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Tristan, quarante ans, mène une vie tranquille avec sa femme Fanny. Marie-Lou, quinze ans, est une jeune fille survoltée qui vit avec Marine, sa maman vindicative. Cette dernière partage un lourd secret avec Tristan et lui voue une haine sans limites. Contre toute attente, un amour platonique naît entre l’adolescente et le quadragénaire. Voyant ce rapprochement d’un mauvais œil, Marine s’y opposera farouchement. Leur amour triomphera-t-il ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Dans
Comme deux flamants roses,
Xavier Baraglioli met en lumière la relation amoureuse que peuvent entretenir une adolescente et un adulte et le regard de la société sur ce phénomène délicat.
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Seitenzahl: 390
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Xavier Baraglioli
Comme deux flamants roses
Roman
© Lys Bleu Éditions – Xavier Baraglioli
ISBN : 979-10-377-7897-0
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Je suis dans une certitude que rien ne peut bousculer. Un jolichemin tracé de mon existence, d’où je vis avec le sentiment que riennepeutfairepencherlabalancedudestin.Pourtant,jen’arrivepasàdécrire ces moments où, comme une maladie que l’on ne voit pasvenir,jeressenslessymptômesd’un malétrange.
À chacun de ses regards, qui ne lâchent les miens, je me sens partir,misendangerdecertitudesébranlées.Toutestsibeau,simerveilleux,quejechassemesinquiétudesau grédesessortilèges.
Nosduelsdeviennentdesdanseseffleurant,denosoffensives,lechemindel’autre.Noussommesdeuxacrobatesperchéssurunecordetendue,noussommesentrel’interditetledéraisonnable, maispourautantsifort,sansjamaistomberd’uncôtéoudel’autre.Noussommestantôtlecirqued’hiver,tantôtlapoésied’Apollinaire.Nosclowneriesdévoilentnotreattachement,notredévouementàcesmoments uniques. Puis revient en nous le surréalisme de la situation.Onseprendpourl’automne,tombantausoldansdesgestesd’infortunes,pourleprintempsfleurissantnoscœursdesouriresetdenosmainssetouchantdanslehasarddujeu.Deuxflamantsrosessetenantl’un faceà l’autresurunpied, dans la défianced’un équilibre semblableà celledel’instant.
Puis vient la saison des confidences, on avoue de nos vies lesdouleurspassagères,s’asseyantsurunbancpourmieuxnousécouter.
Il y a dans la vie toutes ces choses que l’on ne peut prévoir, moij’aiprévudepuislongtempsqueriennepuissem’arriver.J’aiattachélesdérivesdemesnuitssolidementàlarouedutemps,nelaissantpasde places aux écarts de conduite. Je n’ai pas pensé que mes heuresnocturnesdeviennentcauchemars,quelesheuresdesommeildeviennentdesinsomnies,perturbéesparunmanque,commel’alcooletletabac vous le fontressentir.
J’allume une cigarette puis j’imite une deuxième, à me perdre,m’envoler, dans des nuages grisés, à confondre mes idées, perduesdansla fumée.
Jeveuxfuir.Larejoindre.Jesuisdevenudépendantdenosrencontres, de nos jeux de complicités enfantines. Un esclave de labêtisehumaine,d’uncœurquitambourine,quimélangemescouleurs,surl’esquisse desesrires.
Puis la force des choses, de nos paroles pensées, je suis restéadulte,elleestrestéesijeune,l’interditdemeuranttoujoursautourdenous, comme un chemin possible vers la folie du jeu. À des règlesoubliées que nous suivions si peu, à se laisser aller, à vouloir nouscomprendre.
Nous étions deux flamants roses aux regards étoilés. Qui pouvaitbienprévoirquenouspouvions tomber…
TristanMercier,mars2022
Bonjour, mon nom est Éric Flat, je travaille au journal NîmesHebdo. Nous sommes un hebdomadaire qui paraît tous les lundis etnos bureaux se trouvent rue de l’Aspic, pas très loin de la mairie. Lejournal est spécialisé dans les rapports écrits des faits divers et desaffairesqui relèventdu tribunaldeNîmes.
Le journal a été créé en 1967 par Jean-René Signole, un hommed’affaires du bâtiment qui, arrivé d’Algérie en 1965, avec son épouseet son fils, à la suite de la guerre d’indépendance, contribuera à laconstruction et à la réalisation du quartier du Mas De Mingue dans ledomainedel’architecture.
Le journal à sa création s’appelle l’occitan d’Orient, puis en 1975,devientsimplementl’Occitan.Jean-RenéSignole,ungrandsupporteurdefootballetactionnaireduclubNîmesOlympique,auquel il aura dédié, toute sa vie, les deux dernières pages de sonjournal.
En1991,ildécèdealorsâgéde81ans.Dansunpremiertemps,sonfils Gérard, un grand avocat du barreau de Paris, la ville où il réside,décidedevendrelejournaltropcommunàson goût.Devantlamobilisation des collaborateurs employés au journal, il accepte de leconserver,maisdemandequelejournalsoitplusoriginaletsedémarque des autres. La décision prise deux semaines plus tard serade relayer dans chaque numéroles faits divers et les affaires dutribunaldeNîmespoury apporterunautreregard.
Dernièrement, j’ai couvert l’affaire Raymond Adam, que j’évoqueun peu plus loin. Une sombre histoire d’abus sexuel au parloir de laprisondeNîmes.Unscandalejuridiquepourlamagistraturefrançaiseetpoursoninstitutionpénitentiaire.L’affairerelayéeparnotrejournal, complétéedetémoignagesetdedescriptionsdesfaits,aséduitbeaucoupdelecteurs.L’enquêtequej’aimenéedanscetteaffairem’abeaucoup fatigué et je pense prendre quelques jours de congé bienmérités.Maisc’estjusteavantmondépartquemonrédacteurenchef,LucienLambert,medemandeunefaveur,celledereporterdequelques jours mes vacances. Il veut que je puisse suivre et quej’enquête sur une demande de comparution pour un homme appeléTristanMercier.
C’est cette affaire, l’histoire de cet homme, que je vous laissedécouvrir.
Leurs gestes sont doux et respectueux, parfois tendres, toujourstouchants. Au début, il n’y a pas de contacts dans leurs jeux, ons’observe,on se jauge,onexaminel’autre commel’adversaireàabattre,celuiqu’ilfautvaincre.Maistouslescoupsnesontpaspermis,Tristan s’emporte par moments pour un coup de pied dans le dos ouuncoupdepoingdans l’épaule.
