Derrière le rideau - Tome 1 - Marc Diaz - E-Book

Derrière le rideau - Tome 1 E-Book

Marc Diaz

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Beschreibung

"Derrière le rideau – Tome I" dévoile la réalité des coulisses, où se cachent les vérités qu’on redoute de révéler, par respect ou par peur. C’est là, derrière le rideau, qu’un monstre animé par le désir de vengeance se tapit. À chaque ouverture du rideau, les personnages endossent le rôle qui leur convient ou celui que les autres attendent d’eux. Ces tranches de vie dépeignent la réalité d’une famille limousine et de ses proches, avec l’Espagne et la Pologne en arrière-plan. Qui ne possède pas de secrets ? Qui ne porte pas plusieurs masques ?

A PROPOS DE L'AUTEUR

Marc Diaz, après trois décennies passées à Dunkerque, retrouve avec joie sa région natale du Limousin, tout en chérissant les souvenirs précieux de sa vie dans le nord de la France. Pour lui, l’acte d’écrire est une aventure exaltante, une expression véritable de liberté.

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Veröffentlichungsjahr: 2024

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Ähnliche


Marc Diaz

Derrière le rideau

Tome I

Roman

© Lys Bleu Éditions – Marc Diaz

ISBN : 979-10-422-2802-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Ce roman est une fiction, toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite.

À mes amies Cécile et Christine,

parties trop tôt rejoindre les étoiles

À ma famille

Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j’habiterai dans l’une d’elles, puisque je rirai dans l’une d’elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles. Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire !

Antoine de Saint-Exupéry,

Le Petit Prince

Incipit

Hier, au soir, il m’a semblé t’apercevoir… Était-ce un rêve ? Tu étais assis juste derrière moi en compagnie d’une femme, peut-être la femme avec laquelle tu partages ta vie. Repas à deux, dans un restaurant gastronomique cossu.

Je ne me suis pas retournée, je n’avais pas envie que tu me voies après toutes ces années. Le temps ayant laissé ses traces, je craignais que tu ne sois déçu. Je ne sais même pas si tu m’aurais reconnue, je ne sais même pas si c’était toi. Cet homme m’a fait penser à toi, au beau jeune homme que j’ai aimé, roi du contretemps, jeune homme devenu homme, homme devenu grand, mûri sans doute par les épreuves de la vie, les jours de pluie, les jours d’oubli…

Monsieur Timy

Il est arrivé discrètement un jour de printemps, il s’est introduit en passant à travers les barreaux du portail. Avide de liberté, rien ne l’arrête. Il semblait affamé, nous lui avons donné à manger. Matins et soirs, à heures régulières, Monsieur Timy vient se restaurer n’hésitant pas à miauler en grimpant sur le toit de la voiture si nous ne sommes pas réveillées lorsqu’il arrive le matin de bonne heure. Il est fort matinal et dort souvent, sous un sapin, dans le jardin d’un voisin. Il lui suffit de traverser la route pour arriver chez nous. Nous nous levons afin qu’il puisse absorber son repas. Il dévore et n’est jamais rassasié. Il a besoin de se dépenser, aime poursuivre les oiseaux, jouer avec les lézards des murailles, grimper aux arbres. Il est peureux, apprécie le calme et fuit les chiens. C’est lui qui nous a choisis, nous avons fini par succomber à son charme en lui ouvrant les portes de notre intimité. Présence discrète et de nature indépendante, Monsieur Timy nous regarde vivre, il nous observe en silence. Il fait partie de la famille.

Après avoir profité de l’été indien, l’hiver commence à s’installer. Monsieur Timy savoure le confort et devient de plus en plus casanier. Il dort beaucoup, s’étale de tout son long, aime particulièrement s’étirer en bâillant ostensiblement. C’est en fin de journée qu’il se réveille et qu’il prend plaisir à sortir. Nous avons installé une chatière afin qu’il puisse naviguer à son aise la journée. Le soir, nous veillons à ce qu’elle soit fermée. Un fils de bonne famille ne doit pas traîner à des heures indues ! Monsieur Timy refusant les interdits arrive à ouvrir la chatière. Il est ingénieux et obstiné. Nous avons déjà entreposé de l’eau minérale devant cette dernière afin de lui bloquer l’accès. Doté d’une force herculéenne, il parvient à déplacer l’obstacle et à sortir. Il suffit de sortir dans le jardin, de l’appeler en agitant le paquet de croquettes pour qu’il revienne rapidement. Le plaisir du ventre l’emporte toujours. Il se dépense beaucoup, ce qui lui permet de rester fort svelte.

