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Acculée dans sa douleur et sa solitude, Aria se plie de mauvais gré aux exigences de la Dominante des Royaumes du Nord. Cette dernière déstabilisée dans son accession au trône après la mort de l’Alpha, son mari, Aria profite d’un voyage diplomatique en Altaï, dans le palais de leur homologue russe, pour se libérer des chaînes de la Royauté. Son échappée belle aux côtés de Vassil, Protecteur des territoires de l’Empire, va la mener sur des chemins cruels et énigmatiques qui lui laisseront un goût peut-être amer, mais surtout l’opportunité, enfin, de devenir maîtresse de son propre destin.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Camille Desrivière a été initiée très tôt aux arts majeurs. Elle poursuit des études musicales, pratique l’alto, le piano, le chant lyrique et le jazz, puis se lance dans l’écriture à la suite de sa rencontre avec Robert Merle, son mentor.
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Seitenzahl: 289
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Camille Desrivière
Berserkers
Tome II
Double jeu
Roman
© Lys Bleu Éditions – Camille Desrivière
ISBN : 979-10-377-8801-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Pond Inlet, île de Baffin, au nord du territoire de la Royauté
La porte s’était à peine refermée que la chaleur, massive et poisseuse, tomba sur les épaules du visiteur telle une chape de plomb. Les fourrures épaisses et drues qui le recouvraient de pied en cape lui parurent tout à coup insupportables.
Sans attendre, il dégrafa la partie du col montant jusque le devant de sa bouche et qui se chargeait d’adoucir l’air vif et déchirant du dehors avant qu’il ne pénètre dans les poumons. Mais la grande goulée d’air chaud qui envahit son œsophage ne lui sembla pas plus agréable : épais, suffoquant, il eut la désagréable sensation d’avaler un morceau de nuage gras.
Le brouhaha vrombissant mais ténu qui s’activait à son entrée cessa subitement.
Il jeta un rapide coup d’œil sur ce qui se présentait à lui, son champ de vision réduit par l’épais rempart des poils blancs et gris de sa capuche qui lui ceignait le visage. Ses narines se dilatèrent : outre les relents aigres qui émanaient du bois du plancher imbibé d’alcools et de vinasse, se frayaient, aguicheuses, de délicieuses odeurs de viandes séchées et de plats bouillis.
Un flot de salive lui envahit la bouche et il le ravala difficilement.
Devant lui se présentait directement le comptoir, fatigué et repeint un si grand nombre de fois qu’il donnait l’impression de crouler sous des couches cassantes de vernis. Quelques individus s’étaient encastrés devant le zinc, assis sur des tabourets hauts et branlants, certains le nez plongé dans leur verre, d’autres laissant fuser, entre leurs dents jaunies et éparses, une fumée blanchâtre et compacte qui venait grossir la brume ambiante.
Le nouvel arrivant s’approcha, défit ses gants doublés qu’il posa soigneusement à côté de lui avant de s’asseoir à son tour. Il dégagea sa capuche vers l’arrière, découvrant une chevelure brune assez longue pour lui tomber sur le bas de la nuque et barrer son visage d’un rideau dissimulateur. Il descendit la fermeture du manteau tout en fourrure qu’il portait. Il avait l’impression de baigner dans un carcan humide et collant tant il avait sué dans cet accoutrement ridicule. Il avait dû marcher si longtemps pour arriver jusqu’ici et maintenant, de surcroît, il subissait cette immonde chaleur puante.
Un homme imposant, la soixantaine, les épaules larges et le ventre rond, descendit dans la longue goulotte derrière le comptoir et s’arrêta face aux injecteurs de bière, à peine à un mètre de l’inconnu.
L’homme qui gardait toujours les yeux baissés, triturait ses gants, tirait sur les plis, s’acharnait vainement à en lisser le tissu imperméable.
Le barman laissa échapper quelques borborygmes grinçants qui firent rebondir son embonpoint proéminent.
Malgré l’heure encore matinale, le barman avait instinctivement posé sa main sur l’injecteur de bière et attendait, déjà certain de son intuition.
