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Au cœur de la Beauce, les Martin, une famille de paysans, vivent, travaillent, puis meurent. Respectivement témoins et acteurs de leur époque, de père en fils, de mère en fille, ils sont guidés par une solidarité de chaque instant. Les uns vieillissent, les autres grandissent, tous demeurent viscéralement attachés à leur terre. Leurs vies, bien que divergentes parfois, les ramènent toujours au Puits noir.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Petit-fils d’agriculteurs,
Christophe Sendron vous propose un récit d’aventures sédentaires à travers l’histoire d’une famille de paysans dans
Derrière les pères se cachent des fils.
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Veröffentlichungsjahr: 2023
Christophe Sendron
Derrière les pères se cachent des fils
Roman
© Lys Bleu Éditions – Christophe Sendron
ISBN : 979-10-377-8497-1
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1
Chacun a besoin de protection dans la vie, c’est pourquoi des platanes sont disposés le long des routes, pour protéger les plus faibles, ceux trop chétifs pour subsister sans aide. Ils les recouvrent de leurs ombres et permettent leurs survies.
***
Lucien filait à bord de son Renault D22 flambant neuf qu’il était allé chercher la veille avec son fils Paul âgé de 5 ans. La famille Martin s’était fortement endettée pour s’offrir ce tracteur dont Lucien avait estimé l’acquisition très très utile. Le doublement du superlatif très suffit à convaincre sa femme Adèle dont l’avis aurait pu valoir un veto.
Dans la cour de leur ferme trônait un vieux Agrip Diesel ayant fait son temps et qui nécessitait un remplacement.
En plus de Paul, les Martin avaient un autre garçon, Patrick 3 ans, Adèle attendait un troisième enfant pour le début de l’année 1961, inutile de dire que la maîtresse de maison espérait de toutes ses forces une fille.
Adèle a toujours été entourée de garçons, aînée d’une fratrie de quatre enfants, dont trois petits frères, elle aspirait en ce temps nouveau à un peu de féminité et de couleur rose dont elle se ferait le plaisir de couvrir sa fille, elle qui n’avait jamais eu ce droit.
De forme rectangulaire parfaite, la ferme du Puits noir était agencée dans la logique du travail paysan, les moutons adossés au logement pour un apport de chaleur valorisé, et oui déjà, merci les inventeurs de courant d’air, de l’autre côté les veaux afin d’intervenir au plus vite en cas de soucis, le reste des box disposés tour à tour en fonction des changements incessants du travail de la faune et de la flore qui traversent celui de la ferme.
La paysannerie en ce temps était bien plus qu’un métier, c’était une façon de vivre aussi instinctive que respirer ou cligner des yeux. Manger ce que le potager offrait et boire l’eau des profondeurs du puits remontée des seaux. En cette année 1960, le puits vivait ses derniers mois d’utilité et deviendra peu à peu un monument ornemental comme le moulin avant lui.
La Beauce dans les années 60 préservait le sauvage des vies laborieuses, l’authenticité des échanges, nul ne se serait permis de déroger à la loi du nombre. Les vies s’écoulaient suivant un rythme répété venu des âges et inspiré des aïeux.
Alors, au moment d’étrenner ce nouvel outil, Lucien était fier et pas seulement de son tracteur, mais de son travail, de sa famille, de sa vie, de sa terre. Il longeait les platanes protecteurs pour relier son champ et y aérer la terre. Comme ce jour était grand, il emmena avec lui le petit Paul trop occupé à se cramponner au tracteur pour apprécier le moment. Les enfants vivent l’instant sans calcul, de façon simplement pratique, Paul ne percevait pas l’importance de la journée aux yeux de son père. Un père, un fils, une terre, Paul le comprit bien plus tard, lui devenant le premier du triptyque.
Adèle attendait fébrilement le retour de ses hommes, elle avait fait part de ses inquiétudes de savoir son petit à bord de ce nouvel engin puissant, croqueur d’animaux de basse-cour et d’enfants, quelques fois, lors de drames à jamais changeant la face du petit monde. Elle se rappelle l’histoire de ces paysans meurtris pour toujours quand, en sortant d’une cour, le Field Marchal écrasa la petite Jacqueline. Une vie s’était arrêtée brutalement, les années suivantes ne furent que souffrances pour des parents sans enfant.