Marie-Lou est la fille de Marine. Elle a 15 ans, grande, brune,cheveuxcourts,elleestfilleunique.Elleévoluedansuncadrefamilialtrès compliqué, puisqu’elle n’a jamais connu son père et que sa mèreneluien parlequetrop peu.Un grandmanquepourlajeunefille.
Elle ne le connaît qu’en photo, celle de la rencontre entre sa mèreetcepèreabsent,quitrônesurlebuffetdesesgrands-parents.D’ailleurs, Marine ne comprend pas que cette photo soit toujoursprésente. Il faut dire que Bassem, le papa biologique de Marie-Lou,étaittrèsappréciéparlesparentsdeMarine.
Marie-Lou est une enfant en hyperactivité, elle a besoin de sedépenser,maisellenetrouveguèredepersonnespourcela.Sicen’estqu’ellepossèdequandmêmeundéfouloiretunesoupapededécompression,Tristan.
Dans ses premières visites, Marie-Lou vient rendre visite à Fanny,l’épousedeTristan.Elleseconfie,parledesesespoirs,desespetits copains d’école et d’autres choses. Fanny est toujours heureusede voir la fille de Marine à la maison, elle est tellement survoltéequ’elle anime tout l’après-midi, et comme Marie-Lou lui demandesouvent conseil,Fanny estravie.
Fannyesttrèsprochedesonjardinetdesesarbresfruitiersqu’ellea vus pousser. Et quand elle surprend Marie-Lou en train de grimper sur lesarbres ou accrochée de tout son poids aux branches, elle râle et pesteaprèselle.
Aprèsavoirmaltraitéunprunierouunabricotier,c’estundémarragerapideversTristan enguisedeprovocationàlabataille.
Leurspartiesdejeuxdurentdeuxheures,voiretroisheures.Fanny,l’épousedeTristan,estheureusedelesvoirs’amuseretchahuterdanslejardin.
LesvisitesdeMarie-Lousonttoujourslesamediaprès-midi,Tristanenprofitepourfairecequ’ilaprévulematin.Lebricolagenonbruyantpourlesvoisinspeutmaintenantattendredimanche.
Parfois, Fanny intervient quand elle voit Tristan à bout de souffle,inquiète pour la santé de son mari qui court autant de bout en bout dujardin.D’unevoixsûre,maisferme,l’épousedeTristansifflelapauseetsehâtedeservirdesboissonsfraîchesauxdeuxcombattants.Tristanse pose, assis sur la balancelle. Marie-Lou, elle, prend une chaise,s’installe face à lui et lui montre les vidéos de danses improviséesqu’elle fait sur les réseaux sociaux. Tristan est toujours à l’écoute,s’intéresse à tout ce qu’elle fait, ce qu’elle réalise, et la jeune filletrouveunspectateurextraordinaireenlapersonnedeTristan.
Mais le pire n’est pas là, l’insupportable suit lorsque les pas dedanse se terminent et que Marie-Lou passe aux couplets de chansons.Cen’estpaslefaitqu’ellenepossèdepasunebellevoix,maisellen’apas du tout de voix, en tout cas pour chanter. Tristan déteste lesmoments chansons. Il est toujours tiraillé entre le ce n’est pas mal etun fou rire extraordinaire tellement qu’il se sent amusé par ce qu’ilvoit,maissurtout cequ’il entend.
Marie-Lou publie, toujours par le biais de ses réseaux sociaux, despetites vidéos d’une trentaine de secondes que ses abonnés peuventvoir,et même legrand public,sielleledésire.
Maisl’organisationdesvidéosdemandequelquespréparations:
«Tristan,regardelà,jedansedanslerefletdel’ombre,onmevoitdanser, mais pas mon visage, c’est trop top hein ? je dois publier,penses-tu ? Attends, non,je nepublie pas,onvoitmontee-shirtdépassé, je recommence. Fanny, peux-tu me prêter une brosse pourmes cheveux?»
Le tee-shirt remis à sa place et les cheveux coiffés, Marie-Lourepart dans la création de ses vidéos pour vingt bonnes minutes où,Tristan en sueur après leurs efforts dans le jardin, commence à sentirlafraîcheurserapprocherdelui.Maisaprèstout,lalonguepausen’estpas négligeable et cela tombe plutôt bien pour Tristan dans ses tempsde récupération. Difficile de tenir le rythme, mais il fait encore bonnefigurefaceàlajeunesseetlafouguedelajeuneadolescente.
Les grands-parents de Marie-Lou, les Paillon, habitent dans unhameau voisin de la demeure de Tristan, au 315 Chemin des Buttes àNîmes. La maison des grands-parents est un ancien corps de fermeréaménagé en habitation, bordé par la droite d’un chemin qui conduitau cimetière par le côté est de la ville et de l’autre côté d’une petiterivière qui crapahute entre les herbes et les cailloux. Après les fortespluies,lapetiterivièredevientplusconséquenteet,malheureusement,peut disparaîtrel’étéaveclemanquedeprécipitations.
L’intérieur de l’habitation est très rustique, voire un peu vieux. Lacuisine est grande, les électroménagers de labels peu connus, et sa surface est d’une cinquantaine de mètres carrés. Des meubles qui tirent sur l’ancien comme la table Henri II qui partage l’espace du salon avecses6 chaiseshautes.L’insertdelacheminéeestdécorésursesmontants de dorures, mais il est fendu dans sa plaque du fond et nepeutplusservir.Lesprisesélectriquessontvieilles,jaunies,etcertaines sont encore en porcelaine. Deux des trois interrupteurs dusalon,uneautrepiècegrandeetvaste,possèdentencoreunevisfusible dansleursformes.Lessolssontdescarreauxdecarrelagescassésavecdesjointuresdisparuespourcertains.Paulaménageactuellementl’étage,enfin, disonsqu’illerénove.
Paul,legrand-pèredeMarie-LouestunretraitédelaSNCF,64 ans,sportifettravailleur,c’estluileprincipalartisandelarénovation de l’ancienne ferme. C’est un grand amateur de bricolage,et très fier de son atelier qui se trouve dans une ancienne étable. Il aaménagé des machines de menuiserie comme un tour, une scie à rubanetuneraboteuse.Desmachinesqu’iln’apaspayéescherauxenchèresdeventesjudiciaires.Cependant,lebranchementobligatoireen380 volts n’a pas été simple et il a dû adapter son installation pourfourniretsupportercegenredetension.