Lorsque nous avons fait sa connaissance, nous étions persuadées que c’était une jeune fille et nous l’appelions Lilas. Sa puce électronique révéla son identité. C’est un garçon, un mâle ! Nous pûmes contacter ses maîtres qui acceptèrent de nous le donner. Il n’est pas possible d’aller contre le choix d’un félin. Ses anciens maîtres respectèrent le bon vouloir de Monsieur Timy. Nous l’avons donc adopté et nous avons modifié sa puce qui dorénavant porte notre nom.

Bersac-sur-Rivalier est un véritable paradis naturel situé dans le Limousin à proximité de Limoges. C’est un joli village niché dans les monts d’Ambazac qui compte de vieilles bâtisses, des maisons bourgeoises, des hôtels particuliers. C’est là que nous avons déposé nos bagages, c’est là que nous vivons en harmonie avec les saisons et le calme ambiant. Deux chevaux paissent inlassablement dans un vaste champ face à notre maison. La nature offre un spectacle permanent à celui qui sait observer et écouter.

Nicolas

Panne de réveil ou panne de paupières ? Comme souvent, Nicolas est à la bourre ce qui n’arrange pas son caractère. Il risque d’être grognon, il a horreur de devoir se précipiter dès le matin. Il aime prendre son temps, pouvoir émerger tranquillement à son rythme, savourer un café avec des tartines de pain grillé sur lesquelles il étale du fromage de chèvre. Ce matin, il est en retard, il n’a pas le temps de s’attarder dans la salle de bains. Il s’asperge de son eau de toilette favorite et se lave rapidement le visage afin de se rafraîchir. C’est ce que l’on appelle, selon l’expression populaire, faire une toilette de chat. Il ouvre les volets, le temps est à l’image de son humeur : maussade, humide, venteux. Pas évident de vivre avec un couvercle sur la tête, il aimerait pouvoir retourner tranquillement au lit. Il a passé l’âge de se faire porter pâle. Il assume son travail avec sérieux et passion même s’il lui arrive de saturer par moments.

À chaque coup de pédale, une pluie fine caresse son visage. Le vent balaie ses cheveux, l’océan s’est noyé dans la brume. Les mouettes volent au-dessus de sa tête à la recherche de nourriture. Il craint toujours qu’elles ne s’oublient, leurs fientes sont terribles : nauséabondes et dégoulinantes. Les mouettes sont redoutables et redoutées de tous lorsqu’elles ont des bébés. Elles n’hésitent pas à attaquer les personnes qui s’approchent de leur progéniture. Leurs cris stridents lui semblent lugubres en ce matin d’automne. Il est parfaitement réveillé lorsqu’il arrive à son lieu de travail, il n’est pas en retard. Comme toujours, il est même en avance. Il a le temps d’aller préparer sa salle de cours. Il enlève les chaises installées sur les tables par les agents de service lorsqu’ils ont nettoyé la salle la veille. Il préfère retirer les chaises avant l’arrivée des élèves afin d’éviter un vacarme infernal provoqué par un troupeau d’éléphants ravageant tout sur son passage. Ensuite, il doit brancher le vidéoprojecteur. Pour ce faire, étant petit, il monte sur une chaise avec une règle afin de pouvoir atteindre le bouton pour le mettre en marche. Les télécommandes ayant été dérobées, l’établissement selon le chef des travaux n’a pas les moyens d’en acheter d’autres. Il faut s’adapter. D’un naturel anxieux, il redoute toujours un dysfonctionnement informatique qui perturberait le bon déroulement du cours. En effet, les élèves n’ayant pas de manuel scolaire, tous les documents se trouvent sur la clé USB. Les élèves doivent être mis en condition de travail dès qu’ils entrent en cours pour éviter qu’ils ne se dispersent et qu’ils ne se métamorphosent rapidement en gentils petits fauves. Ils savent qu’il est toujours dans sa salle et qu’il ouvre la porte pour les accueillir dès que la sonnerie retentit.

Pour beaucoup d’élèves, les profs sont des bêtes curieuses d’une autre époque, des dinosaures n’ayant aucune vie privée en dehors du lycée et des livres, des rats de bibliothèque en voie de disparition. L’enseignant doit laisser tous ses problèmes, toute vie personnelle, derrière les grilles de l’établissement. La vie est, bien souvent, une succession de rôles que l’on se doit d’interpréter le mieux possible. Au lycée, il a sa carapace, celle du prof qui doit veiller à motiver ses élèves dans une ambiance de travail saine. Il faut donc porter le masque des apparences. D’ailleurs, une salle de classe est une scène de théâtre, avec un chef d’orchestre et de nombreux figurants qui jouent le rôle des élèves. Pour sensibiliser les élèves et leur montrer, par exemple, les stratégies du discours argumentatif, des jeux de rôles prennent place : la cour, l’accusé, l’avocat de la défense et celui de la partie civile… Les élèves deviennent acteurs et au travers des rôles qu’ils choisissent cachent sans doute, une partie de ce qu’ils sont véritablement. C’est incroyable comme on s’amuse !

