Dominus temporis - Martin Greenfire - E-Book

Dominus temporis E-Book

Martin Greenfire

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Beschreibung

Au détour d’une brocante dans la forteresse de Polignac, David acquiert une ancienne machine à écrire, sans savoir qu’elle le propulsera dans un tourbillon temporel au prix de terribles conséquences. Poursuivi par les autorités françaises et un officier nazi impitoyable, il se retrouve pris dans un enchevêtrement de mystères et de dangers. Dominus temporis, subtile fusion entre thriller historique et science-fiction, transforme le temps en un terrain de jeu aussi énigmatique qu’imprévisible, entraînant le lecteur dans une aventure haletante où se mêlent pouvoir, secrets enfouis et destins croisés.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Dès son adolescence, Martin Greenfire se consacre à l’écriture et compte trois romans à son actif. L’idée de "Dominus temporis" émerge après l’achat d’une vieille machine à écrire, qui lui inspire une réflexion sur tout ce qu’elle a pu observer au fil du temps. Ce souvenir l’a conduit à écrire ce roman.

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Seitenzahl: 452

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Martin Greenfire

Dominus temporis

Roman

© Lys Bleu Éditions – Martin Greenfire

ISBN : 979-10-422-6853-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Prélude

Face à face mortel

Allemagne, en pleine période de dépression, dans les bas-fonds plongés dans la noirceur des années d’après-guerre, dans une ruelle sombre de la capitale allemande, deux hommes se toisent du regard, dans une immobilité totale. Le pavé surchauffé par la chaleur torride de la journée luit presque dans la nuit sous les pieds des deux protagonistes, chacun se tenant à distance raisonnable de l’autre. À la lueur blafarde du seul lampadaire au sodium, dessinant sur le sol brûlant son cercle jaunâtre aux contours obscurs et impénétrables, ils semblent se jauger, se défier, leurs yeux fixant imperturbablement ceux de l’autre, comme s’ils se préparaient à entrer dans un duel d’un temps ancien.

Ils semblent avoir fait abstraction de leur environnement, de la sueur imbibant le liseré de leurs couvre-chefs et s’écoulant en grosses gouttelettes discontinues sur leurs tempes et leurs larges fronts. Une casquette militaire à la visière dégoulinante barre fièrement le front de l’un, tandis que l’autre revêt un élégant borsalino que l’on devine couleur charbon. La tenue noire au tissu imprégné de sueur et au col serré par une cravate, le brassard rouge au disque blanc flanqué de son emblème porté sur le bras gauche, et les bottes en cuir montant jusqu’aux genoux ne laissent aucun doute sur l’origine de l’homme à la casquette. Le second ne porte manifestement qu’un modeste trench-coat en coton, une écharpe enroulée autour du cou, un long pantalon rayé et des souliers noirs accrochant solidement le pavé. Ce dernier tient fermement sous son bras une étrange boîte noire.

Seuls, isolés et stoïques dans le cercle de lumière de ce lampadaire, dans cette chaleur urbaine suffocante, les deux hommes se dévisagent, les yeux plissés et néanmoins menaçants. Leurs regards ne laissent transparaître aucune émotion ; ils sont ceux du prédateur prêt à fondre sur sa proie. Le moment semble figé dans le temps, aucun des protagonistes ne semble oser bouger ne serait-ce qu’un orteil et se contente d’un face-à-face intimidant.

— Allons, sois raisonnable ! Ce que tu tiens sous ton bras appartient à notre Führer et au Reich ! dit l’homme à l’uniforme noir. Je suis son messager, tu n’as qu’à me le laisser et tout ira bien. J’ai fait le voyage juste pour la récupérer, alors sois raisonnable, donne-la-moi.

— Au Führer ? Ce petit caporal n’est pas mon Führer ! Et en aucun cas, il ne pourra avoir cet objet. Et puis d’abord, qu’est-ce qu’il a de si particulier, cet objet, hein, pour que ce grotesque bonhomme à moustache s’y intéresse autant ? S’il a une telle valeur à ses yeux, peut-être vais-je le garder finalement ! répond avec aplomb le deuxième homme.

— Ce ne sont pas tes oignons ! le coupe sèchement l’officier allemand. Bon, je commence à perdre patience ! Donne-moi ce machin, maintenant ! Ou tu en subiras les conséquences.

— Il est dommage que tu veuilles vraiment en arriver là ! Je ne peux me résoudre à te tuer, mais s’il le faut, alors qu’il en soit ainsi… Car c’est moi qui vais te tuer en premier ! Maintenant, tu vas gentiment tourner les talons et dire à ton petit caporal que moi et cette boîte avons disparu… Et ensuite, nous irons tranquillement boire un café.

L’officier allemand reste de marbre, mais sous ses allures de soldat de plomb, son esprit semble un instant déstabilisé par un sentiment mitigé de confusion. Cependant, sa propre nature reprend rapidement le dessus.

— Boire un café avec moi ? Mais qui es-tu, toi, pour que j’accepte de venir boire un café avec toi ? Tu n’es qu’un ennemi du Reich !

— Si tu savais… répond simplement l’homme au Borsalino.

— Bon ! Il suffit maintenant ! Soit je récupère sur le champ cet objet, soit je t’abats comme un chien, là, dans cette ruelle ! Je compte jusqu’à cinq ! Un ! L’officier allemand sort son arme de son fourreau et en pointe le canon vers son adversaire.

— Tu es bien sûr de ce que tu veux ?

— Deux ! Il arme le chien du pistolet.

L’homme tourne soudain la tête et semble parler à des inconnus dissimulés dans l’obscurité.

— Je ne peux pas le faire ! s’écrie-t-il soudainement par-dessus son épaule en s’agenouillant les bras en croix. Tirez ! Abattez-le !

— C’est quoi ce bordel ? L’officier allemand devient soudainement méfiant ; c’est quoi ce traquenard ? Sa main agrippant l’arme devient tremblante et commence à s’agiter.

— Il n’y a aucun traquenard ! Mais dans l’histoire, c’est toi, au final, qui vas mourir. Mais moi, je ne peux pas te tuer ! Je ne veux pas te tuer !

— Qu’est-ce que tu veux dire par-là, jeune fou ? Allez ! Donne-moi cette boîte maintenant ! Qu’on en finisse sur le champ ! Trois ! La nervosité se lit sur son visage, son regard n’est plus fixé sur son adversaire, mais ses yeux scrutent les coins obscurs pour tenter d’y dénicher des fantômes terrés dans l’ombre.

— Attendez ! Ne tirez pas pour le moment ! Restez en stand-by !

— Quatre !

— Attends ! Attends, je t’en supplie, il faut que je t’avoue quelque chose, quelque chose qui te concerne directement, qui nous concerne… ! L’homme semble être au bord des larmes. Il supplie l’officier allemand ; en tant qu’officier allemand, tu dois au condamné une dernière volonté, une dernière parole. Personne ne tirera si tu m’octroies ce droit. Je te le promets.

— Cinq…

Mais comment ces deux hommes-là en étaient-ils arrivés à se défier ainsi dans une ruelle sombre de Berlin, engagés, dirait-on, dans un duel dont l’issue létale était quasi certaine ?

