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Berlin, novembre 1946. La deuxième guerre mondiale est terminée depuis plus d'un an. Mais depuis peu, un mouvement anarchiste ou national-socialiste ou sous une toute autre forme, terrorise la population en commettant des attentats. Ces actes criminels se situent pour la plupart dans le secteur américain. Malgré ses faibles moyens, la police berlinoise est sur les dents, tout en restant secondée par les forces militaires américaines, malheureusement trop peu expérimentées dans ce genre d'affaires. Les enquêtes piétinent lamentablement. Mais pour couronner le tout, l'armée doit également faire face à d'inexplicables meurtres dans ses rangs. Afin de lui prêter main forte, le commissaire de police Calev Kowalski, enquêteur dans une affaire criminelle touchant le pouvoir au sein de l'Allemagne nazie, sera peut-être l'homme idéal pour résoudre ces deux affaires... Mais au fur et à mesure qu'ils démêleront le fil de l'enquête, les protagonistes seront confrontés à l'inimaginable...
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Seitenzahl: 166
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Né à Thiers en Auvergne, Thierry COTTA a commencé l’écriture par un recueil de nouvelles, Dernières nouvelles, mêlant fantastique, science-fiction, policier.
C’est avec la quadrilogie Harry Gallagher, un ethnologue américain qui s’aventure aux quatre coins de la planète, que verront le jour Harry Gallagher et le secret du dernier viking, Harry Gallagher, à l’aube de l’apocalypse, Harry Gallagher, vengeance… La lumière éternelle et Harry Gallagher, le Code Verlaine 1.1). Dans d’autres genres, Te revoir à Paris et son zeste de road-movie puis BERLIN 1938, l’affaire Elisabeth Frick, une enquête se situant à la fois de nos jours et durant la période du IIIe Reich.
Une de ses nouvelles a été adaptée en film et a figuré au festival du court métrage de Clermont-Ferrand.
Du même auteur :
Romans, nouvelles. Chronologie :
-Dernières Nouvelles (2008)
-Harry Gallagher et le secret du dernier Viking (2009)
-Harry Gallagher, à l’aube de l’apocalypse (2010)
-Harry Gallagher, vengeance… La lumière Eternelle (2013)
-Te revoir à Paris (2016)
-Berlin 1938, l’affaire Elisabeth Frick (2017)
-Harry Gallagher, Le code Verlaine 1.1 (2019)
BERLIN 1946
LA LEGION DES DAMNES
Texte intégral
« Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence »
« Certains faits historiques et personnages contenus dans ce roman sont véridiques et ont fait l’objet de multiples recherches »
« Ce roman n’a pas fait l’objet d’une écriture sous intelligence artificielle »
Prologue
PREMIERE PARTIE: L’OBSCURITE
Berlin, forêt de Grünewald, novembre 1946.
Berlin, grand quartier général des forces américaines.
Sanatorium Neufriedenheim de Munich, quelques jours plus
Aéroport de Munich-Riem, trois jours plus tard.
Retour au commissariat.
Quartier général, salle des archives.
Cette même nuit.
Quartier général, mess des officiers.
Kurfüstendamn strasse.
Grand quartier général, mess des officiers.
Berlin, hôpital militaire du secteur américain.
DEUXIEME PARTIE: LES TENEBRES
Berlin, grand quartier général, résidence des officiers.
Berlin, direction Ouest-Zehlendorf.
Berlin, grand quartier général, mess des officiers.
Berlin, grand quartier général, bureau du lieutenant Grant.
Berlin, grand quartier général, baraquement de la Berlin
Berlin, lac Havel, deux jours plus tard.
Berlin, grand quartier général, baraquement de la Berlin
Lovran, Serbie, dix jours plus tard.
Epilogue
Berlin, hôpital militaire du secteur américain.
