Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Ouvrez et venez découvrir l'histoire de Léa Drouault. Celle qui rêvait d'une vie simple se retrouve transportée au coeur d'une intrigue où elle devra choisir entre sa famille et l'amour. Mais Léa sera-t-elle prête à assumer les conséquences de ses choix ? Un savoureux mélange entre les Bridgerton et Gossip Girl.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 825
Veröffentlichungsjahr: 2023
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
À Manon, Coralyne et Sophie,
Parce que ce livre n’est pas qu’une histoire d’amour, c’est avant tout une histoire d’amitié.
Les Drouault :
Léa : Jeune chargée de communication tentant d’échapper à sa famille notamment à sa grand-mère.
Marie-Françoise : Ladite Grand-mère
Roger : Magna de l’immobilier et accessoirement grand-père de Léa
Jeanne : Mère de Léa
Armand : Père de Léa
Théo : Cousin adoré de Léa, le considère comme un frère.
Marius : Oncle de Léa
Maryline : Tante de Léa.
Les De Lagrève :
Esteban : Ex-vrai-faux-fiancé de Léa
Laurent : Père d’Esteban – Comte et surtout Magna de l’immobilier
Carole : Ex-vrai-fausse-belle-mère de Léa à son plus grand désarroi
Les proches de Léa :
Kate Moreau : Entrepreneuse dynamique et maman — meilleure amie
Cara Lecours : Fêtarde invétérée — meilleure amie
Luchia Blanchard : Artiste en devenir — meilleure amie
Sébastien Tellin : Époux de Kate
Mandy Tellin : Adorable petite fille blonde — Fille de Kate
Jules de Trainel : Meilleur ami d’Esteban
Julie Blandin : Banquière, petite-fille que Marie-Françoise aurait aimé avoir
Edouard Dechelli : Ennemi juré de Léa et Esteban
ABCommunication :
Élio Martial : Petit-ami de Léa
Gabriel : Manager séduisant
Stéphanie : Big boss d’ABCommunication
M.A.K.S :
Lindsay : Secrétaire trop dévouée
Jerry Morisson : Big boss de M.A.K.S
José Vélasquez : Responsable de la recherche biologique
Les Woodstock :
Karl : Magna de l’immobilier un peu louche
Florence : Femme de Karl adorable
Autre :
Josh Kenneth Fisher : Petit-ami de Léa
Claire : Espionne rousse ultra canon
Éric Pontmaison : Procureur qui aime les pots-de-vin
Horace de Castemar : Noble d’une ancienne famille européenne — Magna de l’immobilier pour passer le temps.
Enfin pleins d’employés de maison devant subir le courroux de Carole De Lagrève et Marie-Françoise Drouault, une journaliste de GlamourGala, des tas d’invités pour les galas de charité, des hommes d’affaires un peu louches et quelques garçons martyrisés par Cara.
CHAPITRE 1
CHAPITRE 2
CHAPITRE 3
CHAPITRE 4
CHAPITRE 5
CHAPITRE 6
CHAPITRE 7
CHAPITRE 8
CHAPITRE 9
CHAPITRE 10
CHAPITRE 11
CHAPITRE 12
CHAPITRE 13
CHAPITRE 14
CHAPITRE 15
CHAPITRE 16
CHAPITRE 17
CHAPITRE 18
CHAPITRE 19
CHAPITRE 20
CHAPITRE 21
CHAPITRE 22
CHAPITRE 23
CHAPITRE 24
CHAPITRE 25
CHAPITRE 26
CHAPITRE 27
CHAPITRE 28
CHAPITRE 29
CHAPITRE 30
ÉPILOGUE
Léa Drouault était riche. Enfin, si l’on devait être plus précis sa famille était riche. Elle, elle avait décidé de vivre une vie où elle serait financièrement autonome. Après avoir réussi des études de communication menées en alternance, elle venait d’être engagée à l’âge canonique de vingt-cinq ans par ABCommunication. Cet emploi lui avait permis de quitter la maison familiale et d’emménager dans son premier appartement. Il n’était pas très grand, mais cela lui convenait parfaitement. Sa famille avait beaucoup de mal à s’accoutumer à son mode de vie, mais ils avaient fini par l’accepter. Cependant ce qu’ils n’acceptaient pas c’était le retard, et en retard elle l’était. Sa grand-mère avait organisé un grand dîner et toute la famille devait s’y retrouver pour dix-neuf heures. Il était dix-neuf heures quinze. Prise de panique, Léa arrangea ses cheveux dans l’ascenseur du travail et décida de se rendre chez ses grands-parents, sans même prendre le temps de passer chez elle pour se changer.
***
Ce fut naturellement que Marie-Françoise accueillit sa petite-fille par un soupir exaspéré en voyant sa tenue.
- Tu aurais au moins pu fournir un effort pour te changer quitte à être en retard.
- Moi aussi mamie, je suis heureuse de te voir, répondit Léa avec la plus grande douceur du monde en embrassant sa grand-mère.
La famille Drouault avait fait fortune quand l’arrière-grand-père, Maximilien Drouault, avait investi dans le secteur de l’immobilier dans un petit village du sud de la France. L’arrivée des congés payés puis de la jet-set avait fait flamber les prix permettant à la famille de s’enrichir très vite. À la suite de cela, Roger Drouault avait épousé Marie-Françoise Delatour, une héritière qui avait fait accroître la fortune familiale de façon considérable. Le couple avait donné naissance à deux fils pour le plus grand bonheur de toute la famille. La succession était assurée.
Léa pénétra dans le salon où tout le monde n’attendait que son arrivée pour commencer à prendre l’apéritif. Après avoir embrassé chacun des membres présents, elle prit place entre sa mère et son cousin Théo qui avait dix-huit mois de plus qu’elle. Marius, son oncle, et Armand, son père, étaient en grande discussion avec leur père sur les prix du marché de l’immobilier dans la capitale. Tandis que sa tante, Maryline donnait à Marie-Françoise les détails de leur dernier voyage dans les îles. Quant à Léa, elle expliquait avec enthousiasme le nouveau client qui venait de signer chez ABCommunication à son cousin et sa mère, Jeanne. Il s’agissait d’une enseigne de cosmétiques américaine, voulant agrandir sa visibilité à l’échelle nationale française, par conséquent ils avaient débloqué un budget important. Léa avait été mise sur ce projet avec plusieurs de ses collègues, dont Élio avec qui elle s’entendait très bien. Jeanne provenant d’une famille modeste était très fière de la réussite de sa fille et de la vie qu’elle menait hors de l’influence des Drouault. Armand aussi était fier d’elle, mais il évitait de le dire, n’étant pas habitué à montrer ses sentiments, du moins c’est ce qu’imaginait Léa. Ce fut au tour de Théo d’expliquer à sa cousine, les avancées de ses études dans le domaine de l’immobilier, bien évidemment. Pendant ce temps, Marie-Françoise racontait à sa bru l’incident avec sa femme de ménage et le vase Ming qui avait terminé en mille morceaux au sol.
Une fois, l’apéritif terminé, toute la famille alla rejoindre la salle à manger où le repas fut servi. Les habituelles conversations emplissaient la pièce quand Roger tapota son couteau contre son verre à vin. Cette manie qu’avait sa famille à vouloir se comporter comme la grande bourgeoisie qu’elle voyait dans les films faisait toujours sourire Léa.
- J’ai une nouvelle. Vous savez que la famille De Lagrève est à la recherche d’un partenaire afin de racheter les anciennes propriétés des Woodstock. Il se trouve que l’idée de faire affaire avec notre famille les séduit beaucoup.
Marie-Françoise affichait un petit air de fierté quant à l’annonce de son époux, et les deux fils applaudirent brièvement leur père qui les interrompit par un bref signe de la main.
- Seulement voilà, il se trouve qu’un Américain est aussi intéressé. Le problème étant qu’il dispose de la même fortune que nous et les De Lagrève réunis.
- Enfin, Woodstock ne va pas vendre ses propriétés à un Américain ! s’indigna Marius.