Afin de comprendre cela, il est nécessaire de remonter le temps, ou plutôt, non, de le descendre.

***

1

Une magnifique acquisition

C’était dans l’intimité, somme toute douillette, d’une minuscule chambre d’hôte au charme campagnard, que tout avait débuté. David contemplait avec des yeux d’enfant sa dernière acquisition. Elle était là, trônant fièrement sur son bureau tel un trophée, brillant de mille éclats scintillants, baignant dans les rayons d’un soleil filtrant à travers des rideaux de mousseline.

Le derrière sommairement calé dans un inconfortable fauteuil, il étira vigoureusement chacun de ses muscles, tortillant son corps comme une anguille dans son panier. Candace, une blonde sulfureuse au corps bodybuildé, la main malaxant affectueusement la base de sa nuque et la tête penchée au-dessus de son épaule, observait chacun des gestes de son bien-aimé. Ce dernier semblait avoir, un temps, retrouvé une enfance trop tôt perdue. Il pouvait sentir son souffle chaud et humide caresser la peau frissonnante de son cou, tant et si bien que son corps fut parcouru par d’agréables secousses.

Ce dernier tendit ensuite ses bras en avant, entrelaçant ses doigts, et, ainsi emprisonnés, fit craquer chacune de ses jointures dans de sinistres crépitements. Ceci fait, il saisit une feuille de papier blanc immaculé, la secoua énergiquement pour en assouplir les fibres, et la glissa délicatement dans le tambour. Emportée par le grincement aigu de la molette d’entraînement, elle s’enroula lentement autour du cylindre jusqu’à atteindre sa position d’attente.

La lumière diaphane, réfléchie par la feuille de papier inondée de soleil, se reflétait en miroir sur le verre transparent de ses lunettes, derrière lesquelles des yeux d’un bleu acier scrutaient avec émerveillement la surface noire satinée de cette merveille mécanique.

— J’y vais ? Il tourna sa tête vers le visage de Candace, et, ses lèvres effleurant celles de la jeune femme, il y déposa un délicat baiser empli d’amour.

— Vas-y ! Cela te fait tant plaisir… Cela fait tellement longtemps que tu n’as pas écrit. Essaie-la !

Tandis qu’il posait à son tour une main sur celle de sa compagne, ses doigts agiles restés libres et tremblotants vinrent délicatement effleurer le clavier en ivoire de sa machine à écrire de collection au noir satiné clinquant. La couche de salissure noirâtre et terne qui recouvrait les touches que l’on devinait à l’origine blanches trahissait le passé des nombreuses extrémités de phalanges qui s’étaient posées sur leur surface patinée au cours de son histoire. Plutôt que de le rebuter, cela, à ses yeux, lui donnait un certain cachet empli d’histoire passionnante.

À la suite d’une rapide recherche sur le web du numéro de série de sa machine, il découvrit qu’elle avait été mise en service en 1933 à Munich, en Allemagne.

Son esprit divagua alors, imaginant combien de rapports passionnants avaient pu être saisis sur son tambour, combien de doigts avaient frappé les touches d’ivoire à la gloire de l’accession au pouvoir d’un certain Adolf Hitler en 1933, la montée de l’Allemagne hitlérienne… Combien d’articles de presse avaient pu marquer le ruban encreur à la gloire des athlètes aryens de l’Allemagne nazie lors des Jeux olympiques de 1936 à Berlin.

Plus tard, pourquoi pas, la machine aurait peut-être été le témoin de la débâcle militaire du siège de Stalingrad, de la bataille meurtrière de Koursk.

Mais encore, pourquoi ne pas imaginer qu’elle ait fait défection pour fuir les forces de l’Axe et rejoindre le clan des Alliés ? Aurait-elle, un tant soit peu, assisté aux exploits des aviateurs britanniques défendant de leur sang le sol de leur enfance lors de la bataille d’Angleterre, ou encore dénoncé l’attaque ignominieuse de la base navale américaine de Pearl Harbor ? Peut-être se trouvait-elle à bord du célébrissime Big-E, le porte-avions CVN-65 Enterprise, lors de la bataille de Midway et de la reconquête du Pacifique par les boys américains. Peut-être avait-elle décrit par ses mots la fin de l’Allemagne nazie, ou les horreurs d’Hiroshima et de Nagasaki, peut-être… Pourquoi pas ? Tant d’histoires à imaginer derrière le clavier de sa nouvelle acquisition.

Et de l’imagination, il en avait à revendre.

— Ohé ! Je t’ai perdu là ! Où es-tu ? La belle Candace interrompit le cours de ses pensées les plus profondes.

— Hein ? Oh ! Pardon, je m’amusais à imaginer une histoire pour cette machine.

— Eh bien, alors, écris-la !

— Errr… Oui, tu as raison.

Alors, tel un pianiste, il agita ses doigts dans l’air comme pour les chauffer, puis un premier enfonça une touche, suivi par un second, sous l’œil bienveillant de Candace.

Un rictus de satisfaction s’afficha sur son visage.

— Et elle fonctionne en plus !

Enfin, le cliquetis mécanique de chacune des touches qu’il sollicitait emplissait la pièce exiguë de sa mélancolie métallique, tandis que la barre à caractère correspondante venait frapper le ruban encreur devant la feuille de papier blanc. Alors que la tête de frappe d’acier frappait le ruban de soie dans un bruit sec, l’empreinte d’une lettre alphabétique apparaissait par transfert d’encre noire sur la surface blanche de la feuille, puis, une lettre s’ajoutant à l’autre, l’ensemble venait à former une combinaison cohérente jusqu’à créer des mots, et des mots formèrent des phrases organisées.

C’était par un beau matin d’un mois d’octobre ensoleillé, tandis qu’un léger voile de brouillard enveloppait les hauts sommets de volcans endormis dans le lointain. Un léger vent de sol se frayait un chemin dans les méandres des étroites rues médiévales du bourg auvergnat de Polignac, apportant son lot de douce sensation de fraîcheur apaisante après un été de canicule étouffante.

À quelques kilomètres plus au nord, le volcan endormi Mont Bar surveillait fièrement le plateau du Velay du haut de son cône, trahissant son origine sulfureuse et faisant écho au donjon et aux 800 mètres de remparts de la Forteresse de Polignac, bien assise sur son roc volcanique.

David et sa compagne profitaient de leurs vacances communes, loin du tumulte de leur vie citadine de Montréal. Ils avaient trouvé logis dans une magnifique ferme auvergnate traditionnelle transformée en chambre d’hôte dans la périphérie du Puy-en-Velay. Mais en ce jour même, ils avaient entrepris de visiter la glorieuse forteresse de Polignac qui, bien ancrée dans la roche de son socle volcanique, semblait toujours veiller sur Le Puy-en-Velay et sa plaine environnante. Ils n’avaient alors aucune idée de ce qu’ils y découvriraient.

