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L'origine du mot « baroque », appelé à une si grande fortune, doit être raisonnablement reconnue dans le mot portugais barroco, qui désigne la perle irrégulière, voisin du castillan berrucco, qui était lui-même entré dans la langue technique de la joaillerie au XVIe siècle...
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Seitenzahl: 102
Veröffentlichungsjahr: 2015
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ISBN : 9782852297319
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L’origine du mot « baroque », appelé à une si grande fortune, doit être raisonnablement reconnue dans le mot portugais barroco, qui désigne la perle irrégulière, voisin du castillan berrucco, qui était lui-même entré dans la langue technique de la joaillerie au XVIe siècle. Les dictionnaires français (Furetière, 1690 ; Académie française, 1718) l’ont accueilli avec ce sens, mais, assez rapidement, celui, figuré, d’étrange et presque de choquant fut admis.
L’Encyclopédie a cru que le terme venait du baroco des logiciens, alors que la figure du syllogisme ne traduit aucune irrégularité dans le mode de pensée. Il est assez curieux d’observer, à présent, que dans le supplément de l’Encyclopédie, de 1776, Jean-Jacques Rousseau (sous la signature S) définit la musique baroque comme celle « dont l’harmonie est confuse, chargée de modulations et de dissonances », alors que, par musique baroque, nous entendons l’école musicale du XVIIe siècle, dans une acception surtout chronologique.
Au tournant du XVIIIe et du XIXe siècle, les théoriciens partisans de l’antique et rénovateurs d’un art architectural classique ont employé l’adjectif « baroque » pour désigner ce qu’ils trouvaient de capricieux, d’extravagant, de contraire à la règle et au goût chez les maîtres italiens du Seicento. Le grand critique d’art, Jacob Burckhardt, professeur à Bâle, qui dans le Cicerone (1860) avait contribué à présenter le style baroque d’Italie comme une altération de la Renaissance, est revenu sur cette première opinion et a éprouvé une sympathie croissante envers lui. Mais, en France surtout, le XIXe siècle positif, réaliste, admirateur d’un classicisme où il croyait voir la plus parfaite expression du goût, de la raison et du génie national, a condamné l’architecture italienne et les formes qui s’étaient développées à partir d’elle. Il en est résulté que le mot baroque a été pris constamment dans une acception péjorative, jusqu’au lendemain de la Première Guerre mondiale. Alors, les esthéticiens ont prêté au baroque le caractère d’une phase de la sensibilité générale, en littérature et en art, où les valeurs de fantaisie, d’imagination se trouvaient libérées, jusqu’au désordre parfois, mais sans leur refuser l’attrait, le charme et la séduction. On ne peut reprendre ici toute l’histoire du terme baroque et de ses diverses acceptions, mais il est sans doute utile de s’arrêter sur trois observations :
1. Chronologiquement, le baroque est un style artistique général, postérieur à la Renaissance, dont les manifestations les plus affirmées se sont présentées en Italie au XVIIe siècle, et qui est passé, y recevant un accueil plus ou moins favorable, en Espagne, en France, en Allemagne, en Europe centrale, en Russie. Art d’imagination, d’invention, de somptuosité, de contrastes, il est différent de la recherche d’équilibre et d’harmonie qui forme l’idéal classique.
2. Mais jamais les artistes qui ont adopté ce style ne l’ont appelé baroque ; ils ont même ignoré, pour la plupart, le mot et le sens que nous lui prêtons. Ils ont admis d’eux-mêmes qu’ils étaient modernes. En France, on a parlé d’un genre « à la romaine ».
3. Intemporellement, c’est-à-dire pouvant être reconnu à toutes les époques et dans tous les genres de création, le baroque est l’audacieux, le surprenant, le contrasté ou l’incohérent. Il est, en principe du moins, le reflet dans les sensibilités et les expressions de périodes de transition, de difficultés internes, de remise en cause de valeurs traditionnelles, d’un affleurement de tendances profondes, douloureuses parfois, inquiètes toujours.