C’est un homme gentil, doux, courtois, avec le cœur sur la main. Ilest toujours prêt à aider ses amis, les gens qui l’entourent, il est trèsgénéreux.Ledimanchematin,iladoreallerausupermarchéducentre-ville pour acheter quelques boissons, le pain et le journal du jour. Iladore la tranquillité, passe beaucoup de temps à bricoler et cela faitson bonheur. Dans son atelier, il fabrique et répare. Il est passionnépar la matière du bois et le plaisir de le travailler, l’usiner. Pour lui,l’odeurdesèveetdecopeauxestcequiilyadeplusagréable.Ilauraitaiméêtreébénistecommelesanciensartisansquipossédaientnaguèredelamagiedansleurs mains.
La grand-mère de Marie-Lou, Françoise, a 67 ans. Une grandefemme aux larges épaules, des mains fortes et robustes, l’œil vif etcurieux, mais elle est très peu souriante. Certes, elle n’a pas eu unejeunessefacile,puisquedèsl’âgede17ansellecommenceàtravaillerà l’usine debonbons Haribo, que l’on surnomme à l’époque lesgrandes cheminées. C’est la vision des deux grandes cheminées del’usine,fumantetnoircissantlecieldelaville,quiapportecesurnom.C’est à la demande expresse de ses parents, qui jugent que le niveauscolairedeFrançoisen’estpassuffisantpourluipermettredepoursuivresascolarité,qu’elledécidedetravaillerdanscetteusinedebonbons.Maisc’estsurtoutunrevenusupplémentairepourses parents.D’ailleurs,ellenevoitquerarementl’argentqu’ellegagnedesesjournéesdetravail.
À19ans,FrançoiserencontrePaullorsd’unbalcommunaletilstombentamoureuxl’undel’autre.Paulestungranddanseur,amateurcertes,maisquisedéfendpasmalsurunepistededanse.Lecharmeopèretoutdesuiteentreeuxetressembleàuncoupdefoudresoudain.Malheureusement,ilseratrèsmalaccueilliparlesparentsdeFrançoisequineluiapportentqu’entrèspeud’occasionsdessignesdegentillesse.Ilestplutôtlàpourréparerceci,portercela,déplacerleschargeslourdesetcontribuer,luiaussi,financièrementàlaviefamilialequ’ilpartage,àcemoment-là,chezlesparentsdeFrançoise.Lesdeuxtourtereauxn’ontque19et22ansàl’époqueetFrançoiseattendlemomentd’êtreautoriséeàquitterledomicileparental.Aujourd’hui,ilsviventtouslesdeuxdanscetanciencorpsdefermeréaménagéenhabitation.L’anciennemaisondesparentsdeFrançoise,unemaisondanslaquelleilsont toujours habitéet qu’ilsn’ont jamaisquittée.FrançoiseetPaul,lesgrands-parentsdeMarie-Lou,sont mariésdepuisplusde40ans.
Françoise est maintenant retraitée depuis cinq ans. Après quelquesannées chez Haribo, elle devient vendeuse pendant 35 ans dans unmagasindelained’unesociétébienconnue.Saretraite,ajoutéeàcelledePaulquiatoujourseuunbonsalaireàlaSNCF,leurpermetd’avoirde quoi vivre honorablement et de sortir ou voyager. Françoise atoujours travaillé,toutcommePaul.
Mais de toute façon, les grands-parents de Marie-Lou ne sortentqu’à de rares occasions. Pas de voyages et encore moins de vacances,c’est une vie dans leur maison sans même le désir de découvrir autrechose. Ce n’est pas que Françoise n’aime pas sortir, mais c’est quePaul refuse toujours de quitter sa maison. Il est comme enracinédedans à ne faire qu’un avec cet ancien corps de ferme au point de nepas pouvoir s’en éloigner. Paul travaillait beaucoup en déplacementlors de sa longue carrière à la SNCF, alors aujourd’hui, il prend letemps de vivre. Pourtant, Françoise aimerait sortir. Le cinéma, dessoiréesauxrestaurants,desbalsdansants,elleaenviederencontrer dumonde,defairedesconnaissancespourdiscuteretéchanger.C’estd’ailleurs un sujet de discussion parfois qui appelle à la dispute. Paulse borne à trouver des excuses pour rester chez lui et Françoise sedésespère de pouvoir profiter de sa retraite en sorties et voyages aveclui.
Marine, 38 ans, est la seule enfant de Paul et Françoise et elle estla maman de la petite Marie-Lou. Enfin, je dis petite, la jeune fille de15 ans fait une jolie taille de 165 cm pour son âge. Marine est, commeonleditsouvent,unemèrecélibatairequiélèveseulesafille.Lepapabiologique, un Libanais de 37 ans, Bassem Bessayel, un beau garçonbrun, les yeux bleus, beau, mais surtout… disparu. Une photo de luiavec Marine, lors d’une promenade avec Françoise et Paul, au débutdecetteaventureamoureuse,bordeencoredansuncadreunpeugrand,lebuffetdu salon deFrançoiseetPaul.
Le beau brun aux yeux bleus tient à l’époque, un magasin detéléphoniemobile.ArrivéenFrancedepuisunequinzained’annéesduLiban,début2006exactement,ilestarrivéavecsonfrèreYssametsamaman Mariam. La famille avait décidé de fuir le Liban peu avant laguerremeurtrièreaux frontièresd’Israël.
Marine,lamamandeMarie-Lou,possédaitàl’époqueuntéléphoneApple. Ce dernier qui traînait continuellement dans son sac à main avec ses clés, ses rouges à lèvres et tout ce que l’on peut trouver dansun sac à main de femme se retrouve, un beau matin, l’écran cassé.Impossible de lire quoi que ce soit sur l’écran. Ce dernier est illisibleet possède une belle fêlure de haut en bas. Dans le coin gauche, unboutd’écranestmêmemanquant.Lesboutons,côtégauche,nefonctionnentmêmeplus.
C’estaumagasindeBassem,lorsdesesdémarchesenvuedefaireréparer son téléphone, qu’elle fait sa connaissance. Marine est trèsattirée par la beauté et le corps du jeune Libanais. Lui, coureur dejupons, ne cherche que les aventures, loin d’être décidé à s’engagerdans une relation sérieuse. L’histoire d’amour entre lui et Marine nedure que quelques mois, quatre en tout et pour tout. Une fin deliaisonprécipitéelorsqueBassems’entenddire,delabouchede Marine, qu’il va être papa. Bien sûr, ce n’était pas dans ses plans derester engagé à une seule femme, et de plus, endosser la responsabilitéd’être père ne lui convenait pas du tout. Mais surtout, Bassem pensaitavoir toujours tout fait pour que cela n’arrive pas. Alors pris depanique, il quittera la France pour retourner à Beyrouth et laissera lagestiondu magasin detéléphonieàsonfrèreYssam.
