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Jeune chef de projet dans une entreprise en plein essor de Toronto, Aria croit mener une vie ordinaire, emplie de rêves mesurés, de discrètes attentes. Mais lorsqu’elle se retrouve au centre d’un affrontement terrible entre deux bêtes sauvages en pleine forêt d’Alberta, son monde bascule tout à coup vers une nouvelle réalité, bien plus surprenante et déconcertante. Épaulée comme jamais par Sayan Major, le Protecteur des Royaumes du Nord, Aria va vite prendre conscience que sa destinée ne lui appartient plus. Héritière de forces qu’elle ne maîtrise pas, elle est devenue un enjeu, pour la puissance et le pouvoir.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Camille Desrivière a été initiée très tôt aux arts majeurs. Elle poursuit des études musicales, pratique l’alto, le piano, le chant lyrique et le jazz, puis se lance dans l’écriture à la suite de sa rencontre avec Robert Merle, son mentor.
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Seitenzahl: 294
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Camille Desrivière
Berserkers
Tome I
Le loup, l’ours et la sorcière
Roman
© Lys Bleu Éditions – Camille Desrivière
ISBN : 979-10-377-8637-1
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Aria tordit sa bouche. Une moue pour moitié dubitative, moitié contrariée.
Angela trépignait sur sa chaise, ses doigts aux longs ongles laqués d’un rouge vermeil pianotant sur la petite table. Aria saisit son gobelet et porta la paille à sa bouche pour aspirer une grande gorgée de soda. Elle prit tout son temps pour avaler le contenu, jubilant de voir son amie au comble de l’impatience. Rien que de penser à ces trois jours passés entre collègues avec qui elle n’avait absolument rien en commun lui donnait envie de hurler.
Cette dernière interpellée leva la main.
Sur ressort, Angela bondit sur ses pieds et passa au-dessus de leur petite table pour la prendre dans ses bras.
Mais Angela fit mine d’ignorer cette dernière remarque et se rassit avant de regarder l’écran de son portable.
Elle saisit son sac et se leva précipitamment mais avec toute cette grâce qu’elle portait comme une seconde peau et qui sublimait chacun de ses gestes. Aria la regarda déplier son corps svelte et élancé avec envie et plaisir : depuis son mètre quatre-vingts tout en finesse et en élégance, Angela attirait, où qu’elle soit, tous les regards.
Grande et athlétique, une épaisse chevelure brune et bouclée, la peau gorgée de soleil, héritage de ses ancêtres hawaïens, Angela était une beauté qui attirait l’œil : celui des hommes, par son « sex-appeal » débordant, comme celui des femmes, séduites par son naturel encourageant. Sa présence ne laissait jamais indifférente et ses gestes amples, sa démarche assurée défendaient tout désintérêt.
Quant à Aria, ce fut avec un sourire crispé et le rouge aux joues qu’elle empoigna ses affaires et suivit son amie avec plus de discrétion, refusant d’initier contre sa volonté une comparaison humiliante.
Elle se faufila dans son sillage, comme toujours, et se retrouva sous le porche de leur petite cafétéria attitrée qui tenait lieu et place en face de l’immeuble où elles travaillaient. Elles grimacèrent de concert. Une pluie drue et froide s’était mise à tomber pendant leur pause déjeuner et il allait leur falloir courir pour tenter d’être le moins mouillées possible. Le regard d’Aria tomba un instant sur ses pieds : chaussée d’escarpins à talons, l’épreuve allait être de taille.
Angela finit par éclater de rire et se lança sur la chaussée, traversant l’avenue qui les séparait du building d’Emerson’s Company en courant.
La pluie était si forte qu’une épaisse couche d’eau recouvrait le bitume.
Jetant à nouveau un regard sur ses jolies chaussures, Aria prit la décision de leur épargner ce déluge. D’un mouvement leste, elle se déchaussa et serra alors contre elle ses escarpins et son sac avant de prendre une grande respiration et s’élancer sous les chutes d’eau à la suite de son amie.
La pluie était froide et la sensation du bitume encore chaud du soleil de ces derniers jours qui s’y mêlait était fascinante.
