Ecee-Abha - Armand Giordani - E-Book

Ecee-Abha E-Book

Armand Giordani

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Beschreibung

Dans un futur plus ou moins lointain, trois frères s'évadent d'une prison centrale. Acculés et forcés de se retrancher dans un manoir tout droit sorti du 19ème siècle, ils devront mettre leur audace et leur intelligence à profit afin d'éviter des pièges jonchant la route qui les mène vers la liberté. La liberté ou la vérité ? C'est ce que va tenter d'élucider un duo de policiers dont l'un est intimement lié à l'écheveau central. Un étrange voyage est en cours.

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Veröffentlichungsjahr: 2023

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Voyageur, voyageuse, lors de ce périple, tu découvriras des anecdotes.

Sont-elles vraies ?

Sont-elles fausses ?

À toi de décider et, si le cœur t’en dit, de le découvrir par toi-même.

Sommaire

Partie I

Chapitre 1 : La liberté

Chapitre 2 : Les salles secrètes

Chapitre 3 : La vérité

Chapitre 4 : Révélations

Chapitre 5 : Noires sont les profondeurs

Chapitre 6 : Rouge est le sang

Chapitre 7 : Des notes de musique

Chapitre 8 : La raison du plus fort est souvent la meilleure

Chapitre 9 : Questionnements

Chapitre 10 : Course contre la montre

Chapitre 11 : Questions-réponses

Chapitre 12 : Échec !

Chapitre 13 : La diagonale du fou

Chapitre 14 : Ecee-Abha

Partie II

Chapitre 1 : Passé-Présent

Chapitre 2 : Le rêve

Chapitre 3 : La peur et le sang

Chapitre 4: Sous-sol

Chapitre 5 : La famille

Chapitre 6 : L'arbre qui cache la forêt

Chapitre 7 : Mémoires perdues

Chapitre 8 : Les méandres

Chapitre 9 : Énigmes

Chapitre 10 : Le cavalier prend la tour

Chapitre 11 : Sur les toits

Chapitre 12 : Mythes et réalités

Chapitre 13 : Les quatre éléments

Chapitre 14 : Conclusion

Postface

Partie I

Chapitre 1 : La liberté.

Le silence étouffait le ciel de son vide et de sa solitude.

Seuls, dans la nuit sans étoiles, perçaient, ici et là, les cris rauques d’oiseaux affamés. Soudain, comme un enfant délivré de son refuge maternel, un son lancinant et strident rompit le désert de vie.

Les sirènes de la Prison Centrale de l’État firent trembler les murs de leur intempestive alerte.

Des détenus s’étaient échappés.

Depuis la Grande Dépression et l’Ultime Guerre, les établissements pénitentiaires ressemblaient à s’y méprendre à des villes sécurisées. Les enceintes ne protégeaient pas les habitants de ces cités de barbelés, mais, au contraire, les concentraient afin de pouvoir mieux les surveiller et les empêcher de nuire.

C’étaient des assassins, des violeurs, des voleurs, des escrocs, des trafiquants, des passeurs, des clandestins… Un mélange étrange de pastels, de peintures à eau, à huile, de fusains et crayons en tous genres.

La dernière guerre avait été déclenchée à la suite du meurtre d’un dirigeant et avait embrasé le monde. Quatre années de souffrance et de terreur suffirent pour engendrer un territoire sans frontières baptisé Européa. Deux autres grandes terres lui faisaient concurrence : América et Asiatica. Le continent africain fut, malheureusement, partagé par les trois puissances majeures en parties égales.

Toutefois, la paix bâtie sur des fonds de commerce et d’échanges paraissait établie.

D’où la dénomination d’Ultime Guerre.

Trois hommes, hors des hauts murs, embourbés par les pluies torrentielles qui s’étaient abattues les jours précédents, rampaient sur un sol pâteux et mou. Profitant de cette aubaine afin de maquiller d’un marron sale leur vêtement, plutôt leur uniforme, de détenus, ils avançaient à la force des bras, les jambes poussant et glissant la plupart du temps.

