Confidences - Martine Cuenca-Dupuy - E-Book

Confidences E-Book

Martine Cuenca-Dupuy

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Beschreibung

Recueil de 15 nouvelles sur des sujets variés. Plusieurs d'entre elles ont été écrites pour des concours et ont été distinguées. Elles relatent des tranches de vies souvent nostalgiques mais dans lesquelles l'amour, l'amitié et la résilience laissent au lecteur une image positive .

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Seitenzahl: 97

Veröffentlichungsjahr: 2024

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« La vie n’est pas d’attendre que les orages passent, c’est d’apprendre à danser sous la pluie »

Sénèque

Pour Luis, à qui ce recueil doit son titre...

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L’écriture de nouvelles est une activité considérée comme marginale en littérature. Heureusement, de très nombreux concours sont proposés tous les ans aux auteurs tentés par ce style et désireux de se confronter à d’autres écrivants.

Les contraintes sont multiples : nombre de signes imposé, incipit plus ou moins long souvent extrait d’un roman connu, thème parfois vague ou énigmatique.

En outre, ce bref récit doit, pour être réussi, limiter les descriptions et le nombre de personnages et, surtout, surprendre le lecteur par une chute inattendue..

Parmi les quinze nouvelles qui constituent ce recueil, plus de la moitié a été soumise à des concours. Certaines ont été primées, d’autres ont fait partie des finalistes.

Les sujets sont variés mais ces histoires sont toutes des tranches de vies. Mettre des mots sur les maux qui émaillent l’existence humaine, c’est éveiller en chacun des échos sur ses propres émotions.

La vie est rarement un long fleuve tranquille mais l’amour, l’amitié et la capacité de résilience sont là pour surmonter les difficultés.

Sommaire

Le fantôme du campanile

L’odeur de la terre

La dernière serre

Improbable randonneur

Le coeur ou le sang

Au dernier temps de la valse

Peur sur la colline

La clé des (men)songes

Sur les ailes du rêve

Si loin de leur mer

Dernier nez

Une si belle montre

Des mots pour une vie

Du rêve à la réalité

La mémoire de l’eau

Le fantôme du campanile

Finaliste du concours du journal Quinzaines Mai 2020

Depuis plusieurs jours la plage était déserte. Il n'avait pas été facile d'obtenir ce confinement des habitants mais les consignes semblaient enfin suivies.

Marco poursuivit sa ronde en longeant le Lido jusqu'à son extrémité avant de faire lentement demi-tour. La vedette qu'il conduisait repassa le long de ces plages ordinairement si fréquentées comme celle du Bluemoon. Pas âme qui vive. Le sable blanc brillait dans le soleil couchant : une vision de paradis malgré les circonstances.

L'épidémie s'était propagée à une telle vitesse que le Maire n'avait eu d'autre solution que cette interdiction totale de sortie. Les premiers jours avaient été difficiles surtout quand on avait décidé d'annuler le Carnaval. Un onde de colère avait alors parcouru la ville : pas de vol de l'Ange cette année, pas de touristes, pas de bals. Mais le nombre croissant de morts avait figé peu à peu la cité jusqu'au désert actuel. L'atmosphère était tout à la fois étrange et oppressante. Un silence total régnait, juste rompu par le bruit du moteur de l'embarcation et le remous de l'eau dans son sillage.

Marco arriva au débarcadère où les gondoles esseulées s'entrechoquèrent quand il accosta. Il fixa solidement l'amarre et descendit sur le quai.

Le pont des Soupirs paraissait plus lugubre qu'à l'ordinaire malgré la douceur du soleil couchant. Un léger clapotis dans le canal : Marco se pencha et observa avec étonnement quelques poissons dans une eau redevenue limpide ; il n'avait jamais vu une telle transparence.