Un an après la fin de la seconde guerre mondiale et quelques mois après le procès de Nuremberg, bombardements, destructions et démolitions sécuritaires firent de Berlin une des villes les plus ravagées de toute la seconde guerre mondiale, la misère étant visible de partout.
Les troupes américaines stationnèrent à Berlin en tant que partie intégrante de la force d'occupation alliée en Allemagne comprenant également la Russie, la France et la Grande Bretagne.
Durant ce temps, la capitale allemande devenait une ville sans foi, ni loi, représentative d’un chaos post-apocalyptique et dirigée par la corruption et la pègre.
Et même si l’acceptation de la défaite était définitivement actée, il n’en restait pas moins une certaine nostalgie de la période d’avant-guerre ressentie par une grande partie de la population.
L’administration étrangère que subissait l’Allemagne n’était pas qu’une occupation forcée, elle tentait également de faire annihiler ce sentiment d’humiliation que fut, jadis, la défaite de 1918, c’est-à-dire le symptôme douloureux et revanchard ayant conduit à la seconde guerre mondiale.
Mais aujourd’hui, la paix est de nouveau en danger. Depuis peu, un mouvement terroriste inconnu crée l’effroi au sein de la population en commettant des attentats. Ces actes criminels prennent place exclusivement dans la zone américaine. Plus d’une cinquantaine de victimes sont à dénombrer. Malgré ses faibles moyens, la police berlinoise est sur les dents, tout en restant secondée par les forces militaires américaines malheureusement trop peu expérimentées dans ce genre d’affaires. Du coup, les enquêtes piétinent lamentablement. Mais pour couronner le tout, l’U.S. Army doit également faire face à d’inexplicables meurtres dans ses rangs.
C’est la U.S. Berlin Brigade qui est chargée de résoudre ces affaires…
PREMIERE PARTIE
L’OBSCURITE
Berlin, forêt de Grünewald, novembre 1946.
Au milieu de la forêt, deux étranges traits lumineux se distrayaient en jouant aux ombres chinoises. Puis, petit à petit, un lointain vrombissement se fit entendre, similaire à celui d’un essaim d’insectes.
Mais ici pas de bourdons ou encore moins d’abeilles, c’était simplement une voiture qui s’extirpait de la forêt de Grünewald, domaine forestier situé à quelques encablures du centre de Berlin.
Verte kaki et estampillée d’une étoile sur les portières avant, une Packard roulait à une allure modérée, évitant racines et autres ornières.
Elle fut sommée de s’arrêter sur injonction d’un soldat de la police militaire qui agitait sa torche, dite anti-aérienne, au rayon jaune oblique. Risquant l’accident, le militaire barra de son corps le chemin forestier à l’américaine.
Après vérification des identités, il laissa l’automobile poursuivre son chemin. Deux cents mètres plus loin, elle s’immobilisa une bonne fois pour toute. Une des portes arrière s’ouvrit et laissa apparaître un homme en uniforme de colonel. Tout en refermant son manteau, celui-ci descendit du véhicule sans oublier de réajuster sa casquette.
Il salua les hommes présents sur place qui ne manquèrent pas de répondre prestement.
—Repos messieurs. Où est donc le Lieutenant Grant ? demanda l’officier sans cibler qui que ce soit.
C’est alors qu’une silhouette haletante apparut de la pénombre.
—Mes respects mon Colonel, dit Ralph Grant tout en reprenant son souffle. Je vous attendais un peu plus tard.
—Ah, Lieutenant Grant, répondit le colonel Jones en lui serrant la main. Putain de merde, qu’est-ce qu’il fait froid ici, continua-t-il en réajustant une nouvelle fois son manteau.
—Oui. Cette nuit est glaciale, ajouta Grant en regardant machinalement un ciel dépourvu d’étoiles. Aussi, pour ne pas perdre de temps, je vous prie de bien vouloir me suivre mon Colonel. Attention à cette cordelette, nous avons délimité un espace pour les investigations, prévint-il en levant bien haut la barrière improvisée.