***

2

La fuite

Une pluie diluvienne battait bruyamment le pavé de l’étroite venelle de Munich, brutalement extraite de sa torpeur par le tintamarre strident de sifflets tenus serrés entre les dents d’individus en chemise brune. Leurs bras, fagotés dans le trop tristement célèbre brassard rouge flanqué du svastika nazi, ces hommes coiffés de képis dégoulinants s’agitaient fiévreusement dans la faible luminosité des lampadaires à vapeur de sodium, l’arme au poing.

Leurs voix nasillardes claquaient en allemand, cinglant des injonctions qui se confondaient dans le vacarme tonitruant environnant.

— Halte ! Halte, ou je fais feu ! s’écria l’une d’elles.

Soudain, des coups de feu crevèrent le voile impénétrable de la nuit, tandis que des projectiles venaient ébrécher le pavé dans un sifflement cinglant. Une silhouette noire, coiffée d’un couvre-chef, déboucha soudainement de la pénombre, tel un diable sortant de sa boîte. L’homme trébucha maladroitement, son pied ayant accroché une plaque en fonte de voirie mal ajustée. Il se releva, péniblement, une main en appui sur le corps métallique d’un lampadaire. Arcbouté, il haletait bruyamment. L’eau dévalait la courbure de son dos et ses épaules en une cascade tumultueuse, tandis qu’un long filet de sang rouge s’écoulait de son bras ballant et venait mourir en une traînée écarlate, mêlée à la pluie battante sur les pavés sombres.

Baigné dans ce faible halo de lumière formant un cercle parfait autour de lui, il leva la tête, son visage dissimulé sous l’ombrage de son couvre-chef. Ses yeux scrutaient profondément l’obscurité, dans l’espoir vain de trouver le salut pour semer ses poursuivants. Il pensa qu’il devait rapidement quitter les lieux, trop exposé sous la lumière du lampadaire. Ses craintes furent rapidement justifiées lorsqu’il perçut les voix qui semblaient se rapprocher.

Les sifflets discontinus apportaient toujours confusion et chaos dans son esprit. Alors qu’une inextricable panique commençait à prendre le contrôle de ses sens, un jet de lumière jaune apparut soudain dans l’embrasure d’une porte que l’on venait d’entrouvrir. Une silhouette se glissa par l’ouverture, sortant timidement un pied méfiant sur la marche extérieure. Puis, une tête s’avança dans le faisceau lumineux et, comme montée sur un pivot mécanique, pivota lentement autour du cou pour inspecter les environs. Enfin, un bras discret lui fit signe.

— Pssst ! Eh ! Vous ! Par ici, venez vite !

La voix, à peine audible, noyée par la pluie et la confusion environnante, l’intimait à se hâter.

Le temps n’était pas à la réflexion. Les ombres menaçantes commençaient déjà à se dessiner sur les murs des immeubles derrière lui, et l’on devinait la silhouette tournoyante d’une arme de poing brandie au bout d’un bras tendu.

L’homme se redressa, porta une main tremblante sur son bras blessé, et, cahin-caha, il se rua vers la porte de son probable salut. D’un rapide coup d’œil, il constata que l’entrée donnait sur une petite boutique de libraire. La porte s’ouvrit complètement pour le laisser entrer, tandis que son mystérieux sauveur l’empoignait fermement par le bras pour le précipiter à l’intérieur.

Ensuite, ce dernier balaya rapidement le sang maculant son porche, le recouvrant d’un épais paillasson. La pluie se chargea de faire disparaître le reste, le diluant dans son flot continu.

— Merci ! Le regard du fuyard croisa celui de l’homme.

— Pas le temps de me remercier ! Plus vous laisserez eau et sang couler sur ce plancher, plus il sera difficile d’effacer vos traces… Vous le ferez après. Maintenant, hop ! Sautez à travers cette trappe, et silence, huh !

Sans réfléchir, le blessé se jeta dans l’ouverture du sol, qui fut aussitôt refermée par un lourd panneau de bois renforcé. Il se retrouva alors dans une obscurité totale. Il entendit au-dessus de sa tête le bruissement d’un objet traîné sur le sol, probablement un large tapis disposé là pour dissimuler l’ouverture. Puis, il perçut le mouvement agité d’une serpillière frottant le plancher. Il ressentit alors sur son visage la froideur des gouttelettes d’eau mêlées à son sang qui perlaient à travers les imperfections du parquet au plafond.

Soudain, des coups sourds et insistants ébranlèrent la porte d’entrée, tandis qu’une forte voix hurlait à gorge déployée de l’autre côté. Les à-coups se faisaient de plus en plus violents, ébranlant les gonds. L’homme, au-dessus, se hâta de faire disparaître les dernières traces, puis il répandit généreusement de l’eau savonneuse sur le parquet qu’il étala rapidement avec sa serpillière.

— Voilà, voilà ! s’écria-t-il tandis qu’il se hâtait vers la porte.

Alors que cette dernière pivotait lentement sur ses gonds, la lumière de la pièce révéla peu à peu le visage au menton carré d’un individu coiffé d’un képi dégoulinant d’une eau froide et ruisselante. Droit dans ses bottes montantes de cuir noir, l’imperméable trempé cachant l’uniforme réglementaire d’un officier de la Sturmabteilung, la redoutable milice nazie plus sinistrement connue sous l’abréviation SA, l’homme fit irruption dans la pièce comme en terrain conquis.

— Nous recherchons un ennemi de l’État ! s’écria l’Obersturmführer allemand d’une voix cinglante.

Il ôta son képi détrempé qu’il plaça sous son aisselle et passa une main couverte de taches de rousseur dans ses cheveux blonds taillés à la légionnaire, tout en faisant un rapide signe de l’autre main. Aussitôt, une nuée de sbires surexcités pénétra avec force à l’intérieur de la boutique exiguë.

— Holà ! Doucement, hein ! C’est fragile, tout ça !

Sous le plancher, entendant les bruits sourds des bottes martelant le parquet au-dessus de sa tête, le cœur du fuyard cognait sa poitrine, son sang battait dans ses tempes en un bruit assourdissant. Il sursautait à chaque fracas d’objet chutant au sol. Chaque seconde, il s’attendait à voir la lumière jaillir sur son visage, signe que la trappe venait d’être soulevée.

Alors, comme pour se rassurer, la main collée sur sa blessure dont il sentait le sang chaud glisser sur sa peau, il plaqua son dos contre la paroi, espérant que la pierre dissoudrait ses formes, le rendant invisible.

Soudain, il ressentit un souffle chaud et humide dans son cou, semblable au souffle d’un dragon. Une présence se pressait contre lui. Il sursauta violemment lorsqu’une main se plaqua sur ses lèvres, étouffant le cri instinctif qu’il allait pousser avec véhémence.

— Chut ! chuchota une voix féminine tout près de son oreille.

L’odeur suave d’un parfum enivrant vint chatouiller ses narines.

— Qui êtes-vous ? murmura-t-il à son tour.

— Pas pour le moment ! répondit-elle, en forçant la tête de l’homme vers le haut, comme pour l’obliger à se rendre compte de ce qu’il se passait au-dessus de sa tête.

En effet, à l’étage, une armée d’hommes en chemises brunes fouillait chaque pièce, chaque recoin, de fond en comble, sans ménagement pour les objets et livres de collection, qui, fragiles et précieux, chutaient parfois lourdement sur le sol.

