Parallèle - Christophe Sendron - E-Book

Parallèle E-Book

Christophe Sendron

0,0

Beschreibung

Ce recueil présente trois nouvelles indépendantes. Toutes relatent des vies décalées, des sentiments parallèles à ceux habituellement proposés, jamais véritablement en phase avec les normes établies. Les personnages présentés dans ces récits naviguent dans des eaux inconnues de beaucoup. Entre autisme, folie et science-fiction, l’auteur vous invite à vivre des aventures peu communes.


À PROPOS DE L’AUTEUR

Lecteur assidu, Christophe Sendron signe avec Parallèle son premier recueil de nouvelles.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 102

Veröffentlichungsjahr: 2023

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.


Ähnliche


Christophe Sendron

Parallèle

Nouvelles

© Lys Bleu Éditions – Christophe Sendron

ISBN : 979-10-422-0428-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Parallèle

Petit papa, as-tu des nouvelles

D’une petite maman

Je vis avec celle

Qui fut son enfant

Petit papa, un message personnel

À cette petite maman

Dis-lui qu’elle pense à elle

Plus souvent que tout le temps

« Bien, Stéphane, je te mets 8. La prochaine fois, ajoutes-y un peu de conviction. »

Quel sentiment décevant quand on pense avoir été parfait alors que l’on est juste bien ! « Je devais apprendre la poésie, je la savais par cœur », pestait le petit garçon. « La prochaine fois il faudra me demander de la savoir et de la convictionner », ronchonna-t-il.

Stéphane, un enfant dit ordinaire de CM1 en proie avec le décalage entre les attentes et la compréhension de celles-ci. Le reste de la journée fut pollué par cette petite injustice vécue comme une attaque personnelle. Le maître était contre lui, la guerre était déclarée. Les armes de cette révolte, utilisées par Stéphane, étaient non violentes, non bruyantes, elles étaient affûtées du mépris. Les enfants en grande majorité n’adhèrent pas sans compréhension.

Le maître avait donné comme consigne d’apprendre, pas d’interpréter. Les torts de façon objective reviennent à l’élève car tout (par cœur) doit s’accompagner de l’appréhension de celui-ci. Stéphane était resté sur les méthodes de madame Dutronc, la maîtresse de l’année dernière dont la digestion avait déjà été laborieuse. Cette institutrice se servait de poèmes pour supports à ses dictées, la retranscription à la lettre près suffisait.

Bien colorier en rouge ne suffit pas, surtout si les consignes étaient d’utiliser du bleu, Stéphane s’est trompé de couleur.

Ce fut dans le soulagement que la cloche sonna l’heure de quitter cette école de l’ingratitude. Un bâtiment ancien en face d’un autre plus moderne, aux couleurs vives, au cachet nul et à la beauté incertaine, avec en son centre une cour et un bac à sable.

Toutes les écoles en fonction à cette époque des années 80 avaient le même profil. Une bâtisse principale, attelée à un, ou des rajouts afin de pallier l’accroissement du nombre d’enfants scolarisés. Ces rallonges, construites sans le souci d’harmonie de l’ensemble, donnaient le sentiment de camps retranchés pendant une catastrophe.

À noter que si cette école avait été faite de bois fins et de pierres de taille, Stéphane n’aurait pas été plus heureux d’y être.

Le chemin emprunté pour aller chez la nourrice fut parcouru dans la joie d’une journée d’école achevée et la tristesse d’une soirée qui commence. Les heures passées chez la nourrice ne sont pas plus appréciées que celles de l’école. Stéphane n’est bien que chez lui et seul.

Le goûter de ce jour avait les mêmes caractéristiques que les précédents, dans le canapé à ne pas bouger, deux Choco BN à la main. Les années 80 proposaient moins de fantaisies à ses collations que les années 2000 et n’avaient pas encore accroché des sourires à la face des biscuits.

Pour un obsessionnel tel que cet enfant, cela aurait dû lui convenir. Mais ces gens et cette maison lui comprimaient la poitrine et représentaient tout ce qu’il avait en horreur. Les deux heures, le soir, à attendre ses parents en compagnie de ce couple de vieilles personnes de 60 ans environ, lui faisaient presque regretter l’école et monsieur Dubois, son ennemi du jour. Soixante ans paraissent loin si on en a neuf. Quand bien même en auraient-ils eu moins, ils auraient été vieux tout de même.