Le prof sur son lieu de travail doit veiller à donner la meilleure image de lui-même, à faire preuve d’une infinie patience face aux incivilités de plus en plus fréquentes des élèves. Il est multifonction : psychologue, éducateur, infirmier, assistant social, animateur, secrétaire… Et éventuellement, il se doit de dispenser un savoir ! Le professeur est souvent l’intermédiaire entre l’administration, les élèves et les parents qu’il reçoit sur son temps libre. Bref, le prof, aujourd’hui, est le superhéros, le planqué de service. L’administration s’étonne que cette belle profession motive de moins en moins les jeunes… Cherchez l’erreur !

Nicolas évacue une partie de son stress en pratiquant du sport. Enseigner en lycée professionnel devient de plus en plus difficile en particulier avec les élèves de seconde qui manquent souvent de maturité et de motivation. Difficile pour ne pas dire impossible de tourner le dos aux élèves si l’on ne veut pas recevoir une multitude de projectiles, le premier trimestre avec des débutants consiste surtout à poser des règles et à faire en sorte qu’elles soient respectées. Difficile quand on a 35 élèves face à soi et que l’on doit faire cours de pouvoir gérer les élèves en détresse. L’enseignant se sent souvent bien seul dans sa classe. Il faut surtout éviter de se plaindre, pas de vagues. Peu importe ce que les élèves font en cours, le principal, c’est qu’ils soient en cours. Ce boulot procure des joies incommensurables lorsque le cours se passe bien, le moindre incident blesse, laisse des traces et perturbe. Difficile de prendre du recul, il faut toujours préparer de nouveaux cours, corriger les copies et subir d’interminables réunions qui bien souvent ne servent à rien. À croire qu’un enseignant n’a rien à faire en dehors de ses cours et qu’il faut meubler son temps libre ! Certains collègues sont fort carriéristes et individualistes, l’école devient une entreprise, le Proviseur est le patron. L’école est de moins en moins un lieu de savoir. Les différentes réformes mises en place accordent de moins en moins d’intérêt aux fondamentaux, l’enseignement général est délaissé. On attache de moins en moins d’importance à la réflexion, à l’esprit critique. Le métier d’enseignant a bien changé au fil des années et ne correspond plus au métier qu’il a choisi, métier qu’il a aimé et qui l’a fait vibrer.

Les profs en fin de carrière sont souvent aigris, usés et désabusés. Nicolas n’échappe pas à la règle, c’est un état de fait, c’est la triste réalité lorsque l’on se refuse de se voiler la face.

Les conseillers principaux d’éducation occupent une place particulière dans l’établissement. Ils sont censés faire partie de l’équipe éducative. Certains, par obligation ou par intérêt, se considèrent comme faisant partie de l’équipe de direction. C’est tout à fait ce qu’ils font ! Difficile de pouvoir les rencontrer. Le matin, avant le début des cours, ils boivent le café avec l’administration. Lorsqu’ils sont en réunion, le lycée peut s’écrouler, ils sont injoignables. Il est évident que les rapports qu’ils entretiennent avec les élèves sont bien différents de ceux des enseignants. Ils les reçoivent individuellement dans leur bureau et peuvent tranquillement les écouter. Ils sortent la boîte de Kleenex pour les consoler et les tablettes de chocolat pour leur redonner un bon moral. Le prof, lui, a 35 élèves à gérer et doit faire cours avec des élèves qui dans certains cas refusent de travailler ! Nicolas a connu d’excellents conseillers d’éducation avec lesquels il a eu plaisir à travailler. Ce n’est pas le cas actuellement. Ils ne lui laisseront pas un souvenir impérissable ! Ils ont tendance à dénigrer les enseignants, il est vrai que certains profs savent leur renvoyer l’ascenseur. Leur métier n’est pas simple… En revanche, une chose est incontestable : le prof est le seul à « aller au charbon », il est seul dans sa classe et laisse souvent par sécurité la porte de la salle de cours ouverte contrairement à la vie scolaire du lycée qui se protège en fermant bien souvent ses portes et les stores. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils sont en rendez-vous !