— Alors, où est-il ? questionna brutalement l’Obersturmführer.

— Je ne vois pas de qui vous voulez parler ! Je suis dans ma boutique, et je n’ai vu personne !

— Ah bon ? répondit l’officier, l’air narquois. Et là ! Ces traces d’eau ! Qu’est-ce que cela signifie ? Il pointait d’un doigt tremblant de nervosité les empreintes humides sur le sol.

— Quoi, ça ? Après toute une journée de clients sous la pluie dans ma boutique, je nettoie le sol, quoi de plus normal ? rétorqua l’homme en s’appuyant sur le manche de sa serpillière.

Mais dans sa précipitation, il commit une erreur qui n’échappa pas au regard pénétrant de l’Allemand.

— Vous nettoyez à grande eau un plancher, sans même vous donner la peine d’enlever une magnifique pièce de tapisserie ? Il se baissa et tâta de ses doigts le tissu. Il est tout imbibé d’eau, c’est dommage…

L’homme et la jeune femme entendirent alors le bruit sourd du talon du milicien qui frappait le sol, cherchant à détecter une différence de sonorité dans la consistance du bois sous ses pieds. Soudain, il s’arrêta sur un point précis, d’où émanait une résonance toute différente.

— Et là-dessous ! C’est quoi, huh ?

— Ma cave.

— Hum, je vois…

L’homme en dessous commença à paniquer, tandis qu’un léger bruissement se fit entendre au-dessus de lui, indiquant que le tapis glissait sur le sol.

— Une cache, huh ? s’exclama l’Obersturmführer, le regard furieux ; je n’aime pas que l’on se foute de moi, surtout lorsque l’on cherche à dissimuler des ennemis de l’État !

Il empoigna alors violemment l’homme par le bras.

— Viens là, mon gaillard ! Il s’adressa à l’un de ses soldats. Toi, surveille cette trappe ! Que personne n’en sorte ! Il plaça un homme en faction devant le panneau de bois cachant les deux fugitifs.

— Nous sommes faits comme des rats ! L’homme enfermé dans le sous-sol, qui s’avérait désormais être une prison mortelle, commença à s’agiter nerveusement.

— Chut ! Calme-toi ! Tu vas nous faire repérer ! susurra la jeune femme à son oreille comme pour le rassurer dans l’adversité de leur sort.

Après avoir réajusté sa casquette sur la tête, l’officier allemand traîna sans ménagement l’homme dans la rue qui n’opposa aucune résistance. Il le fit s’agenouiller sur le pavé détrempé de la ruelle et sortit son arme de son étui, un Luger rutilant, dont il cala le canon contre le front du bibliothécaire.

Ce dernier sentant sa dernière heure arriver demeura cloîtré derrière un mur aussi silencieux que méprisant et leva la tête en dernière défiance, faisant face au visage de son bourreau. La pluie battante ruisselait sur son front et s’écoulait en longs filets ondulants sur ses épaules. Malgré l’eau qui noyait sa vision, il plongea son regard profondément dans ceux de l’homme lui faisant face. Ce dernier sembla soudainement gêné par le regard persistant de sa victime.

Les yeux de l’Obersturmführer fuyaient inconsciemment ce dernier affront, évitant de croiser les pupilles dilatées qui le fixaient d’une manière si provocante. Il releva son Luger, poussa un « Scheiße ! » de dépit tout en esquissant une grimace ennuyée, puis contourna sa victime pour n’avoir que son dos devant lui. Mais il ne s’attendit certes pas à ce que cette dernière ne lui fasse volte-face à son tour en pivotant sur ses genoux, pour de nouveau avoir un face à face de défiance avec son bourreau.

— Ne bouge pas nom de nom ! jura l’Allemand ; j’ai horreur que l’on me résiste ! Il appela deux autres miliciens à son aide.

— Vous autres, tenez-moi cette vermine fermement ! Je ne veux plus qu’elle bouge !

Les deux comparses saisirent alors fermement l’homme par les épaules, le contraignant fermement accroupi sur le sol. Ce dernier sentit alors l’acier froid de la bouche du canon se positionner sur l’os occipital de son crâne. Sentant venir sa proche fin, il abaissa la tête en fermant les yeux.

Soudain, deux détonations assourdissantes déchirèrent le silence de la nuit, claquant tels des coups de fouet. Les yeux du supplicié vacillèrent à un millième de centième de fraction de seconde tandis que la mort envahissait ses sens. Sa bouche s’ouvrit, laissant s’échapper un dernier souffle de vie. Les miliciens relâchèrent le poids mort de son corps qui bascula lourdement en arrière, heurtant violemment le sol. De derniers frémissements agitèrent un instant ses membres, puis il se figea dans le temps, saisi par les ténèbres.

Au même instant, l’écho foudroyant des détonations parvint à l’endroit où étaient enfermés l’homme et la jeune femme, qui tressautèrent d’effroi.

Ils se serrèrent alors l’un contre l’autre dans un corps à corps empreint de terreur. Bientôt, ils entendirent au-dessus de leur tête le retour d’une paire de bottes à l’allure bien décidée.

— Tu me fais confiance ? questionna la jeune femme.

L’homme n’eut même pas le temps de répondre que la trappe s’ouvrit brutalement, inondant la pièce de lumière. Une tête apparut à travers l’ouverture, et en inspecta minutieusement l’intérieur.

— Rien à signaler ! MeinObersturmführer ! commenta la tête.

— Comment ça, rien à signaler ? répondit la voix furieuse ; descendez voir s’il n’y a pas d’issues !

Un homme descendit alors dans la cave, et en inspecta chaque recoin. Il constata que la pièce ne comportait aucune sortie ou porte dérobée lorsque soudain son pied glissa sur quelque chose de visqueux. Il se baissa, tâta le sol de ses doigts qu’il porta à ses yeux.

— Il y a du sang sur le sol ! s’exclama-t-il ; s’il y avait quelqu’un, il y a longtemps qu’il s’est volatilisé !

— C’est assurément impossible ! ragea l’officier ; nous étions sur ses talons ! Il ne pouvait pas nous échapper ! Continuez à chercher, démolissez-moi cet endroit pierre par pierre ! Il doit y avoir une quelconque porte dérobée menant à un tunnel sous-terrain ! Trouvez-le-moi, c’est un ordre !

Il se tourna alors vers le corps de l’homme qu’il venait d’exécuter froidement. Ce dernier gisait sans vie, le visage contre terre, son sang noyé dans le ruissellement tumultueux de la pluie. Ses yeux figés dans le temps grands ouverts semblaient fixer avec intensité ceux de l’officier.

— Que me cachais-tu, vieil homme ?

***

3

Une violente agression

— Oh ! Tu as vu ? C’est journée de brocante dans la forteresse aujourd’hui !

— Oui, j’ai vu ! répondit Candace, peut-être rapporterons-nous quelques antiquités de cette région au pays… Mais pas d’excès, huh ! Nous ne voudrions pas être en surcharge bagages lors de notre retour ! Elle esquissa un clin d’œil malicieux qu’il saisit au vol.

— Ne t’en fais pas ! Je serais sage comme une image… répondit simplement David.