L’homme, sans relever la tête, renifla discrètement mais intensément. Juste là, derrière la cloison fine qui soutenait un nombre impressionnant de bouteilles toutes à moitié vides sur des étagères crasseuses, séchaient des viandes diverses à côté de filets de poissons fraîchement salés reposants dans des bacs en bois. Un nouveau flot de salive lui envahit la bouche violemment.
Affamé. Il était affamé. Il sentit ses entrailles se tordre, gémir, supplier jusqu’à gronder de mécontentement.
Le propriétaire haussa un sourcil de surprise avant de se détourner pour aller chercher, derrière en cuisine, une tasse et la cafetière. Et les conversations reprirent, plus feutrées néanmoins.
Il n’était pas le seul à être surpris : l’étranger lui-même n’arrivait pas à comprendre comment il avait pu ignorer le hurlement exigeant de ses entrailles qui ruèrent douloureusement lorsque l’homme fit glisser jusque dessous son nez le mug d’un blanc jaunâtre qu’il remplit d’un liquide noir et épais, presque sirupeux. La fumée qui s’en dégagea alors avait un profond arôme de café. Même s’il n’aurait certainement pas le goût de celui qu’il avait tant eu l’habitude de boire, il avait hâte de sentir le breuvage chaud et corsé.
Il ne put réfréner un tremblement de ses mains lorsqu’elles approchèrent du nectar qu’il porta à sa bouche lentement. Le liquide chaud lui brûla la langue mais dévala dans sa gorge avec tant de bienfaisance qu’il chassa sans y penser l’échauffement qui le picotait. Ses yeux se fermèrent un petit instant et il savoura, conscient du regard du barman posé sans vergogne sur lui. Les mèches humides de ses cheveux ondulaient le long de ses joues, cachant la majeure partie de son visage : tout en lui instillait le doute et la méfiance et il en était pleinement conscient. Il entretenait cet état, sciemment.
Le gros homme attendit patiemment que l’étranger repose sa tasse avant d’émettre un grognement.
L’homme rouvrit les yeux celés derrière le dais de ses cheveux. Depuis combien de temps n’avait-il pas avalé quelque chose de chaud, de revigorant ?
« Longtemps, si longtemps… se parla-t-il intérieurement. Des semaines, depuis que je suis sa piste… Et ça restera ainsi tant que je n’aurais pas atteint mon but. »
Il sentit ses mâchoires claquer sèchement.
« Il est probable qu’à ce rythme je sois mort de faim avant mais même si je le voulais, je serais incapable d’avaler quoi que ce soit. »
Des gouttes de sueur glaciales perlèrent au bas de sa nuque et dévalèrent le long de son dos, sous son t-shirt, lacérant sa colonne.
« Pas tant que je ne l’aurais retrouvée. »
L’étranger se racla la gorge avant de répondre. Bien que le café lui ait fait un bien fou, il se sentait paradoxalement faible maintenant qu’il était conscient de sa longue privation.
Non, plus de maison, plus de chez lui depuis des semaines, des mois… Mais il n’errait pas, non, certainement non. En tout cas, pas sans but.
La bouche du gros homme se tordit d’insatisfaction devant une telle réponse. Sa méfiance venait de monter d’un cran.
Et pour cause, le barman se raidit immédiatement et se pencha, menaçant.
La colère sourdait dans sa voix : le caractère fuyant du visiteur et maintenant ses paroles, finissaient de saper sa patience. Il allait mettre cet énergumène dehors vite fait, bien fait. Et peu lui importait de respecter ou non la première de toutes leurs valeurs, cet olibrius irait régler ses petites affaires avec les caribous, les ours à moins que les loups ne s’en chargent eux-mêmes !
Le ton de plus en plus menaçant, le barman s’approchait dangereusement du visiteur qui n’eut d’autre choix que de se redresser. La face du gros homme se figea.
Une main levée en signe de reddition, l’étranger plongea franchement son regard dans celui de son opposant.
Les sourcils broussailleux du propriétaire se froncèrent : il menait sans aucun doute une lutte certaine intérieurement. Finalement, ses paupières s’étrécirent puis s’agrandirent tout autant, sans cacher sa surprise.
