Drogue - Encyclopaedia Universalis - E-Book

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Depuis des décennies, nombre de médecins, d'éducateurs, de sociologues, d'anciens «drogués», d'associations ont travaillé à modifier les approches contemporaines de la toxicomanie. On ne parle plus simplement de «drogue» à moins d'accepter d'être considéré comme réactionnaire ou répressif...

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ISBN : 9782341003308

© Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.

Photo de couverture : © Lenetstan/Shutterstock

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Drogue

Introduction

Depuis des décennies, nombre de médecins, d’éducateurs, de sociologues, d’anciens « drogués », d’associations ont travaillé à modifier les approches contemporaines de la toxicomanie. On ne parle plus simplement de « drogue » à moins d’accepter d’être considéré comme réactionnaire ou répressif ; on parle de substances psychoactives, de dépendance, d’addiction, de comportement « toxico ». Force est d’admettre que la drogue et son approche, bien qu’elles aient changé, n’ont pas éliminé, pour le public, le drogué, même si ce dernier est moins souvent considéré comme pervers ou comme rebut de la société. Et l’on reconnaît aussi qu’« il n’y a pas de drogué heureux », comme le rappellait le docteur Claude Olievenstein dans un de ses ouvrages. Pourtant, la drogue reste un objet incompris. On la définissait naguère comme une « substance naturelle ou synthétique inscrite sur une liste annexée à une convention internationale et soumise à réglementation ». Mais la description, l’analyse, le traitement des conduites addictives ont amené les spécialistes à une compréhension plus problématique et moins administrative du phénomène : tout peut être drogue pour les individus ; cependant, les troubles engendrés par tel ou tel produit (sucre, café, vin, cocaïne...) peuvent être distingués sous certains aspects – la rapidité d’apparition de l’addiction, son irradicabilité relative, ses conséquences morbides, etc. – et permettent une description qui, tout en admettant une relative spécificité de la position « toxicomaniaque », n’évitera pas le problème de la nature des produits.

La relativité des classifications et des distinctions (« drogue dure », « drogue douce ») s’impose lorsque l’on sait que, outre les stupéfiants proprement dits (dont le nom servait autrefois à désigner une brigade de police spécialisée), les hallucinogènes et les amphétamines, plusieurs centaines de produits pharmaceutiques sont utilisés à des fins toxicomaniaques. De plus, l’usage détourné de solvants organiques (ou de produits de grande consommation qui en contiennent) a allongé et rendu plus fluctuante encore la liste des substances susceptibles d’être utilisées comme stupéfiants.

Mais aussi, à côté des « drogues de plaisir », utilisées, du moins les premiers temps, pour la découverte de sensations inédites et de paradis artificiels, la civilisation contemporaine a su produire des drogues que l’on serait tenté d’appeler « de besoin » : tranquillisants et excitants, qui, au-delà d’un usage thérapeutique fondé et vérifié, sont, parfois et même souvent, utilisés comme palliatifs ou comme adjuvants pour une bonne perception de soi-même au sein d’une civilisation dure ou menaçante.

On peut alors se demander : qu’est-ce qui fait le drogué ? Une réponse classique, reprise dans la préface de Jean Thuillier au livre Phantastica de Louis Lewin, affirme : « Dans une quête avouée ou inconsciente, l’homme a recherché par les drogues des paradis artificiels pour échapper à ses conditions d’existence, soulager ses douleurs physiques ou morales, communiquer avec les dieux, sacrifier à des rites ou secouer l’ennui d’un ego trop fortement équilibré ou trop pauvrement structuré ». Pourtant, la drogue est aussi un produit « qui à doses faibles ou moyennes provoque chez l’homme des syndromes psychiatriques réversibles ». L’usage de tels produits dans la civilisation contemporaine inscrit la modification de conscience comme un but ou une exigence non négligeables de l’activité humaine. Aussi la société tente-t-elle d’établir un point de repère, un standard distinguant le bien et le mal, l’usage et la manie, en se servant des concepts de réversibilité et d’irréversibilité. Mais le maniement extrêmement délicat de ces concepts (l’escalade, inéluctable ou non ?) conduit souvent à faire de l’irréversibilité (« le » drogué qui ne s’en sort pas) la cause de la marginalité. Et c’est cette marginalité même qu’il s’agirait de réduire paradoxalement : comme si la société ne pouvait avoir d’autre but et d’autre méthode que l’intégration, seul moyen de salut.

Mais la marginalité peut-elle être étendue aux deux à trois millions d’alcoolodépendants et aux quelques centaines de milliers d’adeptes du « joint », ou d’amateurs de cocaïne ou d’ecstasy que compte la France ? Les « alcoolodépendants » représentent entre un huitième et un neuvième de la population active du pays. Par ailleurs, la marginalisation de nombreux jeunes toxicomanes n’est pas vécue par eux comme l’effet d’un abandon ou d’une relégation de la part de la société, mais, au contraire, comme un refus volontaire ou une transgression de la part des drogués eux-mêmes : la « vraie » vie, pour eux, ne serait plus dans la société, mais en bordure ou à l’extérieur de celle-ci. Les termes d’intégration et de marginalisation ne semblent donc pas totalement adéquats à une analyse cohérente du phénomène contemporain de consommation de drogues, même si certains résultats thérapeutiques orientent en ce sens la réflexion clinique et sociologique. Car les drogues – opium, peyotl, Cannabis indica – étaient connues et utilisées dans certaines aires culturelles comme des moyens thérapeutiques ou des instruments cultuels, alors que l’alcool, avant la conquête européenne, n’était pas une substance communément utilisée en Amérique du Sud. En fait, il faut tenter de comprendre quelle distance fut comblée, à la fin du XIXe siècle, entre l’opium, produit médical chinois, déjà détourné grâce aux Européens à des fins psychotropiques, et l’héroïne, pur produit de la science et de la technique occidentales. L’usage contemporain des substances psychoactives conduit à une interrogation complexe : drogues, toxicomanies, dopages, dépendance, addiction forment-elles une constellation symptomatique d’un certain « refoulé » occidental ? En d’autres termes, comment les toxicomanies sont-elles liées aux divers développements scientifiques, médicaux, sociaux de la rationalité occidentale ?

Aussi faut-il d’abord tenter de comprendre le sens social et psychologique des conduites addictives et d’analyser les conditions de leur apparition : car les produits de base dont sont tirées les substances psychotropes, non plus que leur usage traditionnel, ne sont sans doute pas les vrais responsables des toxicomanies.

Une autre question soulevée par le phénomène touche à sa dimension économique, qui est mondiale. Les trafics de drogue se sont développés et ont prospéré parce qu’ils répondent à une logique de marché où offre et demande, bien qu’en totale illégalité, s’ajustent avec une extrême rapidité. L’argent de la drogue représente dans le monde des bénéfices qui, au milieu des années 2000, sont estimés annuellement à plus de 400 milliards de dollars. Il s’agit de toute une économie parallèle, souterraine, dont les gains finissent le plus souvent par être réinjectés dans les circuits économiques légaux après avoir été blanchis par des banques ou des institutions financières honorables. Cet argent est également utilisé pour financer, dans les différentes parties du monde, rébellions, guerres civiles ou conflits régionaux.

Olivier JUILLIARD

Alain LABROUSSE

E.U.

1. Approches psychosociologiques

• Les paradoxes du corps mort