Le pompon revient au chef des travaux : un individu au physique disgracieux, mal dans sa peau et naturellement méchant. Il crache son amertume en raison de ses échecs : il a été recalé au concours de personnel de direction et n’a pas d’épaule sur laquelle il pourrait s’abandonner. Sa solitude et son mal-être le rendent amer. Il trône, avachi sur son fauteuil, derrière son bureau et dénigre tout le monde. Si on l’écoute, il est le seul à être compétent, c’est lui qui fait tourner la boîte. Il prend plaisir à embêter les profs qu’il n’aime pas en refusant des terrains de stage aux élèves et n’aide absolument pas les élèves à trouver un stage. Il parle le français comme une vache espagnole et a tendance à tout s’approprier : « Mon personnel, mes profs… ! » Heureusement, sa secrétaire est compétente ! Elle travaille dans l’ombre et effectue tout le travail qu’il ne fait pas !

Monde du faux-semblant dans lequel on a l’illusion de vivre de temps en temps des moments forts. Les collègues, bien souvent, restent des relations de travail imposées par l’État, rien de plus, rien de moins.

Ce matin-là, les cours se sont bien passés, aucun incident. Les terminales, avec lesquelles il travaille depuis deux ans, ont grandi. L’ambiance de travail est saine, sereine. Résultat de deux années de labeur. Un climat de confiance s’est installé. Les élèves connaissent Nicolas, ils sont sensibles à son humour et savent quelles sont les limites à ne pas franchir. Nicolas ne prétend pas être estimé de tous ses élèves, seuls les démagogues y parviennent. Il pense pouvoir dire, en toute modestie, qu’il est respecté de ses élèves. Nicolas quitte l’établissement vers midi pour regagner son domicile à vélo. La brume s’est dissipée et le soleil fait de timides apparitions. Un bateau de plaisance sort du port de La Rochelle. Il en profite pour faire une pause en observant le bateau qui s’éloigne. Les mouettes font un vacarme assourdissant. Arrivé chez lui, il grignote rapidement et il se rend à son bureau afin de terminer la préparation de ses cours du lendemain. Un professeur stagiaire lui a été confié, il doit vérifier la logique et la pertinence du cours que ce jeune prof a préparé. Le temps défile à grande vitesse lorsqu’il travaille. Le bureau est son refuge, il y passe une grande partie de son temps libre entouré de ses livres. Il ne supporte pas le moindre bruit lorsqu’il travaille et qu’il doit se concentrer. En fin d’après-midi, il prépare son sac d’école pour le lendemain. Il n’a jamais connu autre chose que l’école et il répète, chaque soir, depuis son plus jeune âge les mêmes gestes : préparer son cartable en veillant à ne rien oublier.

Il a un bel appartement situé à proximité de la Tour de l’horloge. La Rochelle est une ville qui bouge en permanence notamment l’été. Le port est très animé, mimes, musiciens, théâtre de rue, camelots… Les touristes affluent, bars et restaurants sont bondés. Les Francofolies déchaînent les passions, la ville entière est en émoi. Ré la Blanche, Oléron la Lumineuse, sont à proximité. Nicolas apprécie particulièrement Oléron. La diversité des paysages l’enchante : forêts domaniales, marais, lande, parcs à huîtres… Le phare de Chassiron le fascine, les couchers de soleil face à l’immensité de l’océan le transportent. Chassiron, situé au nord de l’île, a su garder un aspect sauvage avec ses falaises fatiguées par le poids des années. La mer, les soirs de tempête, se déchaîne et vient se fracasser sur les récifs qu’elle recouvre d’écume. La jouissance de l’océan le séduit, cette immensité, balayée par les vents, l’exalte. Les mouettes affrontent la puissance du vent tout comme le jogger lorsqu’il a le vent de face.

Nicolas a besoin de s’aérer et de se détendre. Ses cours sont prêts. Il décide d’aller nager. La piscine olympique est idéale, il y a des lignes d’eau à la disposition des nageurs. Il aime être au contact de l’eau, il savoure l’odeur du chlore et il prend plaisir à observer les beaux poissons qu’il lui arrive de croiser. Il est charmé par le sourire d’ange d’un maître-nageur aux cheveux bouclés. Ses yeux sont expressifs, une infinie douceur émane de sa personne. Nicolas nage sans palme, des lunettes de plongée lui suffisent ainsi qu’une planche pour effectuer certains exercices. Durant plusieurs années, il a eu l’occasion de croiser tous les soirs à la piscine l’une de ses élèves qui préparait son diplôme de maître-nageur. La natation faisait partie de leurs passions communes. Une discrète complicité les unissait. C’est à Limoges, la ville où il est né, qu’elle devait passer ses épreuves pratiques. Il espère qu’elle a obtenu son diplôme et qu’elle a pu concrétiser son rêve. En quittant le bassin, après une bonne séance de natation, il converse avec une ancienne collègue de maths retraitée. Elle est heureuse et sereine. Son travail ne lui manque pas et son activité professionnelle lui semble lointaine.