Il dévisagea le jeune homme pendant un moment.
Le pâle sourire de Sayan se transforma en rictus triste.
Le gros homme pinça les lèvres puis se pencha vers Sayan. Tout en lui tapotant l’avant-bras d’un geste amical et réconfortant, il lui glissa en chuchotant :
Puis, d’une voix de Stentor, il interpella une jeune femme à la chevelure noire retenue en une queue de cheval qui plaisantait, un plateau à la main, avec d’autres jeunes assis à une table.
Ladite Alberta lui répondit d’un signe militaire en plaçant sa main sur son front, le visage dévoré par un sourire flamboyant.
Passé la porte battante qui menait sur l’arrière du bar, les odeurs de nourriture devinrent insoutenables d’autant qu’avec les émanations, Sayan fut assailli par la vue des viandes et filets de poissons salés qui pendaient sur des séchoirs de bois nobles, mêlant leur tanin boisé aux arômes faisandés. Sayan ne dut pas cacher suffisamment le supplice que lui infligeait cette situation et c’est avec des gestes banals que l’homme s’empara d’une assiette creuse et s’approcha d’une cuisinière vétuste sur laquelle étaient posées de grosses marmites. Soulevant le couvercle, une fumée dense et riche s’échappa, accompagnant les belles cuillerées qu’il versa dans l’assiette. Il la posa sur l’étal juste derrière lui et, sans un regard pour son visiteur, il dit sans manières :
Son hôte soupira.
« Une jeune louve blanche ? Cela ne pouvait être que Sacha, la propre fille d’Astrid. Qui d’autre ? » analysa Sayan en passant en revue toutes les possibilités.
Pendant qu’il réfléchissait et digérait son désappointement de la savoir déjà repartie, l’homme s’était penché dans un placard et en avait sorti un pichet et un verre qu’il s’affaira à remplir. Posant le godet métallique dans un claquement sonore à côté de l’assiette encore fumante, il se campa sur ses deux jambes et fit face au jeune homme.
Le regard de Sayan se fixa malgré lui sur les victuailles offertes et la salive lui envahit la bouche. Il abdiqua et accepta l’offrande, son loup affamé prêt à l’étriper s’il osait encore une fois refuser.
À peine avait-il engouffré la première cuillère que l’homme lui asséna gentiment quelques tapes sur l’épaule.
Sayan vida son assiette en un rien de temps et saisit le gobelet. Le liquide qu’il contenait était un alcool fort et, surpris, il toussa après la première gorgée.
Le gros homme se mit à rire.
Son hôte s’était confortablement adossé au mur juste à côté et détaillait Sayan pendant qu’il se restaurait.
Les traits de l’homme s’étaient affaissés et il semblait avoir vieilli tout à coup d’une décennie.
Puis retrouvant tout son allant, il ajouta :
Sayan grimaça en avalant d’un trait le reste de l’alcool mais admit intérieurement que le feu qui se répandit dans son corps fut une sensation très agréable.
L’homme s’emmitoufla dans un manteau épais avant de sortir mais Sayan, revigoré, accepta le froid qui lui mordilla le visage. C’était tellement bon de cesser un instant d’être quelqu’un qu’il n’était pas ! Emmitouflé depuis des jours pour éviter tout soupçon, il accueillit le vent frais avec bénédiction.
Ils ne firent que quelques pas avant de pénétrer dans une maison basse, de plain-pied comme toutes les autres maisons dans le haut nord, et somme toute assez modeste. Avec respect, ils se défirent de leurs bottes dans un vestibule étroit et Sayan suivit l’homme jusqu’à une pièce, de belle taille, qui servait de salon et surtout de pièce à vivre. Çà et là, on y trouvait des nécessaires pour coudre, tisser et des réalisations qui décoraient les murs ou entreposées dans des paniers.
Sayan inspira avec force et le parfum d’Aria emplit ses narines.