— Mouais, c’est ça ! Et il gèlera en enfer… rétorqua Candace qui assurément connaissait bien son homme.

Ils prirent leurs jetons d’accès au centre d’accueil, puis ils s’engagèrent sur le chemin d’accès pentu. La pente était rude, mais le magnifique panorama qu’offrait le paysage de vallons verdoyants aux collines aux dos arrondis avec en arrière-plan les silhouettes crêtées des Monts d’Ardèche suffisait à faire oublier la rudesse de l’ascension.

À un moment, ils levèrent la tête et furent subjugués par le poids de l’immense rempart de la forteresse qui les surplombait. La pierre brune volcanique dans laquelle il était fait semblait absorber la lumière pour n’en laisser échapper qu’une lueur mystique.

Alors qu’ils s’engageaient sur le chemin d’accès aux six portes défensives, juste avant les tourniquets d’entrée, un homme surgit soudainement de nulle part, attrapant le bras de David dans une forte étreinte.

— Monsieur ! Je vous en conjure, n’y allez pas ! s’exclama l’inconnu avec une voix empreinte d’une vive émotion.

— Comment ? rétorqua David, on se connaît peut-être ? Il se plaça instinctivement devant Candace, la poussant discrètement vers les cages sécurisantes des tourniquets.

— Non ! Vous ne me connaissez pas, moi, oui ! répondit l’homme, vous commettez une erreur, vous ne devez pas vous rendre dans la forteresse ! Croyez-moi !

David se débattait vigoureusement afin de se soustraire de l’étreinte qui tenait son bras dans un étau.

— Mais enfin, vieux fou ! Lâchez-moi donc ! Lâchez-moi, je vous dis !

Il finit enfin par se libérer, et pressa Candace devant lui vers la sécurité du point d’accès. L’homme chuta à terre, les bras en avant, comme pour une dernière supplication. La jeune femme n’attendit pas son reste, et chercha précipitamment le jeton dans son fond de poche qu’elle introduisit péniblement dans la fente à jetons. Prise de panique, elle poussa alors de toutes ses forces sur les barres métalliques qui pivotèrent sur leur axe vertical, laissant échapper un cri de terreur. Une fois derrière la barrière d’accès, elle se retourna et jeta un regard larmoyant vers son compagnon qui se trouvait juste derrière elle, à l’intérieur de la cage en acier.

Mais alors qu’il tentait d’en sortir, il se sentit soudainement bloqué dans son élan. Malgré les impulsions qu’il donnait, l’ensemble refusait de tourner. Il sentit alors une main se poser sur son épaule. Il tourna la tête et aperçut le visage de l’inconnu en appui sur les barreaux. L’autre main, dont l’avant-bras était glissé entre la partie mobile et fixe du système mécanique, empêchait tout mouvement du tourniquet.

— Mais enfin ! Quelle mouche vous a piqué ? s’écria David, lâchez-moi ou ma femme appelle la police ! Il suffit maintenant !

— Pour une dernière fois, n’y allez pas ! Vous ne savez pas ce à quoi vous allez vous exposer ! insista l’homme, le regard suppliant.

— Très bien, vous l’aurez voulu ! rétorqua David.

Il mit alors en appui les paumes de ses mains sur la froideur de la tige métallique, son dos s’appuyant sur la structure derrière lui. Il poussa un puissant « Han ! » d’effort, et donna une forte impulsion sur la barre. Il y eut un moment où il sentit une certaine résistance, puis il entendit comme un craquement sourd, suivi par un cri de douleur déchirant. Le tourniquet pivota alors et David se retrouva rapidement en sécurité. Quant à l’inconnu, il disparut derrière les buissons en geignant tout en tenant l’un de ses bras en écharpe sur sa poitrine.

— Mais bon sang, c’était quoi ce délire ? s’exclama David, le cœur palpitant. Il tentait de reprendre sa respiration.

— Je n’en sais rien, répondit Candace ; c’est fou ! Mais je crois que… Je crois que tu lui as cassé le bras ! ajouta-t-elle.

— Ah oui ? Le bougre n’aura eu que ce qu’il mérite ! Après tout, son bras n’avait pas à se trouver en travers du mécanisme rotatif ! argumenta froidement David, un fou ?

Les deux s’assirent sur un talus rocheux surplombé par les restes d’une muraille de pierre percée d’une embrasure à canon, vestige de l’une des anciennes portes défensives. Ils tentaient alors de difficilement retrouver leurs esprits.

— Qu’est-ce que c’est que cette histoire abracadabrantesque ? Whoâ ! Pfuuu ! Mon Dieu ! Quelle histoire ! soupira David en se frottant le front ; j’ai du mal à croire ce qu’il vient de nous arriver !

— Moi aussi ! répondit Candace ; du coup, qu’est-ce qu’on fait ? C’est étrange ! Tu as encore envie toi ? Je veux dire, visiter la forteresse ?

— Mais enfin, bien sûr que oui ! rétorqua David ; que peut-il bien nous arriver de si effroyable ? Cet homme était fou ! C’est tout ! Et puis là-haut, il y aura plein de monde avec la brocante… Nous y serons en sécurité, non ?

— Je suppose que tu as raison ! Alors… on continue ? questionna Candace d’une voix hésitante.

— On y va ! David se leva, puis aida Candace à se relever.

— Attends ! La jeune femme soudain s’arrêta ; ne devrions-nous pas aller rapporter ce qu’il vient de se passer au responsable de la forteresse ?

— Tu crois ? répondit David. La jeune femme effectua un signe de la tête positif en guise de réponse.

— Tu as peut-être raison… en fait, tu as raison. Il nous faut redescendre.

Ce à quoi Candace expliqua qu’il devrait y aller seul, argumentant qu’elle était trop terrorisée pour l’instant pour réemprunter l’unique chemin pour rejoindre le centre du village, là où se trouvaient les bureaux de la billetterie de la forteresse. Elle attendrait là-haut, dans la sécurité relative de la forteresse, au milieu des autres visiteurs. David acquiesça, et avant de la laisser partir, il déposa un tendre baiser sur la joue rose de sa belle.

— Fais attention à toi, David !

— Ne t’en fais pas, tout ira bien ! répondit calmement David ; cela m’étonnerait qu’il revienne pour demander son reste, il doit avoir, je te le rappelle, un bras cassé ! Puis il se retrouva rapidement de l’autre côté de la palissade métallique. Candace quant à elle se retrouva à gravir le chemin d’accès désormais bordé sur chacun de ses flancs par les hautes murailles sécurisantes de la forteresse.

David tout de même marqua une halte sur le lieu même où l’homme avait disparu dans les hauts fourrés, et se risqua à se pencher prudemment en avant. Il se demanda comment cet individu avait bien pu filer par cet endroit, tant la pente était abrupte. Puis il reprit la route.

Il se présenta alors devant le comptoir du centre d’accueil.

— Monsieur ? Vous êtes déjà de retour ? questionna le préposé au guichet, étonné de le voir revenir si rapidement ; la visite ne vous a pas plu ?

— On peut dire cela, oui… Nous nous sommes fait agresser ! Je voudrais voir le responsable !

