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Après le succès remporté par
La Jeune Parque (1917), Paul Valéry, plébiscité en 1921 comme le plus grand poète contemporain, publie
Charmes le 25 juin 1922 ; le titre du recueil est un hommage aux poèmes de l’Antiquité romaine, les
carmina.
Une fiche de lecture spécialement conçue pour le numérique, pour tout savoir sur Charmes de Paul Valéry
Chaque fiche de lecture présente une œuvre clé de la littérature ou de la pensée. Cette présentation est couplée avec un article de synthèse sur l’auteur de l’œuvre.
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Seitenzahl: 43
Veröffentlichungsjahr: 2015
Universalis, une gamme complète de resssources numériques pour la recherche documentaire et l’enseignement.
ISBN : 9782852299429
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Ce volume présente des notices sur des œuvres clés de la littérature ou de la pensée autour d’un thème, ici Charmes, Paul Valéry (Les Fiches de lecture d'Universalis).
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Après le succès remporté par La Jeune Parque (1917), Paul Valéry, plébiscité en 1921 comme le plus grand poète contemporain, publie Charmes le 25 juin 1922 ; le titre du recueil est un hommage aux poèmes de l’Antiquité romaine, les carmina. Après remaniement de l’ordre des 21 poèmes, une nouvelle édition paraît en 1926.
La méthode, chère à Valéry, qui favorise l’attention, l’invention et la connaissance des moyens propres à l’émergence d’une idée, Charmes la symbolise dans sa structure. Influencé par Poe comme par Mallarmé, Valéry construit un édifice où chaque poème entre en relation avec les autres. Cette interdépendance est présente à chaque page du recueil : le poème initial, « Aurore », chante le combat du principe spirituel cherchant à s’arracher à ce qui l’entrave : « Je fais des pas admirables/ Dans les pas de ma raison. » Sorti de la « confusion morose de la pensée », le poète avance en lui-même pour espérer y construire un temple éternel. Les quatre premières sections de « Fragments du Narcisse » permettent à l’âme de s’émanciper pour se retrouver face à elle-même : l’ivresse naît de « l’inépuisable Moi ». La pensée suit son cours, travaille comme « L’Abeille », avance des « Pas » vers le grand œuvre encore en sommeil que symbolise « La Dormeuse ». La gradation s’opère vers la jouissance de l’activité créatrice et de ses pouvoirs que le langage, « honneur des hommes », concentre en un même élan.
Le chant est issu d’un travail, la modulation s’ordonne en fonction d’une connaissance : c’est une autre aile du palais qu’inaugurent « Ébauche d’un serpent » puis « Les Grenades », signe que la méthode, pour austère qu’elle est, peut être savoureuse. Assailli par d’autres images, comme celle du « Vin perdu » ou de « Intérieur », le poète accueille les fruits de l’imagination, cependant maîtrisée par un rythme obsédant 6/4, 4/6 : « Le Cimetière marin » veut d’abord « maintenir des conditions musicales constantes ». La beauté des décasyllabes de ce chef-d’œuvre poétique n’est pas étrangère aux souvenirs de Sète, ville natale du poète. L’abstraction pénètre un flot d’images frappantes : « Le vent se lève !... Il faut tenter de vivre !/ L’air immense ouvre et referme mon livre,/ La vague en poudre ose jaillir des rocs !/ Envolez-vous, pages tout éblouies ! » Le calme de la vie intérieure se mêle à celui de la mer, la pensée cherche à trouver asile dans ce rythme. L’ordre interne du recueil s’oriente vers le secret, délaissant les charmes qui séduisent « Le Rameur » pour toucher enfin l’œuvre accomplie dont « Palme », ultime poème, est l’emblème.
La poétique de Valéry est d’abord fondée sur la rigueur, sur le primat de l’intelligence, une subtile alliance entre un sens, un rythme et une signification qu’il appartient au lecteur de faire sienne : « Un beau vers renaît indéfiniment de ses cendres, il redevient – comme l’effet de son effet – cause harmonique de soi-même. » Le poème est compris comme un lieu de réactions psychologiques capables d’engendrer quantité de phénomènes selon les circonstances ou l’individu. Passionné par l’éveil de l’intellect, le poète aspire à saisir une émotion et à en restituer la quintessence par un rythme approprié ; il se dit par exemple marqué par les octosyllabes de Hugo. Au lieu de parler d’inspiration, il préfère chercher « à descendre dans soi-même le plus profondément qu’il soit possible ».
Louange aux dons de l’intelligence, inséparables des abandons que suppose « l’exercice des vers », véritable condensé de l’art poétique comme de l’histoire même du poème, Charmes se donne comme une victoire de l’énergie créatrice sur l’indéfini : « Ces jours qui te semblent vides/ Et perdus pour l’univers/ Ont des racines avides/ Qui travaillent les déserts » (« Palme ») ; il n’y a d’autre mystère que celui qui est récité par le vers souple et laborieux, pas d’autre création que ce projet mené au terme d’une exaltation consciente de son pouvoir et que, à force de maîtrise, sa forme protège de toute altération.
À la lecture de cette œuvre, Rilke lança : « Un jour j’ai lu Valéry, j’ai su que mon attente était finie... » Si Charmes est considéré par certains comme une œuvre sévère sinon froide, le plus grand nombre s’accorde à célébrer les subtiles beautés de ses images comme de ses rythmes. Valéry lui-même, infatigable observateur des ressources de l’esprit, se surprenait de la cohésion du recueil et le plaçait fort haut dans sa production. Sur sa tombe, ce sont deux vers du « Cimetière marin » que l’on grava en hommage : « Ô récompense après une pensée/ Qu’un long regard sur le calme des dieux ».
Claude-Henry du BORD