Double jeu - Dominique Vialar - E-Book

Double jeu E-Book

Dominique Vialar

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Élise Taylor et sa famille sont victimes d’un accident qui arrache la vie à ses parents alors qu’elle n’est qu’une adolescente. À la suite de cet incident, elle se retrouve avec sa sœur chez un oncle qui les adopte malgré lui. Cependant, le destin ne lui fait pas de fleur, car la mort emporte ces derniers, la laissant avec une cousine qui disparaît au bout de quelques années. Devenue adulte, Élise part à sa recherche et rencontre un jeune homme britannique, beau et mystérieux, qui l’embarque dans une série de rêves érotiques et fantastiques…

À PROPOS DE L'AUTRICE

Dominique Vialar considère la littérature comme un antidépresseur qui l’accompagne dans son combat contre la dyslexie. Elle a écrit une dizaine de romans, dont "Pris sur la toile" et "Moi enfant, toi adulte", publiés aux éditions Le Lys Bleu respectivement en 2021 et 2022.

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Seitenzahl: 233

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Dominique Vialar

Double jeu

Roman

© Lys Bleu Éditions – Dominique Vialar

ISBN : 979-10-422-2764-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Rêves, cauchemars : en apparence, tout semble les opposer. Pourtant, d’un point de vue scientifique, il existe peu de différence entre les deux. En effet, chacun correspond à un moment de semi-éveil pendant lequel le cerveau crée en quelque sorte des illusions et des histoires. La seule chose qui varie est le contenu des scénarios. Tout comme il existe des films romantiques et des films dramatiques, la thématique du rêve peut être agréable ou angoissante, au point de réveiller le dormeur. C’est à ce moment que le rêve devient un cauchemar.

Le commencement

À l’âge de 15 ans, j’ai eu un terrible accident de la route, mes parents sont décédés. Jade, ma sœur aînée, a été transportée à l’hôpital dans un état critique et moi, je me suis retrouvée attachée sur une civière. Mes quatre membres sont retenus par une sangle de sécurité. À ce moment-là, je ne ressens plus mes jambes et encore moins mon corps. Je vois bien que ma vie ne tient plus qu’à un fil. Après de longues semaines dans le coma, j’apprends que mes parents sont décédés. Je me retrouve toute seule avec ma sœur Jade. Cette dernière s’en est sortie avec des contusions et une jambe cassée. Quant à moi, j’ai subi de nombreuses chirurgies. J’ai dû rester alitée de longs mois. Ma sœur était la seule famille qui me restait. Assez rapidement, les services sociaux sont venus nous voir. Pour eux, il était hors de question que Jade s’occupe de moi. Pourtant, cette dernière avait l’âge pour le faire. Elle a toujours su se débrouiller pour trouver des solutions à tout type de problème de la vie. Avant de nous placer en foyer, ils voulaient être sûrs qu’il ne nous restait plus de famille. Après des recherches, ils ont retrouvé un oncle en Californie. À contrecœur, ce dernier a accepté de nous adopter. À ma sortie de l’hôpital, nous avons pris l’avion pour la Californie. Jade était beaucoup plus sereine que moi. De mon côté, j’ai encore terriblement du mal à me faire à l’idée que mes parents sont décédés. Je ne savais pas comment je devais tourner la page pour pouvoir me sentir revivre. Nous arrivons enfin en Californie. Très rapidement, je ressens comme une boule dans le ventre. Comme si on n’était pas les bienvenus. À l’extérieur de l’aéroport, nous découvrons enfin notre oncle. C’est avec une telle froideur que ce dernier prend nos affaires et les jette dans le coffre de la voiture. Sur le chemin, je n’arrive pas à déstresser et je me demande comment sera notre vie chez lui.

Quelques petites années passent et les souvenirs de l’accident deviennent lointains. Alphonse n’a pas beaucoup changé, il ne nous apprécie pas vraiment. Avec un peu de recul, je remarque qu’Alphonse est un homme autoritaire qui n’a pas le sens de l’humour. Heureusement qu’il y avait notre cousine Leila qui était plus souple et bien plus gentille que son père. Avec les douleurs du passé, l’avenir fut plus prospère. J’ai mis un certain temps pour trouver ce que j’allais faire dans ma vie. J’ai décidé de commencer à entreprendre des études de psychologie, Leila s’est orientée dans l’écriture et Jade dans le dessin. À aucun moment je pouvais imaginer que ma vie allait encore être bouleversée.