— Co… comment ? balbutia l’agent d’accueil ; je… Je l’appelle de suite !

Il prit le combiné, composa un numéro et attendit.

— Allo ! Il faut que tu viennes de suite ! Il parlait en chuchotant, la bouche masquée par sa main et le regard fixé dans celui de David ; pourquoi ? Une agression ! Bon très bien, on t’attend.

Il raccrocha alors.

— Il arrive !

— Merci ! répondit David.

En effet, une minute après, un homme fit irruption dans l’encadrement de la porte d’entrée, bouchant un instant la lumière du jour. Le visage fermé et le teint blafard, il pénétra dans l’espace d’accueil le pas rapide.

— Bonjour, je suis Aurélien Delmart, responsable de l’Association de la Forteresse de Polignac et représentant de la famille propriétaire. Il brandissait devant lui une main amicale, dont David se saisit en retour.

— Enchanté… David, David Delaforge.

— Eh bien, David… ! Si je peux vous appeler David… Un bien joli nom que vous avez là, c’est de quelle origine ? répliqua Aurélien qui tentait une approche amicale pour détendre l’atmosphère.

— Canadien, répondit simplement l’intéressé ; pouvons-nous continuer ? Ma compagne m’attend dans la forteresse. Elle craignait de redescendre.

— Oui bien sûr… je comprends ! Veuillez me suivre.

Ils pénétrèrent dans une pièce exiguë, avec un minuscule bureau de style ancien qui siégeait sous un unique fenestron éclairant faiblement l’endroit. Aurélien fit signe à David de prendre place dans un fauteuil au tissu rappé, et lui-même alla s’asseoir en face de lui derrière le bureau.

— Je vous offre à boire ?

— Un café, merci, sans sucre !

Aurélien passa un rapide coup de fil. Quelques instants plus tard, l’agent d’accueil passa le seuil de la porte avec une tasse fumante de café à la main qu’il tendit à David. Ce dernier le remercia chaleureusement.

— Alors… Si vous me racontiez ce qu’il s’est passé ? J’ai cru comprendre que vous et votre compagne, vous êtes fait agresser ?

David commença son récit, s’aidant avec ses mains pour appuyer ses propos, tandis qu’Aurélien écoutait attentivement, les doigts joints devant ses lèvres.

— Je crois que son bras a été cassé et…

— Attendez ! l’interrompit Aurélien, vous dites que vous lui avez cassé le bras ?

— Eh ! Il nous a agressés ! se défendit vivement David ; il bloquait le tourniquet avec son bras, j’étais bloqué dans ce satané machin ! Lorsque j’ai voulu en sortir, son bras s’est cassé, c’est tout ! Vous auriez fait quoi, vous ? C’est de la légitime défense que je sache.

— Je… Hem ! Du calme, je ne vous juge pas ! Mais probablement aurais-je fait la même chose, mais savez-vous que cet individu pourrait porter plainte contre vous et de surcroît, contre nous, car vous lui avez brisé le bras avec les installations de la forteresse après tout ?

— Cette blague ! C’est lui qui m’a agressé tout de même, non ? s’offusqua David, effaré par ce qu’il venait d’entendre.

— C’est la France… se contenta de répondre Aurélien dans un soupir d’impuissance ; une chose déjà, cela s’est passé à l’extérieur de l’enceinte de la forteresse, donc dans le domaine public. Notre responsabilité n’est par conséquent pas engagée, hormis le fait que notre porte ait servi à le mutiler, mais…

— Pardon ?

— Mais j’allais dire que nous n’allons pas pour autant vous laisser tomber. Cela nous concerne autant que vous. Par conséquent, je propose d’appeler les gendarmes pour que vous portiez plainte. S’il a le bras cassé, on pourra éventuellement le retrouver aux Urgences du Puy-en-Velay, puisque c’est le seul grand hôpital du secteur. La gendarmerie se trouve juste à côté, à Saint-Paulien, à dix minutes d’ici. Je les appelle, en attendant, buvez votre café et détendez-vous.

— C’est que… Ma compagne ! Et…

— À mon sens, il vous faut porter plainte, tenez, la maréchaussée arrive dans un court instant ! l’interrompit Aurélien qui venait de raccrocher le téléphone.

David se cala confortablement dans son fauteuil, prit son téléphone portable et composa le numéro de Candace pour lui expliquer la situation. Celle-ci répliqua qu’il n’y avait rien à craindre et qu’elle l’attendrait assise sur un banc ombragé à déguster un délicieux chocolat chaud. Ensuite, ce dernier effleurait à son tour de ses lèvres son café brûlant, papotant de tout et de rien avec Aurélien jusqu’à ce que l’on frappe à la porte. Elle s’ouvrit sur les silhouettes de deux gendarmes, le képi ajusté sur la tête, et l’uniforme impeccablement ajusté sur leur buste de jeunes officiers. Ils pénétrèrent dans la pièce tout en saluant Aurélien.

— C’est cet individu ? demanda l’un d’eux en désignant David.

— Oui ! répondit Aurélien ; lui et sa compagne viennent de se faire agresser en haut du chemin avant les portillons d’accès.

— Je vois… On peut s’asseoir ? Aurélien s’excusa et fit apporter deux chaises supplémentaires.

Les militaires s’assirent alors, croisant leurs genoux l’un sur l’autre, comme par mimétisme. L’un deux sortit un calepin de sa poche et se tint prêt, un crayon à la main.

— Je suis le Lieutenant Delgado, et voici le Maréchal des logis Chef Victorin, de la Gendarmerie nationale de Saint-Paulien. Alors, que vous est-il arrivé, Monsieur ? Quelle est votre profession ?

— David, David Delaforge… Romancier et photographe de mon état. Tandis qu’il épelait son nom, le Maréchal des Logis Chef le consigna dans son calepin. Il prendra des notes de la déposition par la suite ; et ma compagne s’appelle Candace, non ! Pas Candice ! Candace Reynolds. Nous sommes des citoyens québécois en villégiature dans ce pays et…

David à nouveau déroula son histoire tant bien que mal avec les souvenirs qui lui restaient.

— Attendez ! Vous déclarez lui avoir sciemment… cassé le bras ? questionna le Lieutenant, la voix inquisitrice.

— Mais pourquoi est-ce que tout le monde s’attarde sur ce simple fait ? s’insurgea David ; c’est moi la victime ici !

— C’est que…

— Laissez ! Je lui ai déjà expliqué la problématique ! intervint Aurélien.

— Bon d’accord, c’est noté ! répondit le Lieutenant. Le Maréchal des Logis Chef demeura, quant à lui, impassible, et continuait à remplir les pages de son calepin ; donc, on vous a expliqué, que vous soyez victime ou non, si cet individu venait à porter plainte contre vous, vous seriez passible de poursuites judiciaires !

— C’est un pays de fous ou quoi ? s’exclama David s’estimant déjà victime d’une injustice majeure.