Depuis combien de temps n’avait-elle pas marché comme ça, les pieds nus ? Enfant, elle aimait tant fouler l’herbe des jardins de la propriété de ses parents. Rosewood avait été un havre de paix et de bonheur jusqu’à ce que ses études, puis le début de sa carrière, dans l’entreprise de David Emerson, l’entraînent en plein centre de Toronto. Souvent, elle rêvait à ces forêts sans fin, aux sous-bois denses et mystérieux, aux parfums uniques et entêtants. Combien de fois était-elle partie en randonnée avec son père ? Elle se revoyait encore, ses petites mains gelées tendues devant le poêle poussiéreux d’un abri de chasse perdu en plein cœur sylvestre. Mais ses souvenirs les plus merveilleux prenaient place lors de la saison chaude lorsque, allongés à même le sol dans leurs sacs de couchage, le cœur de la nuit inondait leurs regards de ses myriades d’étoiles alors qu’elle se pelotonnait contre celui qui, avec passion, lui racontait le monde.
Aria s’était accommodée à la vie citadine mais elle n’en retirait aucune joie, à l’opposé de son amie Angela qui évoluait dans leur microcosme avec un plaisir évident et une facilité que la jeune femme lui enviait.
En fait, Aria se demandait régulièrement ce qui avait bien pu fusionner entre elles à ce point différentes. Pourtant, depuis leur rencontre lors d’un stage qu’Aria avait décroché dans la prestigieuse entreprise où Angela travaillait déjà au service des ressources humaines, le déclic avait été immédiat et sans discussion. À l’issue de ce stage, Aria s’était vu offrir un poste au service développement, opportunité qu’elle n’aurait pu espérer tant ce genre de situation n’arrivait que très rarement. D’ailleurs, les premières semaines, elle avait été si dubitative qu’elle en avait presque harcelé son amie en la suspectant d’être partie prenante dans cette offre inespérée. Angela avait réfuté toute implication, et ce, jusqu’à ce qu’elles se querellent sur ce point, sans grande conséquence, heureusement. Force avait été à Aria de constater que seuls son travail pertinent et son sérieux avaient été les instigateurs de son succès.
Depuis plusieurs mois, elle faisait donc partie de l’équipe « recherche et développement » dans le domaine des énergies renouvelables, fer de lance d’Emerson’s Company.
Trempées mais riant comme des enfants, les deux jeunes femmes poussèrent les lourdes portes de verre et pénétrèrent en trombe dans le grand hall épuré sous l’œil amusé d’Alex, le réceptionniste.
Angela et Aria se regardèrent, complices, et embrassèrent chacune une des joues rebondies d’un Alex rougissant, le baptisant de leurs cheveux humides et dégoulinants d’eau froide. Puis elles s’enfuirent comme des voleuses, en laissant flotter derrière elles une petite pluie de rires cristallins.
Aria entra dans le laboratoire qu’elle partageait avec d’autres chercheurs sous l’œil courroucé de Beth Adams, la responsable de secteur.
Aria fila vers le vestiaire, penaude, où elle déposa son trench-coat encore humide et son sac pour enfiler la blouse bleu pâle de rigueur dans le laboratoire.
Lorsque la jeune femme avait accepté ce poste chez Emerson’s Company, il avait été clairement établi que les horaires n’étaient pas définis dans l’entreprise : David Emerson avait opté pour la théorie qu’un employé qui se sentait libre de travailler au rythme qui lui convenait arrivait à fournir non seulement un travail plus conséquent mais de meilleure qualité puisqu’il n’avait pas à souffrir de remontrances. Le concept donc de « retard » chez Beth était en fait tout à fait en décalage mais Aria n’avait pas encore trouvé le cran de le lui faire remarquer.
Tout en s’adressant à la jeune femme, Beth s’était penché à nouveau sur l’écran de son ordinateur.
Mais pourquoi n’arrivait-elle pas à s’affirmer ? « Bien, j’en prendrai connaissance. », voilà ce qu’elle aurait dû lui rétorquer d’un air hautain voire condescendant.
La jeune femme se détournait pour aller vers ledit bureau lorsque Beth la rappela.
Aria afficha un grand sourire gêné et essuya la paume de ses mains sur sa blouse de façon toute machinale.
Les bureaux de la direction, dont celui de David Emerson, se trouvaient dans les étages supérieurs et Aria profita de l’attente dans l’ascenseur pour réajuster sa tenue et sa coiffure.