Entendant de loin le bruit lourd du tracteur sans pitié, Adèle accourut, passant du stress au soulagement en apercevant Paul sur les genoux de Lucien, ce jour la vie a continué. L’hiver approchait, la grossesse commençait à montrer ses désagréments et la fatigue d’Adèle fut démultipliée par les travaux de la ferme. Deux enfants en bas âges n’arrangèrent pas les choses et envoyaient Adèle dans l’année 1961 vierge de force.
Afin de ménager leur mère, Paul et Patrick furent envoyés chez une presque cousine de Lucien à 15 km de la ferme. Cousine Constance était une femme de 55 ans d’un naturel austère. Veuve depuis 25 ans et jamais remariée bien qu’on lui prêta quelques aventures ici et là sans que cela puisse être avéré ni reconnu comme sérieux. Les deux frères devaient passer deux mois dans cette petite maison en pierres, privée de lumière et de chaleur malgré le poêle à charbon allumé en permanence. Une chambre sous les combles avait été improvisée. Les combles comblent l’espace vide d’une maison, mais ils ne remplissent pas les cœurs évidés par l’absence. Paul comprit que maman était fatiguée, Patrick ne comprit rien et pleurait quand les occupations fuyaient c’est-à-dire trop souvent, tante Constance n’y fit pas grand-chose, à la frontière du rien, pour apaiser ses chagrins.
Paul, qui voyait en son père un homme robuste ne se plaignant jamais, eut à cœur de jouer ce rôle en s’occupant avec zèle de son petit frère, car à l’inverse de ce dernier, il savait que la situation serait temporaire, il suffisait de serrer les dents et de combler d’esprit le vide des combles. Initialement, Paul et Patrick devaient rester le mois précédent l’accouchement, puis le suivant pour permettre à Adèle d’avoir le plus de tranquillité possible autant que la vie de paysanne le permet. Jean, le nouveau venu, étant arrivé une semaine en avance selon des calculs approximatifs, Adèle fit rappeler auprès d’elle ses aînés.
Patrick, pour qui la séparation avait été très compliquée malgré qu’elle n’ait été que d’une vingtaine de jours, sauta au cou de son père qui venait remercier le maire, un ami du couple qui s’était proposé pour le transport, puis il se précipita dans la maison profiter pleinement de sa mère. Souvent les personnes vers qui les gens vont en premier ne sont pas les plus appréciées, ils gardent le meilleur pour la fin et là le meilleur pour n’importe quel petit garçon c’est la mère.
Paul, continuant son rôle de grand frère dont l’importance lui était si souvent déclamée, entra dans la cour sans effusion particulière, mais avec une immense joie intérieure et le bonheur de retrouver ses parents.
Une fois les esprits retrouvés, Adèle présenta le petit dernier, Jean, à ses frères. Un garçon, dit Paul, triste maman. Paul avait très bien compris que sa mère espérait une fille, il l’avait entendu à plusieurs reprises en faire le vœu. Au début, le petit en fut un peu vexé comme on peut l’être à 5 ans quand les dires des adultes heurtent ce que l’on est, mais Adèle très attentive avait décelé ce petit nuage et sut souffler dessus par l’explication.
Adèle avait accouché seule aidée d’une ancienne infirmière du village qu’elle avait fait appeler par Lucien quand les douleurs se firent annonciatrices. Tout se passa sans réel encombre, Adèle n’avait jamais eu de soucis majeurs lors de ses accouchements, mais elle ne put cacher une légère et éphémère déception quand elle vit qu’il s’agissait encore d’un garçon. Afin de persuader le sort d’accéder à sa requête, elle avait seule dans son coin choisi le prénom, ce serait Véronique, mais ce fut Jean qui sortit.
2
Un jour, nous nous retournons et nous voyons, nous voyons ce que nous ne voyions pas avant. Alors, nous nous retournons de nouveau vers l’avenir pour oublier, mais rien n’est oublié.