Cette réflexion arracha un sourire à Léa qui pensa qu’avec un nom comme « Woodstock », il serait même normal de vendre à un Américain.
- Il se trouve que notre partenariat avec les De Lagrève est trop frais aux yeux des Woodstock pour paraître solide. Ils veulent s’assurer d’avoir leur argent. Si jamais notre entente se brisait pendant la transaction, les Woodstock perdraient beaucoup.
Roger regarda son épouse qui l’encouragea à continuer par un bref signe de tête accompagné d’un petit sourire.
- Nous devons prouver à Woodstock que nos deux familles seront plus que jamais unies dans cette affaire. Nous ne pouvons pas nous permettre de passer à côté de ce parc immobilier.
Un grand silence se fit à la table où tout le monde se regarda décontenancé.
- Et comment ? demanda Armand pour rompre le silence. Je suppose que vous avez déjà une idée sinon vous ne nous auriez pas tous convoqués ce soir.
- Exactement Armand. Les De Lagrève ont un fils, commença Marie-Françoise. Il sort d’une grande école de commerce et n’a que deux ans de plus que Léa. Il se trouve que c’est un très bon parti, par ailleurs. Mon amie, Lucinda du club m’en a dit le plus grand bien, elle l’a côtoyé lorsqu’elle est partie en vacances avec sa famille, l’été dernier. Et le magazine GlamourGala en fait le célibataire le plus convoité du moment et n’oublions pas que c’est un comte.
Pendant un instant, le silence s’installa autour de la table. Chacun essaya d’analyser l’information qui venait de leur être transmise. Léa eut un rictus et leva les yeux au ciel en entendant sa grand-mère parler de son magazine préféré. Marie-Françoise avait pour habitude de lire son journal à ragots favori le mercredi après-midi en compagnie de ses amies du Country club, dont la fameuse Lucinda. La jeune femme passa son regard de son grand-père à sa grand-mère quand un éclair traversa son esprit. Elle se leva en voyant le regard insistant de Marie-Françoise.
- Oh non, non, non, il n’en est pas question !
- Léa ? L’interrogea Théo
- Je viens de comprendre comment ils comptent renforcer leur partenariat et il en est hors de question. Ils veulent me faire épouser le fils !
Léa adressa un regard affolé à son père. Ce dernier détourna les yeux de sa fille pour se concentrer sur le pavé de saumon qui baignait dans la sauce beurre blanc dans son assiette. Devant l’attitude de son époux, ce fut Jeanne qui intervient :
- Marie-Françoise, vous n’êtes pas sérieuse tout de même ?
- Enfin Jeanne, il faut penser au bien de la famille, l’interrompit la mère de Théo.
- Le bien de la famille ? Vraiment Maryline ? Mais je t’en prie, sacrifie ton fils dans ce cas !
- Je n’ai rien demandé moi, intervint Théo.
- Ne commence pas, le réprimanda sa mère.
Jeanne s’était levée pour faire face au reste de la famille avec sa fille. Armand n’avait pas bougé malgré le regard soutenu de sa femme. Léa cherchait une nouvelle fois, l’appui de son père, mais sans succès. Il allait accepter la situation ? Il allait laisser sa fille unique être vendue comme du bétail au salon de l’agriculture ? La colère empourpra les joues de la jeune femme.
- Léa, ma chérie .... Commença Roger. Je sais que nous te demandons beaucoup, mais…
- Mais quoi ? Papi, nous ne sommes plus au XIXe siècle ! Il est hors de question que j’accepte cela, scanda celle-ci. Hors de question !
- À vrai dire Léa, nous avons déjà contacté la famille De Lagrève qui est en total accord avec cette décision. Ils pensent que cela pourrait être une bonne chose pour nos deux familles. Après tout, tu n’es plus une enfant et Esteban De Lagrève, non plus.
- Non ! S’exclama-t-elle. Vous ne vous rendez pas compte de ce que vous dites ! Mais que quelqu’un intervienne, bon sang !
Personne ne bougea le petit doigt. Léa poussa violemment sa chaise pour se rendre dans le salon. Elle attrapa son sac et sortit en furie de la maison ne laissant même pas le temps à sa mère de la rattraper. Avant de claquer la porte, elle entendit la voix de son père la rappeler, mais elle continua sans se retourner. Elle prit son portable et envoya un message à l’une de ses meilleures amies, Luchia, alors qu’elle remontait l’immense allée pour se rendre à sa voiture. « Dispo ? Je dois te parler ! »
Au même moment au château des De Lagrève.
- Esteban, tu n’as pas le choix. La survie de notre famille en dépend !
Le jeune homme était appuyé contre une cheminée regardant le feu qui crépitait. Il passa une main dans ses cheveux noirs pour tenter de se calmer. Un homme d’une quarantaine d’années se tenait derrière lui avec un regard dur. Il répéta la même phrase qu’il venait de prononcer comme pour l’ancrer dans l’esprit de son fils.
- Père, tu ne peux pas me demander d’épouser une inconnue.
- Crois-tu seulement que cela m’amuse de demander à mon fils d’épouser une femme qu’il ne connaît pas ? Qui plus est, quand celle-ci a décidé de vivre comme une simple roturière. Mais les faits sont là, notre famille est ruinée ! Si nous n’arrivons pas à acquérir ces propriétés afin de relancer nos affaires, nous ne pourrons pas survivre ! Est-ce cela que tu veux ? Voir ta pauvre mère se lever à l’aube pour aller travailler dans des lieux malfamés ?
Le jeune homme posa ses deux yeux bleus sur son père. Bien sûr, qu’il n’avait pas envie de voir sa mère aller travailler à l’usine au lieu de bruncher avec ses amies.
- Puis cela te mettra un peu de plomb dans la cervelle, il est temps que tu arrêtes tes soirées et tes parties de poker clandestines.
Esteban retourna son visage vers la cheminée.
Le lendemain matin dans un café de la ville.
Léa était installée avec Luchia autour d’un café. La jeune femme faisait partie des meilleures amies de Léa parmi lesquelles on trouvait aussi Kate et Cara. Luchia était une artiste ou plutôt une comédienne pour être exact. Elle donnait également des cours de théâtre pour subvenir à ses besoins. Les deux jeunes femmes s’étaient rencontrées au lycée et étaient devenues inséparables depuis. Léa avala une grande gorgée de sa boisson avant de commencer à raconter dans les moindres détails, les évènements de la veille. Plus elle avançait dans son discours, plus Luchia ouvrait la bouche prête à gober une mouche. Une fois le récit terminé, il y eut quelques secondes de flottement avant que son amie ne réponde :
- Je savais que ta famille n’était pas normale, mais à ce point ! Il faut absolument que tu racontes ça à Kate et Cara.
- Je leur dirai ce soir. Mais pour le moment, je trouve la situation incroyable, ils n’ont aucune limite ! Ils me demandent cela comme s’ils me demandaient d’aller chercher le pain ! Tu comprends pourquoi j’ai essayé de les fuir dès que je pouvais. Ma famille est toxique…
- Toxique, mais riche ! Ils ont le bras long et tu le sais.
Léa poussa un gémissement en s’enfonçant dans son fauteuil comme écrasée par la situation qu’elle avait vécue.
- Je comprends que tu sois en colère ! Tu as essayé de les joindre depuis hier soir ?
Léa fit un bref signe de la tête pour lui signifier que « non ». Sa mère lui avait envoyé un message en lui disant qu’elles ne se laisseraient pas faire. La jeune femme avait répondu, mais elle était déçue de ne pas avoir de nouvelles de son père. Armand et Marius avaient toujours suivi le destin que leurs parents leur avaient tracé. Ils ne s’étaient jamais dressés contre eux sauf dans le choix de leurs épouses. Quoique, Marius eût accepté sans broncher la fiancée que lui avait choisie sa mère. Seul Armand avait eu le courage de se dresser contre ses parents pour choisir sa femme, c’était d’ailleurs la seule fois de sa vie où il les avait contredits. Léa avait été habituée à cette situation, mais là, elle aurait aimé que son père prenne sa défense, pour une fois.