La famille… Tout un programme ! Il sait que samedi, il est invité à dîner chez sa sœur et son beau-frère à Limoges. Le trajet est assez rapide, trois heures de route en moyenne. Ces derniers ont acheté un appartement, en plein centre, à proximité de la place Denis-Dussoubs, place animée la nuit : bars, brasseries et cinémas. De cette place, on aperçoit la Gare : Limoges Bénédictins. Elle rayonne fièrement et éblouit par sa beauté.

Il y aura également les parents de son beau-frère. Il n’a aucune envie de se rendre à cette soirée où il risque fort de s’ennuyer. En revanche, il est toujours ravi de retrouver le Limousin où il a grandi. Limoges est une belle ville, à taille humaine, dotée de magnifiques espaces verts. La vie culturelle y est intense. Sa sœur Monique est sympathique, c’est sa petite sœur. Leurs vies sont fort différentes. Monique semble toujours être sous le charme de son mari. Rémi est son prince charmant, elle semble toujours d’accord avec tout ce qu’il dit et se contente d’acquiescer. A-t-elle perdu son esprit critique ? Elle est mère au foyer et dépend de son mari. Rémi se veut fort moralisateur, il est conservateur et porte souvent des jugements hâtifs sur les êtres. De surcroît, il est très radin. Il s’arrange toujours pour faire savoir à ses invités le prix de revient du repas. Nicolas ne comprend pas ce que sa sœur Monique peut éprouver pour un tel être, son physique est fort ordinaire et dépourvu de charme. Aurait-il des talents cachés ? Il est possible également qu’elle mente un peu et que le charme au fil des années se soit dissipé. Lui et Rémi sont aux antipodes et n’ont pas grand-chose, pour ne pas dire rien, à échanger. C’est un comptable, un sou est un sou, Nicolas le trouve fort ennuyeux et profondément bof. Même s’il s’en défend, Rémi est raciste et condamne les flux migratoires envahissant la France. Monique et Rémi ont deux enfants, leur raison d’être. Franck, l’aîné, a 23 ans. C’est un beau jeune homme, élancé et élégant, il ressemble à Monique. D’un naturel fort réservé, il reste fort pudique et ne se livre pas. Il a quitté Limoges pour s’installer à l’île d’Oléron. Il travaille dans une supérette à La Cotinière, petit port de pêche et de plaisance. La Cotinière est un lieu fort animé l’été, fort calme hors saison. Franck ne s’en plaint pas, il apprécie son coin de paradis. C’est un garçon indépendant, adulte et responsable. Son frère Tom vient d’avoir 20 ans et ne semble pas pressé de voler de ses propres ailes. Nourri, logé, blanchi, c’est un véritable Tanguy ! Il est étudiant en psycho lorsqu’il a le courage de se bouger pour assister aux cours. Nicolas a voulu, une fois, en aviser sa sœur afin qu’elle le booste. Ses propos ont déplu, il ne s’en mêle plus. Il n’a pas d’enfant, il n’a donc rien à dire. Il pense également que sa sœur est contente d’avoir encore un poussin attardé à la maison. Elle a toujours aimé pouponner. Ce n’est pas son cas !