Un triste jour du mois d’octobre, la pluie tape très fort sur les carreaux du salon. Leila et moi-même nous étions installées près de la cheminée. Nous étions toutes les deux plongées dans la lecture de nos cours quand soudainement un homme vient frapper à la porte. Alphonse se leva de son fauteuil et alla ouvrir. L’homme en question était inspecteur de police. J’ai essayé d’écouter ce qu’ils se disaient en vain. J’entendis mon oncle pleurer. Je prends mon courage à deux mains et je vais le rejoindre. Il me regarde avec des yeux remplis de chagrin. J’ai du mal à comprendre ce qui se passe. J’attrape l’une de ses mains, je le regarde puis ce dernier se met à ma hauteur et me dit d’une voix tremblante. « Jade est décédée. » Je revois ma vie s’écrouler une deuxième fois. À ce moment-là, je réalise que je n’ai plus de famille et je me retrouve toute seule.

Les années passent et le lien que j’avais avec Leila et son père s’est brisé. Je ne peux plus rester dans cette maison et je prends une dure décision, celle de partir. En feuilletant sur le Net, je tombe sur une petite annonce. « Hôpital public cherche psychologue ». Tout ce qu’il me faut. Cerise sur le gâteau, c’est en Écosse. Assez rapidement, je déménage en Écosse où je loue un petit appartement à quelques pas de l’hôpital. Dix années passent et les nouvelles de mon ancienne vie se font rares. De mon côté, j’ai obtenu mon diplôme et avec de la persévérance je suis devenue chef du service de psychiatrie. Au moment où je m’apprête à prendre mon café comme chaque matin, je reçois un coup de téléphone de la police.

— Bonjour, je suis l’inspecteur de police O’Connell, pourrais-je parler à Mme Taylor ?

— C’est moi-même.

— Pourrais-je savoir depuis quand vous n’avez plus eu de nouvelles de Leila Taylor ?

— Depuis des années.

— Est-ce que vous saviez si elle avait des ennemis ?

— Des ennemis… Vous rigolez. Que se passe-t-il ?

— Mlle Taylor est portée disparue depuis 72 heures, un avis de recherche a été lancé pour la retrouver. Les premières investigations montrent qu’il y avait quelqu’un lors de sa disparition. Merci de bien vouloir rester à notre disposition Dr Taylor.

Une fois que je termine avec le sergent O’Connell, je reçois un autre coup de téléphone bien plus alarmant que le premier. « Élise, ma nièce, je suis désolé pour tout ce que je t’ai fait subir. Je ne peux pas vivre sans ma chère petite fille. Leila me manque trop et je ne pourrais pas vivre sans elle. Dis-lui que je l’aime. Au revoir ma chère nièce. »

Je raccroche instantanément et je prends les clés de ma voiture et je me dirige vers la maison de mon oncle avec la police sur mes talons. J’arrive et je pousse la porte d’entrée. Je vois mon oncle étendu sur le sol, gisant dans son sang. Dans sa main se trouve une arme. Tout se passe très rapidement, le SAMU ne tarde pas à arriver, mais dans une grande tristesse, ils n’ont rien pu faire. Ce dernier a préféré se suicider que continuer à se battre pour retrouver sa fille. Je me retrouve dans une famille fantôme seule et sans personne.