Une lumière cyclope les frôla, projecteur chercheur, mais en peine de trouver ses proies ; ils s’étaient enfoncés un peu plus dans la boue.

« Maintenant ! » cria en chuchotant le leader de l’équipe.

Ils se levèrent de concert et se mirent à galoper jusqu’au bout de leur souffle vers le bois voisin.

Au loin, les chiens renifleurs entamèrent leur symphonie d’aboiements, témoin d’une chasse, d’une traque aux hommes aux abois !

« Courez plus vite ! » Haut de près de deux mètres, il faisait des enjambées incroyables, inimaginables et surtout irrattrapables pour les deux autres qui restaient à la traîne !

« Pourquoi Maman l’a-t-elle fait si grand ? Ou pourquoi Maman nous a faits si petits ? » demanda avec humour, le second au leader. Ce dernier sourit.

Franck, Alberty et Djorak, trois frères condamnés pour de multiples larcins. Arrêtés lors d’un délit, ils furent rapidement mis à la question. Cependant, comme ils avaient avoué sans résistance et tout restitué aux divers propriétaires, le juge, dans sa superbe et émouvante clémence, leur permit de vivre dans la même geôle. C’était une grâce accordée. Se voyant acculé, Franck, le cerveau de l’équipe, avait imaginé ce stratagème afin de garder le lien sacré familial intact, de peur d’être rompu, car les taulards d’une même tribu étaient envoyés systématiquement se morfondre dans des centres fermés éparpillés en Européa !

« Franck ! Le géant avait opéré un demi-tour vers ses frères.

— Oui, Djorak ?

— J’ai aperçu une maison. Les chiens approchent, il faut qu’on se débarrasse de nos vêtements.

— Ouais ! Superbe ! Magnifique ! Allons nous enfermer afin qu’ils puissent mieux nous choper ! ironisa Alberty.

— Tu as une meilleure idée peut-être ? demanda de sa grosse voix Djorak, intimidant à souhait.

— Djorak a raison ! Voyons s’il y a possibilité de trouver un refuge, le temps de souffler un peu. »

Les mâtins, au loin, tiraient sur les laisses alors que le matin, à l’horizon, tirait en longueur. À l’autre bout, des silhouettes découpées, tenant des torches éblouissantes, étaient traînées comme des poissons au bout d’une ligne ; des marionnettistes inversés.

Henderson, le chef des gardes, belle femme d’un blond nuancé de blanc, corps athlétique et d’un caractère trempé dans la forge, en tête avec deux de ses collègues, criait à la cantonade des « Je vous ramènerai ! Je vous le promets ».

Hurlements monocordes dans une lande monotone avant d’entrer dans l’obscurité.

Loin devant, des pieds battaient de leur poids un sol verdoyant, mousseux et ombragé.

« Je vous ramènerai ! C’est promis ! » Le chant langoureux de la gardienne se faisait de plus en plus proche.

Les trois hommes avançaient rapidement, dans une course effrénée vers la liberté. Ils arrivèrent non loin de la demeure.

C’était une sorte de manoir nain, dans un style victorien, désuet et angoissant.

« Chouette ! Bienvenue en enfer », ironisa Alberty.

Franck s’arrêta, soudain, tétanisé ! Il avait les yeux hagards avec une expression d’incompréhension.

« Je connais cette maison !

— Tu la connais ? Mais d’où ?

— Je ne sais pas. Une impression de déjà-vu… Peu importe ! »

Franck leur fit signe de contourner la bâtisse. Ceignant le lugubre logis, épiant comme des espions, observant comme des astronomes, ils se retrouvèrent devant la porte d’entrée, Franck croquant le marmot ainsi qu’une pomme trouvée par terre, témoin d’un verger réparateur.

Dès leur arrivée, il en lança une à chacun. « Aucune lumière ! », « Aucune voiture ! »

À ces assurances, Franck tenta d’ouvrir en tournant la poignée. En vain. Djorak s’avança face à celle-ci, releva une de ces larges épaules et prit son élan. Franck l’arrêta.