Un univers le sépare des parents de Rémi qu’il trouve totalement surfaits. Ce sont de véritables parvenus. Georgette, la belle-mère de sa sœur, ne brille pas par son intelligence. Elle aime montrer qu’elle est aisée, Madame dispose d’une femme de ménage. Elle s’en plaint beaucoup, le personnel n’est plus ce qu’il était. C’est une mondaine dépourvue de cervelle qui joue au bridge et au golf. Elle est oisive et prend plaisir à dénigrer tout ce qu’elle ne connaît pas. Ses connaissances étant fort limitées, elle a de quoi faire ! C’est une dinde qui glousse bruyamment, elle a une langue de vipère. Une femme nocive et toxique. Son cher époux, Gaston, a le mérite d’être plus discret, moins surfait, plus réfléchi. Il ne cautionne vraisemblablement pas toutes les inepties dites par sa femme, mais ne se permet pas de le lui manifester. Il se contente d’écouter ou de faire semblant d’écouter. C’est un homme intelligent, il n’aime pas les conflits. Les sujets favoris qui alimentent les conversations gravitent toujours autour des enfants qui grandissent trop vite. La misère humaine, les flux migratoires et la montée du racisme ne semblent pas les atteindre. Nicolas n’a pas grand-chose à leur dire, par respect pour sa sœur, il n’expose pas ses idées. Il ne veut pas perturber le bon déroulement d’une soirée conventionnelle, insipide et bien souvent ridicule. Soirée où l’on admire le président de la République qui porte des cols roulés pour se protéger des rigueurs de l’hiver en plein été indien. Il en va de même avec Madame La première Ministre qui a déjà revêtu la doudoune. Il faut montrer l’exemple en incitant le peuple à faire des économies d’énergie. Heureusement que le ridicule ne tue pas ! Comment vont-ils se vêtir lorsqu’il fera vraiment froid ?

Afin d’être détendu, Nicolas ira courir ou nager avant ce repas. Il sera présent physiquement, c’est tout ce qu’on attend de lui. Difficile de savoir ce que chacun pense ou ressent derrière le masque des apparences, masque de la bienséance. À chacun son jardin secret, ses rêves inavoués et inassouvis, ses zones d’ombre.

Courir lui permet d’évacuer son stress et le libère totalement. Il y a quelque temps, un élève du lycée a été tué parce qu’il se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. Il ne connaissait pas ce garçon. Sa mort l’a choqué, il a couru durant des heures, hymne à la liberté et à la vie. Il aime courir lorsqu’il fait froid, il observe le sillage des avions dans le ciel qui partent explorer l’univers. Courir est un véritable combat lorsque le vent est de face. Il avance à pas-de-géant, lorsqu’il a le vent dans le dos, il a l’impression de voler. Courir le calme, l’apaise et l’aide à mieux supporter les élèves qui deviennent de plus en plus difficiles à gérer. Il est important de rester calme en présence des élèves afin d’éviter de les énerver. Il faut être zen. Courir permet également quelques écarts alimentaires tout en gardant la ligne. Nicolas attache de l’importance à son apparence. Il n’aime pas les rondeurs. Les kilos superflus sont lourds à porter lorsque l’on court.

Au lycée, la gent féminine est largement majoritaire. Pour beaucoup de ces Dames, vêtues de manteau de vison, leur salaire correspond à leur argent de poche. La tenue vestimentaire de Nicolas a beaucoup évolué au cours des années. Il portait le costard cravate lorsqu’il était jeune pour se donner plus d’assurance et mieux s’imposer face aux élèves ; les chaussures compensées et pantalon en cuir par la suite. Plusieurs looks, il aime le changement. Il n’a jamais su faire un nœud de cravate, c’est son compagnon qui s’en chargeait. Un jour, une collègue de lettres lui explique que son mari doit mettre exceptionnellement une cravate et lui demande de lui faire le nœud. Elle lui précise qu’il n’y a aucune urgence. Il prend la cravate en lui disant qu’il la lui rapportera bientôt. Impossible de la retrouver dans le désordre de l’appartement. Il se rend dans un centre commercial afin d’en acheter une ressemblant à celle qui lui avait été confiée. Son ami se charge de faire le nœud, il restitue la cravate à la collègue qui ne se rend pas compte de la supercherie. Quelque temps plus tard, elle renouvelle sa demande. Il y a urgence, son mari en a besoin le soir même. Il n’y a que quatre profs, hommes dans l’établissement, dont trois gays. Les deux collègues homos avec lesquels il s’entend bien n’ont pas cours ce jour-là. Reste Michel, gentil garçon, fort réservé. Nicolas lui demande s’il veut bien lui rendre un service en le suivant aux toilettes sans poser de question. C’est ce qu’il fait ! Ils se retrouvent dans la même cabine ! Nicolas sort la cravate et Michel s’acquitte de sa tâche sans rien dire. Il transpirait beaucoup. Peut-être espérait-il autre chose ? Ils sortent, chacun leur tour, le plus discrètement possible des toilettes. Ils n’ont jamais reparlé de ce moment de complicité particulièrement insolite ! L’année suivante, la collègue de lettres fut mutée dans un autre établissement, Nicolas n’avait plus à redouter qu’elle le sollicite de nouveau. Il eut été beaucoup plus simple de lui dire qu’il ne savait pas faire un nœud de cravate !