Bassem adorait Paul, le père de Marine. Ils passaient tous deuxbeaucoupdetempsensembleetPaulétaitravi.LagentillessedujeunehommeduLibanletouchaitbeaucoup.Paul,quiaimebeaucoupréaliserdesmaquettes,avaitenlaprésencedujeunehommeunpassionnécommelui.Bassemramenaitsouventdegrandesmaquettesdebateaux en bois,ce quicomblaiténormément Paul.
Le jeune Libanais prenait souvent son après-midi pour rendre visite aux parents de Marine. Toujours des fleurs sous le bras pour Françoise et une bonne bouteille de Ksara, un vin très coûteux du Liban, pour Paul.
D’ailleurs, Françoise et Paul ont toujours douté de la possibilité d’une vie à deux entre leur fille Marine et le jeune Bassem. Le caractère de Marine n’est pas facile et l’idée de partage n’est pas vraiment une qualité dominante chez elle. Dans le cœur des parents de Marine, il était parfait pour être leur beau-fils.
Marine n’a jamais eu de nouvelles de lui depuis le jour où il a quitté la France, mais elle a toujours tout assumé et élevé sa petite Marie-Lou avec fierté et beaucoup de tendresse sans jamais évoquer ce père absent dénué de responsabilités. Aujourd’hui, Marie-Lou est adolescente et les rapports entre sa mère et elle deviennent plus difficiles. Marine est une mère qui aime s’imposer et qui n’aime pas être contredite.
Marine travaille comme professeur de dessin auprès des enfants. Elle reçoit dans un petit atelier créé chez ses parents. Longeant l’atelier de bricolage de son papa dans la longère de l’ancien corps de ferme, elle a travaillé sur un aménagement d’une petite salle de classe. Paul, son père, a beaucoup aidé Marine pour la création de cette salle de classe improvisée, mais accueillante. Les couleurs sont vives, mais s’accordentensemble,desreproductionsdedessinsetdespeinturesdeMarine sont accrochées aux murs, la lumière est claire et puissante.Un espace réservé à l’exposition des créations des dessins des enfantsestmême accessible.C’estunendroitoùl’on sesent bien.
MarineaétudiéauxBeaux-Artsdanslescourspublics pourapprendre la maîtrise des techniques de dessin et perfectionner saconnaissance de l’art ancien et contemporain. Pendant 2 ans, elle vaconsacrer une trentaine d’heures par mois aux cours, afin de bienconnaîtresonsujet.Marinea,d’ailleurs,faitquelquesdessinsetaquarelles qu’elle a exposés dans une galerie d’art d’Alès pendantquelquessemaines,maisle succèsespérénefutpasaurendez-vous.
Aujourd’hui,elleestépanouie.Apprendreauxenfantsestpourelleune motivation grandissante et une réussite personnelle. Bien sûr,Marie-Lou et elle vivent des revenus qu’apporte chaque enfant inscritdans les cours de dessin. Parfois, certaines semaines organisées pourles cours sont peu fréquentées. C’est toujours un manque à gagnerpour Marine, mais la qualité de l’enseignement reste toujours trèsgrande. Et puis, il y a des semaines où Marine refuse des enfants, carles cours sont pleins. Une fréquentation aléatoire, mais qui dans lerésultatfinals’équilibresurlenombredesemaines.
Pourpouvoirdonnersescours,Marineacrééunemicroentreprise.Ellefaitpartied’uneassociationsurlesthèmesdel’artetdelaculturequi lui permet d’avoir des contacts et de participer à des forums avecdes parents d’élèves afin de faire connaître son art. L’association Art-cult-Provence dont elle fait partie s’occupe aussi de la publicité pourlesmicroentreprises quisont adhérentes.
Cette activité prend beaucoup de temps à Marine qui ne ménagepassesefforts.Elleprendbeaucoupdeplaisiràtransmettresonsavoir-faire et à voir progresser les enfants de ses cours. Ce qui ne lui laissepas beaucoup de temps pour gérer les activités de sa fille Marie-Louqu’elle dépose souvent chez ses parents quand elle est prise par sonactivitéprofessionnelle.
C’est Françoise et Paul, les parents de Marine, qui s’occupent dedéposerMarie-Louàsescoursdeguitare.Ellealeplaisirdeles prendreavecleprofesseurdeguitareJuanPerreiro,Franco-Colombiennéen1987.Ilacommencésacarrièremusicaleauconservatoire de Paris, où il s’est formé pour devenir professeur deguitare. Aujourd’hui, il joue de la guitare depuis plus de 20 ans. Sonstyledemusiquepréféréestleblues,mêmesisouventiljouedumétal,du rock et même du jazz. Talentueux, ses cours sont très demandés etil bénéficie d’une très bonne réputation. Marie-Lou, elle, apprend laguitare sèche, elle a essayé la guitare électrique, mais ne trouve pasvraiment le son qui lui convient. Sur sa guitare offerte par Fanny etTristan, Yamaha classique d’étude en épicéa, elle se débrouille pasmalmalgréunefaiblessesur lesolfège.
Marie-Lou adore aussi le patin à glace. Elle se rend souvent à lapatinoire avec ses amies de classe et un parent de l’une d’elles pourles accompagner. Les filles y passent l’après-midi à s’amuser et à sedépensersur laglace.
Laplupartdutemps,c’estlamamandelapetiteClairequiaccompagnelegroupedefilles.ClaireestlameilleureamiedeMarie-Lou, elles se disent tout et partagent tous leurs secrets. La mamande Claire s’installe dans les gradins de la patinoire et prend du tempspour lire, sans relâcher la vigilance dans la surveillance des jeunesfilles.IlarriveaussiqueFannyetTristanaccompagnentlegroupedes filles. Dans ce cas, eux aussi participent au jeu de la glisse, mais leniveau du couple en matière de patinage est assez novice, bien queFannysoittoutdemêmeplusàl’aisesurlaglacequeTristan,lagrâcefémininesans doute.