***
Tout comme Lucien se souciait des avis et opinions de sa femme avant de prendre une décision, quelle qu’elle fût, il demandait également à sa manière l’assentiment virtuel de ses parents unis dans une urne, placée sur un buffet. À 40 ans, Lucien n’avait plus ni père ni mère, disparus à un an d’intervalle des suites d’un cancer juste après la guerre, une fois le danger de l’occupation dissipé.
Au décès de sa mère, il décida de réunir les deux urnes en une seule et la plaça peu discrètement donnant ainsi un ton chargé au foyer. Adèle se fit de plus en plus insistante afin d’obtenir à minima le déménagement du reste de ses beaux-parents dans un endroit plus convenant. Même le petit Paul âgé désormais de 6 ans ne comprenait pas bien que son père parle au sien à travers un pot en céramique.
Un soir, après que Lucien et Adèle aient discuté à propos d’un investissement éventuel dans une fabrique de fromages de brebis, Lucien, comme à sa drôle d’habitude, se planta devant l’urne de ses parents et se mit à leur parler à mi-voix. Soudain, une ombre apparut à l’angle de la cuisine qui faisait office d’entrée puis une mèche brune, celle de Paul.
— Je t’ai entendu papa, pourquoi tu parles à tes parents, tu m’as dit qu’ils étaient au ciel ?
— Tu comprendras plus tard quand tu seras plus grand.
— Quand tu seras au ciel toi aussi, mais je ne veux pas que tu t’en vas au ciel.
— Que tu ailles au ciel, Paul, que tu ailles, bon allez, retourne te coucher.
Mine de rien, petit à petit, Lucien se détachait de ce rituel morbide, il avait été aidé en cela par le comportement de Paul. En effet, la maîtresse du village madame Cadirès était venue trouver Adèle pour l’alerter de l’obsession croissante de son fils aîné pour les montagnes desquelles il comptait parler à ses grands-parents. Il s’était enquis auprès de l’enseignante de la façon la plus rapide pour accéder au ciel et il lui semblait que le sommet des montagnes les plus hautes constituait la moins hasardeuse. Madame Cadirès avait jugé la demande un peu curieuse, mais plutôt conforme aux rêveries habituelles des enfants. Cependant, devant l’insistance de Paul, elle décida utile d’en informer les parents. Adèle, inquiète et exaspérée, vit là une bonne occasion d’envoyer cette urne au grenier. Elle se mit en colère, accabla avec force son mari à propos des idées farfelues qu’il avait ancrées dans la tête de son fils. Lucien capitula d’autant plus rapidement que sur le fond il savait qu’Adèle avait raison, ce jour, les restes de Fernand et d’Odette se rapprochèrent du ciel, au grenier.
Patrick, le petit frère de Paul, grandissait rapidement comme le font les enfants de 4 ans, les pieds, les mains, les jambes, Adèle avait dû rallonger tous ses pantalons qu’elle avait ourlés préalablement en prévision de sa croissance. Depuis le séjour chez cousine Constance, l’enfant, devenu celui du milieu depuis la naissance de Jean, avait pris le réflexe rassurant de ne jamais trop s’éloigner de Paul. Cela commençait un peu à déranger ce dernier surtout depuis qu’il cherchait à se rapprocher des enfants plus âgés que lui. Avec son petit frère continuellement dans les jambes, il avait des difficultés à se faire accepter d’eux.
Un dimanche alors que les deux frères jouaient à viser les arbres avec leurs flèches tirées des arcs de fortunes fabriqués par Lucien, ils aperçurent au loin Pierre et Antoine, deux enfants du village âgés de 10 ans chacun. Assis au bord d’un petit étang, ils pêchaient face au soleil lourd de ce mois de juin 1961. Paul et Patrick s’approchaient dans l’espoir d’être bien reçus, surtout Paul qui espérait bien intégrer le groupe des grands.
— Salut les gars, dit Paul.