L’idée qu’il a existé au XVIIe siècle, et qu’il peut exister toujours des catégories baroques a certainement joué un rôle fécond pour l’analyse et la connaissance des civilisations postérieures à la Renaissance. Mais on risque de faire un usage intempérant de la catégorie si l’on donne au baroque, même chronologique, un caractère trop absolu. Après avoir réhabilité, de manière opportune, des œuvres ignorées ou méconnues à la mesure de certains critères acceptés comme des dogmes, d’une interprétation platonicienne de la beauté, on a trop rigidement opposé baroque et classicisme quand on a négligé soit les zones marginales, soit les affinités baroques d’œuvres étrangères à la catégorie, soit le problème des inclassables (juste observation de M. M. Reymond, en 1960, sur la ligne de démarcation du baroque stricto sensu, lorsqu’elle passe « à l’intérieur de groupes d’écrivains ou de formes de style qu’on serait trop tenté de considérer en bloc, soit pour les rattacher au baroque, ou pour les en distinguer », ou encore les fines suggestions de Pierre Charpentrat dans Le Mirage baroque, 1967 : « L’art baroque existe-t-il ? »).
De même, en ce qui concerne le baroque chronologique, la difficulté est grande d’en fixer les limites d’apparition et de disparition. Les critiques allemands du XIXe siècle ont parlé de Frühbarock (traduisons prébaroque ou baroque primitif), mais il n’est pas aisé de le distinguer de la Renaissance tardive. Quant au terme d’arrivée, la barrière arrêtant le baroque est assurément fournie par le néo-classicisme et le retour à l’antique : mais que dire du rococo du XVIIIe siècle, à la fois proche du baroque et différent de lui ? On glisserait vers une sorte de triptyque : Renaissance tardive ou, comme le terme a tendance à s’imposer, maniérisme, baroque, rococo, ce qui correspondrait en somme au XVIe, au XVIIe et au XVIIIe siècle. Répartition exacte qui permet d’observer une évolution historique, là encore hypothèse de travail qui aide à mieux reconnaître les étapes, mais qui ne doit pas faire oublier la fluidité ou la complexité des passages, c’est-à-dire que ces périodes, procédant l’une de l’autre, ne sont jamais hermétiquement closes et, enfin, que le classicisme français ne peut être absorbé dans la catégorie baroque, pas plus que le baroque ne doit être raisonnablement tenu pour l’altération ou la corruption d’un classicisme antérieur ou contemporain. On ne doit jamais perdre de vue que le baroque, comme tout autre style, correspond aux tendances profondes des sociétés où il se manifeste, qu’il rejoint des courants idéologiques : philosophiques ou religieux, mais qu’il se rattache également à des circonstances historiques particulières. Dans une Europe déjà aussi variée et nuancée que celle des XVIe et XVIIe siècles, il ne peut être nulle part imposé du dehors. Il se concilie avec des exigences locales et il a dû prendre, en conséquence, des aspects différents selon les pays.
Il est hors de doute que l’Italie, par la qualité des œuvres et des maîtres qui s’y révèlent alors, a fourni les modèles et donné l’impulsion. Le baroque est le style de la Contre-Réforme, a-t-on dit. À n’en pas douter, parce que le concile de Trente avait maintenu la vénération des images et qu’il avait prêté désormais à l’Église catholique le caractère d’une religion sensible, où les rites et les manifestations extérieures du culte occuperaient une grande place (ce qui n’excluait en aucune manière, cependant, le souci d’une vie religieuse intérieure et le développement du christocentrisme), la Contre-Réforme catholique favorisait les arts : construction et décoration d’églises. En outre, par la centralisation relative de l’Église, la place accordée au magistère pontifical et à Rome, elle désignait l’Italie pour être le lieu où ces expériences nouvelles seraient accomplies et deviendraient des sources d’inspiration, sinon des modèles pour toute la catholicité. Rien de tout cela ne prêtait de nécessité à l’adoption d’un style, de préférence à un autre. On a cherché dans les dernières manifestations du génie de Michel-Ange les prodromes du baroque : la fresque monumentale et tragique du Jugement dernier, à la Sixtine, la magnificence cosmique du dôme de Saint-Pierre. Déjà on peut y reconnaître les traits qui reparaîtront dans le baroque : le pathétique et le grandiose. Ils ne sont nullement exclusifs. La multiplication des ordres religieux et leur renouveau suscitent des constructions et des décorations d’églises. On pense aussitôt aux Jésuites. Leur intention première n’a point été d’introduire un style nouveau dans l’art religieux, et encore moins que ce style fût pompeux et triomphal. À peine l’un des généraux de la seconde moitié du XVIe siècle a-t-il pensé à un mode particulier (il modo nostro) pour les églises de la Compagnie, mais ses prescriptions auraient été fonctionnelles : clarté de la nef, visibilité et audibilité de toutes les parties du sanctuaire, petites tribunes. Avant tout réalistes, obligés de tenir compte des milieux où ils allaient exercer leur apostolat, les Jésuites se sont gardés d’innovations et ont montré beaucoup de souplesse dans le choix des plans, laissés aux initiatives locales, et seulement contrôlés et approuvés par Rome.
