’ouvrir aux autres, à combattre ma timidité, je savais qu’il avait raison.

Victoria me trottait dans la tête, pourtant j’étais déjà persuadé qu’elle serait une source d’ennuis. Je ne supportais pas les filles comme elle, arrogantes, sûres d’elles et terriblement jolies. En même temps, elles m’attiraient tels des aimants. Comme si, à leur contact, je pouvais devenir comme elles, confiant et attirant.

Je songeai à Annabelle, tellement lointaine, tellement différente, tellement… comme moi. Je me sentais proche d’elle, sans la connaître vraiment, ainsi qu’on peut l’être de quelqu’un qui nous ressemble. C’était rassurant. Tout en laissant libre cours à mes pensées, je montai dans le bus qui me ramènerait à la maison. Je me dirigeais vers l’arrière lorsque la même sensation de bien-être qu’au parc m’envahit. Je levai les yeux, elle était là, qui me souriait.

Hésitant, je m’assis à côté d’elle.

— Quelque chose ne va pas ? me demanda-t-elle, prévenante.

— À vrai dire, je ne sais pas trop. Il y a certains phénomènes que je ne m’explique pas lorsque tu es là.

— Ah bon ? répliqua-t-elle, souriante. Lesquels ?

— Dans le parc, cet après-midi, commençai-je.

— Oui, tu as eu une sorte d’absence, ça t’arrive souvent ?

— Comment ça, une absence ?

— Oui, reprit-elle, Édouard nous a dit de ne pas nous inquiéter, qu’il s’occupait de toi. Nous sommes allées en cours, mais j’avoue que je me suis fait un peu de souci, jusqu’à ce que tu arrives en classe.

— Il ne fallait pas, dis-je dans un murmure.

Ainsi donc, c’est moi qui avais un problème ! Un peu abasourdi, je me tus, jusqu’à mon arrêt. Je descendis après avoir salué Annabelle et lui avoir souhaité une bonne soirée. J’envoyai un texto à Édouard tout en marchant :

« Faut qu’on parle. »

La réponse fut quasi immédiate :

« Ok. 20 heures chez toi. »

CHAPITRE 2

— Vas-y, explique. Que se passe-t-il ?

Assis en tailleur sur mon lit, Édouard s’était collé le dos au mur. Je l’observai, une pointe d’envie au cœur. J’aimerais tellement lui ressembler, ma vie serait sûrement plus simple.

— Victoria ? continua-t-il. J’ai bien vu qu’elle ne t’était pas indifférente. Raconte.

Je protestai :

— Mais non ! Il ne s’agit pas de Victoria, voyons ! Évite de me parler d’elle d’ailleurs, tu seras gentil.

— Et pourquoi ça ? insista-t-il.

— Tu sais très bien ce que je pense de ce genre de fille. Laisse tomber, je ne t’ai pas fait venir pour ça.

L’œil malicieux, il enchaîna :

— Je sais bien mais avoue quand même que j’ai raison. Non ?

— Bien sûr que tu as raison, comme d’habitude. Mais le problème n’est pas là.

Édouard redevint sérieux, presque grave.

— Je t’écoute.

— Tu te souviens cet après-midi, quand tu m’as secoué pour aller en cours ?

— Comment veux-tu que j’oublie ? En retard dès le premier jour, ça aurait fait désordre…

— Que s’est-il passé exactement ?

— Tu traînais, comme tu le fais si souvent, pardi !

J’ajoutai, une pointe d’angoisse dans la voix :

— Rien d’autre, tu es sûr ?

— Tu me fais peur, là. Que se passe-t-il, Jacob ?

Édouard s’était soudain redressé, l’air soucieux. J’adorais ce type, insouciant une seconde, plein d’empathie et de sollicitude la seconde suivante. Il me scruta, attendant une réponse. Comme je gardais la bouche obstinément fermée, il insista :

— Jacob, tu me connais, fais-moi confiance !

Alors, je me lançai, je racontai ma conversation avec Annabelle, comment je m’étais senti bête et vulnérable, puis j’attendis la réaction de mon ami. Il allait se moquer de moi, c’est sûr, me dire que j’avais trop d’imagination, que je devrais écrire des romans, histoire d’évacuer toutes ces tensions qui m’habitaient.

Mais Édouard ne rit pas, n’esquissa même pas l’ombre d’un sourire. Au contraire. Au fur et à mesure de mon récit, il avait pâli, ses lèvres s’étaient mises à trembler, il avait perdu toute cette assurance que je lui enviais tant.

Sa voix était à peine audible lorsqu’il me demanda :

— Tu dis qu’elle a posé sa main sur ton bras et que tu t’es senti extrêmement bien ?

— Oui, c’est ça, mais qu’est-ce qui… ?

Je n’eus pas le temps de finir ma question, Édouard avait sauté de mon lit et s’était précipité vers mon ordinateur. Ses doigts couraient fébrilement sur le clavier. Lorsque je me penchai par-dessus son épaule, la page d’un fait divers s’étalait sur l’écran :

La nuit dernière, alors qu’il rentrait d’une soirée chez des amis, un jeune homme de seize ans a été pris de violents vertiges. Il s’est alors arrêté sur le bas-côté, est descendu de son scooter. Une fourgonnette a stoppé devant lui et selon ses dires, une jeune femme en est sortie, s’est approchée de lui, a posé sa main sur son crâne. Il a aussitôt ressenti une vague de bien-être, les vertiges se sont estompés. Quand il a voulu la remercier et lui demander qui elle était, elle avait disparu. En regardant sa montre, il s’est aperçu que plus de trois heures s’étaient écoulées depuis le début de son malaise. Inquiet, il s’est rendu aux urgences. Le scanner qu’il a passé n’a rien révélé d’anormal. La jeune fille reste introuvable.

Perplexe, je me tournai vers Édouard :