- Et ton père qui n’a même pas réagi…
- C’est bien ça le pire ! Tu te rends compte, il est tellement soumis à mes grands-parents qu’il ne dit rien ! À croire qu’il accepte parfaitement la situation. Et ma tante, parlons-en !
Les deux jeunes femmes passèrent encore une bonne heure à discuter avant de se rendre sur leurs lieux de travail. Vers midi, Léa rentra chez elle pour manger. Elle reçut plusieurs SMS de Théo qui lui raconta qu’après son départ, Armand et Marius s’étaient disputés et que tout le monde était parti avant même l’arrivée du dessert. Elle répondit brièvement à son cousin avant de retourner au bureau. Elle fut ravie de voir que son collègue Élio venait d’arriver. Il l’accueillit par un « bonjour » chaleureux avant de lui offrir un café.
- Tout va bien ? demanda celui-ci. Tu as l’air un peu contrariée aujourd’hui.
- Mh, ce n’est rien. Des affaires de famille
Le jeune homme articula un « Oh » silencieux alors que la jeune femme resta évasive. Il était habitué aux histoires de famille de sa collègue, plus d’une fois elle était revenue de ses week-ends le moral totalement miné. Pourtant, cela ne l’avait jamais empêchée de lui prêter une oreille attentive, mais cette fois-ci Léa semblait vouloir garder la énième tragédie familiale pour elle.
- Au fait, la marque de cosmétiques M.A.K.S nous a renvoyé ses premiers avis sur la publicité, tenta Élio pour changer de conversation.
Léa le remercia secrètement et attrapa avec plaisir la perche qu’il lui tendait. Ce dossier était certainement l’un des plus importants de son début de carrière et il n’était pas question qu’elle gâche une telle opportunité à cause de sa famille. La jeune femme rassembla ses esprits et se remit sur les maquettes publicitaires avec Élio. Elle avait toujours aimé travailler avec lui, il était apaisant et trouvait toujours des solutions aux problèmes qui se présentaient à eux. Vers la fin de l’après-midi, elle reçut un appel de sa grand-mère, mais elle ne décrocha pas. Cette dernière insista et au bout de quelques appels, Léa se résigna à quitter son bureau afin de répondre, de peur de voir le RAID débarquer d’une minute à l’autre :
- Oui ? répondit-elle machinalement
- Léa, ma chérie. Comment tu vas ? Nous étions inquiets avec ton grand-père, nous n’avions pas de tes nouvelles.
- Étonnant…
La jeune femme soupira et demanda à sa grand-mère la vraie raison de son appel.
- Nous voudrions que tu passes à la maison pour te parler, ma chérie. Il n’y aura que papi et moi, personne d’autre.
La jeune femme hésita. Elle n’avait pas vraiment envie de leur parler, mais Marie-Françoise insista en promettant à sa petite fille de ne l’obliger à rien. Cependant, elle devait lui annoncer une chose importante et elle préférait le faire en tête-à-tête. Intriguée par cette nouvelle, Léa capitula et accepta d’aller diner chez ses grands-parents. À la fin de l’appel, elle envoya un message à sa mère pour la prévenir en lui promettant de la tenir au courant.
***
À dix-neuf heures, la jeune femme avait dû laisser ses collègues finir les corrections sans elle afin d’être à l’heure. Alors qu’elle remontait l’allée du manoir familial, elle se rendit compte que celui-ci était réellement imposant. N’importe qui devait être impressionné par cette maison digne d’un film hollywoodien. Léa arriva devant la porte et frappa trois coups secs. Quand sa grand-mère ouvrit, elle lui fit la bise avant d’aller prendre place sur l’immense canapé de cuir, face à son grand-père, qui l’attendait déjà dans le salon. Marie-Françoise apporta des rafraîchissements et s’installa avec Roger. Léa but une petite gorgée de citronnade en attendant que l’un d’eux commence. Ils l’avaient convoquée, c’était à eux de parler en premier.
- Ma chérie, je pense qu’avec papi, nous n’avons pas bien exposé la situation, hier soir. Il est évident que te demander d’épouser un homme que tu ne connais pas relève de la folie. Nous avons contacté les De Lagrève et leur fils est du même avis que toi.
- Vraiment ? Au moins, deux personnes sont saines d’esprit dans cette histoire…
Marie-Françoise se pinça les lèvres face à l’attitude insolente de sa petite fille. Elle n’aimait pas être interrompue, ni même le ton qu’employait Léa, mais elle savait aussi que la situation était délicate. Elle replaça une mèche de ses cheveux fraîchement coiffés et reprit :
- S’il te plaît, laisse-nous finir. Nous sommes tombés d’accord avec les De Lagrève. Nous voudrions que vous jouiez la comédie avec Esteban afin que nous décrochions ce contrat. Il s’agit de l’affaire d’un mois, après vous pourrez tous les deux retourner à vos vies respectives.
Léa souffla et commença à s’agacer de nouveau :
- Rien de moins que ça ? Pourquoi vous avez besoin de cela ? Est-ce que vous vous entendez parler ? Papi, je pensais que ça te plaisait les challenges dans les affaires, non ? Tu ne disais pas que cela rajoutait du piment dans la victoire ?
Roger observa sa petite fille dont les joues tournaient au rouge, il frotta ses mains les unes sur les autres. Sa femme afficha un regard triste et déposa ses mains sur celles de son mari. La jeune femme ne manqua pas de remarquer ce soudain changement de comportement et interrogea ses grands-parents du regard.
- Je n’ai plus la force de me battre Léa. Ma jeunesse est passée et je dois maintenant porter le poids de l’âge. Crois-moi, je ne te le demanderai pas si je pensais m’en sortir sans.
Les sourcils de Léa qui s’étaient froncés quelques instants plus tôt se détendirent et son teint reprit une teinte neutre alors qu’elle les regardait d’une façon soupçonneuse.
- Ce que ton grand-père essaie de te dire, ma chérie, c’est qu’il est malade.
Une pierre tomba dans l’estomac de Léa alors que la pièce autour d’elle était en train de s’effondrer. Elle secoua doucement la tête pour se reprendre :
- Malade, redit-elle comme pour assimiler la nouvelle du bout de ses lèvres tremblantes. Quel genre de maladie ?
- D’après les premières analyses des médecins, c’est une tumeur au cerveau.
Léa passa une main devant sa bouche et une larme roula sur ses joues. Elle regarda son grand-père avec tout l’amour qu’elle pouvait éprouver avant d’aller vers lui pour le prendre dans ses bras. Marie-Françoise caressa les cheveux de sa petite fille alors que Roger tentait de la consoler.
- Écoute bien Léa, dit celui-ci. Ton père et ton oncle ne sont pas au courant et ne doivent pas l’être. Ils ne pourraient pas gérer une telle pression. C’est pour cela qu’avec mamie, on se tourne vers toi. Je vais m’affaiblir de plus en plus, et d’ici quelques mois, je ne serai plus là. Je ne veux pas qu’en partant, j’aie cette impression de ne pas avoir accompli ma tâche. Ces propriétés sont certainement les dernières que je pourrais acquérir.
La jeune femme plongea son regard dans celui de son grand-père avant de murmurer les yeux totalement bouffis de larmes.
- Je vais t’aider papi. Je vais jouer le jeu, mais un mois, pas plus.
Roger la prit dans ses bras en la remerciant mille fois et Marie-Françoise alla chercher le diner. Durant la soirée, le patriarche montra à sa petite fille, les photos des différentes propriétés et lui vanta les qualités de son futur – faux fiancé. Tout ce que Léa retenue c’est qu’il avait terminé son master en commerce international il y a deux ans et qu’il était certainement le célibataire le plus convoité. Pour le reste, elle préférait juger par elle-même. À la fin du repas, Marie-Françoise ressortit les vieilles photos de famille et tous les trois passèrent de longues heures à rire devant. Quand minuit sonna, Léa consentit à dormir chez ses grands-parents (Vu la taille de la maison, elle possédait sa propre chambre). Elle se jura d’appeler sa mère le lendemain matin pour lui annoncer la nouvelle. La jeune femme passa une bonne partie de la nuit à chercher une excuse pour garder le secret de son grand-père intact.