À 23 ans, j’ai passé plus de temps dans les cimetières qu’en boîte de nuit. Durant les obsèques et la vente de la maison, je suis restée à la disposition de la police. De temps en temps, on me donne des nouvelles de l’enquête. J’ai du mal à me concentrer au travail et je suis très vite surmenée. À quelques mois de Noël, je décide de repartir pour l’Écosse. Je retrouve très rapidement du travail dans un dispensaire de campagne. Je tiens le service de la psychiatrie et je remarque que les patients ne sont pas les mêmes qu’en Californie. Avec tout ce qui s’est passé, je suis heureuse d’avoir retrouvé un peu de calme. Le calme n’était que de courte durée. Un petit matin pluvieux, je reçois un coup de fil de la police. On m’annonce que la personne qui a enlevé Leila et tué ma sœur est aussi en Écosse et s’appelle Nino Patel. Depuis, je me suis lancée dans une quête frénétique pour rechercher cet homme. Je passe toutes mes économies à un détective local. Dix longues années se sont passées et j’ai enfin trouvé une piste.

Il y a une semaine, je vais dans une exposition de peinture où certains tableaux de Leila ont été présentés. Je ne savais pas que Leila avait le même goût pour l’art que ma sœur Jade. Soudain, j’aperçois Nino, je l’examine, chaque mouvement, chaque geste et son allure. Qui es-tu Nino Patel ? Qu’as-tu fait de ma cousine ? Une profonde obsession se réveille en moi. Je commence à le suivre partout. J’en ai fait des dossiers de ces habitudes. À force d’avoir trop de questions qui restent sans réponse, j’arrive à une seule solution : le rencontrer. Je regarde dans mes dossiers pour voir où il est le mercredi à 10 h. Normalement, il est dans un café non loin d’ici. Je décide d’y aller. Arrivée sur place, je rentre et je prends une profonde inspiration. Je regarde autour de moi. Mon radar le trouve, il est assis à un box en coin, en train de lire un livre. C’est bien lui. Nino Patel, la dernière personne à avoir vu ma cousine. Il lève les yeux quand il me voit approcher et son regard vert éclatant croise le mien.

— Vous êtes bien Nino Patel ?

L’homme m’adresse un sourire gracieux. Il se tient avec élégance et dégage un certain charme d’antan.

— C’est bien moi.

Sa voix grave et sauvage possède une intonation étrange, une sorte de mélange entre un accent américain et un accent britannique.

— Que puis-je faire pour vous ?

— Où est ma cousine, espèce de fils de pute ?

— Je… Quoi ?

— Votre petite amie, Leila Taylor. Où est-elle ?

— Vous dites que Leila a disparu ! Il doit y avoir une erreur quelque part, mademoiselle…

— Docteure Taylor.

— Bien, docteure, on vous a mal informée.

L’homme pose son livre et m’invite à m’asseoir. Voyant que je n’en ai pas l’intention, il soupire en sortant une feuille de papier de sa poche de poitrine. Très rapidement, je remarque que c’est un billet d’avion. Il me le passe et je commence à le regarder.

— C’est un vrai, je vous assure.

— Mais je vous ai vu, j’en suis persuadée. Vous étiez à la galerie d’art. J’ai du mal à vous croire, sauf si vous avez… un sosie ou un double maléfique.

L’expression de Nino s’assombrit un instant. Il se passe les doigts dans ses cheveux, l’air troublé et inquiet. Je sens qu’il vient de se passer quelque chose, mais je ne sais pas encore quoi.

— Que savez-vous exactement du petit ami de Leila ?

— La seule chose que je sais, c’est qu’il vous ressemble comme deux gouttes d’eau. Je vous repose encore cette question : est-ce que vous avez un frère jumeau ?

Un éclat passe dans le regard de Nino et il baisse la tête en fronçant les sourcils au-dessus de sa tasse de café. Je continue à me dire que cet homme commence à me mener en bateau.

— Personne de ma famille n’est encore en vie. Je suis désolé, mais je ne suis pas l’homme mystère de Leila. Par contre, je suis son ami. Si elle a disparu, je veux faire tout mon possible pour vous aider à la retrouver. Laissez-moi vous aider !

— Monsieur Patel, je vous ai vu lors de son exposition. Nos regards se sont croisés et ne me dites pas que j’ai mal vu.

Il me regarde avec un regard vert brillant et pénétrant.

— C’est impossible.

— Pourquoi donc ?

— Parce que ça faisait plus d’un mois que j’étais en déplacement. Il est impossible que vous m’ayez vu avec Leila. J’ai avec moi une preuve qui pourra prouver mes dires.