—Grant, vous vous rendez compte ? Je suis encore de corvée pour ce genre de merdier. Il y a moins d’une heure mon aide de camp m’a réveillé pour venir ici alors que je suis revenu exténué d’une réunion avec un de ces satanés « Rouge », ce Colonel Ivanov Koliav. Quel emmerdeur ! Vous savez, nous avons de très bonnes relations avec nos partenaires dans les diverses zones d’occupation, même avec les Français et c’est peu de le dire, mais là avec ces putains de « Russkofs », cela devient un énorme problème !
—Il faut se méfier d’eux, c’est une certitude, mon Colonel. Ils sont perfides et vous embrouillent totalement avec leur mine de bon père de famille.
—Vous parlez à un convaincu Grant. Et je ne vais pas vous apprendre qu’ils gardent en travers de la gorge le fait que nous nous soyons octroyé une partie de la ville deux mois après leur prise de Berlin.
—Ceci ne me semble pas étonnant. Certains interlocuteurs russes jouent l’ironie sur ce sujet. Ils disent qu’ils sont les vainqueurs de cette guerre et même qu’ils font preuves de bonne grâce en tolérant notre présence ! Ricana le lieutenant.
Le sourire du colonel fut sensiblement jaune.
—Il faut reconnaître que les victoires et le démantèlement d’une grande partie de l’armée allemande à Stalingrad pourraient tout de même leur donner raison. L’Histoire avec un grand H sera là pour en juger. Et puis cette idée qui se met à germer dans la tête de ce connard de Staline. Vous savez quoi ? Il pousse les divers partis du pays à la fracture allemande, vous voyez l’entourloupe ? dit-il en regardant un lieu imprécis, éclairé à une centaine de mètres.
—Le communisme n’amène rien de bon. Vous avez raison mon Colonel, nous risquons d’aller vers une partition nette ni plus ni moins de l’Allemagne.
—C’est en cours ! Voyez Berlin, vous verrez que les autorisations de passages se feront de plus en plus rares, croyez-moi !
—Embêtant effectivement pour nos échanges.
—Pour le caviar et la vodka, c’est la merde ! Enfin, ce n’est plus une surprise Lieutenant. Rappelez-vous de Yalta. Oui Yalta, soupira le colonel en levant la main. Je n’avais rien contre Roosevelt, qu’il repose en paix, mais invalide comme il l’était, il a laissé Staline se jouer de nous en acceptant ses inacceptables revendications. Et Churchill, caché dans ses volutes de fumée, n’a pas trop levé le doigt non plus. Je crois que le regretté Patton avait raison, on s’est trompé d’ennemis. Les Russes vont remplacer les nazis en Europe !
Puis il regarda de nouveau le point lumineux.
—Ça continue, n’est-ce pas ? Soupira l’officier supérieur.
—Il semblerait que cela soit le cas. Vous constaterez par vous-même mon Colonel.
La vive lueur attirait les deux hommes tels des éphémères vers un lampadaire. On pouvait penser à ce stade de l’histoire que le silence régnerait d’une façon terrifiante. Mais non, une bruyante dynamo alimentait un aveuglant projecteur qui blanchissait une partie du champ environnant. De temps en temps, l’intensité de celui-ci baissait ou augmentait avec une pétarade engendrée par les ratés du moteur, nourri au gasoil fournissant l’énergie.
Sous leurs rangers, un terrain légèrement spongieux émettait des bruits d’aspiration plutôt sinistres.
—Mon Colonel, avant tout, je voulais vous prévenir que…
Mais Grant s’interdit d’en dire plus. La dramaturgie du lieu s’imposait.
Ils s’immobilisèrent devant une forme luisante presque transparente. Au même moment, un hibou sournois se décida à émettre un plaintif hululement.
—Nom de Dieu… Murmura le colonel en se détournant quelques secondes.