***
Le lendemain, Léa passa une bonne heure à expliquer au téléphone à sa mère qu’au final, elle ne jouait que la comédie et qu’elle ne l’épouserait pas vraiment. Si elle le faisait, c’était pour remercier ses grands-parents de tout ce qu’ils avaient fait pour eux. Elle savait que cette excuse sonnait faux, mais sa mère sembla s’en contenter pour le moment. Léa n’avait aucun doute sur le fait que Jeanne n’avait pas cru les propos de sa fille, mais elle la remercia intérieurement de ne pas lui poser plus de questions. Avant de partir, elle avait convenu avec ses grands-parents qu’ils iraient rendre visite aux De Lagrève dans leur manoir le week-end prochain (dans deux jours). Léa avait imposé la condition que ses parents, surtout sa mère, soient présents lors des présentations. Ses grands-parents n’avaient rien trouvé à redire et Roger avait appelé son fils dans la seconde pour l’en informer.
***
Les deux jours qui suivirent passèrent trop vite aux yeux de Léa. Elle avait informé ses amies de la situation et l’accueil de la nouvelle avait été plutôt mitigé dans le groupe. D’un côté, toute personne saine d’esprit trouverait cette situation absurde. La jeune femme n’avait encore rien dit à Élio sur la position dans laquelle elle s’était mise, bien que le jeune homme ait vu son moral se dégrader à l’approche du week-end.
***
Le samedi en début d’après-midi, Léa, ses parents et ses grands-parents étaient en voiture pour se rendre au château des De Lagrève. Léa avait cherché des informations sur sa future ex-belle-famille, enfin, son amie Cara avait cherché pour elle. La jeune femme avait vu plusieurs photos de son faux fiancé. Elle l’avait trouvé plutôt bel homme et une partie d’elle avait eu très envie de faire sa connaissance même si GlamourGala lui prêtait quelques relations volatiles. Quand elle avait évoqué ce fait avec sa grand-mère, celle-ci lui avait assuré que tout cela était du passé et qu’Esteban De Lagrève était devenu un jeune homme respectable. La voiture s’engagea dans l’allée du manoir et le cœur de Léa s’accéléra. Au loin, elle aperçut les trois membres de la famille sur les marches du perron. Encore quelques mètres. Enfin, elle fut assez proche pour distinguer le visage de celui qui allait devenir son complice pour cette farce. Une moue s’afficha sur son visage, elle le trouva quelconque.
Esteban se tenait sur le perron aussi droit que possible, les bras croisés derrière son dos. Un sourcil s’arqua en voyant une jeune femme à la crinière châtain et aux yeux bleus sortir de l’Aston Martin. Elle n’était pas aussi laide qu’il l’avait imaginé, il regretta à cet instant de ne pas être allé glaner deux ou trois informations sur les réseaux sociaux. Son père, Laurent, se précipita pour accueillir le patriarche de la famille Drouault qui affichait un air ravi. De toute évidence, la fortune de sa famille serait vite restaurée et il pourrait retourner vaquer à ses occupations.
- Esteban, intervient son père pour le sortir de ses pensées. Je te présente Roger Drouault, notre nouveau partenaire financier.
- Enchanté, articula le jeune homme en serrant la main de l’homme d’affaires. C’est un plaisir.
- Pareillement, répondit Roger en se tournant vers le reste de la famille. Permettez-moi de vous présenter ma brillante petite-fille, Léa Drouault.
Léa fit un pas en avant pour tendre sa main à Esteban. Celui-ci serra avec plus de poigne qu’il ne l’aurait voulu aux vues de la grimace s’affichant sur le visage de la demoiselle.
- Bien, reprit Laurent De Lagrève. Maintenant que les présentations sont faites, que diriez-vous d’une tasse de café ? Ma femme le fait venir du Brésil, vous allez m’en dire des nouvelles !
Aussitôt, tout le cortège se mit à suivre le propriétaire des lieux vers le salon. Roger et Laurent discutaient joyeusement tandis que leurs épouses marchaient bras dessus bras dessous en évoquant les fleurs de la saison. Armand et Jeanne s’étaient placés à leur suite. Esteban et Léa furent les derniers à entrer dans le petit salon. La décoration n’avait pas changé depuis le XIXe siècle, contrastant avec la maison ultramoderne dans laquelle elle avait grandi. De l’autre côté de la table basse, sa mère lui lançait des regards pleins de sous-entendus. Si elle avait voulu, Léa n’aurait eu qu’à faire un signe pour que Jeanne la tire de cette situation. L’envie ne lui manquait pas, elle était bloquée entre sa grand-mère et son compagnon du jour, mais elle devait prendre sur elle, pour son grand-père, pour la famille. Tout le monde était en grande discussion tandis qu’elle demeurait silencieuse aux côtés d’Esteban qui n’avait pas l’air d’avoir plus de conversation qu’un mollusque. Après les banalités échangées, Monsieur De Lagrève placé dans sa diagonale commença à l’interroger :
- Alors Léa, votre grand-père m’a dit que vous étiez dans la communication ? Quel domaine passionnant ! Dites-moi avec quelles marques travaillez-vous ?
- ABCommunication collabore majoritairement avec des entreprises locales pour leur permettre d’accroître leur visibilité.
- Oh je vois, répondit son futur ex-beau-père déçu.
- Enfin, nous avons récemment signé avec la marque mondiale de cosmétiques M.A.K.S.
- Oh, je les adore, s’exclama Carole De Lagrève. Leurs fards à paupières sont d’une tenue incroyable.
- Léa est en charge de ce dossier, intervint Marie-Françoise.
- Oui, avec d’autres collègues, compléta la principale intéressée. Nous sommes toute une équipe et nous sommes plutôt optimistes sur les prochaines sorties publicitaires. D’ailleurs, je ne veux pas m’avancer, mais nous sommes en bonne voie pour que la mannequin Noame accepte d’être l’égérie de la marque pour cette année.
- Vous voulez dire cette fille grosse et sans charme ? s’étrangla Carole De Lagrève.
- Je dirai d’elle que c’est une femme qui s’assume et qui représente quatre-vingt-dix pourcent de la gent féminine française. Elle sait vivre avec son temps et défend des causes tout à fait nobles. Elle mène notamment un combat contre les violences faites aux femmes et finance sur ses propres deniers, un dispensaire pour accueillir celles qui ont fui leurs conjoints violents.
Un malaise s’installa dans la pièce alors que Léa croisa le regard rempli de fierté de sa mère. Accepter de jouer la fausse fiancée d’accord, mais laisser une bourgeoise dénigrer les femmes de valeur, hors de question. Carole pinça ses lèvres en reportant la tasse de café à celles-ci.
- Esteban, votre mère m’a dit que vos jardins étaient charmants en cette saison. Peut-être ma petite fille voudrait-elle les voir ? reprit Marie-Françoise.
Léa regarda le jeune homme qui s’était déjà levé pour lui tendre la main. Avec un sourire forcé, elle saisit celle-ci avant de passer son bras autour du sien et de se laisser guider dans les jardins. En quittant le salon, elle entendit au loin Laurent De Lagrève évoquer « être dans la mode du courant féministe de son époque ». Elle aurait voulu opérer un demi-tour pour venir lui mettre sa main dans la figure, mais au lieu de cela, elle prit une profonde inspiration en repensant à son grand-père. Une fois arrivée dans les jardins, le soleil réchauffa sa peau refroidie. N’osant pas décoller son bras de celui de son compagnon, Léa commença la balade accrochée à lui.
- Ma mère ne t’aime pas, constata Esteban.
- Grand dieu, il parle, ironisa Léa.
Le jeune homme se contenta d’un sourire ce qui eut pour effet de faire soupirer son interlocutrice :
- J’ai parlé trop vite.
- Je ne parle pas quand la situation n’est pas à mon avantage. Ce qui était le cas dans ce salon, trois De Lagrève contre un troupeau de Drouault.