Tristan est employé dans une société de logistique basée à Paris etétendue dans plusieurs régions de France comme La Provence, leGard,larégionlyonnaise,ParisetMarseille.Ilgèrelefretdesimportsde matériaux en container venus d’Asie et d’Amérique du Sud. Il suitl’acheminementdanslesdépôtsparlebiaisdutransportroutier.
C’est un poste que Tristan occupe depuis vingt ans et dans lequelilprogresserelativementbien.Enpostedemaîtrise,iltravaille quaranteheuresavecdesjournéesdehuitheuresparjour,cinqjoursparsemaine.Enretour, ilaledroità vingt-trois joursdeRTTpar an.
Vingt-troisjoursdepurbonheuràl’arrivéeduprintemps,périodeoùTristan concentre ses demandes deRTT afin depouvoir préparersonjardinàlabellesaisonetprofiterdesaprès-midiensoleillésàserelaxer.Tristanestmanuel,adorelesfleursetsonjardin.Ilpassebeaucoupdetempsàl’entretenir.Ilytaillelesrosiers,coupeleshaiesquientourentlejardin,plantelesbulbespourl’été.Ilnettoielaterrasseettondlapelousequandcettedernièreestassezhaute.Iladoreensuiteseposersurlegazonetécouterdelonguesminuteslesoiseauxchanter.Bienplusjeune,Tristanaimaitécriredespoèmes,sonâmeromantiqueetbucoliqueatoujoursbeaucoupinfluencésesécrits.Ilauraitaimé publierunrecueildepoèmes,maisnese sentaitpas,danssajeunesse,letalentpourlefaire.Illuiarrivaitd’écrirecinqàsixpoèmesparjourlorsquel’inspirations’emparaitdelui.Maisbiensouvent,enserelisant,illestrouvaittellementpersonnelsqu’ilatoujourspréférélesgarderpourlui.Envoicideuxquej’apprécie beaucoup,enlecturepourvous,cetavant-goûtdesonécriture.
Peindrelamer
J’ai ouvert grand les voiles, je navigue sans regret,
Aux mers sombres des toiles, de peintres stupéfaits
D’unegouachegrivoise, senoielechevalet.
Et de vagues à mer (amer), aux tempêtes cubistes
Oui, je n’ai pas de pairs, dit moi, l’impressionniste,
Mafemmerestelamer,etdesBermudesj’oublie.
De mes poches sans MONET, je suis riche des abîmes,
Jedessinelereflet,d’elle battantlarime,
Navigueloindesméfaits,destempêtesquiéliment.
Etpuiscelui-ci :
Leprisonnier
Encore une salle sans fleurs, aux épines bien obscures
Oùestdonc,lebonheur,est-ilderrièrece mur?
D’unerosequisemeurt,poséesurlaclôture.
10 ans sans un jardin, et pour toi, beaucoup plus,
Oublierais-jelejasmin, les prairiesd’hibiscus,
Àl’anglaise, unchemin,unecoursive,riendeplus.
10 ans n’ont pas tenu, et je pars sous les fleurs,
Devient,l’hommependu,quifleurissentauxlueurs,
Pardonne-moi,jen’aieu,dansmesyeuxque despleurs.
Sespoèmessontparfoistroublants,doux,tristesouremplisdejoie.Ils évoquent l’humeur du moment, la complicité d’un instant, d’uneémotion.Il aimelamer,laliberté,lanatureetadoreenparler.
Tristanécrittoujoursdespoèmes.Surlesréseauxsociaux,jecroiseencore des publications de vers empreints d’amour et de liberté, dedouceur et du verbe aimer. L’inspiration d’un homme romantique quiapprécieleschosessimples delavieetdesonjardin.
Justement, son jardin est simple, mais si agréable. De la pelousesur1200m²,desmassifsderosiers,desborduresdesfleurslelongdesmurs.Desarbresfruitierstelsqu’abricotiersetpommiers.Toujoursetencore les oiseaux qu’on entend et que l’on peut voir se poser. Desmésanges à tête bleue, des mésanges charbonnières, des merles, despigeons et des rouges-gorges le long des terres retournées. Le soir, àla pénombre, les chauves-souris prennent leur envol et partent dupignon de la maison de Fanny et Tristan pour commencer leur balletdechasse aux insectes.
Puis la nuit vient et laisse les cris des oiseaux à ceux des rapaces.Unencerclementgénéraldechouettes.Onpeutdistinguerdeschouettes hulottes et chevêches d’Athéna. Parfois, Tristan, lors de sesobservationsnocturnes,croisefurtivementunechouettetoutevêtue d’un manteau blanc. Oh, l’instant ne dure que quelques secondes etcelle-ci ne reste pas longtemps là où elle se trouve. Mais un rapaced’unebeautéinégalée.
Parfoisperchésenhautdespoteauxélectriques,ouenappuientsurlesclôtures,lescrisdelanuitrappellentcontinuellementleurprésence.
Dans cet espace que Tristan a créé pour y rêver et s’y perdre dansses pensées, les samedis se suivent et se ressemblent. Surtout lessamedisaprès-midi aveclesvenuesdeMarie-Lou.
Parfois seule, la jeune fille vient aussi avec sa meilleure amie Claire et sa petite sœur, Anaïs. Claire a seize ans, un an de plus que Marie-Lou. La petite sœur de Claire, Anaïs, elle, a dix ans.
Cederniersamedidefévrier,letempsestdouxavec14degrés.Marie-Louestseule,énervéeetsurvoltée.Tristansaitqu’ilvaavoirledroitauretourdescoupsdelajeunefille,auxpoursuitesinterminablesetauxcrisquipercentsesoreilles.Maisils’enamuseaprèstoutletempspasséavecelle,esttoujoursagréablemêmes’ildoitfinirsurlesgenouxbientropsouvent,parlafatigueetl’épuisementquilegagnent.Parfoisaprèsdeuxcombats,entreunevictoiredeTristanetunerusedeMarie-Lou,cettedernièreleregardedansunmomentquiest difficileàexpliqueretelles’adresseàlui.
« Quand on se bat, quand on fait la bataille, c’est vraiment là où je sais que je t’adore, dit-elle avant de rajouter : tu sais que j’ai ton image dans ma tête. Quand je veux que tu sois avec moi, il me suffit de penser à toi. »
Tristan ne porte pas trop attention à la signification des petitesphrases de la jeune fille. Il les décrit dans sa tête comme une belleamitiéetsafaçonàelledeluidirequ’ellel’apprécie.Illesprendavecdouceuretréconfort.