Bien loin de la discussion qu’entretenaient les deux hommes auparavant, la réaction de Jones fut logiquement compréhensible. A leurs pieds, se trouvait le cadavre d’une femme totalement dévêtue, allongée sur le dos, les mains en croix sur un torse ouvert de haut en bas.
Les yeux fixes et cinglés par une brise frisquette, les deux hommes continuaient à dominer de leur taille la malheureuse.
Puis le colonel se tourna vers son subordonné.
—Qui est donc cette pauvre femme ?
Proche d’eux, un caporal à l’ouïe fine, fit quelques pas en direction de Grant et lui remit quelques documents.
—Mon Colonel, il s’agit de Johanna Fredway, répondit-il en consultant tant bien que mal les papiers d’identité. Ces documents étaient dans son sac.
—Fredway ? Bon sang… Ce nom me rappelle quelque chose. N’était-elle pas aussi en fonction à l’état-major ?
—Vous avez tout à fait raison. Elle officiait aux services du renseignement.
Le colonel s’accroupit légèrement pour regarder le visage de la victime.
—Oui, je la reconnais. C’est bien elle. Pauvre petite, dit-il d’une voix étranglée. C’est la troisième victime si je ne m’abuse.
Détournant le regard du lieu du drame, le colonel devint pensif. Après quelques secondes de recueillement, il regarda Grant tout en se relevant.
—Avez-vous aussi découvert ce message ?
—Oui mon Colonel, toujours le même message : « Arnold war dort ». Et elle tenait ce manuscrit dans sa main.
Grant se figea. Il vit le visage du colonel se métamorphoser et ses mâchoires se tendre. Un faciès osseux apparut alors. En voyant la tête terrifiante de son supérieur, le lieutenant fit alors un pas en arrière.
—Fils de pute ! Putain de détraqué, Grant, il me le faut ! Mort ou vif, je n’en ai rien à foutre ! J’ai le général qui ne me lâche plus les pompes avec ces meurtres et il est en rage ! Il va falloir me trouver cette ordure au plus vite ! Qu’il sache, lui ou tous ceux qui sont concernés, ce que c’est de s’en prendre l’armée américaine, enragea-t-il d’une voix de ténor.
—J’en prends bien conscience, mon Colonel. Nous sommes sur les dents avec ces affaires, sans tenir compte de ces attentats, ces bombes…
—Qu’elles explosent dans leur cul ! En attendant, si vous n’avez plus de dents, vous utiliserez vos gencives ! On ne va pas continuer à se faire humilier de la sorte ! Vous avez carte blanche sur toutes les initiatives qui vous sembleront concrètes et bonnes à prendre. Je veux la tête de ce salopard !
Puis, comme par magie, il se calma et son visage reprit une certaine humanité.
—Et je sais que vous ferez tout ce qu’il faut pour parvenir à mettre la main sur celui ou ceux qui nous humilient, n’est-ce pas Lieutenant Grant ? Finit-il par dire en lui donnant une petite tape sur l’épaule. Il rebroussa chemin en direction de sa voiture.
Le lieutenant Ralph Grant regarda son supérieur disparaître dans l’obscurité, accompagné d’un « glurp » écoeurant à chaque pas.
Mais le ton employé ne pouvait laisser guère le choix à une réponse inappropriée.
Berlin, grand quartier général des forces américaines.
Le lendemain, par un matin gris et froid, le lieutenant Grant sortit de l’immeuble affrété aux officiers et se dirigea vers un baraquement. On pouvait apercevoir de l’extérieur une ampoule solitaire, laborieuse, briller. Du toit, une fumée grisâtre sortait d’un tuyau pointant le ciel.
Lorsqu’il franchit la porte, une dizaine d’hommes se leva puis salua.