Pour un enfant, nous sommes toujours vieux avant de le savoir personnellement. Cette attente de 120 minutes était plus interminable que des dimanches entiers, seul dans sa chambre. Isolé dans son coin, Stéphane peut s’évader dans sa tête, là où son cerveau le mène.

Les vieux ont toujours une odeur particulière, tel est l’avis du jeune garçon. Les femmes sentent le bicarbonate, les hommes, la sueur en plus du bicarbonate. Pour un enfant d’un appétit modeste, les deux BN sont une épreuve.

Bien que les minutes ralentissent dans ces moments, l’heure de retrouver les parents finit toujours par arriver.

Pour pallier la lenteur de l’horloge de la nourrice, Stéphane a développé une technique. Il ne comptait pas en heures ni en minutes ni en secondes mais en pourcentages. Selon le nombre d’heures d’incarcérations de la journée, il transformait le temps restant au fur et à mesure. Le calcul était réactualisé régulièrement comme un sablier ne faisant que se vider.

Le jour du 8 sur 10, ses parents arrivèrent à 18 h 30 conformément à leur habitude. Toute la famille faisait le petit kilomètre restant en voiture avec, en fond sonore, l’autoradio. Sa mère et son père sentaient le bureau et le train, peut-être sentaient-ils autre chose, mais Stéphane savait qu’ils travaillaient dans un bureau et qu’ils s’y rendaient en train. Alors, ils sentaient le bureau et le train.

Parents de deux enfants, Michel et Chantal se sont rencontrés à Paris dans ces fameux bureaux à l’odeur particulière. En plus de Stéphane, ils ont eu un autre enfant, Sébastien, cadet de 5 ans. Michel est fils d’agriculteurs et Chantal, fille d’une ouvrière et d’un père ayant quitté la maison dans des conditions assez obscures : il finira sa vie sans abri.

Cette union entre le rural et la citadine paraît de prime abord assez difficile à envisager en 1972 car les deux mondes avaient rarement l’occasion de se rencontrer. Michel, dont les conditions de vie spartiates durant son enfance ne lui satisfaisaient plus, décida de tenter sa chance comme fonctionnaire à Paris. Chantal, ayant passé son enfance et fait ses études à la capitale, enchaîna quelques boulots et postula dans la même administration que Michel, la sécurité sociale.

Durant ces années, le risque inhérent au changement de travail était quasiment nul, le plein emploi orientait le rapport de force en faveur du salarié. Au bout d’une année d’union, ils décidèrent de s’installer ensemble dans un appartement de banlieue qui accueillera quelques mois après Stéphane, né en août 1974. Michel, habitué au grand espace de la ferme et des alentours, commença à ne plus supporter les petits mètres carrés du logis. Chantal quant à elle, ayant vécu en appartement depuis toute petite, se sentait tout de même le courage de tenter l’aventure du pavillon individuel, non loin des parents de Michel.

C’est dans cette maison que quelques années plus tard, la Renault 18 familiale ramenait tout ce petit monde, après la fameuse journée du drame poétique. Dès leur arrivée conformément aux manies parentales, Stéphane fut bombardé de questions en rapport avec le déroulé de la journée. Pourquoi ces questions ? Puisque tout se passe toujours de la même façon, nourrice, école, nourrice. Les généralités ne leur allaient jamais, ils attendaient d’avoir les détails. Les parents aiment toujours creuser dans la boue des journées d’école comme pour se faire pardonner l’absence, quand bien même celle-ci est inévitable. Telle était la pensée, en substance, de Stéphane. Ce dernier est un adepte du détail faisant l’objet de sous-détails eux-mêmes sous-détaillés mais il ne les partage jamais.

Avant de s’enfoncer plus en avant dans le récit, il convient de s’arrêter un instant afin d’évoquer le parcours de monsieur et madame Cendubec, les gardiens d’enfants. Un couple de Bretons partit afin de trouver du travail en région parisienne dans les années 60. Depuis la deuxième partie du 19e siècle, les experts estiment à plus d’un million les Bretons ayant tenté leur chance à Paris. À l’instar de beaucoup d’entre eux, les matons de Stéphane et Sébastien ont déménagé leur portefeuille mais par leur cœur. Ils travaillent en région parisienne mais respirent en Bretagne. Pas un jour sans en faire l’apologie et la promotion. Sûrement que la terre sainte décrite n’existait plus mais elle vivait encore à l’intérieur de leurs poitrines. Une région idéalisée comme un fil attaché à leurs jeunesses. Stéphane n’était pas sensible aux louanges proférées envers ce paradis ni à la moindre parole de ces gens.