— Bienvenue en France, Monsieur… Quoiqu’il en soit, nous n’en sommes pas là pour le moment. Pourriez-vous le décrire, ses vêtements, son visage, un signe particulier peut-être…

— Laissez-moi réfléchir ! Il était ma foi de taille moyenne, 1m70 pas plus, trapu… De type blanc, caucasien. Il portait un bouc au menton, à l’ancienne. Vu la couleur du bouc, ses cheveux devaient être blonds. Ah oui, il portait une capuche sur la tête, avec des lunettes de soleil sombres Aviator sur les yeux. Ses vêtements, euh… Sombres, je crois, un pantalon large, un survêtement. Ah oui, ses dents étaient jaunies par le tabac si je m’en souviens bien. Aussi, il avait un accent prononcé, slave ou germanique, je dirais. Bon, je crois que c’est à peu près tout. Oh ! J’oubliais, il semblait porter autour du cou une sorte d’objet sphérique, comme une boule de métal aplatie, avec des motifs gravés dessus, mais je ne saurais dire.

Le Lieutenant lui demanda alors s’il avait des ennemis sur le territoire français, ou s’il avait eu une altercation avec un individu ces derniers temps qui lui aurait valu ces menaces. Il demanda également pourquoi, selon David, cet individu s’opposait à ce que le couple se rende à la forteresse.

— Dites ! s’offusqua David, vous croyez que je n’ai que ça à faire sur le territoire français, à me faire des ennemis ? Ça ne fait que trois jours que je suis ici ! Vous croyez vraiment que j’en ai eu le temps ? Eh non ! Je n’ai aucune idée pour laquelle il s’opposait à ce que ma compagne et moi se rende dans cette fichue forteresse ! Il chercha des yeux Aurélien ; sans vouloir vous offenser, je m’excuse pour ce langage.

— Je… Je suis désolé si je vous ai offusqué de quelque sorte que ce soit, mais c’est la procédure, vous comprenez ? Quoiqu’il en soit, Monsieur Delaforge, si vous avez terminé, nous allons nous en tenir là, à moins que vous n’ayez d’autres éléments pertinents qui nous aideraient dans notre enquête !

Il marqua une pause dans l’attente d’une éventuelle information complémentaire de la part de son interlocuteur.

— Très bien ! Voici ma carte de visite. Vous pouvez m’appeler si vous avez des souvenirs qui vous reviennent. De toutes les façons, il faudra venir par chez nous pour signer votre déposition que nous aurons pris soin de coucher dans un rapport officiel. Sur ce, je vous salue.

Les deux militaires se levèrent, chacun gratifiant David d’un serre-main vigoureux, et ils disparurent dans la lumière de l’encadrement de la porte. Ce dernier se leva à son tour, et remercia Aurélien pour son aide.

— Je vous en prie, c’est tout à fait normal, et même de mon devoir ! Il tendit à David un nouveau jeton d’accès pour la forteresse ; repassez après votre visite, nous vous rembourserons et vous offrirons un pass pour la visite des monuments du Puy-en-Velay.

— Je vous remercie, maintenant, si vous le voulez bien, je vais rejoindre Candace, ma compagne.

David se retrouva à nouveau sur le chemin d’accès pentu menant à la Forteresse de Polignac, la tête remplie d’amertume et d’informations encore difficiles à comprendre. Comment lui, la victime, pourrait-il être le sujet d’un dépôt de plainte de la part de son agresseur ? Çà, il n’arrivait pas à le comprendre !

— Pauvre France ! pensa-t-il tout bas tandis qu’il s’enfonçait profondément sur les pavés battus par le vent.

***

4

Un réveil difficile

L’homme ouvrit péniblement un œil, la paupière papillonnante. Puis il ouvrit le second. La forte luminosité ambiante pénétrant avec force à travers ses pupilles dilatées l’éblouissait. Il en était si gêné à tel point qu’il secouait sa tête encore vaseuse pour échapper aux traits de lumière qui le troublaient. C’est ainsi que sa vision se rétablissait peu à peu.

Les objets autour de lui apparaissaient cependant comme entourés par un halo aux contours ondulants et difformes. Mais au-dessus de lui semblait s’affairer la silhouette d’une tête enrobée par des scintillements étincelants qui descendaient sur ses épaules comme des myriades de filaments dorés organisées en cascade. Il cligna des yeux un instant, et passa une main tremblante sur ses paupières.

Soudain, il fit un bond, et tenta de se redresser tant bien que mal, découvrant le visage d’une jeune fille inconnue penchée sur sa personne. Mais il sentit alors une vive douleur irradier son bras gauche, et sa tête s’enfonça aussitôt dans ce qui semblait être la douceur d’un oreiller moelleux.

— Chut… Calmez-vous, chuchota une voix féminine se voulant apaisante ; vous êtes en sécurité ici, n’ayez aucune crainte.

— Mais… Mais ! Que me faites-vous ? questionna l’homme visiblement en état de stress, le regard inquiet.

— Du calme, je soigne votre vilaine blessure !

— Ma… Ma blessure ? Il se souvint soudainement, Munich, la venelle obscure, la poursuite par la SA, et puis… Oh mon dieu ! Mais que s’est-il passé ? Qui êtes-vous ?

— Je m’appelle Skylar… Mais attendez, donnez-moi un instant.

La jeune femme retira une compresse ensanglantée de son bras qu’elle jeta dans une écuelle métallique. Elle gaina ses mains de gants en latex blanc, puis se saisit d’une pince à brucelles à bout courbe. Elle la porta devant ses yeux tout en faisant claquer ses extrémités. Elle passa ensuite les pointes courbées de la pince sous la flamme jaune d’un bec Bunsen, en prenant soin d’y appliquer un mouvement de haut en bas, jusqu’à obtenir une lueur rougeoyante sur l’extrémité du métal.

L’homme observait chaque mouvement de la jeune femme avec un brin d’appréhension, tandis que la flamme virevoltante du brûleur à gaz se reflétait sur ses pupilles rétractées.

— Maintenant, ne bougez plus ! Ça risque de faire… mal !

— Hein ? Il eut à peine le temps de dire un mot qu’il se retrouva la bouche entravée par une sorte de mors en cuir épais et la tête solidement plaquée contre l’oreiller par une main puissante. Skylar plongea alors sa pince à brucelles à l’intérieur même des chairs de la blessure, arrachant à son patient improvisé un terrible cri d’une douleur lancinante. Ses yeux larmoyants commencèrent à libérer des larmes sur ses joues tandis que son corps se raidissait à chaque mouvement effectué par l’acier chauffé à blanc dans ses muscles meurtris.

Skylar s’affairait dans la chair mise à nu, s’y enfonçant encore plus profondément. Soudain, il y eut un petit bruit, comme un craquement discret.

— Ah ! La voilà ! s’exclama-t-elle tout en jetant un regard furtif vers l’homme. Ce dernier ne bougeait ni ne criait. Il gisait inerte sur le lit, la tête renversée ; décidément, quelle mauviette ! S’amusa-t-elle ; il s’est évanoui !

Délicatement, elle retira son outil de sa gangue sanguinolente. Elle le porta devant ses yeux, examina l’objet oblong souillé de sang coincé entre les mors d’acier de la pince.

— Hmmm ! Qu’elle est belle ! pensa-t-elle tandis qu’elle libérait l’objet ensanglanté dans l’écuelle. Le son métallique aigu engendré sonna comme un glas dans la pièce.