Antoine et Simon sont ses collègues homos. Antoine est marié, sa femme est jalouse comme un pou et il a des enfants. Ceci ne l’empêche pas d’aimer les hommes et de se perdre avec délectation dans des lieux branchés. C’est ainsi que Nicolas a découvert son jardin secret. Antoine est bon vivant et fort loquace. Il apprécie Nicolas, jeune collègue, un peu perdu dans une région qui n’est pas la sienne. Une fois, alors qu’Antoine l’a invité avec d’autres collègues à son anniversaire, la femme d’Antoine lui dit en aparté : « Cher Nicolas, merci de vous asseoir près d’Antoine. Je serai rassurée ». Cela le fit sourire intérieurement. Si, elle savait…

Lorsqu’Antoine s’adresse à son épouse, il l’appelle toujours : « Maman », ce qui est significatif de l’évolution du couple. Il ne voit plus en elle qu’une mère : elle s’occupe des enfants, elle les rassure et les protège. C’est elle qui maintient l’équilibre du foyer. La femme que l’on désire, l’épouse que l’on cherche à séduire à chaque instant n’existe plus depuis longtemps. Antoine a sa sécurité, sa vie de famille bien rangée dans laquelle il se complaît sans doute parce qu’il se sent protégé. Il sait très bien que sa vraie vie est ailleurs, mais qu’il ne peut la vivre que lorsqu’il parvient à s’échapper afin de pouvoir être lui-même. S’il pouvait s’adonner régulièrement à ses frasques, il s’en lasserait peut-être, elles appartiendraient à une forme de routine et perdraient peut-être de leur saveur. Il a besoin de se sentir en sécurité, la vie de famille le rassure autant qu’elle l’étouffe. Sa femme lui permet de sauver les apparences, il assume mal son homosexualité et souffre souvent d’être prisonnier d’une vie qui n’est pas la sienne.

Il est possible que sa femme se doute qu’Antoine ait des écarts de conduite. Il vaut sans doute mieux qu’elle ne sache pas que ce soit avec des hommes qu’Antoine vit sa sexualité intensément. Elle se sentirait trahie. Après l’orage, les tempêtes et les tornades, ce couple finirait peut-être par s’en sortir grandi en ayant chacun la vie à laquelle ils aspirent. Peut-être, trouveraient-ils le courage d’emprunter un autre chemin leur permettant d’être eux-mêmes tout simplement ? Complexité de l’existence, difficile d’être soi-même.

Nicolas se souvient de François, un homme marié ayant plusieurs enfants. Lorsque sa femme a découvert que son mari avait des amants, sa vengeance fut terrible. En effet, c’est un ami du couple qui eut la brillante idée d’en informer la femme de François. Cette dernière était persuadée que son mari avait des maîtresses. En apprenant la vérité, elle devint hystérique. Elle n’hésita pas à traîner son mari dans la boue en présence des enfants. Ces derniers, fort jeunes, ont accordé tout leur soutien à leur maman. Aujourd’hui encore, ses enfants, devenus adultes, ne veulent pas le voir. Pour pouvoir vivre sa vraie vie, il a tout perdu et se retrouve dépressif et seul. Malheureux, dans sa vie de famille qui ne lui convenait plus, il est malheureux dans sa nouvelle vie. Il faudrait qu’il puisse s’expliquer avec ses enfants pour pouvoir se reconstruire.

Simon est également homo. C’est la première personne du lycée qui a invité Nicolas à dîner. Il faisait un orage, le bruit du tonnerre se mêlait à celui du feu d’artifice en ce jour de fête nationale. Simon vit avec Bruno, une complicité amicale s’est très vite installée entre Bruno et Nicolas. Sagittaire tous les deux, ils se comprennent. Simon aime recevoir et cuisine bien. Avec Bruno, ils prennent plaisir à le taquiner : Simon n’arrête pas de se gratter les couilles. Aurait-il des morpions ? Ils le chambrent également en lui disant qu’il tortille trop du popotin lorsqu’il marche. Simon s’en offusque, mais ne leur en tient pas rigueur. Il a bon caractère. Ils le surnomment Picsou, il fait très attention à ses dépenses. Au restaurant, il vaut mieux qu’il soit invité pour être tranquille. Sinon, il va s’éterniser à scruter la carte à la recherche du meilleur tout en étant le moins cher. Il conteste cet état de fait, il est économe et se prétend économiste. Il n’y a que lui pour le croire. Il aime refaire le monde. C’est un garçon spontané, certaines de ses remarques peuvent choquer. Un soir, alors qu’ils sont au restaurant, près d’eux se trouve un jeune couple avec un bébé. Simon, en voyant le bébé, s’exclame : « Il a un beau crâne ! » Difficile de ne pas rire face à la finesse du commentaire et à la tête dépitée des parents.