Lorsque les portes s’ouvrirent, elle fut directement en face du bureau de Suzan, en pleine conversation téléphonique. Aria s’approcha lentement : ses escarpins s’enfonçaient dans les tapis épais et moelleux. Suzan leva la main et agita ses doigts. Un message en découlait et Aria subodora qu’elle devait patienter.
Suzan se détourna légèrement et appuya sur l’oreillette qui ne la quittait, semble-t-il, jamais. « À croire qu’ils la lui ont greffée lorsqu’elle a pris ses fonctions… » pensa avec un trait d’humour Aria pour chasser sa nervosité. Car si David Emerson était peut-être l’un de ces nouveaux chefs d’entreprise qui prenaient très à cœur de s’investir dans un management moderne et innovant, il n’en restait pas moins un patron. Et lorsque l’on était « convoqué »… Il n’y avait pas véritablement beaucoup d’alternatives à espérer.
Puis d’un geste vif, elle tendit son bras, index en avant vers la double porte massive. Aria se mit en mouvement, dépassa le bureau mais à peine se retourna-t-elle pour être certaine qu’elle ne commettait pas d’impair, que Suzan était de nouveau en conversation téléphonique.
Aria frappa trois coups.
Aria pénétra dans la vaste pièce qui était sûrement plus grande que son propre appartement. La volonté d’accueil et de confort était assurée avec un coin salon composé de deux canapés et de deux grands fauteuils autour d’une table basse, une bibliothèque sur l’autre versant du mur puis, plus au fond, un immense bureau de bois et de verre derrière lequel était assis un homme qui pianotait activement sur un ordinateur portable.
David Emerson était un homme en pleine force de l’âge. Une toute petite cinquantaine qu’il portait très bien : grand, athlétique, prenant soin de lui, on pouvait dire qu’il était bel homme. Ses cheveux blonds grisonnaient à peine et son teint hâlé, qui reflétait toutes ces heures passées à l’extérieur, lui donnait une bonne mine permanente.
Lorsqu’il releva enfin les yeux, Aria se sentit toute petite.
Aria ouvrit la bouche pour refuser mais David Emerson avait déjà le doigt appuyé sur un bouton qui le reliait directement à Suzan.
Sur ce, il se débarrassa de l’oreillette qu’il portait et la déposa précautionneusement sur son bureau avant de se lever et en faire le tour. Se positionnant juste devant Aria qu’il dominait avec un plaisir non dissimulé, il s’appuya contre le plan de travail et croisa ses bras sur sa poitrine. Il prit son temps pour la détailler, ignorant avec superbe la gêne que pouvait occasionner un tel examen. Enfin, il prit une grande inspiration et annonça fièrement :
La « talentueuse » jeune femme en question esquissa un sourire crispé comme toute réponse.
Enfin du concret depuis ce qui lui semblait être une éternité de malaise.
Aria ne put s’empêcher de sourire franchement, ce coup-ci.
Il lui offrit alors un sourire charmant, étudié, capable, elle en était certaine, de mettre à l’aise le plus récalcitrant. Il était difficile pour Aria de savoir exactement comment appréhender cet homme. C’était le dirigeant d’une entreprise dont le capital cotait en bourse en surfant sur le développement durable sous toutes ses formes. Il brassait des millions de dollars et asseyait chaque jour son statut dans ce fauteuil digne d’un « commander » mais qui, curieusement, tenait à être perçu comme un homme simple, abordable, plein d’humour. Cette personnalité antinomique engageait, chez Aria, une indécision profonde et pesante.
Suzan choisit ce moment pour entrer, déposant tout un service en porcelaine sur la table basse.
Suzan referma la porte derrière elle et David se redressa.
Il l’invita à se diriger vers l’espace salon, attendit poliment qu’elle s’assît puis en fit de même, de façon à être face à elle.
Sans pouvoir maîtriser le frisson glacé qui lui zébra la colonne vertébrale, Aria se raidit sur son assise et que David s’en aperçut ou non, il fit mine de rien et continua.
Sans toucher à son café, il se laissa aller sur le vaste dossier du canapé pour y étendre ses bras de chaque côté et croisa les jambes pour reprendre avec emphase.
Sans cesser son contact visuel, les paupières de David s’étrécirent quelque peu et il laissa planer un léger silence.