Surpris, les deux garnements avaient balancé à l’eau quelque chose sorti de leurs bouches que Paul n’avait pu identifier.
— Qu’est-ce que vous faites ? demanda Paul.
— Si vous nous cafetez, gare à vous, prévint Antoine dont l’énervement cohabitait avec la crainte.
— Vous cafetez de quoi ? Vous avez le droit de pêcher ici.
En s’approchant, Paul vit, posé sur l’herbe à côté des deux copains, un paquet de feuilles à rouler et un sachet de tabac blond.
— Ah ça les gars, je ne dirais rien, je m’en fous moi, dit Paul d’un ton volontairement assuré.
— T’as intérêt, et le merdeux qui nous dit qu’il va pas baver ? dit Pierre en désignant Patrick.
Paul avait assuré que son petit frère ne dirait rien, usant même d’une intonation faussement menaçante à son encontre pour aider à la crédibilité de ses propos. De ce jour naquit une amitié entre les trois garçons, excluant de fait Patrick qui fut, à partir de cette date, un peu éloigné de son grand frère.
L’arc et les flèches artisanaux avaient laissé place à une vraie canne à pêche prêtée par Lucien à son fils, pas mécontent que celui-ci ramène un gardon ou un goujon de temps en temps. Paul n’appréciait pas particulièrement la pêche, mais il était flatté de se faire accepter par deux copains plus vieux. Antoine et Pierre avaient quatre ans d’avance dans la vie, ils savaient des choses que lui ignorait, il voyait en leur compagnie une formation accélérée de l’existence.
Pierre et Antoine habitaient deux maisons mitoyennes situées de l’autre côté de la prairie qui séparait la ferme des Martin et leurs maisons. Ils savaient des choses méconnues de Paul, ainsi il apprit que la petite Maryse Baupin, la fille du cordonnier, mettait déjà des soutiens-gorge malgré ses 13 ans. L’information, du haut de ses 6 ans, ne lui parut pas tellement utile, mais devant l’air rêveur de ses camarades décidément précoces, il adopta une moue de contentement. Il apprit également que de l’autre côté de la Méditerranée des soldats furent envoyés en bateau puis renvoyés alignés dans des cales. Il découvrit que la mère d’Antoine eut des soucis à la libération et qu’il ne fallait plus en parler.
En somme, il s’instruisit que tout se complique en vieillissant et que Jean le nouveau-né était bien heureux de ne rien savoir.
3
Grandir est vital quand l’enfance est hostile, quand elle oublie l’innocence, qu’elle piétine l’insouciance, quand le désir de sa naissance et de son existence ne se reflète pas dans les yeux des parents.
***
Adèle était une femme encore jeune, 39 ans, deux ans de moins que son mari qu’elle aimait d’un pareil intact depuis le premier jour. Sa gentillesse, sa douceur, son écoute, son envie de vivre des choses à deux, cette attitude rare en 1942 date de leur mariage.
Elle venait juste d’avoir 20 ans et n’aspirait qu’à quitter la demeure familiale, lieu pour elle de souffrances, de fissures émotives. Ses parents, dont les prénoms ne seront jamais prononcés dans ce récit, comme l’aurait souhaité Adèle, désiraient excessivement un enfant, mais la nature tardait à accorder ce cadeau au couple, peut-être savait-elle déjà, la nature.
Son père aspirait surtout à avoir un fils qui aurait pu l’aider, ses vieux jours approchant, il ne s’était même pas imaginé pouponner et élever une fille. Si bien qu’en mai 1922, quand Adèle poussa ses premiers cris, son père poussa également les premiers en direction de sa fille. Adèle eut très tôt conscience de l’anormalité du manque de chaleur de ses parents, elle n’a jamais eu non plus le syndrome du chien battu qui revient toujours plein d’espoirs. D’ailleurs battue, elle ne l’était pas, pas vraiment, il y avait bien quelques mains qui s’élevaient au ciel, elles retombaient à vide, aussi vides que l’humanité de ces gens-là.