- Ne t’en fais pas, certains d’entre eux ont beau s’appeler Drouault, ils t’apprécient déjà plus que moi.
Léa se décida à lâcher le bras de son compagnon, mais continua de marcher à sa hauteur :
- Alors ? Qu’est-ce que tu penses de cette situation ? demanda-telle.
- De quoi parles-tu ? De nous deux dans ces jardins faisant semblant de faire connaissance ou de ces fausses fiançailles pour conclure une affaire immobilière.
- L’un ne va pas sans l’autre.
Esteban remarqua qu’en plus d’être particulièrement jolie, la jeune femme avait non seulement de l’esprit, mais également un sens de la répartie plutôt vif. Elle n’allait peut-être pas être si compliquée à supporter après tout.
- Ce que je pense n’a aucune importance, toi aussi d’ailleurs. Si nous sommes là, c’est que nous avons accepté les règles du jeu qui nous ont été imposées. Alors ce que je te propose c’est que l’on fasse connaissance, ainsi quand nous rencontrerons les Woodstock, nous serons un peu plus crédibles. Je me vois mal convaincre quiconque de l’union de nos familles si je ne connais même pas ta couleur préférée.
- Tu as parfaitement raison, consentit Léa. Néanmoins si cela ne te dérange pas, je voudrais poser mes propres règles.
- Des règles ? répéta Esteban en s’arrêtant ce qui eut un effet miroir sur son accompagnatrice.
- Des règles, confirma celle-ci. Afin que toi et moi, puissions mener notre vie sans être trop perturbés par cette mascarade.
Kate et Cara lui avaient soufflé l’idée l’avant-veille quand Léa leur avait raconté l’échauffourée dans laquelle, elle s’était retrouvée. Poser quelques règles simples lui permettrait de mieux vivre la situation sans pour autant trop bouleverser son quotidien et avoir une impression de maitrise sur ce qui se passe. Esteban croisa les bras sous sa poitrine sous-entendant qu’il était prêt à l’écouter.
- Règle numéro un, commença la jeune femme. Si jamais tu te comportes mal ou que tu fais une réflexion déplacée, on arrête toute de suite et tant pis pour l’affaire avec les Woodstock.
Léa voulait bien faire des sacrifices, mais le respect était l’une des valeurs les plus importantes à ses yeux. Voyant qu’Esteban n’émettait aucune réaction, elle prit ça pour un « oui » et poursuivit :
- Règle numéro deux, interdiction de sympathiser avec des membres de ma famille. Je ne tiens pas à te voir à tous nos repas de famille le dimanche. Règle numéro trois, quand cette histoire sera terminée, on ne se contactera plus.
- Règle numéro quatre, ajouta Esteban. On ne se mêle pas des affaires de l’autre. Tu l’as dit, nous avons chacun notre vie avec nos secrets. Je veux que cela reste ainsi.
- Ça me paraît correct.
- Bien maintenant que les formalités sont passées, j’aimerais en apprendre plus sur ma future fausse – ex-fiancée, reprit Esteban en tendant son bras pour que Léa vienne s’y raccrocher.
Après une petite seconde d’hésitation, la jeune femme revint sur son perchoir et se laissa accompagner dans une promenade bucolique.
- Léa, tout va bien ? Tu as l’air pensive ? demanda Armand à sa fille.
Léa avait passé une bonne partie de l’après-midi dans les jardins en compagnie d’Esteban. D’un côté, le jeune homme avait adopté une attitude très détachée presque nonchalante. La situation ne l’amusait certainement guère, tout comme Léa, mais elle avait au moins fait preuve d’un peu d’énergie et bonne volonté pour mener à bien leur mission. De l’autre, il avait été assez bavard n’hésitant pas à parler à Léa de ses amis ou encore de sa passion pour le whisky. La jeune femme avait aussi appris que son plat préféré, sans grande surprise, était le burger frites et que son équipe de foot favorite était celle de la capitale. Quant à elle, elle s’était contentée de lui parler de son travail et son rôle au sein d’ABCommunication. Elle n’avait pas envie de lui communiquer des informations privées, pour le moment. Durant toute la durée de leur entrevue, tous les deux avaient pris grand soin de ne pas évoquer les raisons qui les avaient poussés à accepter ce marché. Finalement, si une personne extérieure était passée à ce même moment, elle aurait pu penser qu’il s’agissait de deux amis en pleine conversation sur la pluie et le beau temps.
Une fois leur balade terminée, les deux jeunes gens étaient retournés rejoindre leurs familles où l’ambiance était plus détendue qu’à leur départ. Les De Lagrève les avaient invités à rester pour le souper et le repas s’était bien passé. Léa avait pris grand soin de ne parler que quand la situation lui était favorable et force est de constater que la méthode de son acolyte fonctionnait plutôt bien. Au moment du départ, Roger et Laurent avaient annoncé qu’ils avaient un repas avec les Woodstock le mercredi soir suivant. Léa avait voulu protester que c’était sa soirée cocktail entre filles, mais le toussotement de sa grand-mère lui fit retenir sa langue. En partant, elle avait dit au revoir à sa future ex-belle-famille ainsi qu’à Esteban qui lui avait demandé de venir habillée en noir pour le repas du mercredi. La jeune femme n’avait pas réellement compris cette demande et s’était contentée d’opiner du chef avant de tourner les talons.
***
- Léa ?
- Mh ? fit cette dernière en guise de réponse. Elle se trouvait à l’arrière de la voiture de ses parents, ses cuisses collant aux sièges en cuir. Elle avait accepté qu’ils la raccompagnent chez elle, même si elle n’avait guère envie de parler à son père. De plus, elle était persuadée que ses grands-parents appréciaient d’être juste tous les deux pour débriefer des évènements de la journée.
- Je t’ai demandé si tout allait bien, répéta Armand.
- Ça t’intéresse vraiment ? ironisa sa fille.
- Léa ! s’indigna sa mère. Ton père essaie d’être présent pour toi.
- Vraiment ? Il aurait pu être présent pour moi quand papi a essayé de me vendre comme du bétail.
- Pour quoi faire ? intervient le principal intéressé. Tu as terminé par trouver un compromis.
- Ça t’arrange bien. Sinon on aurait pu croire que tu préférais tes parents à ta propre fille.
- Léa ! répéta Jeanne.
- Ce n’est rien chérie, laisse-la. Je comprends sa colère, mais Léa, tu n’es plus une petite fille. Si tu souhaites que j’intervienne, demande-moi. Pour ma part, je trouve que tu t’en sors très bien sans mon intervention. D’ailleurs, j’ai eu l’impression qu’entre toi et Esteban le courant était bien passé.
Léa croisa le regard de sa mère dans le rétroviseur. De toute évidence, elle cherchait à comprendre le fond de la pensée de sa fille, mais Léa elle-même ne le connaissait pas. La jeune femme préféra ne pas répondre à son père et se replongea dans ses pensées jusqu’à leur arrivée. Une fois devant la porte de son immeuble, elle lâcha un léger « bonsoir » à ses parents avant de quitter la voiture. Elle prit l’ascenseur pour rejoindre le quatrième étage où se trouvait son appartement. Elle regarda l’heure : vingt-et-une heures trente. Il n’était pas aussi tard qu’elle le pensait et on était samedi soir. Elle attrapa son téléphone pour envoyer un message dans le groupe WhatsApp qu’elle avait avec ses amies.
« Léa : Retour à l’appart. Débrief autour d’un verre de vin ? ».
Les réponses ne se firent pas attendre.
« Luchia : Déjà en route »
« Kate : J’apporte la glace ! »
« Cara : Je pars du bar »
En moins de temps qu’il en faut pour le dire, les quatre amies étaient installées confortablement dans le canapé de Léa, un verre de vin à la main. C’était certainement les moments préférés de la jeune chargée de communication. Quand elles étaient toutes réunies dans son petit salon.
- Alors ? demanda Cara. Est-il aussi mignon que sur les photos ? - Je dois dire qu’il est plutôt quelconque, avoua Léa.