Dans son cœur, il est plaisant de se sentir aimé par Marie-Lou, caril ne manque pas d’affection pour elle et il adore la complicité qu’ilspartagent touslesdeux.
Desamediensamedi,lesrencontrespassent,etlesattitudesévoluent dans une certaine tendresse. Marie-Lou, lors de leurs jeuxdans le jardin, à d’ordinaire, l’habitude de se relever seule dans leschutesetlesglissadesquiconcluentsouventuneattaqued’undesdeuxcombattants. Chutes accentuées par l’eau jetée et par les passagesrépétéssurceszonesdélicates.Etpuis,danslesdernierstemps,quandMarie-Lou se retrouve au sol, elle demande à Tristan de la relever.Tristan tend ses mains vers les mains de Marie-Lou dans un contactquinesembleplusêtrelemême.Leursmainsrestentl’unedansl’autreplus longtemps, le toucher est moins fort et plus doux. L’échange seprolonge plus longtemps pendant que les regards se croisent et ne selâchentplus.Etpluslejeusepoursuit,plusMarie-LousembletomberausoletappelledésespérémentTristanpourveniràsonaide.Lerituelest bien huilé et leurs mains se croisent et se tiennent, leurs regards seperdentetseretrouvent.
Il y a quand même quelque chose de changé dans les attitudes, dumoins du côté de la jeune fille qui semble vouloir plus de complicité.Peut-êtrecherche-t-elleàexprimersonamitiépourTristan.Lesattitudes sauvages, frileuses, les réactions de peur ont disparu pourlaisser place à quelque chose d’autre dont il est difficile de définir sanatureexacte.
Dans les jeux de poursuite, lorsqu’ils courent l’un et l’autre, ilarrivequeTristan,surunebonnepointedevitesse,rattrapeMarie-Loudans le jardin. L’étonnement est grand de sa part quand il rejoint lajeune fille après un effort effréné, que cette dernière laisse aller sonbras autour de la taille de Tristan. Parfois, ses doigts viennent mêmeserrerledessus desahanche.
Toutaudébut,Tristann’yporte,unenouvellefois,aucuneattention. Ils jouent, chahutent, s’arrosent et quelque part s’amusenténormément. Tristan ne se pose à aucun moment de questions, ilpartagesimplementun momentdesavieavecellechaquesamedi.
À la fin de certains de ces après-midi, quand Marie-Lou repart,Tristanestunpeuattristé.Ilattendleprochainsamedipourreprendre le combat que sa combattante préférée revienne le défier afin deprendre sa revanche. Quand cette dernière n’est pas au rendez-vous.Retenue par sa grand-mère qui veut la voir rester dans l’ancien corpsdefermeoulorsqueMarine,samaman,sedégageunaprès-midipourle passer avec elle, Tristan attend. Il est impatient, mais comme il nevoitpasvenirMarie-Lou,alorsil senoiedanssespensées.
Unsamediaprès-midi,Marie-Louarrivevers14 h 40.Tristanregardelatélé,uneémissionanimalièresurlatélévision.Onyvoitdesflamantsrosessetenirdebout,unepatteenl’air,l’autredansl’eau.Leplan du documentaire s’arrête sur deux flamants roses, l’un face àl’autre,dansunepositiond’équilibre quinesembleposeraucunproblèmepourlesdeux oiseaux.
«Oh!qu’est-cequ’ilsfontlesgrosoiseaux?»
Tristansemetàsourireetlaissemêmeallerunpetitrired’amusement.
«Cesontdesflamantsroseslesgrosoiseauxcommetudis,ilssontlàtranquilles,ilssereposent, tuvoisbien.»
«Waouh,tucroisqu’onpeutfairecommeeux.Dis,Tristan,viens,onvafairelesflamantsroses,vite,vient,vient.»
« Venir pour faire quoi ? Tu veux quoi ? Qu’aimerais-tu, que jefasse et quoiexactement?»
«Onvadanslejardin,etonsetientcommeeuxsurunejambel’unet l’autre, comme eux, faire ce qu’ils font dans la télévision, vient, onvas’marrer ! »
« Tu as toujours de drôles d’idées, Marie-Lou. Pff… bon d’accordjeviens. »
Tristanselève,luiquiestbieninstallétranquillementàdigérerlesbonnes lasagnes de Fanny du midi. L’épouse de Tristan adore cuisiner, de plus elle est très douée et les plats compliqués ne lui font pas peur.C’estunpointcommunqu’ellepartage aveclapetite Marie-Lou.
Tristanrejointlajeunefilledanslejardincôtésudoulesoleilbrilletoujours énormément. Tous deux sont face à face et ils se regardent.Marie-LoucrieàTristan:
« Fais comme moi, lève ta jambe droite, les bras le long du corpseton ne bougeplus, commelesflamants roses. »
Tristan entame 3 essais. Le premier, il relève la jambe gauche,essaie de se stabiliser, mais un manque d’équilibre l’oblige à reposersajambe.
Pour le deuxième essai, sa jambe gauche toujours relevée, Tristansesituedansunéquilibreprécaire.Lajambegaucheresteenl’air,maislachutenese faitpasattendredansun éclatderirede Marie-Lou.
Pour le 3e essai, c’est la jambe droite que Tristan relève. Il écartelesbrasdansunpremiertempspourtrouverunecertainestabilité,puisles ramène contre son corps afin de trouver la position idéale quiressemblelemieuxaux grosoiseaux commeditMarie-Lou.
Elle est déjà en équilibre, son faible poids, comparé aux 80 kilosdeTristan,luipermetdebienseteniretmêmedesemoquerdutempsquemetTristanpoury arriver.
« Super Tristan, voilà, nous sommes deux flamants roses », elle semetàrire.
«Onseratoujoursdeux flamantsroses Tristan,veux-tu?»
« Si cela te fait plaisir, Marie-Lou, moi je veux bien, mais il fautarriveràtenir comme ça. »
«Maisc’estfacile,allez,regarde-moi »,dit-elle.
Ilsepasseunmoment,uninstantquiparaîtsilong,quelesregardsdesdeux nesequittentplus.
Et puis, une trentaine, de secondes plus tard c’est Marie-Lou quivoit son équilibre fuir sous elle, entraînée dans une glissade et unechute prévisible. Elle accroche ses mains aux bras de Tristan, seretrouve au niveau de ses épaules, regarde les yeux une nouvelle foisdeTristanavant deluidire :
«Lesdeuxflamantsroses,c’estnous…»
«Oui…C’estnousMarie-Lou.»