Il demeura un long moment à suivre leurs évolutions. L'heure avançait et il devait retourner au poste faire son rapport. Il arriva Place Saint Marc où une troupe de pigeons cherchait fiévreusement les dernières miettes oubliées par les touristes des jours heureux. La terrasse du Florian montrait ses chaise empilées et ses tables vides. Pas la moindre musique ne s'échappait de l'établissement. Marco pressa le pas, pris soudain d'une sorte d'angoisse. Il était seul, désespérément seul, sur cette place connue du monde entier. Il eut alors la sensation d'être le survivant d'une fin du monde ; il était le héros d'un mauvais film catastrophe.

Il n'était pas particulièrement peureux mais, pour la première fois de sa vie, il ressentit une sensation de boule dans l'estomac. Le silence qui enveloppait les lieux l'oppressait et il respirait avec difficulté.

A cet instant, un léger bruit attira son attention. Au pied du campanile, il aperçut une forme féminine revêtue d'un domino pastel. Il s’apprêtait à l'interpeller mais aucun son ne sortit de sa gorge. Il s'approcha donc. La forme n’avait pas bougé et il constata qu'elle portait également un masque de Carnaval. Sous le carton doré on ne pouvait apercevoir que des yeux noirs qui brillaient intensément. Conscient des circonstances et des risques de propagation de l'épidémie, Marco s’arrêta à distance raisonnable et parvint enfin à articuler quelques mots :

— Police ! Que faites-vous là ? Vous savez bien qu'il est interdit de sortir de son domicile !

— Oui, je le sais ! Mais j'ai voulu voir la renaissance de ma ville !

— La renaissance ! Ce n'est pas le mot que j'aurais utilisé compte tenu des circonstances !

— Mais si ! Regardez ! Plus un seul touriste ne vient salir la beauté de la Cité des Doges ! Plus un seul bateau de croisière ne vient mettre à mal ses fondations et polluer le Grand Canal. Les poissons sont revenus et l'eau est claire. J'ai l'impression que nous sommes revenus des siècles en arrière. Soyez attentif ! Peut-être Casanova va-t-il apparaître au coin du palais des Doges.

Marco s’apprêtait à répondre quand son téléphone de service le ramena brutalement au vingt-et-unième siècle. C'était son chef qui s'impatientait. Il attendait son rapport pour regagner son domicile et lui laisser le tour de garde pour la nuit. Marco remit le téléphone à sa ceinture et se retourna : la Place était de nouveau totalement vide. Son interlocutrice avait disparu. Plus aucune trace de ce fantôme de Carnaval. Le soleil se couchait dans un flamboiement de rouge. Les monuments brillaient sous les derniers rayons. Les hommes étaient frappés mais les pierres semblaient renaître.

Un léger coup de vent souleva un objet au sol. Délicatement, le policier le ramassa : c'était un mouchoir brodé de la même couleur que la cape du fantôme ...

L'odeur de la terre

Prix du Terroir 2020 Jeux Floraux Pyrénéens

Armand ne parvenait pas à trouver le sommeil. Il tournait et retournait dans le lit tandis qu'à côté de lui, Elise, sa femme, dormait profondément, fatiguée par sa double journée de travail. Jusqu'à dix-sept heures elle était secrétaire à l'usine de pâte à papier de Saint Gaudens et le soir, elle travaillait avec lui dans leur exploitation à Sauveterre de Comminges.

C'est elle qui ramenait de quoi nourrir la famille car Armand avait beaucoup investi pour cette petite ferme du piémont pyrénéen aux terres morcelées.

Après avoir décidé, comme la plupart des agriculteurs du coin, de stocker le fourrage en grosses boules emballées dans du plastique il avait fallu acheter le matériel pour les transporter jusqu'à la nouvelle étable de quarante mètres de long recouverte de panneaux solaires. EDF lui rachetait bien l'excédent d'électricité mais l'ensoleillement était capricieux et ce n'était pas demain la veille du jour où il aurait rentabilisé cette installation.

Pour couronner le tout, le représentant de John Deere l'avait convaincu d'acheter un gros tracteur climatisé. Il lui avait même parlé d'utiliser des satellites pour optimiser l'eau et les engrais pour son maïs.

— Des satellites ! Tu parles ! se dit-t-il. Le téléphone portable ne passe même pas ici. Ça fait des années que les autorités annoncent la fin des zones blanches et on ne voit rien venir..