Je mords ma lèvre en réfléchissant. Il a l’air sincère et je vois bien qu’il veut m’aider. D’un autre côté, je ne le connais pas et je trouve qu’il a par moment un comportement distant et sur la réserve. Comment faire confiance à quelqu’un si je ne suis pas sûr de moi ?

— Je ne vous crois absolument pas. Je vais contacter la police.

— Si vous le souhaitez. Mais je vous assure, vous ne trouverez rien.

Il me tend sa carte de visite.

— Appelez-moi lorsque la police confirmera mes dires, docteure. Dites-moi s’il y a quoi que ce soit que je puisse faire pour aider Leila.

— Je vais y réfléchir.

— Merci. Votre nom m’a échappé.

— Je m’appelle Élise. Docteure Élise Taylor.

— Bien, Élise, malgré les circonstances, enchanté de faire votre connaissance.

Il me tend la main et me regarde avec attention. Dès que ma main entre en contact avec la sienne, je sursaute. Je ressens alors quelque chose qui me brûle la paume de main, puis une étrange chaleur au centre de ma poitrine qui me coupe la respiration.

— Élise ? Que se passe-t-il ?

Je m’éclaircis la gorge et lui fais un sourire crispé.

— Ce n’est rien. Enchantée de vous avoir également rencontré.

— À une prochaine fois, peut-être.

— Bonne fin de soirée, Monsieur Nino Patel. Je vous tiendrai informé.

Je hoche la tête dans sa direction avant de lui tourner le dos et de partir. Une fois chez moi, je me précipite sur mes recherches. Je commence à noter toutes les informations que j’ai retenues. Je suis persuadée que cet homme est la clé de toutes mes recherches. Je me sens soudainement épuisée. Mes paupières sont lourdes, mon corps engourdi. Je m’assois sur le canapé, pousse un soupir en me calant dans les coussins. Où es-tu Leila ? Je ferme les yeux et m’assoupis immédiatement. Rouge. Tout est rouge.

— N... Non, s’il vous plaît…

Ma jeune cousine, la seule famille qui me reste, est allongée dans le lit, impuissante. Au-dessus d’elle se trouvent deux hommes au visage identique.

— Mon frère, arrête cette folie !

— Laisse-moi faire, je m’occupe de tout. Elle est parfaite avec un grand talent.

— Élise… Aide-moi…

— Leila !

Un des jumeaux se penche sur elle en dévoilant des crocs sanglants. Des crocs de vampire caressent le cou de ma cousine. Je crie et agite mes bras, essayant désespérément d’attirer son attention pour qu’il laisse Leila. Mais c’est comme si j’étais invisible.

— Nonnnnnn ! Arrête !

Le vampire enfonce ses crocs dans le cou de Leila.

— Nonnnn !

Je me réveille en sursaut, les joues striées de larmes.

— Que… que s’est-il passé ?

Je prends une longue inspiration, submergée par le choc. Je place une main sur mon cœur qui me fait mal à la poitrine. Depuis que je suis enfant, je ne rêve plus. Rêver entraîne les cauchemars. Je ne veux pas rêver et je ne veux pas faire de rêves sur mes défunts. Ma détermination se renforce. Je vais tirer cette affaire au clair. Je vais retrouver Leila et je vais découvrir ce que cache Nino Patel. Ne travaillant pas le lendemain, je me rends immédiatement au commissariat. Je trouve le détective qui s’occupe de l’affaire de la disparition de Leila.

— Je suis désolé, Docteure Taylor, mais son alibi a été vérifié. Ses papiers sont en ordre et les caméras de surveillance l’ont filmé à l’aéroport. Il est impossible que Nino Patel se soit trouvé en Écosse le mois passé.

— Mais… Je jure pourtant l’avoir vu avec Leila.

— On peut continuer à enquêter, mais pour être honnête, je pense que ça ne mènera à rien.

— Vous m’avez dit que son ravisseur était en Écosse.

— Exactement, mais l’homme que je vous ai dit n’est pas comme lui. Vous êtes sûre qu’il s’appelle Nino Patel ?