Manifestement, la baraque tenait debout par une armature de fer et de tôle ondulée visibles seulement de l’intérieur. Des bureaux et des chaises, des machines à écrire de série Underwood, des cartes géographiques punaisées aux murs, un râtelier où étaient entreposés fusils et pistolets automatiques, servaient de décors à la bicoque. Une grande table, provenant de décombres, trônait au milieu de la carrée, permettant d’avoir un plan de travail avec des proportions adéquates. Comme tout lieu commun à cette époque, une fumée de cigarette omniprésente dominait en maître. L’incontournable cafetière et ses gobelets en fer cabossés étaient posés sur un poêle à fuel dont le long tube d’échappement trouait le plafond. Dans cet endroit austère, ce foyer brûlant était l’attraction.
—Repos messieurs.
Les brouhahas reprirent et les comportements se firent plus décontractés.
Grant se dirigea vers la fameuse cafetière et se fit couler un café.
—Messieurs, comme je vous en ai parlé hier, je vous confirme de nouveau que nous sommes dans le collimateur du colonel, continua-t-il. Il marqua un silence au moment où il se versa une rasade dans le gosier. Mais là, c’est officiel ! Lâcha-t-il, tout en levant le ton.
Les militaires se figèrent comme par enchantement.
—On a affaire à un «putain» d’enfoiré qui se fout de notre gueule. C’est pratiquement les mots du colonel Jones. Je n’ai pas eu grand-chose à rajouter puisque c’est la vérité. Ce qui signifie qu’il va falloir s’y mettre sérieusement. Donc si vous avez des informations supplémentaires sur les dossiers, c’est le moment, finit-il par dire en posant bruyamment son gobelet.
Un homme leva la main.
—Oui Blinger.
—Mon Lieutenant, au sujet de la caporale Winder, nous avons collecté tous les témoignages des riverains sur Grondingen strasse.
—Et ?
—Eh bien, personne n’a rien vu ni entendu mais…
—Votre introduction en la matière commence bien mal… Coupa Grant.
—Euh… Mais que nous sommes certains que notre victime est bien passée par cette rue, compte tenu du lieu du crime.
—Qu’est-ce qui vous amène à une telle conclusion ? Pourquoi pas par une autre voie ?
—Effectivement, il y a bien une rue perpendiculaire. Mais celle-ci se trouve aux mains des Soviétiques. Il y a même un barrage infranchissable. Toute intrusion sur le secteur américain est pratiquement impossible.
—On peut faire confiance aux Russes sur ce sujet. Même un rat ne passerait pas. Et cette rue, où débute-t-elle ?
—Elle démarre sur Charlottenburg, en secteur britannique. Le quartier n’a quasiment pas souffert des bombardements. Kirk a même inspecté les arrière-cours. Mais à part des tunnels conduisant aux égouts… Rien d’autres.
Grant dévisagea Kirk qui remuait la tête en signe d’approbation.
—Si quelqu’un pouvait me dire pourquoi ces crimes voire ces attentats se situent exclusivement dans notre secteur… Ok. Continuez à approfondir l’affaire et demandez quand même aux autorités russes s’ils ont remarqué quelque chose, enfin, s’ils veulent bien nous répondre.
—Très bien Lieutenant.
—Et pour Tempelhof ? Qui s’en occupe déjà ? Demanda-t-il en se tournant vers un groupe resté silencieux.
La main du sergent Collins apparut au-dessus des têtes.
—A vous Collins.
—Il y a eu du neuf, Lieutenant. Un témoin se trouvant non loin du lieu du meurtre semblerait avoir vu un homme qui, selon ses déclarations, se serait subitement mis à courir. Nous avons pu obtenir son témoignage qu’hier soir. Il s’est présenté à un commissariat après avoir fait le rapprochement avec le meurtre précédent.
—Quelle heure était-il lorsqu’il a observé cet homme déguerpir ?
—Deux heures du matin, selon lui.