Oui, elle était venue souvent ici, y avait passé du temps. Il ferma les yeux, bienheureux tout à coup. Une torpeur accueillante s’emparait de lui et la fatigue de ces dernières semaines se fit sentir. Maladroit, il trébucha sur un coussin posé à même le sol et se rattrapa de justesse au bras de l’homme qui, sans le retenir, accompagna sa chute d’un sourire désolé. Une fois à terre, Sayan sentit sa tête tourner et la langue dans sa bouche devenir pâteuse et lourde. Il tenta de se relever mais ses membres ne lui répondaient plus.
Sayan agrippa la manche et ouvrit la bouche pour parler mais aucun son n’en sortit et un trou noir l’avala pour de bon.
Pond Inlet, quelques mois plus tôt
Les yeux perdus dans le vague, un de ses doigts enroulés autour d’une de ses nattes, la petite fille qui lui faisait face soupira lentement et bruyamment.
Elle resta muette encore quelques instants puis sembla réintégrer la réalité, son regard redevenu clair et intense lorsqu’il se posa sur la femme assise sur le tapis à même le sol.
La femme éclata de rire.
La gaieté s’évanouit aussi soudainement qu’elle s’était imposée. Le sourire d’Aria se figea.
La passion de Sita se glaça également lorsqu’elle comprit la portée de ses mots et son visage se ferma instantanément.
La colère chez la petite fille était patente et s’exprimait avec cette franchise qu’ont les enfants. Son désarroi était sincère et son mouvement d’humeur émouvant pour Aria.
Aria leva les mains en signe d’apaisement.
Aria reçut comme un coup de poing dans l’estomac non pas le surnom que le peuple du petit village de Pond Inlet lui avait donné, mais le regard perçant et limpide que la petite fille dardait sur elle. Aucun faux-semblant, aucune fuite n’était possible devant cette infantile inquisition.
Aria baissa les yeux devant le voile sombre de souvenirs qui affluèrent : pendant une fraction de seconde, elle se sentit de nouveau tirée violemment en arrière alors que tombait devant elle, si proche et pourtant inaccessible, celui qu’elle ne pourrait plus jamais étreindre. Le seul être qui lui était destiné. Pendant cet instant, elle crut sentir ses tympans exploser de nouveau sous son cri désespéré lorsque les portes de l’ascenseur s’étaient refermées sur le regard d’ambre dont le flamboiement s’était aussi soudainement éteint.
Chacun des mots prononcés était un effort suprême : nier jusqu’à sa mort c’était aussi pour elle le moyen de refuser l’inéluctable. Souffler son nom ravivait au fond d’elle le feu d’une douleur incommensurable qu’elle muselait depuis ces derniers mois, sans l’éteindre, la nourrissant en secret jour après jour, jusqu’à ce que cette force dévastatrice vienne amplifier sa propre puissance lorsque viendrait le moment. Elle avait peut-être choisi le silence et l’abdication, rien ne l’obligerait à embrasser l’oubli.
La tête de l’enfant se pencha légèrement sur le côté et une de ses nattes glissa le long de son épaule pour se balancer dans le vide.
Le ton de Sita était déterminé. Son visage bruni par le froid polaire était devenu plus pâle, contraste saisissant avec ses cheveux noirs et luisants qui l’encadraient. Son regard, intense, était grand ouvert sur les ombres nocturnes de ses iris.
Aria se sentait gênée tout à coup et doublement blessée : son propre chagrin menaçait d’exploser à tout moment et elle ne savait comment faire entendre raison à cette petite fille aux espoirs débordants sans briser ses rêves à elle aussi. Dans toutes les communautés d’hommes-loups, aussi lointaines pouvaient-elles être, le rôle du Protecteur était sacré. Aria se rendait compte, à mesure qu’elle découvrait le territoire de la Royauté, rencontrait les peuples, les tribus qui colonisaient ces contrées sauvages et lointaines, de combien la présence du Berserker allait bien au-delà du simple mythe, de l’espoir. Sans jamais le rencontrer pour la plupart, ces âmes louves lui vouaient un culte profond et sincère.
Le visage de Sayan s’imprima dans son esprit : sans même connaître le véritable visage de cet homme, sa beauté, ignorant jusqu’à ce qui fut son extraordinaire force, tous lui témoignaient un respect ancestral. Et Sita, plus qu’aucune autre, voulait y croire, nourrissant ses propres rêves, ses évasions oniriques, ses désirs futurs.