— Oui plus que sûr. J’ai tout classé dans mes documents.

Le détective soupire, en écrivant quelque chose sur un bloc-notes.

— Docteure Taylor, elle a disparu depuis plus de dix ans maintenant. Vous devez vous préparer au pire.

— Temps que je n’aurais pas retrouvé son corps, jamais je n’abandonnerais mes recherches.

— Nous allons classer l’affaire.

— Très bien, je ne vous embêterais pas plus longtemps.

Je gagne de la frustration en retournant à ma voiture. Pendant un long moment, je me contente d’observer la rue. Puis je sors la carte de Nino et regarde le numéro écrit dessus. Je n’arrive pas à croire que je fais cela. Si même la police ne veut rien faire dans ce cas, je crois que je ne vais pas avoir le choix. Je prends mon téléphone et saisis le numéro.

— Allô.

— Bonjour, Monsieur Patel, c’est Docteure Taylor.

— Si j’en crois votre ton, mes propos ont dû être confirmés.

— Si vous comptez jubiler, je raccroche.

— Non, ce n’est pas nécessaire. Que puis-je faire pour vous ?

— Vous m’aviez dit vouloir m’aider à retrouver Leila !

— C’est exact, vous me faites assez confiance pour me demander ça ?

— Non, je ne vous fais pas confiance, mais je suis assez désespérée pour vous le demander.

— Vous ne mâchez pas vos mots, Élise. Très bien ! J’ai un autre engagement, mais seriez-vous d’accord pour me retrouver chez moi ? L’adresse est indiquée sur la carte que je vous ai donnée.

— Je n’ai pas le choix, je serais chez vous à 17 h.

Avant qu’il ne puisse répondre, je lui raccroche au nez. Il a forcément un lien avec tout ça, malgré ce qu’il m’a dit. À quelques heures du rendez-vous, je me mets à réfléchir à toute allure en traversant la ville, suivant le chemin indiqué pour aller chez Nino. Je suis persuadée de l’avoir vu. Je sais ce que j’ai vu, je ne me trompe jamais. Je me suis ressaisie et je me suis concentrée sur ma conduite et sur la route. J’arrive devant un grand portail noir, et je reste bouche bée. C’est un domaine de style gothique avec de magnifiques tuiles noires et une grandeur à couper le souffle ; des vitraux aussi radieux et scintillants que le soleil. C’est un arc-en-ciel à lui-même. Je reste estomaquée par tant de beauté et de grandeur. Vu comme cet homme est habillé, cela ne m’étonne pas qu’il vive dans un lieu comme ça. Juste à côté de cet immense portail, je remarque un boîtier avec un bouton vert.

— Bien voyons, Monsieur Patel, vous vous protégez des voleurs ? Remarque, si j’avais été propriétaire d’un tel domaine, j’aurais fait pareil.

— Bonjour.

Une voix s’élève du haut-parleur.

— Docteure Taylor ?

— Oui ?

Cela semble suffire, car le portail s’ouvre pour me laisser entrer. Je m’avance jusqu’à la grande demeure qui me rend soudainement nerveuse. Je frappe doucement à la porte. Aucune réponse… Il n’est pas chez lui ? Pourtant, le portail s’est ouvert. Puis, tout comme le portail, la porte s’ouvre toute seule. Je reste sans voix devant l’immensité de l’entrée. Je suis éblouie par les deux grands escaliers qui me font face. Je me crois dans un autre monde. C’est bien la première fois que je rentre dans un domaine comme ça !

— Nino.

Je m’avance vers le milieu de la pièce. Je ne sais pas où poser mes yeux, je reste tout de même prudente, car je ne suis pas tout à fait rassurée.

— Bonjour Élise.

Je le vois apparaître au milieu d’un escalier. Le reflet du soleil s’imprégnait des mille couleurs des vitraux pour faire refléter des œuvres d’art. Je regarde Nino finir de descendre et de se diriger vers moi.

— Mettons-nous au travail pour retrouver votre cousine.

Dans quelle histoire je me suis bien fourrée !

