6,99 €
Le chiisme (shī‘isme) ne doit pas être désigné comme une « hétérodoxie » par rapport à un sunnisme qui serait l'« orthodoxie » islamique. Il n'y a ni concile ni autorité pontificale en Islam pour déterminer ces positions dogmatiques, et l'idée de majorité n'est pas plus l'équivalent d'orthodoxie …
Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:
Seitenzahl: 45
Veröffentlichungsjahr: 2016
Universalis, une gamme complète de resssources numériques pour la recherche documentaire et l’enseignement.
ISBN : 9782341003131
© Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.
Photo de couverture : © Tarapong Siri/Shutterstock
Retrouvez notre catalogue sur www.boutique.universalis.fr
Pour tout problème relatif aux ebooks Universalis, merci de nous contacter directement sur notre site internet :http://www.universalis.fr/assistance/espace-contact/contact
La collection des Grands Articles rassemble, dans tous les domaines du savoir, des articles : · écrits par des spécialistes reconnus ; · édités selon les critères professionnels les plus exigeants.
Afin de consulter dans les meilleures conditions cet ouvrage, nous vous conseillons d'utiliser, parmi les polices de caractères que propose votre tablette ou votre liseuse, une fonte adaptée aux ouvrages de référence. À défaut, vous risquez de voir certains caractères spéciaux remplacés par des carrés vides (□).
Le chiisme (shī‘isme) ne doit pas être désigné comme une « hétérodoxie » par rapport à un sunnisme qui serait l’« orthodoxie » islamique. Il n’y a ni concile ni autorité pontificale en Islam pour déterminer ces positions dogmatiques, et l’idée de majorité n’est pas plus l’équivalent d’orthodoxie que celle de minorité n’est l’équivalent d’hétérodoxie. Le shī‘isme représente une certaine manière de comprendre et de vivre l’islam qui remonte jusqu’aux origines de celui-ci, c’est-à-dire au vivant même du Prophète. Le mot « shī‘isme » est bizarrement formé en français par l’adjonction d’un suffixe tiré du grec au mot arabe shī‘a. La racine d’où provient ce dernier connote l’idée de suivre, d’accompagner. La shī‘a, c’est l’ensemble des adeptes, de l’école (il y a, par exemple, la shī‘a de Platon). Au sens strict du mot, la shī‘a, le shī‘isme, s’applique essentiellement aux fidèles qui professent la foi en la mission des Douze Imāms, c’est-à-dire les shī‘ites duodécimains ou imāmites tout court (le mot imām veut dire guide, principalement au sens spirituel). Au sens large, le mot peut désigner une vaste famille en mesure de se réclamer d’une ascendance shī‘ite. Dans cette famille entrent les Ismaéliens (comme shī‘ites septimains, différenciés des duodécimains à partir du VIIe Imām), et subsidiairement les Druzes et les Noṣayris. D’autres branches, tel le zaydisme (au Yémen), forment en quelque sorte transition avec le sunnisme.
Après le bref éclat jeté par les princes iraniens shī‘ites de la dynastie des Bouyides (Xe s.), qui furent un moment les vrais maîtres de l’empire ‘abbāside, le shī‘isme duodécimain eut à traverser des siècles de persécution qui le réduisirent à la clandestinité. C’est seulement avec l’avènement de la dynastie safavide au XVIe siècle et la reconstitution de la souveraineté nationale iranienne qu’il put revivre au grand jour, ce qui ne veut nullement dire que la pensée shī‘ite soit une création de l’époque safavide. La quasi-totalité de la population iranienne professe de nos jours le shī‘isme ; aussi bien, dès les origines, le shī‘isme avait-il pris fortement racine en Iran. Il y a, en outre, de forts îlots shī‘ites en ‘Irāq (où sont les lieux saints : Najaf, Karbalā, Kāẓimayn), au Liban, en Syrie, dans l’Inde, au Pakistan..., mais les statistiques, quand il y en a, ne fournissent pas des données numériques qui soient hors de doute. Aussi bien, par sa « discipline de l’arcane », le shī‘isme échappe-t-il plus que toute autre formation religieuse aux statistiques.
On peut à grands traits distinguer quatre périodes dans l’histoire du shī‘isme duodécimain.
La première période est celle des saints Imāms et de leurs adeptes et familiers. Elle s’étend jusqu’à la date qui marque le début de la « Grande Occultation » (al-ghaybat al-kobrā) du XIIe Imām (329/940). Cette même date est celle de la mort de l’un des premiers grands théologiens shī‘ites, Moḥammad ibn Ya‘qūb Kolaynī, qui rassembla en un corpus de plusieurs dizaines de milliers de ḥadīth les traditions rapportées des Imāms, lesquelles, constituant la sunna ou tradition proprement shī‘ite, sont aussi la source de toute pensée shī‘ite.
Une deuxième période s’étend depuis cette date jusqu’à la mort du grand philosophe et théologien shī‘ite, mathématicien et astronome, Nāṣir al-dīn Ṭūsī (mort en 1274), celui qui, lors du sac de Baghdād par les Mongols (1258), réussit à sauver le quartier et la population shī‘ites. Pendant cette période, les théologiens continuateurs de Kolaynī poursuivent l’élaboration du corpus des traditions shī‘ites formant plusieurs grandes sommes (celle d’Ibn Bābūyeh Shaykh Ṣadūq, celle de Shaykh Mofīd, celle d’Abū Ja‘far Ṭūsī, etc.). D’autre part, avec Nāṣir al-dīn Ṭūsī et ses élèves (notamment ‘Allāmeh Ḥillī), la pensée shī‘ite duodécimaine s’élabore en une forme systématique qui, sans doute, vient ainsi postérieurement à celle des Ismaéliens, mais ceux-ci avaient bénéficié de l’intermède fāṭimide.
Une troisième période s’étend jusqu’à la renaissance safavide en Iran, au début du XVIe siècle, qui vit éclore avec l’école d’Ispahan la grande figure de Mīr Dāmād (mort en 1631) et celle de ses nombreux élèves. Cette période fut extrêmement féconde et prépara cette renaissance même, qui ne s’expliquerait pas sans le travail qui la précéda. S’opère alors la jonction entre la pensée shī‘ite et le courant issu de l’œuvre du grand théosophe mystique Ibn ‘Arabī ; par là même sont renouvelés les termes dans lesquels se pose le problème des rapports originels entre le shī‘isme et le soufisme. On évoquera simplement les grands noms et les œuvres massives de Shāh Ni‘matullāh Walī, Ḥaydar Āmolī, Ibn Abī Jomhūr, Ṣā‘in al-dīn Torkeh Ispahānī, Rajab Borsī, Shams al-dīn Lāhījī, commentateur du célèbre mystique d’Azerbaïdjan, Maḥmūd Shabestarī.
La quatrième période, qui s’étend de la renaissance safavide à l’époque actuelle, se caractérise par un magnifique essor pour la philosophie comme pour la spiritualité (au XVIIe