Dans le cas du Gesù de Rome, ainsi que l’a démontré le père Pirri, une intention de sévérité, de sobriété, qui a les préférences des pères, doit se concilier avec le goût plus fastueux du donateur et protecteur, le cardinal Alexandre Farnèse, prélat de la Renaissance. Le plan de Vignole, la façade régulière, massive et grave de Giacomo Della Porta maintiennent leur filiation avec les œuvres de l’époque antérieure. L’esprit des premières années de la Contre-Réforme n’est pas particulièrement favorable à l’éclat. Cependant, la prédilection de la Renaissance pour les décorations somptueuses continue à s’affirmer alors à Saint-Jean-de-Latran, dont les plafonds ornés de motifs vigoureux sont chargés d’or, et les murs du transept recouverts de fresques fleuries, d’un raffinement maniériste. Surtout, des circonstances nouvelles pressent les changements : après l’austérité de saint Pie V, le pape moine, ses successeurs rejoignent la lignée des papes mécènes et constructeurs. Italiens et fils de la Renaissance, la beauté de Rome leur paraît un hommage à l’Église et à Dieu. Sixte Quint imagine de remodeler la ville, d’y faciliter la circulation par de grandes percées et d’orner les places en y relevant les obélisques du monde païen. Souci pratique, à cause du jubilé de 1600 dont la date approche et qui doit amener dans la cité une affluence de pèlerins, mais auquel se mêle une nouvelle idéologie. Des événements heureux se succèdent en série : la victoire sur les Turcs à Lépante (1571) qui a délivré la Chrétienté de la menace de l’Islam, les progrès de la conversion en Allemagne, l’abjuration de Henri IV qui garantit la fidélité du royaume de France, autant de signes que Dieu confirme la vocation salvatrice de l’Église. Il convient de l’affirmer par des actions de grâce et, dans l’esprit général du temps comme dans la tradition propre à l’Italie qui croit à l’effet des œuvres monumentales pour frapper l’opinion en exaltant la grandeur, de fixer dans le site urbain les témoignages de ces triomphes.
Les cardinaux sont invités, de leur côté, à embellir leurs églises et à rendre leurs demeures plus imposantes. D’où la reprise des travaux à Saint-Pierre. Sur la place précédant le sanctuaire, Dominique Fontana avait, non sans peine, dressé l’obélisque. Maderna acheva la transformation de la nef, de croix grecque en croix latine, et, pour façade, il édifia un palais à colonnes, superbe et adventice, dont la loge pour la bénédiction pontificale forme le centre. Des artistes venus du Nord et de Naples se retrouvent sur les chantiers de Rome, dans les denses équipes de la fabrique de Saint-Pierre où se forment alors ceux qui vont devenir les maîtres du baroque romain : le Bernin et Borromini.
Si les églises nouvelles surgissent les unes après les autres, on ne peut manquer d’observer entre elles de grandes différences. Sans doute les façades présentent-elles la même articulation en deux ordres, avec ou sans le raccord des volutes, le même couronnement de fronton triangulaire, dans les traditions de Vignole. Mais, des unes, les façades demeurent simples et plates, comme Saints-Dominique-et-Sixte, de Vicenzo Della Greca, et surtout les églises de Soria : Sainte-Marie-de-la-Victoire, Sainte-Catherine ; aux autres, l’emploi des colonnes, dont Maderna a fourni le premier exemple à Sainte-Suzanne (1603), prête un relief puissant à Santa Maria in Campitelli, de