Chapitre 1

Le mystère commence

Nino me regarde de haut en bas. Son regard me pénètre et me réchauffe d’une étrange sensation de chaleur qui m’intimide et me rend mal à l’aise. Je suis incapable de prononcer le moindre mot ni de faire le moindre geste. Très rapidement, je reprends mes esprits et lui demande :

— Comment allons-nous procéder exactement ?

— D’abord, assoyons-nous.

Il m’amène à ce qui semble être un salon à l’ancienne. La grande classe des salons à l’anglaise. Un grand canapé en velours rouge sang, accompagné de ses deux chaufferettes, un bar-mappemonde avec les plus grands alcools du monde, et les œuvres des plus grands peintres de tous les temps ornant les murs. J’ai l’impression d’être transportée dans les années 50. Monsieur a bon goût ! Je remarque une carafe en cristal accompagnée de ses quatre verres posés sur une petite table basse en acajou. Tout ce luxe me laisse sans voix.

— Voulez-vous un verre d’eau ?

— Je veux bien. Merci.

Pendant qu’il utilise la carafe en cristal pour me servir de l’eau, je ne peux m’empêcher de penser que M. Patel et moi n’avons probablement pas le même salaire à la fin du mois.

— Je vous en prie, installez-vous confortablement.

Je m’assois soigneusement sur le canapé, en veillant à avoir le dos bien droit. Nino esquisse un sourire amusé.

— Vous avez de très bonnes manières.

Je rougis, puis mon regard se pose sur un magnifique tableau du peintre Johann Heinrich Füssli.

— Quel tableau superbe ! C’est « Le Cauchemar », n’est-ce pas ?

— Vous le reconnaissez ?

— Comment ne pas le reconnaître ? Il est unique en son genre. « Le Cauchemar » offre simultanément l’image d’un rêve, en dépeignant l’effet du cauchemar sur la femme et le rêve en image, représentant symboliquement la vision du sommeil. Le tableau montre une femme en robe de satin blanc, endormie sur un lit, la tête penchée vers le bas. Elle est dominée par un démon qui regarde le spectateur. La dormeuse semble sans vie, renversée dans une position qui semble encourager les cauchemars. Les couleurs claires et brillantes de cette femme contrastent avec le rouge foncé, le jaune et l’ocre du fond. Füssli a utilisé un effet de clair-obscur pour créer des contrastes forts entre la lumière et l’ombre. L’intérieur est à la mode de l’époque, avec une petite table sur laquelle reposent les débris d’un miroir, une fiole et un livre. La salle est décorée, derrière le lit de rideaux rouges en velours d’où émerge la tête d’un cheval aux yeux argentés.

— Vous avez l’œil, docteure.

Je soupire, lui lançant un regard sérieux.

— Écoutez, il faut que je vous pose la question. Comment connaissez-vous Leila ?

Nino croise les bras et hoche la tête en direction des tableaux accrochés aux murs.

— Comme vous pouvez le voir, je suis un mécène des arts et fier de l’être. Je fais partie du comité de la Fondation des Rêves. C’est moi qui ai accordé la subvention à Leila. Il s’agit de l’organisation des arts qui a aidé Leila à financer ses œuvres. Sans les subventions qu’ils accordent à des artistes en devenir, Leila n’aurait jamais pu ouvrir sa galerie. Vous avez l’air surprise.

— Pourquoi ne pas me l’avoir dit lors de notre rencontre ?

— Ne le prenez pas mal, docteure, mais lors de notre rencontre, vous aviez l’air de vouloir m’arracher les yeux. De plus, je m’inquiète grandement pour Leila.

Il me fixe du regard, ses yeux verts éclatants et perçants sondant les miens.

— J’ai peut-être l’air sévère, mais je suis sincère quand je dis m’inquiéter pour elle. Mais pas comme petit ami, plutôt comme ami. C’est une jeune femme bourrée de talent. Je ne la connais pas depuis des années, mais elle a quelque chose d’unique et de spécial.