Le proviseur trouve que les rares profs masculins du lycée ne débordent pas de virilité. Antoine a le verbe haut et fait beaucoup de mimiques, Simon se dandine lorsqu’il marche et Nicolas a des tenues vestimentaires excentriques : couleurs pastel certains jours, lycra et pantalon en cuir à d’autres moments. Le club des trois n’a aucune estime pour ce petit proviseur médiocre et imbu. En effet, la plupart des enseignants n’apprécient pas la manière avec laquelle il gère le bahut. Diviser pour mieux régner est sa devise. Comme beaucoup de collègues, Nicolas est syndiqué ce qui lui est reproché par son chef : « En vous syndiquant, vous devenez mon ennemi ! » Il ne manque pas de lui rétorquer : « Vous n’êtes ni mon ennemi ni mon ami. Vous êtes mon supérieur hiérarchique, nos rapports s’arrêtent là ! » Un jour, quelques collègues ont demandé un entretien avec le proviseur. Ils tenaient à le remercier. En effet, depuis qu’il dirige le lycée, le nombre de professeurs syndiqués a considérablement augmenté. Les enseignants se serrent les coudes, l’ambiance est chaleureuse et conviviale. Bref, le petit chef a totalement raté son coup !

Nicolas se souvient également de la première fois où il a rencontré le proviseur. Il s’était rendu au lycée quelques jours avant la rentrée des classes afin de se présenter au chef d’établissement. Tout comme lui, le proviseur était nouveau dans l’établissement. En le croisant par hasard, il lui dit : « Que cherchez-vous ? » Il lui répondit : « Le proviseur ». Sa réponse lui fit penser à Louis XIV : « Le Proviseur, c’est moi ! ; l’État, c’est moi ! » Il lui dit : « D’où nous arrivez-vous ? » Timidement, il lui répondit : « De Limoges ». Avec un certain mépris, il lui rétorqua : « Vous êtes un Méridional, Limoges est la banlieue de Marseille. » Il ne sut que répondre, était-ce de l’humour ? Il se contenta de dire : « C’est la grande banlieue… ». Au cours de l’entretien, il lui demanda s’il avait fait son service militaire. Avec toute la spontanéité qui le définit, Nicolas lui dit : « Oh non ! Je suis exempté. » Sa réponse fut glaciale : « Il n’y a pas que des crétins dans l’armée, je suis militaire réserviste ! »

Le jour de la rentrée, la plupart des classes qu’il aurait dû avoir lui avaient été retirées pour lui confier principalement des débutants. Incontestablement, le premier contact avait été une réussite !

Il fallut supporter ce proviseur sept ans, jusqu’à ce qu’il prenne enfin sa retraite ! Le Recteur refusa qu’il prolonge à la suite de nombreuses plaintes des enseignants à son encontre. Il fit savoir qu’il n’organiserait pas d’agapes pour son départ en raison des maux que certains collègues lui avaient causés. Seuls, quelques collègues dignes de confiance recevraient une invitation. Nicolas et ses potes étaient flattés de ne pas en faire partie. Ils ne lui dirent pas au revoir et ne lui souhaitèrent pas une bonne retraite. Refus de jouer les hypocrites. Les années passant, lorsque le proviseur retraité était invité au pot de fin d’année par ses successeurs, il a cherché à plusieurs reprises à se rapprocher des rares collègues encore présents avec lesquels il avait travaillé, ils se sont toujours arrangés pour l’éviter. Il suffit parfois d’un simple quiproquo pour que les rapports se dégradent et que des failles se creusent faute d’avoir pu s’en expliquer. En grandissant, on apprend à relativiser…

Actuellement, c’est une femme qui dirige l’établissement. Femme intelligente, très sérieuse, humaine et compétente. En revanche, c’est une fourmi qui ne vit que pour le boulot et qui adore, pour un oui, pour un non, réunir le personnel sur son temps libre. Bien souvent, ces réunions ne servent pas à grand-chose. Docilement, les profs écoutent « la cheffe » ou plus exactement font semblant de l’écouter. Elle a tendance à oublier qu’une grande partie du travail d’un professeur s’effectue sur son temps libre et qu’ils ont autre chose à faire que de subir des réunions qui, bien souvent, ne servent à rien ! Il est vrai qu’elle n’a jamais enseigné et que de ce fait elle n’a qu’une vision fort approximative du métier !

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