La fillette se retourna d’un bond vers sa mère.
La femme qui restait plutôt discrète depuis le début de l’échange se redressa et plaqua le tissage sur lequel elle s’affairait sur ses genoux d’un mouvement sec. Le regard brun pénétrant fixé sur sa fille, elle avait donné à son visage plus de gravité encore qu’à l’accoutumée, maquillant ses traits d’une sévérité effrayante.
Rappelée à l’ordre, Sita rentra la tête dans ses épaules et se dressa sur ses genoux, face à sa mère, la tête baissée, avant de se lever pour sortir, tournant le dos aux deux femmes.
Sita s’immobilisa mais ne se retourna pas lorsqu’elle murmura du bout des lèvres des excuses à peine audibles avant de disparaître totalement dans un tourbillon glacé qui s’engouffra lorsqu’elle ouvrit la porte.
Le visage de Nipiushkaiats se détendit légèrement et un pâle sourire se dessina sur ses lèvres.
La femme posa son tissage, prit la bouilloire sur le feu et versa de l’eau chaude dans deux gobelets avant d’y jeter quelques herbes qui dégagèrent immédiatement un fort parfum de sève et d’écorces dans la pièce. Elle s’avança vers Aria et lui tendit une tasse.
Nipiushkaiats saisit la main d’Aria et la retourna pour l’ouvrir au creux des siennes. Penchée et concentrée, elle suivit silencieusement du bout de son index la courbe gracieuse de la paume offerte, continuant son cheminement sur chaque phalange avant de parler à nouveau.
Nipiushkaiats, tout à coup, se mit à rire comme une enfant espiègle.
Mais devant l’air décontenancé d’Aria, elle reprit son sérieux.
Pour toute réponse, Nipiushkaiats lui sourit.
Aria ne put empêcher un ricanement grinçant s’échapper du fond de sa gorge.
Son ironie était blessante et acerbe. À la mesure de son propre dégoût.
Nipiushkaiats posa une main réconfortante sur le bras d’Aria.
La jeune femme inspira profondément et bloqua sa respiration, restant un long moment en apnée. Le lien qui s’était installé entre Sayan et elle les avait profondément marqués l’un et l’autre et même le temps semblait n’avoir aucun effet sur ce stigmate jamais délétère.
Nipiushkaiats et Aria échangèrent un long regard : rien dans la femme qu’elle avait en face d’elle n’essayait de la disculper ni de la faire douter plus encore. Non, au contraire, ses intentions étaient d’une franche simplicité : elle souhaitait rééquilibrer la balance de ses émotions.
Le ton en suspens de Nipi était suffisamment suggestif.
Aria plongea ses yeux dans le brun, brut et sauvage, de celle qui avait su l’apprivoiser à son arrivée à Pond Inlet. Nipiushkaiats était une de ces femmes louves à l’aura assez puissante pour en faire une Dominante. Elle n’était juste pas née dans le cocon de la Royauté pour pouvoir prétendre à ce titre.
Aria fut décontenancée par la réflexion. Que cherchait-elle à lui faire entendre exactement ?
Au même moment au siège de la Royauté, New York
La peau encore perlée de sueur, gainée d’un justaucorps qui mettait en valeur son physique parfait et athlétique, Astrid pénétra dans ses appartements, essuyant sa nuque après les efforts qu’elle venait de fournir comme chaque matin dans sa salle de sport privée, à l’étage inférieur de la Royal Northern Society.
En plein cœur de Manhattan, l’immeuble accueillait non seulement l’Alpha et la Dominante qui dirigeaient la Royauté, quelques membres actifs et proches du couple régnant mais également diverses entreprises qui permettait à l’organisation des loups d’investir les marchés financiers, un cabinet de juristes et des sociétés high-tech dans la maîtrise des médias et des nouvelles technologies de pointe.
Et tout en haut de ce petit microcosme urbain, clef de voûte qui gérait et protégeait des millions d’individus, se tenaient leurs dirigeants : Richard et Astrid.