Aria, qui avait tenu bon jusque-là, ne put s’empêcher de rougir en baissant les yeux.
Elle redressa soudainement la tête, surprise.
Puis, laissant s’étirer sur ses lèvres un large sourire qui se voulait charmeur, il ajouta en riant :
En une fraction de seconde, pourtant, il se redressa et avança son buste vers Aria, plongeant son regard dans le sien, d’une façon qu’elle trouva subitement dérangeante.
Aria, qui avait été surprise de son approche soudaine, s’était légèrement reculée dans son fauteuil et déglutit péniblement tout en esquissant un sourire timide. La façon dont David Emerson la fixait la mettait dans une situation très inconfortable.
Hébétée, le cerveau d’Aria bouillonnait en assimilant de telles informations.
David laissa, quant à lui, échapper un rire sonore devant une telle marque de franchise. Aria rougit en mettant sa main devant sa bouche puis se reprit.
— Vous allez nous éblouir, Aria, combler toutes nos attentes, la coupa-t-il en posant sur elle un regard soudainement ardent. Vous m’en voyez absolument persuadé.
Lorsqu’elle raconta son entretien avec David Emerson à Angela le soir même autour d’un verre dans l’un des bars qu’elles aimaient fréquenter de temps à autre après leur travail, cette dernière émit un sifflement admiratif.
Puis elle rajouta, après avoir avalé une gorgée :
Angela se redressa et se tint droite devant son amie.
Et c’est avec une moue pathétique qui mimait une contrition absurde qu’Angela leva les mains vers le ciel pour demander l’inexistant pardon.
Aria, quant à elle, fronça les sourcils. Le comportement de David lui avait toujours paru fantasque depuis qu’elle avait fait sa connaissance et quelque chose dans sa personne et son attitude l’avait, depuis la première seconde, dérangée. Elle n’aurait jamais su dire en quoi exactement : elle avait reporté ce malaise sur le statut de PDG de David et sa fortune conséquente qui faisaient de lui un être plutôt baroque et insaisissable.
Il y avait chez lui, comme une sorte de contradiction : d’un côté, on pouvait aisément accréditer ses agissements en faveur d’un engagement sincère envers la Nature et l’écologie mais en même temps, c’était un homme soigné, presque maniéré et qui étalait sans honte l’aisance pécuniaire que l’essor et les dividendes de son entreprise lui procuraient.
Il n’aurait pas été juste de croire qu’Aria était assez naïve pour savoir que la philanthropie, aujourd’hui, n’égalait en profondeur de son action que par la largeur du portefeuille engagé. Et le devenir de l’homme, la survie de la planète, était un enjeu tout aussi financier que la guerre et la destruction.
Perdue dans ses pensées, Aria fut rappelée à la réalité.
Mais devant la grimace de son amie et les lèvres de sa bouche pincées, elle partagea finalement le peu de connaissances qu’elle avait elle-même de ce projet.
Mais Angela stoppa net ce qu’elle allait dire et se contenta de lâcher avec une condescendance toute feinte en se redressant après avoir tapoté le bras d’Aria en signe de flatterie :
Rentrées dans l’appartement qu’elles partageaient toutes les deux, elles s’affairèrent chacune aux petites choses du quotidien puis se retrouvèrent pour finir la soirée dans leur salon dont la modeste taille était devenue le dernier de ses défauts tant il était coquet et confortable.
Devant le ton presque désolé de son acolyte, Angela se mit à rire de bon cœur. Aria la regarda, surprise d’être un sujet si soudain de liesse mais ne put s’empêcher finalement de sourire : elle avait eu une sacrée chance de rencontrer cette compagne toujours si gaie, si facile à vivre. Prévenante, attentionnée, Angela avait tout de suite pris Aria sous son aile, non seulement au sein d’Emerson’s Company mais le courant était si bien passé qu’en quelques jours, elles étaient devenues colocataires et passaient la plupart de leur temps ensemble. Angela sortait un peu plus, sollicitée par la gente masculine, mais Aria n’en conservait aucune rancune : la jeune femme concédait sans faute que la beauté aux origines hawaïennes et la personnalité avenante de son amie étaient une combinaison irrésistible de séduction. Pourtant, si Angela alignait les conquêtes les unes après les autres, rien ni personne ne passait devant Aria.