Enfin, elle s’activa à désinfecter la plaie à grands coups de compresses imbibées d’un puissant désinfectant. Elle saupoudra les chairs à nu d’une poudre antibiotique et entreprit de cautériser la blessure à l’aide de la lame d’un couteau chauffée à blanc. La pièce fut soudainement envahie par une odeur âpre de chair brûlée et une fumée grise fort désagréable. Pour finir, elle plaça sur le bras meurtri une compresse hémostatique qu’elle maintint en place à l’aide d’un bandage bien serré.

Tandis qu’elle ôtait ses gants en latex, elle retira le mors de la bouche de l’homme qui laissa échapper un filet de bave écumeuse de la commissure de ses lèvres qu’elle essuya à l’aide d’un mouchoir. Elle se dirigea ensuite vers un lavabo situé dans un coin discret sous un vasistas donnant la vue sur des immeubles gris et mornes. Elle prit soin de bien se frotter les mains sous un jet continu, faisant mousser le savon abondamment. Elle coupa l’eau au robinet, et les secoua énergiquement tout en jetant un regard discret vers l’homme qui semblait dormir à poings fermés.

Elle tira ensuite un fauteuil près du lit, y prit place et croisa ses jambes l’une sur l’autre, découvrant un galbe enivrant gainé par des bas en satin s’arrêtant à mi-cuisse, le tout maintenu en place par ce que l’on pouvait deviner être l’amorce de discrètes suspentes de jarretelles. Elle saisit alors une cigarette qu’elle porta à ses délicates lèvres dessinées au fuseau, qu’un léger gloss à la teinte rosée soulignait à merveille, puis craqua une allumette qui embrasa le bout de l’objet de son plaisir.

Skylar tirait sur son tabac avec délectation, laissant échapper des fumerolles grises de sa bouche qui se diluaient dans la pièce. Elle observait avec intérêt l’homme étendu devant elle, dont le front était perlé de sueur qu’elle entreprit d’éponger régulièrement. Le pauvre devait se battre contre la fièvre envahissante, pensa-t-elle. Et elle attendit, sans bouger ni se plaindre. De temps en temps, elle regardait la poitrine se soulever puis s’abaisser, comme pour se rassurer qu’il fût encore vivant. Mais elle l’observait également par indiscrétion intime, car elle pensait être en présence d’un fort bel homme auquel elle n’était pas si insensible.

Finalement, ce dernier commença à s’agiter, ouvrant péniblement les yeux. Tandis qu’il émergeait lentement, la jeune femme se tenait assise à côté de lui en lui tenant la main.

— Que s’est-il passé ? questionna-t-il en tentant de rassembler ses esprits.

— Vous vous êtes évanoui… Une vraie mauviette ! plaisanta Skylar.

— Où sommes-nous ? L’homme scrutait avec insistance et inquiétude l’environnement autour de lui.

— En sécurité, dans une chambre d’hôtel…

L’homme observait son bandage sur son bras, le regard inquisiteur.

— Ah oui ! Skylar se leva et alla récupérer l’écuelle métallique ; voilà ce que j’y ai récupéré, elle est belle, hein ?

— Mais… Mais c’est une balle ? s’exclama-t-il surpris.

— Oui, une balle de 9 mm issue d’un Luger… Du Luger du Herr ObersturmführerHerman VonGerleir.

— Je… me souviens ! Ça y est, mais comment… Comment connaissez-vous ce nom ?

— C’est une vieille connaissance ! répondit froidement la jeune femme ; savez-vous pourquoi il était à votre poursuite ?

— Non ! Non, aucune idée ! Mais tout reste encore flou dans ma tête, et puis il y a ce bruit, dehors ! Qu’est-ce que ce bruit ? Ça ressemble à un brouhaha indescriptible !

— Oh, ça ? C’est le bruit de la rue ! C’est tout ! Nous sommes en centre-ville ! répondit simplement Skylar.

— Mais ce bruit ! Je ne le reconnais pas ! L’homme coinçait sa tête entre ses mains, comme pour empêcher ce bruit de venir bourdonner entre ses oreilles.

Skylar se leva alors, et alla fermer la fenêtre restée ouverte.

— Et là ? Cela va-t-il mieux ? questionna Skylar ; désolée, j’avais ouvert la fenêtre pour aérer la pièce, vous comprenez ? Votre bras et la fumée, alors… pour votre confort.

— Je vous remercie… Mais qu’était-ce donc tout ce vacarme ?

— Je vous l’ai dit, la rue ! répondit froidement son interlocutrice.

— Mais… Où sommes-nous ?

Skylar lui rappela que désormais, tous deux se trouvaient en sécurité dans une chambre d’hôtel.

— Je veux dire… Où sommes-nous ? Je ne reconnais pas le style des immeubles en face. Nous ne sommes pas à Munich, il me semble.

— Vous avez raison, nous sommes en France et…

— En France ? s’exclama l’homme surpris. Mais comment… ?

Skylar se leva à nouveau pour aller tirer les rideaux de la chambre.

— Doucement, chaque chose en son temps ! Pour l’instant, c’est tout ce que vous devez savoir, pour votre sécurité.

— Mais ! tenta de protester son patient ; je…

— Du calme Thornsten, du calme ! Skylar tenta de désamorcer la curiosité devenue trop insistante de l’homme en lui divulguant une information qui, pour sûr, détournerait son attention.

— Vous connaissez mon nom ? Comment connaissez-vous mon nom ?

— C’est écrit dans vos papiers d’identification, là dans votre portefeuille. Vous êtes Thornsten Greenberg, né le 18 juillet 1898 à Leichlingen, habitant Munich depuis peu, et journaliste de votre état !

— Oui, suis bête, ma foi ! Vous avez toutes mes informations devant vos yeux. Mais vous en savez plus sur moi que je n’en sais sur vous ! Et…

Soudain, un son étrange sembla émaner d’un petit objet posé sur une table, comme une vibration sourde qui ébranlait le bois, en même temps qu’une lumière diffuse en jaillissait avec des pulsations multicolores, comme le battement d’un cœur.

— Zut ! Pas maintenant ! ragea Skylar qui courut pour se saisir de l’étrange objet. Malheureusement, dans la précipitation, ce dernier lui échappa des mains et chuta lourdement à terre. La face vitrée lumineuse faisait face à l’homme qui écarquillait les yeux pour tenter d’identifier l’objet.

— Mais qu’est-ce donc ? quémanda Thornsten, visiblement intrigué.

Skylar demeura pantoise, ne sachant quoi dire devant le regard inquisiteur qui scrutait son visage avec une persistance innocente.

— Mais qu’est-ce donc ? insista Thornsten.

Face au silence assourdissant de la jeune femme, il tenta de se relever, mais son état de faiblesse avancée dû à sa blessure eut bientôt raison de lui. Soudain, sa tête fut prise d’une lourdeur envahissante, comme d’un énorme malaise s’emparant de ses sens, un vertige si brutal qu’il retomba en arrière. Il divagua et, à nouveau, retomba dans un profond évanouissement.

***

5

La Forteresse de Polignac