- Dommage, souffla son amie.
Cara était une très belle jeune femme qui faisait tourner les têtes, elle travaillait dans un magasin de bijoux de luxe et suivait des cours de danse, le jeudi soir avec Léa.
- Cara, tu ne peux pas sortir avec ce gars, reprit Luchia.
- Et pourquoi pas ?
- Parce que c’est le faux petit-ami de Léa !
- Ça tombe sous le sens.
- Vous avez terminé toutes les deux ? interrompit Kate. J’aimerais que Léa nous raconte sa journée.
Une fois chacune installée dans la position qui lui était le plus confortable, Léa commença à raconter sa rencontre avec les De Lagrève dans les moindres détails. Elle n’oublia rien, pas même son échange avec Carole et le repas qui était prévu avec les Woodstock, le mercredi soir suivant.
- Pas de soirée cocktail mercredi ? gémit Kate.
Kate était une entrepreneuse qui passait ses journées à travailler pour développer son business d’évènementiel et ses soirées à s’occuper de sa fille. Le père de Mandy, Sébastien, travaillait dans une faculté à Paris et ne revenait que les week-ends.
- Si, répondit Léa. Mais ça sera sans moi.
- Tu pourras peut-être nous rejoindre après ? demanda Luchia
- La soirée risque de finir tard. Je ne sais absolument pas ce que ma grand-mère a prévu.
- Et comment va ton grand-père ? reprit son amie.
- Il va bien. Pour vous dire la vérité, il ne me parle pas de sa maladie. Je crois qu’il essaie de la garder un maximum pour lui, mais une part de moi s’en veut de mentir au reste de la famille.
- C’est son choix, ma belle, répondit Kate. Il le dira quand il sera prêt. En attendant, ce que tu fais, l’aide beaucoup. J’en suis persuadée.
- C’est gentil, Kate. J’espère que tu as raison, mais en attendant pas de soirée cocktail pour moi, mercredi.
- Ce n’est pas grave, tu me raconteras tout au cours de Heel le lendemain, fanfaronna Cara.
- Je devrais m’inscrire à votre cours, soupira d’envie Luchia.
- C’est ce que je me tue à te dire depuis le début. Et Kate aussi, tu pourrais ? On s’amuserait bien toutes les quatre.
- Impossible, la nounou me coûte déjà assez cher. Je ne peux pas me permettre de prendre un soir de plus.
- Pourquoi tu ne demandes pas à ta mère de garder Mandy ?
- Hors de question. Tu sais que je ne veux rien lui devoir.
- Sans compter que votre année de danse est bientôt terminée, renchérit Luchia.
- Pour l’année prochaine alors ! C’est décidé, affirma Cara. Nous serons toutes les quatre au cours de Heel l’année prochaine.
Oubliant alors la journée qu’elle avait vécue, Léa commença à aider ses amies à trouver une solution pour la garde de Mandy afin que Kate puisse se joindre à elles.
Au même moment dans le manoir des De Lagrève.
- Cette petite est d’une impertinence ! Tu as vu comment elle m’a parlé tout à l’heure ? se plaignit Carole à son époux.
- Elle a du caractère, consentit son mari. C’est indéniable, mais sa famille va sauver la nôtre et Esteban semble l’apprécier.
- Oh pitié, Laurent. Cette fille n’est pas faite pour notre fils. Il a besoin d’une femme qui sera entièrement dédiée à ses besoins. Cette Léa est trop occupée par son petit nombril et ses grands principes pour le satisfaire.
- Puis-je te rappeler ma chère, qu’il s’agit d’un coup monté et que notre fils n’épousera pas la petite Drouault. Dans un mois, tout au plus, nous serons débarrassés d’elle.
Il s’approcha de sa femme pour lui déposer un baiser sur le front :
- Tout reviendra à la normale, mon amour. Je te le promets. En attendant, essaie de prendre sur toi pour la supporter.
- Je vais essayer, mais je ne peux rien te promettre.
-
Le lundi matin chez ABCommunication.
Léa était absorbée par son design et n’avait pas vu Élio arriver derrière elle. Elle sursauta légèrement quand il posa une main dans son dos pour la saluer.
- Tu vas bien ?
- Bien et toi ? Demanda celle-ci toujours absorbée par son travail.
- Bien. Alors ce week-end ?
Elle détourna le regard de son écran pour porter son attention sur son collègue. Élio était blond avec les yeux verts. Il avait toujours un sourire placardé sur son visage aux traits angéliques. Léa répondit à son sourire avant de lâcher d’une voix morne :
- Week-end familial assez particulier. Et toi ?
- Week-end avec des amis, fort sympathique. Si ça te dit, je te raconte tout ça autour d’un déjeuner ? Tu pourras même te plaindre de ta famille.
- C’est très gentil, mais je n’ai pas envie de t’imposer ça.
- D’accoooord, répondit-il amusé. Dans ce cas, j’augmente mon offre. Tu peux te plaindre de ta famille et je t’offre le dessert. Si, si je suis très sérieux. Attention, je ne fais pas cette offre à tout le monde.
Léa avait déjà passé une bonne partie de son samedi soir à se plaindre de sa famille à ses amies et aurait préféré parler d’autres choses. Pourtant, l’idée de passer du temps avec Élio lui faisait toujours plaisir et il pourrait peut-être trouver les mots pour la réconforter. Elle accepta avant de se perdre de nouveau dans le travail pour atteindre midi. Elle fut coupée en plein milieu par un appel de sa grand-mère. En voyant le visage de Marie-Françoise s’afficher sur son portable, elle soupira puis se rendit dans le couloir pour décrocher.
- Mamie, tu es au courant que je travaille quand même ?
- Ma chérie, oui je le sais, mais je voulais prendre de tes nouvelles. Laurent De Lagrève a appelé ton grand-père hier, tu l’as totalement charmé.
Léa ne répondit pas et préféra laisser sa grand-mère continuer :
- Esteban t’apprécie également. Je suis certaine que vous serez parfaits devant les Woodstock.
- Mamie, coupa la jeune femme. Tu te souviens que ce n’est qu’un leurre ? Une supercherie ?
- Mais bien sûr, rouspéta celle-ci. Tu ne peux quand même pas m’en vouloir d’être heureuse que les choses se déroulent pour le mieux.
- C’est certain. Comment va papi ?
- Il va bien, ma chérie. Il est un peu fatigué avec les différents examens qu’il a à faire.
- Vous êtes certains de ne pas vouloir le dire à la famille ? questionna Léa. Je me sens mal de mentir à mes parents.
- Non, Léa. Ton père et Marius sont totalement perdus sans lui. Nous leur dirons quand le moment sera propice. D’ailleurs, en parlant de ton père …
La jeune femme grogna dans son portable, elle savait déjà ce qu’allait lui dire sa grand-mère.
- Tu devrais être plus respectueuse envers lui. Tu es sa fille unique, tu ne devrais pas l’oublier.
- J’en conclus qu’il t’a parlé de notre discussion de samedi dans la voiture. Je ne l’oublie pas, mamie. C’est juste que j’ai l’impression qu’il n’est jamais de mon côté.
- Tu as tort, crois-moi s’il y a bien une personne que ton père soutient, c’est toi. Faites la paix, cela brise le cœur de ton pauvre grand-père de vous voir ainsi.
- D’accord, souffla la jeune femme en voyant son supérieur arriver dans le couloir. Mamie, je dois absolument retourner au travail. On se voit mercredi, je t’aime.
Avant même que Marie-Françoise ait pu répondre, Léa avait déjà raccroché pour saluer son supérieur, Gabriel. Cliché du quadragénaire surchargé de travail sans vie de famille, Gabriel avait été le premier à croire en les capacités de Léa. Il l’avait toujours encouragée en lui confiant des dossiers importants comme celui de M.A.K.S.
- Léa, tout va bien ?
- Oui, oui, c’était ma grand-mère.
- Je vois. Avez-vous pu avancer sur la publicité pour M.A.K.S ? Stéphanie voudrait cela pour le début de la semaine prochaine.