Angela partit d’un rire cristallin.
Puis reprenant son sérieux, elle leva la main et caressa avec une tendresse fraternelle la joue d’Aria.
Elles se regardèrent un moment avec sérieux et c’est Aria qui rompit le silence en claquant des mains.
Et elles pouffèrent toutes les deux.
Tout en se chamaillant comme deux sœurs, Angela s’empara du combiné et activa la touche sur laquelle était enregistré le numéro de Rosewood et on entendit bientôt une voix féminine à l’autre bout.
Un rire crispé accueillit cette remarque à l’autre bout du fil.
Sitôt dit, elle tendit le combiné à son amie et sauta à bas de leur canapé pour filer du côté de leur cuisine et fouiller dans un placard en quête d’une douceur à grignoter.
Elle avait beau connaître l’amie de sa fille depuis plusieurs mois, elle avouait être toujours aussi désorientée face à la volubilité de cette dernière.
Pour toute punition, Aria reçut un coussin qui lui atteignit la nuque. Se retournant vers son assaillante, elle lui renvoya l’espièglerie de son regard accompagnée d’une grimace des plus ridicules.
Aria sentit le rouge monter à ses joues : aucune honte, non, aucune gêne encore moins. Juste la manifestation du bonheur à retrouver ses parents.
Le silence qui accueillit cette révélation la surprit.
Un nouveau silence finit par chasser la joie du moment.
Elle perçut comme des sons sourds, des froissements, de ces gestes qui s’activent en secret mais qui restent aussi éloquents que des mots.
Angela profita de ce malaise pour s’emparer du combiné à nouveau.
Le visage de la jeune hawaïenne se rembrunit tout à coup et, se détournant un instant de sa colocataire, elle asséna avec fermeté.
Aria était stupéfaite de ce changement d’attitude aussi soudain qu’exceptionnel et regarda son amie écouter encore quelques instants ce qui devait être des recommandations comme elle acquiesçait et lui retrouva un visage souriant lorsqu’elle revint s’asseoir à nouveau à côté d’elle.
Apprêtée, maniérée, sans une once de spontanéité, la conversation se termina en laissant flotter un trouble incommodant.
Aria n’avait jamais feint de trouver ses parents légèrement surprotecteurs, mais elle avait trouvé leur comportement réellement bizarre ce soir.
Pourtant, submergée par le tumulte babillard de son amie, elle n’eut d’autre choix que de mettre de côté cette impression et entra dans la danse fervente des futurs préparatifs et des prochaines anecdotes à partager.
Ce petit jeu d’orientation par équipe, enrobé dans un sachet aux couleurs de la cohésion et du rapprochement, commençait à lui peser sur le système. Non seulement elle était obligée de se farcir l’égo transpirant des pires machos de la boîte mais en plus elle enrageait en silence de leur incapacité à suivre la piste qui leur était dévolue. Elle avait eu beau émettre, dans un premier temps, de timides observations sur le non-sens des directions que les « chefs du groupe » avaient prises, avant de tempêter lorsque Harry, le bras droit de David, avait fini par les perdre corps et biens, et qu’ils se retrouvaient, une fois de plus, en plein milieu de nulle part avec la nuit qui tombait à la vitesse d’un time-laps. C’était à croire qu’il le faisait exprès !
Bien sûr qu’elle n’était pas effrayée de dormir dehors, elle l’avait déjà fait tant de fois, mais tout de même ! Ce séjour coercitif entre personnels d’une entreprise en perpétuel essor prenait la tournure qu’elle avait voulu éviter : une galère, ni plus, ni moins.
Si elles avaient pu être ensemble avec Angela, elle aurait assurément trouvé le temps moins long. Hélas, le sort en avait décidé autrement et elles avaient été envoyées chacune dans une équipe différente. Chaque groupe avait été constitué après un tirage au sort des individus qui le peuplerait, volonté d’un David aussi excité qu’un enfant dans un magasin de jouets. Elle l’avait vu applaudir et féliciter chacun d’une poignée de main chaleureuse, voire d’une accolade énergique.
Et Aria avait hérité de ce qui se faisait peut-être de pire dans la société : des messieurs et mesdames « je-sais-tout » suivis comme des dieux sûrement par les plus soumis qui soient.