1,50 €
Destruction d'un cœur est un recueil de nouvelles paru en 1927. Liste nouvelles Destruction d'un cœur La Gouvernante Le Jeu dangereux |Sommernovellette| Présentation de la première nouvelle : Destruction d'un cœur de Stefan Zweig est un classique de la littérature qui explore les thèmes de la jalousie, de la solitude et de la cruauté des rapports entre générations. Ce roman poignant nous plonge dans l'histoire d'un vieil homme qui refuse d'admettre que sa fille, unique raison de vivre, devienne adulte. Sa jalousie maladive le consume peu à peu, l'isolant de son entourage et le plongeant dans une souffrance incommensurable. Le personnage central de ce roman est le vieil homme, dont le nom n'est jamais révélé. Il est dépeint comme un homme solitaire, fragile et obsédé par sa fille, Elsa. Celle-ci, âgée de vingt ans, incarne la jeunesse et la liberté que son père refuse de lui laisser. Leur relation malsaine et étouffante est au cœur du récit, dévoilant toute la complexité des liens familiaux et des affres de la jalousie. Le résumé Le vieil homme vit reclus dans sa maison, obsédé par sa fille Elsa. Chaque geste, chaque parole de la jeune femme est scruté, analysé, interprété à l'aune de sa jalousie maladive. Il ne supporte pas l'idée qu'elle puisse avoir une vie indépendante de la sienne, qu'elle puisse aimer quelqu'un d'autre que lui. Sa fille, consciente de sa détresse, tente vainement de le rassurer, de lui montrer qu'elle l'aime et qu'elle a besoin de vivre sa propre vie. Malgré ses efforts, le vieil homme sombre peu à peu dans la folie, incapable de contenir ses démons intérieurs. Sa jalousie le consume, le détruit de l'intérieur, le transformant en un être méconnaissable, éloigné de toute forme d'humanité. Elsa, déchirée entre son amour pour son père et sa soif de liberté, est impuissante face à sa détresse...|Livre Resume|
Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:
Veröffentlichungsjahr: 2024
DESTRUCTION D’UN CŒUR
LA GOUVERNANTE
LE JEU DANGEREUX (Sommernovellette)
Série :Stefan Zweig
|10| DESTRUCTION D’UN CŒUR
STEFAN ZWEIG
DESTRUCTION D’UN CŒUR
RECUEIL DE TROIS NOUVELLES
Paris, 1927
Traducteur Alzir Hella
Raanan Éditeur
Livre 1262 | édition 1
raananediteur.com
LISTE DES NOUVELLES
DESTRUCTION D’UN CŒUR
LA GOUVERNANTE
LE JEU DANGEREUX |Sommernovellette|
Pour ébranler irrémédiablement un cœur, le Destin n’a pas toujours besoin de prendre un grand élan et de déployer une force brutale et brusque ; il semble que précisément son indomptable volonté formatrice éprouve un plaisir spécial à faire naître d’un motif futile la destruction. Dans notre obscure langue humaine, nous appelons ce premier contact sans gravité “cause occasionnelle” et nous comparons avec étonnement son peu d’importance apparente avec les conséquences souvent formidables qui en dérivent ; mais de même qu’une maladie ne commence pas avec son diagnostic, de même le sort d’un homme ne commence pas au moment où il devient visible, et où il se réalise. Toujours, dans l’esprit et dans le sang, le Destin œuvre intérieurement, longtemps avant de toucher l’âme du dehors. Se connaître, c’est déjà se défendre, et la plupart du temps inutilement.
― ― ―
Le vieil homme – il s’appelait Salomonsohn et il pouvait se parer dans son pays du titre de “Geheimer Kommis-sionsrat” – se réveilla, la nuit, dans cet hôtel de Gardone, où il avait accompagné sa famille à l’occasion des fêtes de Pâques : une violente douleur venait de l’assaillir. Son corps était étreint par de fortes douves, et à peine si le souffle de la respiration pouvait sortir de sa poitrine oppressée. Le vieil homme s’alarma, car il souffrait fréquemment de crampes biliaires, et c’était malgré l’avis des médecins qu’au lieu de la cure prescrite à Carlsbad il avait choisi, à cause des siens, ce séjour dans le Sud. Redoutant un accès de cette terrible affection, il tâtait anxieusement son corps obèse, mais ce fut pour constater bientôt, avec un grand soulagement, au milieu de sa douleur qui continuait encore de le tourmenter, qu’il avait seulement une pesanteur d’estomac, provenant sans doute de la cuisine italienne, à laquelle il n’était pas habitué, ou bien d’une de ces légères intoxications, comme les voyageurs là-bas en éprouvent souvent.