« Non, si on fracasse cette porte, nos poursuivants vont s’en rendre compte rapidement. Il faut la garder intacte.

Laisse-moi faire. »

Il tira de sa manche un morceau de fer qu’il tordit. Il se mit à genoux et entreprit une opération délicate qui ne dura que quelques secondes ! Devant le sourire vainqueur d’Alberty, la porte pivota sur ses gonds. Ils entrèrent prudemment, sur la pointe des pieds. Djorak referma derrière lui, bloquant l’issue à l’aide d’un gros fauteuil basculé sur ses deux pattes arrière. Franck leur montra le premier étage et les pièces du bas. Alberty monta. À pas de chat, il grimpa deux par deux les marches en bois, tentant de ne pas les faire gémir. Il passa en revue chaque salle, investie de meubles fantômes recouverts de draps, symboles de l’attente d’un retour espéré, mais incertain. Il ouvrit une armoire et aperçut des vêtements, poussiéreux certes, mais non boueux, ce qui était un luxe ! Il les prit et rebroussa chemin.

Arrivé en bas, il vit, tout ébaubi, ses deux frangins en train de déguster avec entrain un vieux Porto, navire esseulé dans ce port, échoué sans nul doute afin de réconforter les corps fatigués.

« J’ai trouvé des fringues. Il y en a même un à ta taille, Djorak ! De la bouffe ?

— Non, y avait rien ! affirma le géant !

— Mince ! J’ai faim, la pomme n’a pas suffi ! … Tu as un souci Franck ? »

Depuis un moment, ce dernier regardait intensément autour de lui. « Comme c’est curieux, vous avez remarqué ? ». Ce sentiment de déjà-vu était de plus en plus présent. L’absence d’âmes flottait et emplissait cette angoissante thébaïde. La pièce était toute en longueur, sombre, mais l’on pouvait distinguer des formes étranges le long des murs. Franck prit une lampe à pétrole, la remua et comprit qu’il restait du liquide à l’intérieur. Il craqua une allumette d’une boîte inerte trouvée parmi certains objets et produisit de la clarté. Alberty sursauta : « Tu es fou, on risque de voir la lumière de l’extérieur ! » Mais il se tut rapidement lorsque, relevant ladite lampe du haut de son bras, tel un sportif son trophée, Franck mit en évidence des meubles nappés de linges immaculés, comme au premier étage, mais surtout des tableaux de personnages issus d’une époque très lointaine, d’un temps où l’on se déplaçait en calèche.

Mais, ce qui étonnait, voire effrayait nos frères, c’était l’état monstrueux dans lequel étaient ces peintures. On avait ôté les yeux de chaque quidam représenté. Et face à chacune de ces croûtes, un miroir accroché à l’autre mur comme une sangsue à la peau.

De toute évidence, on avait voulu démontrer que l’on pouvait faire face à sa propre image et ne pouvoir s’y mirer. Cependant, comme plongée dans une mélancolie juvénile, seule une petite fille avait gardé ses orbites.

Nulle Psyché ne la réfléchissait.

Soudain, des aboiements. « Franck, les cabots ! »

Les chiens arrivèrent les premiers, traînant leur maître et toute une foule d’hommes armés.

« Franck, ils sont là, partons ! »

Au commandement de leur patronne, les hommes encerclèrent la maison.

« Je vous l’ai dit, je vous ramènerai. »

Franck n’écoutait plus rien et ni les prières de ses frères ni les ordres intempestifs d’Henderson ne le sortirent de son état d’étonnement et de détermination. Les yeux de cette enfant… Ils ne sont pas normaux, pensait-il.

À l’extérieur, on se mit en charge de défoncer, à l’aide d’un bélier d’attaque, la porte. Au moment où ils donnèrent le premier coup, Franck apposa ses doigts dans les cercles oculaires de la demoiselle. Aussi soudain qu’imprévu, le sol s’ouvrit.

Des escaliers roulaient vers l’inconnu.

Deuxième coup violent à la porte. Alberty jeta à terre les vêtements.