Tous les blocages qu’il pouvait avoir à destination de quelqu’un ou de quelque chose s’avéraient très souvent définitifs, monsieur et madame Cendubec furent jugés coupables. Cette sentence reposait davantage sur des impressions générales liées directement avec son mal-être décuplé au sein de leur maison. Un enfant de son cas est très difficile à appréhender car il livre très peu ses sentiments. Lui était employé des PTT, elle gardait des enfants, bien que Stéphane n’en ait pas vu beaucoup hormis son petit frère. Son métier devait être de les garder tous deux, se disait-il.

Un couple devenu bourgeois maquillé en prolétaire, à la vie modeste mangeant du foie gras sur du pain industriel, idiot. Monsieur Cendubec aimait le vélo, surtout en parler car Stéphane n’a vu le vélo que plaqué au mur. Un homme aux apparences affables mais d’une réalité infecte. Bien que le gamin n’avait pas encore de points de comparaison suffisants, il trouvait cet homme désagréable et prétentieux. Stéphane de ce fait connut les traits de caractère avant d’en connaître les mots. Madame était une mamie ronchonne comparant toujours son prisonnier avec ses petits-enfants. Il ne savait pas si ces merveilles en question étaient aussi extraordinaires, mais pour les avoir côtoyés un petit peu, il était bien content de ne pas être, eux, des copies de leurs aînés.

Du reste, malgré ses difficultés relationnelles, Stéphane n’aurait voulu pour rien au monde être autrement que lui-même. Il pouvait se situer au centre d’une foule et vivre l’instant en transparence, en observateur. Ce décalage est apparu en grandissant, au fur et à mesure de l’implication sociale enquise par la progression de l’âge. Plus Stéphane est amené à interagir avec le grand autre, plus sa cécité sociale l’astreint à rester sur sa droite parallèle. Le jeune garçon n’en est pas victime ou alors volontaire, la solitude est une amie, l’autre est un ennui.

Pour se faire comprendre de ses camarades, Stéphane utilise dix mots où il en faudrait le triple pour être suivi. Non pas qu’il ne les ait pas en magasin mais il est persuadé que sa pensée est partagée instinctivement. S’il lui arrive de solliciter un jeu, suivi d’un oui du copain, il l’entame immédiatement sans dévoiler le jeu en question, sa pensée devant faire foi.

Les journées hors de l’école se passent à la maison, dans sa chambre à jouer avec des Playmobils. Ce lieu est son sanctuaire où il peut être, lui-même, car seul. Ses figurines servent de support pour créer des histoires de cowboys et d’Indiens en prise les uns aux autres. Il s’identifie aux premiers dans un réflexe primaire.

Stéphane est mal à l’aise avec tout le monde, y compris ses parents, bien que les aimant, il préférait en être séparé d’une cloison. Souvent, il comprenait les mots mais pas forcément la phrase qu’ils composent.

Stéphane était de temps en temps invité aux anniversaires, les parents invitant tous les élèves d’une classe espérant toutefois qu’il y ait des désistements, il exaucera ce vœu. Une fois, il s’y est rendu, il en est revenu comme un terrien revient de mars, il n’a rien compris de ce qu’il s’était passé. Jouer avec un camarade demande beaucoup de patience et de concentration, jouer avec dix camarades requiert des aptitudes qu’il n’a pas. Le bruit est assourdissant quand on lâche une troupe d’écoliers dans la nature, une limite est posée si l’adulte en a assez, Stéphane s’est épuisé avant cette limite. Il n’est pas facile de faire comprendre à une maman, qui s’est donné du mal pour organiser l’anniversaire de sa merveille, votre désir de partir avant le gâteau.

Je vous rappelle que nous sommes dans les années 80. Au mieux, l’enfant est mal poli, au pire prétentieux, l’asocial ne doit jamais donner ses raisons, elles sont toujours à charge. L’idée que l’enfant aime jouer avec ses semblables du même âge est ancrée dans les croyances collectives.