- Je suis dessus, je fais mon maximum.
Stéphanie était la PDG d’ABCommunication et comme tous les dirigeants, c’était un véritable requin qui n’aimait pas le retard. Marie-Françoise aurait pu faire un bon patron, songea Léa avant d’être ramenée sur terre par son supérieur.
- Je compte sur vous. Si ce dossier est un succès, je pense que nous pourrons reparler de votre place au sein de l’entreprise.
Après un petit clin d’œil, il s’en alla et Léa retourna à son poste le sourire aux lèvres.
***
Vers midi, elle se rendit au restaurant japonais en compagnie d’Élio afin de lui faire le récit de son week-end.
- Pardon ? s’étrangla celui-ci en avalant un grand verre d’eau pour faire passer sa raviole.
Sa collègue venait de lui raconter dans les moindres détails, le plan tordu qu’elle avait monté avec sa famille pour acquérir les propriétés des Woodstock. Cependant, elle avait pris soin de ne pas mentionner l’état de santé de son grand-père. Le dire à ses amies, c’était une chose, mais à Élio c’en était une autre.
- Je savais que ta famille était particulière, mais là ! Ça dépasse l’entendement, tu n’aurais jamais dû accepter.
- Élio, même s’ils sont « particuliers », ils restent ma famille et je les aime. Je ne veux pas qu’ils passent à côté d’une opportunité. Pas à cause de moi, en tout cas.
- Tu es trop bonne, Léa. Et cet Esteban, tu le vois souvent alors ?
- Non, seulement quand nous y sommes obligés.
- Comme mercredi soir ?
- Comme mercredi soir, confirma Léa.
- Je vois. Sache que si jamais il te fait quoi que ce soit, je promets de m’en charger personnellement.
La jeune femme eut un sourire avant de terminer d’avaler son sushi :
- C’est adorable Élio, mais ne t’en fais pas pour moi.
- Je m’en ferais toujours pour toi.
Le rouge commença à monter aux joues de Léa. Décidément, il était vraiment l’homme le plus adorable sur terre, plus les jours passaient et plus elle l’appréciait. Elle fourra un nouveau sushi dans sa bouche pour éviter de répondre. Sentant son malaise, Élio s’entreprit à raconter son week-end entre amis. Le récit de son collègue fit le plus grand bien à Léa qui éclata de rire à plusieurs reprises. Elle avait très envie de partir elle aussi en vacances avec ses amies.
***
Mercredi soir arriva plus vite que prévu et Léa se retrouva dans sa chambre de jeune fille à se préparer en compagnie de sa mère. Suivant les instructions d’Esteban, elle avait opté pour une robe noire, longue et un peu échancrée. Elle se débattait maintenant avec ses cheveux pour les dompter en un chignon élégant.
- Je ne comprends pas pourquoi tu te donnes tout ce mal, soupira Jeanne après lui avoir enfoncé une énième épingle dans le cuir chevelu. D’ailleurs, je ne comprends toujours pas pourquoi tu as accepté.
- Je te l’ai déjà dit maman, répondit Léa en arrangeant son rouge à lèvres.
- Excepté que je n’y crois pas une seule seconde. Léa, s’il te plaît écoute-moi.
Jeanne attrapa sa fille par les épaules pour l’obliger à lui faire face.
- Ma puce, qu’est-ce que tu ne me dis pas ?
Léa sentit une boule se former dans sa gorge. Elle avait horreur de mentir à sa mère. En y repensant, elle ne lui avait jamais menti même quand elle était adolescente. Il y avait toujours eu entre elles, un lien fort qui faisait que Léa avait confiance en Jeanne. Elle se souvient que ses amies étaient obligées de mentir à leurs parents pour sortir. Elle, elle n’avait qu’à dire la vérité pour que sa mère lui donne son accord. Oui, c’était bien la première fois qu’elle lui mentait, mais elle avait promis à ses grands-parents de ne rien dire. Elle tenta d’afficher son plus beau sourire.
- Je ne te cache rien, maman. Ne t’en fais pas pour moi. Tu peux rajouter une épingle, ici ?
Jeanne se contenta de sourire à son tour tout en arrangeant le chignon de sa fille.
- Léa, tes grands-parents sont là, hurla la voix d’Armand dans l’escalier.
Cette fois-ci ce fut la jeune femme qui se retourna pour faire face à sa mère.
- Tu es magnifique, annonça Jeanne dans un souffle. Fais attention à toi.
- Promis.
Après avoir embrassé sa mère, Léa descendit les marches au bas desquelles son père l’attendait.
- Ma fille, tu es splendide.
- Merci, papa.
Elle attrapa une petite veste qui était posée sur la rampe pour la passer puis se tourna vers son père avant de partir.
- Je suis désolée, papa. Pour ce que j’ai dit l’autre soir sur le chemin du retour.
- Tu es ma fille, il n’y a rien que je ne puisse te pardonner.
Armand s’approcha pour la prendre dans ses bras alors que Jeanne descendait les marches à son tour. Le père lâcha sa fille afin de la laisser rejoindre la voiture qui l’attendait dehors. Une fois la porte claquée, Jeanne arriva à hauteur de son mari.
- Qu’est-ce que peuvent bien préparer tes parents ?
- Je n’en ai aucune idée, répondit son époux.
Le trajet en voiture parut durer une éternité à Léa. Sa grand-mère n’arrêtait pas de lui expliquer quoi dire, à qui, à quel moment. Ne pas critiquer les injections de botox devant Madame Woodstock, ne pas parler de la déforestation si Monsieur Woodstock évoque ses projets ni de la maltraitance animale si jamais il raconte ses safaris. Toujours garder le sourire même si une remarque est déplacée et ne pas parler de son travail sauf si c’est pour évoquer M.A.K.S. En soi, ne pas être elle-même. C’est ce que comprit Léa quand ils s’arrêtèrent devant le restaurant. Elle était maintenant prête pour jouer le premier acte de cette mascarade.
Léa sortit de la voiture pour admirer la devanture du restaurant, « Chez Luigi ». Forcément, elle aurait dû s’en douter. Quoi de mieux que le restaurant le plus onéreux et prisé de la ville pour impressionner les Woodstock ? En entrant à la suite de ses grands-parents, elle remarqua que toutes les femmes étaient vêtues de robes de soirée noires avec des parures de bijoux hors de prix. Elle n’avait pas fait attention jusqu’ici, mais sa grand-mère arborait les mêmes codes vestimentaires. Elle aurait apprécié que celle-ci la mette en garde. Heureusement pour elle, Esteban avait eu la délicatesse d’esprit de la prévenir.
- Roger, Marie-Françoise ! accueillit Laurent De Lagrève.
Ce dernier s’était levé. Léa poussa une petite supplication silencieuse en remarquant qu’il s’agissait d’une table en rond. Cela voulait dire qu’elle serait obligée de faire la conversation à tout le monde. Elle ne pourrait pas se contenter de son voisin de table. Un homme d’une soixantaine d’années se leva également pour accueillir son grand-père, certainement Monsieur Woodstock. Il était tiré à quatre épingles dans un costume hors de prix, mais affichait un sourire paternaliste. La femme assise à ses côtés l’imita, certainement Madame Woodstock. Léa la trouva très belle pour son âge. Si elle avait recours au botox, cela ne se voyait pas. La jeune femme sentit une main glisser le long de sa taille. Elle se raidit avant que les lèvres d’Esteban se posent délicatement sur sa joue. Il prononça assez distinctement pour que tout le monde l’entende :
- Bonsoir, mon amour. Tu es magnifique, ce soir.
- C’est elle ! s’exclama Monsieur Woodstock. Léa, je suis ravie de vous rencontrer, votre fiancé ne tarit pas d’éloges à votre sujet.
Surprise la fausse fiancée en question leva un sourcil en se demandant ce qu’avait bien pu raconter Esteban sur elle.
- Je suis certaine qu’il en rajoute, répondit celle-ci en serrant la main que lui tendait son interlocuteur.