Et puis la nature s’est lâchée, offrant coup sur coup trois garçons au couple comme pour les récompenser, disaient-ils, mais récompenser de quoi, pensa Adèle. Heureusement pour Vincent, Jean-Marie et Raoul, tous trois furent mieux traités, avec plus d’égards, sans doute parce que le paternel se reconnaissait dans leurs peaux épaisses.
Une fois partie de la maison, accrochée aux ailes de Lucien, Adèle évacua ses parents et la vie d’avant 1942, bien que leur maison se situait dans le même canton pas encore cité à ce stade ; Suèvres. En l’année 1961, ils étaient encore en vie, ainsi que ses trois frères, mais aucun des cinq ne manquaient à sa vie, car la vie d’Adèle a commencé véritablement depuis Lucien.
Leur rencontre eut lieu dans une sorte de double clandestinité, en cachant cette rencontre aux parents et en compagnie de jeunes gens réellement « clandestins ». Un soir, un hululement se fit entendre sous les fenêtres d’Adèle, ce fut (Petit Mulot), un petit gars trapu aux yeux exorbitants qui se signalait auprès de la jeune fille. Elle ouvrit les volets, la fenêtre l’étant déjà, fit signe de se taire et d’attendre à l’orée du bois comme convenu depuis le matin même. Petit Mulot avait promis à Adèle, sans doute dans le secret espoir de lui être agréable, qu’il l’emmènerait dans un endroit secret et amusant.
La jeune fille s’était laissé convaincre en n’ignorant pas toutefois que Petit Mulot avait un gros faible pour elle, mais elle le savait trop gentil pour penser lui faire du mal. Au bout de vingt minutes de marche, près d’un petit feu assez ridicule, on aurait dit qu’il avait été allumé pour réchauffer les pieds des fourmis, étaient assis en rond six jeunes gens dont deux filles. Dans le lot des quatre garçons, il se trouvait Lucien, notre Lucien, 20 ans à l’époque, grand, costaud et excessivement prévenant tel un furet qui cherche à séduire sa proie, la proie fut heureuse de l’être.
Pour l’heure, il prit l’initiative de présenter tout le monde à Adèle et l’invita à s’asseoir près de lui aux confins de la chaleur de son corps sous le regard de Petit Mulot qui ne pouvait que constater sa défaite. Plus tard, il dira même hilare : « J’ai apporté le gibier qui m’a été volé ».
Adèle a tout de suite apprécié l’aménité de Lucien, elle tranchait avec les habitudes de la maison, un peu de prévenances, beaucoup de charmes, énormément d’idées derrière la tête, ce mélange conquit la jeune fille.
Ces rendez-vous clandestins se faisaient de nuit dans la forêt où de grands plans contre l’ennemi (nous sommes en 1940) furent fomentés, aucun ne fut réalisé, car il y avait toujours le temps pour passer à l’action. Néanmoins, ces petites réunions grisaient ses participants, il se dit de nos jours que même les Allemands n’y prêtaient pas attention bien qu’il se dit également que Petit Mulot fut un agent infiltré, on ne sut jamais, toujours est-il que l’on ne l’a pas revu pendant des années après la libération.
Deux années de rencontres plus ou moins clandestines passèrent, puisque les parents de Lucien étaient parfaitement informés de la relation, contrairement à ceux d’Adèle qui s’y seraient sûrement opposés comme tout ce qui pouvait être agréable aux yeux de leur fille.
Fernand et Odette, les parents de Lucien, appréciaient beaucoup cette petite dont ils n’ignoraient rien du sort, leur garçon ne leur cachant aucun événement et Adèle en était un énorme dans sa vie.
Adèle, dès le premier jour du mariage, s’était installée à la ferme du Puits noir sans la permission de ses géniteurs qui se montraient contre toute attente indifférents. Adèle en était en apparence heureuse, Odette se sentit triste pour la petite, Fernand ne disait rien tel le taiseux paysan et Lucien était tout à sa joie d’avoir Adèle pour lui et lui seul, sans beaux-parents rabat-joie comme ils peuvent l’être parfois. La vie de ce couple était lancée, celles de Fernand et Odette s’approchaient sournoisement de la fin.