MaisquepeutbiensedireTristan,à40ans,detoutcela.Etsurtoutqu’enpense-t-il ?
Oui,j’avoue,entreeux,onpeutdevinerlanaissanced’unecertainetendresseetunecomplicitébienplusfortequ’audébutdeleursjeux.
Pourtant, Marie-Lou reste frileuse et distante avec Tristan hors et loinde ces jeux qui les rapprochent le temps de quelques heures. Tristanlui envoie parfois un SMS emoji ou une vidéo amusante sur sonportable,mais ellenerépond querarement.
Alors pourquoi cette attitude si différente quand elle est avec lui ?Il a parfois tellement de mal à comprendre Fanny, son épouse, alors,pensez-vous,comprendreuneadolescente,c’estpeineperdue.Maisilyaquandmêmedesinterrogationsquirestent sansréponses.
Lorsque Marie-Lou se rend chez les Mercier, ses rencontres avecFanny se réduisent de visite en visite pour passer le plus de tempspossibleavec Tristan.
Claire, la meilleure amie de Marie-Lou, qui vient de temps à autreaveclafilledeMarinechezlesMercier,dittoujours:
« Ondiraitdeuxgamins »quandMarie-LouetTristanjouentensemble.
« Deux enfants qui n’ont pas grandi et qui sont toujours dans lacourdelamaternelle », rajoute-t-elle.
C’estvraiqu’ilssonttoujoursl’unaprèsl’autre,enfinc’estMarie-Lou qui vient toujours provoquer Tristan, le bousculer, le regarderdanslesyeux.Toutestdansleursregards,tout.Etpuisilyadesmots,des phrases, toujours et encore quand elle part de chez Fanny etTristan,au derniermomentquandelleestseulefaceàTristan.
«Jet’adore,tusais. »
Etlesentimentaugmenteaveclessemainesquipassent à:
«Jet’adoresifort…»
Tristan est touché. Car les mots de Marie-Lou ont tendance àbeaucoup le troubler. Il se sent touché par l’affection de la jeune fille,maissonquestionnementrestesansréponse.Sitroublé,qu’unsamedi,après le départ de la jeune fille, Tristan parle à Fanny des petitesphrases que lui dit Marie-Lou avant de partir. « Ne t’inquiète pas,Tristan. Marie-Lou a une réaction d’amitié. C’est pour te dire qu’ellet’apprécie,toutsimplement»,ditFannytoutenpartantdansunéclat de rire et poursuit sa phrase : « Tu ne t’imagines quand même pasqu’elleestamoureusedetoi.»
«Ehbien, jemeposedesquestions. »
Fanny pouffe encore de rire et conclut l’échange d’idées sur lespetites phrases de Marie-Lou. « Non, mais tu vas bien, elle a 15 ans,tu ne crois tout de même pas qu’une fille de son âge puisse tomberamoureuse de toi. Tu es beau mon Tristan, mais vous n’avez pas lemêmeâgeettu n’asplussonâgenonplus. »
«Tuaspeut-êtreraison,jemefaissûrementdesidées…Désolédet’avoirembêtéavecça. »
Pourtant, Tristan ne semble pas convaincu. Tout d’abord, il y a lesregards. Vous savez, ce regard que vous croisez, qui vous trouble, vousdonne cette impression de confiance et de force, un silence pour desmots qui ne s’écrivent pas. Ceux-là mêmes qui vous provoquent cettechaleur dans le cœur, qui vous font trembler à l’intérieur. Ils vouslaissentcetteimagedansvospenséesàsourirebêtement,maisheureuxcommevous nel’avezjamaisété.
Ensuite, les gestes de la jeune fille. Plus précis, plus délicats, pluscomplices. Tristan n’avait jamais remarqué la douceur des mains deMarie-Lou, mais ces derniers temps la fille de Marine trouve toujoursunprétexteàlesglisserdans cellesdeTristan.
Etpuisil yacesmoments decontesdeNoël.
Nous connaissons tous, dès le mois d’octobre, tous ses films deNoël qui passent et repassent à la télévision et qui décrivent deshistoires d’amour romantiques. On pleure puis on sourit à se réjouirdu bonheur d’un moment magique où se retrouvent les deux héros dececontedeNoël.
Cemomentquilesconduitsàêtrel’unprèsdel’autre,etpuis,vientl’attente de ce baiser de la magie de Noël, dans un instant si long quenous nous entendons dire : Embrasse-le ou embrasse là. Selon quenous sommesun hommeou unefemme.
Eh bien, ces moments existent entre Marie-Lou et Tristan et quecelasoitausol,aprèsunecoursedanslejardinoulorsqu’ilsse reposent l’un à côté de l’autre. Il y a toujours un instant ou si lasituation n’était pas si grave, si impossible, si effrayante que dans unautremonde,dansunautreordred’idée,onpourraits’attendreàlesvoirs’embrasser.Etpuisrevientlaraison,l’intelligenced’unmomentqui ne peut pas exister, qui ne doit pas se produire, et qui serait unegrave erreur. Chacun repart pour un moment, s’éloignant à un autreendroit, dans le doute d’eux-mêmes. Sans perdre de vue l’ombre del’autre,un peu commeun aveu.
L’amour reste un sentiment qui ne se construit pas, qui ne s’évitepas, qui s’invite simplement sans que l’on puisse le deviner. Puis ilgrandit sans même y prêter attention avant de venir vous mettre dansunétatdejoieavant quesurgisseledoute.
L’amour n’est pas une attirance physique, ne se construit pas dedésirs ni d’envies, c’est un soleil qui vient briller en nous, pour nousréchaufferou sebrûleren dessous.
Ilfaitperdrelatêteàtantd’hommes,tantdefemmes.Ilfaitgagneretperdredesguerres,ilrendufoudejoieetdétruittantd’âmes.Ilestunearmed’avenir,unarrêtbrutal,unsentimentquinesecontrôlepas.Peut-être que j’extrapole, que je me noie dans des explications quin’ontpaslieud’êtreetquifontsourireourévoltent.Aprèstout,Marie-Lou exprime peut-être simplement son amitié à Tristan. D’ailleurs, letéléphonedeTristanesttoujourssilencieuxpourcequiestdepossiblesmessagesdeMarie-Lou.Sielleadanssoncœurunsentimentd’aimer,pourquoireste-t-ellesilencieuse ?Unsilencede prudencepeut-êtreaussi.