Il reprit haleine et sa main tremblante s’écarta, mais l’oppression durait toujours et gênait la respiration ; alors, en poussant des soupirs, le vieil homme sortit péniblement du lit, afin de faire un peu de mouvement ; effectivement, quand il fut debout, et encore mieux quand il se mit à marcher, la douleur s’atténua. Mais la chambre, entièrement plongée dans l’obscurité, n’offrait qu’un espace très limité ; en outre, il avait peur de réveiller sa femme, qui dormait dans un lit jumeau, et de lui donner inutilement du souci. Aussi il s’enveloppa d’un manteau de nuit, passa ses pieds nus dans des pantoufles et s’en alla, en tâtonnant avec précaution, dans le couloir pour y marcher quelque peu et apaiser son malaise.
Au moment où il poussait la porte contre le couloir obscur, l’écho de l’heure qui sonnait au clocher passait par les fenêtres larges ouvertes : quatre coups d’abord puissants et puis s’éparpillant mollement au-dessus du lac – quatre heures du matin.
Le long couloir était complètement noir. Mais par le souvenir très net qu’il en avait gardé de la journée, le vieil homme savait qu’il était rectiligne et spacieux ; aussi, sans avoir besoin d’éclairage, il alla d’un bout à l’autre, en respirant fortement et répéta plusieurs fois ce manège, en constatant avec satisfaction que petit à petit s’allégeait la pesanteur qu’il ressentait sur sa poitrine. Déjà il se préparait, presque complètement libéré de sa douleur par l’exercice bienfaisant, à regagner sa chambre, lorsqu’un bruit le fit s’arrêter, effrayé. Un bruit ? C’était plutôt un murmure qui venait de quelque part tout près dans l’obscurité, murmure si menu et sur lequel, pourtant, il ne pouvait se tromper. Quelque chose craqua dans une charpente, quelque chose murmura, bougea et pendant une seconde découpa, par la porte étroitement ouverte, un mince cône de lumière à travers l’informe obscurité. Qu’était cela ? Involontairement le vieil homme se serra dans un coin, nullement par curiosité, mais simplement sous l’impulsion du sentiment de honte, facile à comprendre, qu’il éprouvait à la pensée d’être ainsi surpris à déambuler la nuit si bizarrement.
Pourtant, presque malgré lui, dans cette unique seconde où l’éclat électrique traversa le couloir, il avait cru s’apercevoir que de la chambre d’où venait la lumière sortait avec prudence une forme féminine, vêtue de blanc, laquelle disparut à l’autre extrémité du passage. Effectivement, là-bas, à l’une des dernières portes du couloir résonna le bruit léger d’un loquet. Puis tout redevint sombre et profondément silencieux.
Le vieil homme se mit soudain à chanceler, comme s’il eût reçu un coup au cœur. Là-bas, à l’extrémité du corridor, là-bas, où le loquet avait bougé d’une façon révélatrice, là-bas… là-bas il n’y avait, pourtant, que les chambres de sa famille, l’appartement de trois pièces, loué pour lui et les siens. Sa femme, il l’avait laissée quelques minutes auparavant complètement plongée dans le sommeil : donc une erreur était impossible ; donc cette forme féminine courant ainsi l’aventure et qui sortait d’une chambre étrangère ne pouvait être personne d’autre qu’Erna, sa fille, qui avait à peine dix-neuf ans.
Le vieil homme frissonna de tout son corps, tellement il se sentait glacé d’épouvante. Sa fille Erna, cette enfant limpide et pétulante… Non, ce n’était pas possible, il devait s’être trompé. Qu’aurait-elle donc fait là-bas, dans cette chambre étrangère, sinon ?… Il repoussa loin de lui, comme une bête mauvaise, sa propre pensée, mais la vision fantomale de cette forme fugitive s’accrochait impérieusement à ses tempes : il ne pouvait pas s’en défaire, il ne pouvait pas échapper à son emprise ; il lui fallait avoir la certitude.
En soufflant, il tâtonna le long de la cloison du corridor, jusqu’à la porte de sa fille, qui était près de la sienne, mais, horreur ! c’est précisément là, précisément, à cette porte dans le couloir, à cette unique porte qu’un mince fil de lumière tremblait à travers la jointure et, par le trou de la serrure, se détachait un point blanc révélateur : à quatre heures du matin, elle avait encore de la lumière dans sa chambre, et, nouvelle preuve, voici que, justement, à l’intérieur de la chambre, le contact électrique craqua, le fil blanc de lumière disparut totalement dans le noir… Non, non, ici il ne servait à rien de s’illusionner ; c’était bien Erna, sa fille, qui, pendant la nuit, venait de quitter un lit étranger pour regagner le sien.
Le vieil homme tremblait d’horreur et de froid ; en même temps une sueur envahit son corps et inonda ses pores. Son premier mouvement fut pour enfoncer la porte, et cette éhontée, la rosser à coups de poing. Mais ses pieds vacillaient sous son large corps. À peine put-il trouver la porte de sa chambre et se traîner jusqu’au lit. Là il se laissa tomber sur l’oreiller, tout étourdi, comme une bête qu’on vient d’assommer.
― ― ―