—L’heure où tous les chats sont gris. Qu’est-ce que ce témoin pouvait bien foutre debout à cette heure-ci ? Moi je trouve cela bizarre, pas vous ?
—Apparemment, cet Allemand est souvent pris d’insomnie et lorsque cela lui prend, il se lève et va faire un tour autour de chez lui.
—Et pourquoi attendre une bonne dizaine de jours pour venir nous en parler ?
—Ces temps-ci, on remarque que les informations ne se propageraient pas aussi vite qu’au temps du IIIe Reich, ironisa le militaire. Puis vous savez bien ce qu’ils ruminent dans leur for intérieur, mon Lieutenant. Une haine tenace de la défaite, de l’adversaire, des Alliés... susurra-t-il d’une voix rauque, cruelle et sifflante. J’image que c’est à contrecoeur qu’il est venu se présenter dans un commissariat administré par l’Oncle Sam.
—Il a peut-être quelque chose à se faire pardonner ! Ironisa un des gars. Il a peut-être trompé sa femme avec la Grosse Bertha* !
L’assemblée se mit à rire de bon coeur.
—Peut-être, s’en amusa Grant. Et ce témoin a pu vous faire une description de l’individu ?
—Une gabardine enveloppant tout son corps et un chapeau. C’est tout ce qu’il a pu nous dire.
*Puissante pièce d’artillerie démesurée utilisée par les Allemands lors de la première guerre mondiale.
—En tout cas, un type qui se met à décamper de cette façon n’a jamais la conscience tranquille même s’il n’a rien fait.
Les hommes le regardèrent bizarrement. Certains penchèrent la tête à gauche ou à droite afin de comprendre.
—Ok, il me semble avoir déjà entendu cette phrase quelque part et ne me faites pas chier !
Le lieutenant Grant marqua un silence puis reprit :
—C’est sans doute cet Arnold, ce criminel qui joue avec nos nerfs. Comme je vous le disais, j’ai passé une nuit agitée car nous avons une victime supplémentaire à dénombrer. J’étais sur le lieu du crime cette nuit. Malheureusement, c’est la capitaine Fredway de l’état-major qui y a laissé la vie.
—Quoi !? La petite blonde bien foutue qui passait devant nos fenêtres ? Johanna ? Brailla un des gars d’une voix envahie de déceptions.
—Comme je vois que le caporal Johnson fantasmait sur elle, je vais vous faire grâce des détails. Le service photographique de l’armée apportera les photos en début d’après-midi. Libre à vous tous de les regarder mais l’enquête doit continuer. Et comme les deux autres, elle nous a légué un message qui, je précise, n’était pas une déclaration d’amour à l’intention du caporal Johnson, supposant même qu’elle connut son existence, ironisa-t-il en extirpant de sa vareuse une feuille pliée.
Johnson fit une tête de dix pieds de long.
Un des gars s’approcha du document. La traduction, tous la connaissait.
—« Arnold était là ».
—Tout juste. « Arnold était là » contrairement à nous en ces circonstances ! Messieurs, vous avez fait du bon boulot mais je suis navré de vous dire que c’est insuffisant. Il faut nous rendre à l’évidence. Nos investigations ne donnent aucun résultat. De plus, vous savez tous que nous avons à élucider ces attentats qui gangrènent la ville et qui semblent échapper à tout contrôle. Là aussi, nous sommes incapables d’aller plus loin. Nous devons trouver une solution à ces échecs. Et je pense l’avoir trouvée, messieurs. Nous allons nous faire seconder par un autochtone. Un type qui connaît Berlin, ses rues, ses ponts, ses habitants et… sa face cachée, martela Grant en regardant son équipe, le corps penché en avant et les mains à plat sur la table.
*Terme familier employé par certains alliés pour désigner les Allemands
—Mon Lieutenant, intervint le sergent Gulder, vous ne pensez tout de même pas employer un Heinie* ? Vous savez très bien qu’ils refuseront de nous aider.