Certes,l’amitiéetl’amoursontproches,parfoisdifficilesàdifférencier. Seul un baiser peut les identifier. Et encore je n’en suispas si sûr. Ce qui est dans mes certitudes, c’est que le sentiment entreMarie-Lou et Tristan est très fort, qu’il y a de la sincérité de leur partet qu’aucun des deux ne fait semblant. Aimer est un grand mot, car ilemporteavecluibeaucoupdechoses,l’amouretl’amitié.Illaisseaux autresdessous-entendusquecertainsattribuentàdéfautàdessituationsqu’ilsnecomprennent pas.
TristancèdesouventauxcapricesdeMarie-Lou,toutcommed’ailleurs Fanny. Le dernier en date, de grands bâtons de combat enmousse comme ceux souvent utilisés dans les jeux detéléréalité.Marie-Lou veut recréer les combats médiévaux et les défis afin de sebattre avec dans le jardin. Tristan étudie la commande qu’il doit, sanstarder,passerchezAmazon.
Ilfautdirequ’ellesaitêtreconvaincantequandelledésirequelquechose la jeune Marie-Lou. Son regard doux, ses yeux brillants, sonsourirequandelledit:« Allez,s’ilteplaît,s’ilteplaît.»
Ellesaitpasserduregarddechienbattuàceluiduchienagonisant,un spectacle de rôle qui mérite bien de céder de temps à autre, tant lemalqu’ellesedonnepourêtreconvaincanteestgrand.
FannyetTristanneroulentpassurl’or,maispossèdentunesituation financière stable. Fanny, statisticienne dans un institut desondageetTristan,lui,danssonentreprisedefret.L’uncommel’autre n’ont pas de salaires mirobolants, mais un peu plus que les minimas.Cela leur permet de pouvoir se faire des plaisirs, des sorties et s’offrirdes vacances en Bourgogne où ils aiment aller et pouvoir, dans lemêmetemps,rendrevisiteàPauline,lasœurdeFanny.
Fanny et Tristan n’ont pas d’enfants de leur union. Mais Fanny etTristan ont chacun un enfant d’un premier mariage. Fanny a un grandgarçonmaintenantde19 ans.Ilestengagédansunmétiermilitaireausein de la marine et il est posté à Toulon. Quant à Tristan, il a unegrande fille de 20 ans, infirmière qu’il ne voit pas beaucoup, cettedernière étant dans l’humanitaire en Afrique et en Asie. Fanny etTristansonttousdeuxdivorcésd’un premierMariage.
Il faut dire qu’ils s’entendent merveilleusement bien. Ces dix ansde vie commune ne leur apportent que du bonheur. Chaque jour quipassesemblerenforcerleuramouretlerendreplusfort,plusbeau.
Ils se sont rencontrés un matin d’octobre. Fanny, sur le bord de laroute, le pneu avant droit crevé, qui se demande comment changer laroue.Etpuis,lesauveur,TristanquiarriveetdépanneFanny.L’histoire ne dit pas que Tristan a eu beaucoup de mal à changer laroue de Fanny, car les boulons de roues ne voulaient pas se desserrer.Fanny a beaucoup ri, Tristan aussi, et ce fut le premier contact avantunrepaslesoir dansun restaurant deNîmes,El capitano.
Marie-Lou est passionnée à faire la cuisine. Elle passe le temps dumercredietdusamediaprès-midi,quandiln’estpasconsacréàs’amuser chez les Mercier, à cuisiner chez Paul et Françoise. Elle faitdes recettes bien gastronomiques pour ses grands-parents qui peuventles déguster le soir venu ou le lendemain. Elle y met tout son cœur ettoute sa passion. Son rêve est de devenir cuisinier et elle est trèsmotivée pour cela. Malheureusement, il semble que Marine, sa maman nesoitpasdecetavis.
Permettez-moi de laisser mon avis de journaliste à ce sujet. Je n’aijamais compris pourquoi les parents choisissent pour leurs enfants lemétier qui leur est destiné. Je ne généralise pas, bien sûr, mais dans lamajorité des cas cela se passe comme ça. Beaucoup d’enfants ont desaffinités avec certains métiers, pourquoi ne pas leur donner la chanced’ouvrirlavoieverscechoix?Jecomprendsbienquetoutparentàlavolonté que son enfant puisse aller au plus loin de ses études, avec auminimum un baccalauréat en poche. Mais les filières professionnellesrestent des enseignements très compétents et qui ne sont pas destinés,à tort, comme beaucoup le pensent, aux élèves qui éprouvent desdifficultés. Ensuite, tout le monde ne peut pas être Notaire, avocat oumédecinspécialiséen diverses aptitudes.
Mais surtout la petite Marie-Lou ne manque pas de talent. Que cesoient des plats difficiles à réaliser, des recettes régionales, la fille deMarineestvraimenttrèsdouée.Elleprendunlivrederecettes,tournequelques pages et s’arrête sur la recette choisie, et démarre le travaildepréparation.
Paul et Françoise se chargent de lui acheter les produits pourréaliserleplat.Maisbiensouventc’estFrançoisequidescendau supermarché Carrefour de la zone commerciale pour aller chercherdes poivrons, du citron vert, des oignons rouges ou des courgettes ettomatespour Marie-Lou.
Le savoir-faire d’une vraie cuisinière se fait sentir dans sa cuisineetdanssespréparations.Ellesaitmanierleslégumesetleursassortimentsaussibienquelemaniementdescondiments,despimentsetassaisonnements.
Mais comme dans tous les travaux qui nécessitent l’utilisation debeaucoupd’instrumentsdecuisineoud’outils,ilresteenfinderéalisationlenettoyagedesinstrumentsetdu plandetravail.
Iln’estpasraredevoir,alorsàcemomentvenu,Marie-Louquitterles lieux et laisser le ménage et le lavage des outils de cuisine àFrançoise.Alorslegrand-pèredelajeunefille,Paul,luiditqu’ellenedoitpaslaissersagrand-mèrenettoyertouteseuleetqu’elledoitaider.Àcela,Marie-Lourépondcontinuellementàsongrand-père,qu’ildoitacheter un lave-vaisselle à Françoise pour la soulager. Marie-Lou atoujoursàréponseàtout,cequiagacesouventPaullorsqu’ilessaiedeluifairecomprendrequelquechose.
Mais en dehors de sa phobie du nettoyage, elle est étonnante defacilitédanslaréalisationdesplatsetdesrecettes.Certainssontnésavecun don dans les domaines qui sont devenus leur fer de lance. Par