- Je suis certaine du contraire, intervient Madame Woodstock en lui serrant la main à son tour.
- Vous êtes trop aimable, sourit Léa.
- Marie-Françoise, votre petite fille est délicieuse, déclara l’homme d’affaires au nom américain.
- Oh, Karl, je vous remercie. Il est vrai que nous sommes très fiers de notre Léa.
- Et nous, nous sommes très fiers qu’elle fasse bientôt partie de notre famille. N’est-ce pas Carole ? renchérit Laurent De Lagrève.
Madame De Lagrève se contenta de hocher la tête de façon polie alors qu’elle croisait le regard de sa fausse bru. Monsieur Woodstock invita tout le monde à prendre place autour de la table et Léa se retrouva bloquée entre la charmante Madame Woodstock et son faux ex-fiancé. Alors que tout le monde s’installait, elle se pencha vers Esteban pour lui murmurer à l’oreille :
- Merci, pour la robe.
- Je t’en prie, répondit-il en acceptant un verre de vin rouge. Comment s’est passé ton début de semaine ?
- Bien, se contenta de répondre la jeune femme, mais en sentant le regard de certains invités posés sur elle, elle dut renchérir. Mon manager veut que je termine le projet de la publicité M.A.K.S pour la fin de la semaine. Je risque d’être très occupée ces prochains jours.
Elle ne savait pas si cette information intéressait particulièrement son compagnon, mais s’ils devaient être un couple, il paraissait naturel qu’elle lui raconte ses journées de travail.
- Je vois, ne t’en fais pas. Il faut que tu te concentres au maximum sur ta carrière.
- Comme c’est charmant, intervient Madame Woodstock. Esteban, accepter que votre fiancée ait une carrière professionnelle et la laisser suivre ses ambitions est très noble de votre part.
- Il n’y a rien de noble, Florence. Je sais que Léa a besoin d’avoir une carrière pour être épanouie. Je ne me permettrais jamais de lui faire renoncer.
Même si elle savait que ces mots n’étaient faits que pour manipuler Florence Woodstock, Léa fut touchée de les entendre. C’était seulement la seconde fois qu’elle le rencontrait, mais Esteban avait l’air d’être quelqu’un de prévenant et attentionné, tout le contraire de son image de playboy sur les réseaux sociaux. Elle le trouvait d’ailleurs moins nonchalant que samedi après-midi.
- Vous avez élevé un charmant garçon, Carole, dit Madame Woodstock à l’adresse de la mère du fiancé qui terminait son verre de vin rouge d’une traite.
Léa eut un sourire. Elle savait qu’à cet instant précis, sa fausse belle-mère n’avait qu’une envie, l’étrangler. Elle aurait été capable de dévoiler la supercherie à tout le monde pourvu que Léa et Esteban arrêtent ce petit manège. Le diner commença et les conversations tournèrent principalement autour de la nouvelle acquisition de Roger et Laurent. Monsieur Woodstock se révéla être un homme redoutable dans les affaires et ne se cacha pas des négociations qu’il avait entamées avec l’Américain. Le grand-père de Léa annonça un nouveau prix pour l’acquisition des immeubles : trente-cinq millions. La jeune femme manqua de s’étouffer avec sa Saint-Jacques. Personne n’y prêta attention même Esteban qui était trop occupé à discuter avec Marie-Françoise. Seule, Carole De Lagrève ne lâchait pas la jeune femme du regard depuis le début de la soirée. Léa but une gorgée de son vin blanc pour la faire passer. Carole continuait de la fixer, elle but une autre gorgée. Son grand-père assurait une rentabilité de deux cent quarante-sept millions dès la première année, elle reprit une gorgée. Madame Woodstock demanda à sa grand-mère la date du mariage, une gorgée supplémentaire. Marie-Françoise lui confirma que le printemps prochain serait idéal, Léa termina son verre. Florence assura sa présence aux festivités, Léa se resservit un verre pour boire une nouvelle gorgée. D’un coup, une bouffée de chaleur s’empara de son corps. Elle connaissait cette sensation, elle avait bu trop, trop vite. Elle avait besoin de se rafraîchir.
- Tout va bien ? chuchota Esteban à son oreille.
- J'ai besoin de me rafraîchir, lui répondit Léa sur le même ton.
Le jeune homme fit un bref signe de tête pour se lever et lui tirer sa chaise. Tout le monde se tut pour observer la scène qu’Esteban expliquait d’un ton dégagé :
- Ma fiancée a besoin de se rafraîchir.
Léa dut s’avouer que ce comportement nonchalant qu’elle avait mis dans la case défaut au moment de leur rencontre, venait de passer dans la case qualité. Marie-Françoise jeta un regard suspicieux à sa petite-fille avant de lancer :
- Bonne idée, ma chérie. Je vais t’accompagner.
Aussitôt Roger Drouault se leva pour tirer à son tour la chaise de son épouse. Les deux femmes se dirigèrent alors vers les toilettes dans le plus grand silence. Léa s’efforçant de marcher droit et d’un pas léger. Ce qui est bien dans les toilettes des restaurants de luxe, c’est qu’il y a toujours une banquette au milieu pour se reposer en cas de besoin. Léa se passa un peu d’eau sur le visage ce qui eut pour effet de faire couler son mascara puis elle alla s’affaler sur le banc en question. Sa grand-mère se planta devant elle, le regard sévère.
- À quoi tu joues ? Je t’ai vu avaler ce verre de vin à une vitesse phénoménale.
- Désolé, je… c’est juste que c’est compliqué.
- Compliqué ? répéta Marie-Françoise. Ce qui est compliqué c’est la négociation que mène ton grand-père. Toi, on te demande de manger et de faire la conversation à tes voisins de table. Cela ne m’a pas l’air compliqué.
Léa ouvrit la bouche et la referma sous la surprise de la violence de ces paroles.
- Je fais cela pour aider papi !
- Vraiment ? Tu ne l’aides pas en te ridiculisant ainsi, répliqua Marie-Françoise. Je vais y retourner, arrange ton maquillage et rejoins-nous. Et par pitié, arrête de boire !
Sans rien ajouter, sa grand-mère sortit des toilettes. Léa se leva en soufflant afin d’observer son reflet dans le miroir et tenter d’ajuster son rimmel avec un bout d’essuie-mains humide. Alors qu’elle effaça les quelques traces de mascara qui avaient coulé sur ses joues, elle entendit la porte s’ouvrir et Carole De Lagrève apparut derrière elle.
- Je ne vous aime pas, balança celle-ci comme s’il s’agissait d’une simple banalité.
Pour la seconde fois en moins de cinq minutes, Léa fut sans voix.
- Ne vous méprenez pas, mon fils est cordial uniquement pour faire plaisir à ces rapiats de Woodstock. Une fois le contrat signé, vous ne le reverrez jamais.
La jeune femme voulut lui dire que cela tombait bien, car c’était dans leur intention de toute manière, mais elle se contenta de rester silencieuse. Sans prendre la peine d’ajouter autre chose, sa fausse belle-mère quitta les toilettes en la laissant seule. Léa termina d’arranger son maquillage avant de se rasseoir sur la banquette. Ses mains tremblaient et une boule s’était de nouveau formée dans son ventre. Elle se doutait que Carole ne l’appréciait pas, mais qu’elle vienne lui balancer directement au visage en plein repas… Cela prouvait toute l’antipathie qu’elle lui inspirait. De plus, Léa ne pouvait pas compter sur sa grand-mère pour l’aider sur ce coup. Une femme entra dans les sanitaires, donnant à Léa le signal qu’il était temps pour elle de retourner à sa table. Elle traversa le restaurant avec le pas le plus assuré qu’elle le pouvait. Quand elle arriva, Esteban tira la chaise pour qu’elle se réinstalle.
- Ça va mieux ?
- Oui, répondit Léa dans un sourire. Elle ne se voyait pas lui confier la scène qui s’était déroulée dans les toilettes entre elle et sa mère. Ils n’étaient pas assez proches pour qu’Esteban prenne sa défense.