Mentalement, il refaisait le calcul de toutes les traites à payer chaque mois et comparait leur montant avec les maigres revenus que rapportait la vente des veaux qu'il élevait. Le marché de Saint Gaudens était pourtant réputé mais la concurrence et les normes sanitaires obligeaient à faire toujours plus d'investissements pour un revenu toujours plus maigre.

Si au moins, il travaillait pour que la ferme continue à exister ! Même pas ! Pierre, leur fils, ne voulait pas prendre la suite. Il ne rêvait que d'être guide de montagne à Luchon ou à Saint Lary.

Faire ses comptes doit être aussi efficace que compter des moutons car Armand finit par plonger dans les bras de Morphée.

… Au bout du champ situé sur le côté sud de Bruncan, une silhouette coiffée d'un vieux béret semblait attendre Armand. Lorsqu'il arriva à proximité, il reconnut son grand-père Fernand. Le vieux avait l'air de très mauvaise humeur et il l'interpella.

— Millodiou ! Qu'est ce que tu as fait de ma ferme ? Je ne la reconnais plus. Tu as laissé tomber la maison où j'ai vécu pour construire à côté une bâtisse moderne et tu remplis les hangars de matériel que tu rembourses au Crédit Agricole à prix d'or ! Je me suis escagassé toute ma vie pour maintenir ce patrimoine et tu vas tout me manger pour un tracteur... Si encore ça te rendait heureux ! Même pas ! Tu cours après l'argent, tu penses sans arrêt à tout ce que tu dois et tu ne profites plus de rien. Est-ce que tu es allé aux palombes cette année ? Non ! Et tu laisses ma palombière tomber en ruines alors que j'ai sué pour la construire.

Réagis ! Ne laisse pas ta vie passer. Avec ton tracteur climatisé quand tu laboures ou que tu fauches tu n'as même plus l'odeur de la terre !

La voix s'éloigna jusqu'à ne plus être qu'un murmure qui ressemblait au souffle du vent.

Le jour était en train de se lever. Armand regarda le réveil sur sa table de nuit : cinq heures trente. Elise dormait toujours : aujourd'hui, elle était de repos. Il se leva sans bruit et se dirigea vers la cuisine. Un bon café lui ferait du bien : il lui semblait encore entendre son grand-père. Il savait pourtant que ce n'était qu'un rêve mais les paroles du vieux résonnaient dans sa tête. C'était vrai qu'il ne montait plus aux palombes. Il faut dire aussi qu'il n'en passait plus autant qu'à l'époque.

Son bol de café à la main, il songea au temps bienheureux de son enfance quand il accompagnait papy Fernand jusqu'au col du Hô, dans la montée vers le Pic du Gar. A cette époque, les palombes arrivaient en vols serrés et on entendait de tous côtés des coups de feu dont l'écho résonnait sur la montagne.

Armand posa son bol vide dans l'évier et sortit sans bruit.

Ce matin, il voulait labourer le grand champ vers Lôo. Mais, au lieu de se diriger vers son grand hangar tout neuf où son tracteur rutilant était garé, il pénétra dans la vieille remise. Elle était pleine de toiles d'araignées et son irruption dans ce local figé depuis des années dérangea deux chauve-souris qui y avaient élu domicile. Armand se dirigea lentement vers une forme imposante recouverte d'un vieux drap. Comme un enfant qui a peur de se faire gronder, il releva délicatement le coin du tissu, soulevant, malgré ses précautions, un nuage de poussière .

Et là, oubliée depuis des années, il découvrit la faucheuse de papy Fernand. Fébrilement, il enleva le drap pour découvrir en entier cette antique machine. Papy Fernand était un sacré bricoleur ! Il avait acheté chez Garros à Saint Gaudens une motofaucheuse puis l'avait transformée en lui fixant un vieux siège de tracteur en métal troué. Ensuite il avait placé une boule récupérée dans une casse de voitures et avait même réussi à rajouter une petite charrue qui pouvait s'enlever à volonté.