— Je comprends mieux. Sachez que pendant quelques années, elle et son père ont été pour moi ma seule famille. Aujourd’hui, je me dois de savoir la vérité sur son enlèvement. J’ai assez perdu de temps, il est grand temps pour moi d’avancer dans les recherches. Avec ou sans vous ! Je ne veux pas être ralentie par un beau parleur, donc si vous voulez m’aider à retrouver Leila, j’accepte. Comment comptez-vous m’aider à la retrouver exactement ?

— Avant de vous aider, je pense qu’il serait mieux de comprendre ce qui s’est passé. Parlez-moi de la soirée où vous m’avez soi-disant vu avec Leila. Vous exposiez, c’est bien ça ?

— Non, je ne suis pas une artiste-peintre. Je suis allée à cette exposition, car il y avait des peintures qui m’intéressaient. Avant de vous raconter ce qui s’est passé, sachez juste que ce soir-là, elle avait un comportement étrange. Inhabituel. Elle laissait tomber tous ses amis pour un type avec qui elle sortait et aucun d’entre nous ne l’avait rencontré. Puis, lors de son exposition, j’ai vu… et bien, je vous ai vu. Vous l’avez entraînée dans une ruelle et… et vous lui avez fait quelque chose. Puis vous êtes parti et elle se comportait comme… comme si elle était droguée.

Je pose mon verre sur la table basse et ferme les yeux.

Une semaine plus tôt.

La piste du détective m’a conduite à cette soirée-là. Je suis à la galerie de Leila, admirant ses tableaux. Son style est coloré et atmosphérique, chaque tableau est plus beau que le précédent. Elle est si talentueuse et je suis admirative de son ambition. Je n’avais pas réalisé qu’elle s’était mise à la peinture. J’aperçois Leila à l’autre bout de la pièce, ce qui me sort de mes rêveries. Mais dès que je l’aperçois, elle se dirige vers la porte arrière, suivie de près par une silhouette que je ne reconnais pas. Tout en restant à ma place, je la suis du regard. Je ne sais pas combien de temps je les ai perdus du regard. Mais quand je les ai revus, tout d’un coup, l’homme qui était avec elle se retourne pour me regarder. Il me lance un sourire malfaisant et narquois. Son regard vert perçant croise le mien et quelque chose dans son expression me donne la chair de poule. Un homme vous ressemble fortement. Vous avez la même allure, la même façon de vous habiller et la même façon de vous comporter. La seule et unique différence, c’est la confiance et l’orgueil. Votre « jumeau » est beaucoup trop confiant et bavard envers les jeunes femmes. Leila réapparaît par la porte arrière, le regard perdu et vitreux alors qu’elle s’avance dans ma direction.

— Élise ! Je suis si contente que tu aies pu venir !

Je n’ai pas eu le temps de lui parler que subitement elle se fait encercler par une foule d’admirateurs. Il y avait quelque chose d’étrange dans son comportement. Quand j’y repense, cet homme était exactement comme Nino ou presque. Je connais ma cousine, elle ne serait jamais partie avec un beau parleur. Tout ce qui s’est passé m’a donné assez de force et de courage pour continuer mes recherches.

Aujourd’hui.

— Voilà ce qu’il s’est passé.

J’observe le visage de Nino avec attention. Il me regarde avec des yeux sombres et une expression sérieuse.

— Je vois.

— Nino. Que se passe-t-il ? Vous êtes bien silencieux et sérieux tout d’un coup. Je suis obligée de vous reposer la question : avez-vous un frère jumeau et est-ce que vous me cachez quelque chose ?

Il secoue la tête d’un air incrédule.

— Jumeau ou pas, quelqu’un essaie clairement de se faire passer pour moi.

Il se lève d’un mouvement gracieux.

— Je pense savoir quoi faire. Ce soir-là, il devait y avoir des membres de la Fondation des Rêves à la galerie. Je peux faire jouer mes relations et voir qui était inscrit sur la liste des invités.

Il me fait un petit sourire poli.

— Il est tard, continuons demain. Nous pourrons commencer à établir un plan.

— On n’a encore rien fait.

— Pas tout à fait. On a partagé nos informations et j’ai une idée pour la suite.

Pourquoi j’ai l’impression qu’il essaie de me faire partir ?

— Encore une chose ?

Il me regarde d’un air sérieux.