Franck garda la lampe bien en main.

Les trois frères se ruèrent à l’intérieur de cette bouche géante.

Une fois arrivés sur les marches, le sol se referma au moment même où les poursuivants entraient dans un fracas de bois arrachés, de fauteuils tombés, suite logique d’un troisième coup fatal.

Ils pénétrèrent le lieu en formation de quatre hommes par salle.

À chaque visite, on entendait un « RAS » résonnant du plancher du bas aux tuiles d’en haut.

« Ils ne sont pas là !

— Ah ! Non ? Et ça qu’est-ce que c’est ? »

Henderson avait ramassé les costumes. Elle observa autour d’elle, munie de sa lampe électrique. Elle scruta chaque tableau… Des regards sans vie se mirant dans une glace sans cœur.

« Ça fout les jetons ! dit son bras droit !

— Pourquoi les yeux ?

— Je ne sais pas ! On dit qu’ils sont les fenêtres de l’âme !

— D’accord, mais alors… pourquoi… cette petite fille les a-t-elle gardés ? »

Elle s’approchait, faisant craquer sous ses pieds le vieux plancher de bois, sous lequel nos trois compères écoutaient sans respirer.

Elle allait, intriguée comme le fut Franck quelques minutes plus tôt, vers le portrait et tendit sa main afin de toucher les pupilles peintes de cette demoiselle encadrée.

« Ils ne sont pas là, Madame, ils ont dû filer. »

L’arrivée intempestive du garde réveilla Henderson et la fit presque sursauter. Cependant, il en fallait beaucoup pour lui procurer un sentiment de crainte.

« Bien ! Partons et poursuivons ! »

Et, sur ces mots, chacun sortit laissant cet étrange manoir dans le noir.

Chapitre 2 : Les salles secrètes.

« Ils sont partis ! chuchota Alberty.

— Où est-on ? » Djorak, malgré sa taille et son imposante musculature, n’était pas rassuré. Alberty haussa les épaules, ne sachant que répondre.

« On verra, mais on est obligés d’aller de l’avant. Plus le choix. On ne peut plus sortir et je pense que cette galerie court sous la maison et doit déboucher dans le sous-bois.

— Comment sais-tu qu’il y en a un, de ce côté ? Nous tournons le dos à celui que nous avons traversé… — Je l’ignore… J’ai dit ça, comme ça… ! »

Franck était celui des trois qui conservait son sang-froid en toute occasion.

Ils entamèrent leur descente. Arrivés au bas de l’escalier, ils entendirent un gémissement strident qui devenait de plus en plus proche. Des dizaines de chauves-souris, réveillées sans nul doute par la luminescence produite par l’incandescence du pétrole, se mirent à tourbillonner autour d’eux, les faisant reculer. « Avancez ! » clama Franck.

Mais impossible !

La tornade noire était épuisante, agressant l’ouïe de ses cris suraigus. Djorak prit ses deux frères sous ses bras, comme une maman oiseau enveloppant de ses ailes ses oisillons effrayés, et fonça dans le tas. Ils ne pouvaient marcher vite et leurs pas étaient tantôt freinés, tantôt refoulés par cet ennemi ailé.

Ils atteignirent enfin une porte que Djorak ouvrit facilement et poussant de toutes ses forces ses frères, referma lourdement celle-ci. « Merci frérot ! » Et, ce disant, Alberty lui fit une bise sur la joue. « Arrête, j’aime pas ça ! » De son immense main épaisse, il fit mine de s’essuyer, mais, au fond, il était fier de cette humide reconnaissance.

« C’est la lumière, j’aurais dû l’éteindre !

— C’est ça Franck et on se serait retrouvés plongés dans les ténèbres peut-être à jamais. N’oublie pas que l’on a fui pour jouir du jour et de la liberté. Non pour s’enfermer sous terre comme un pharaon dans une pyramide… »

Alberty avait raison et Franck le regarda avec un sourire complice. « Bon ! Continuons ».

Cette salle était nue. Aucun objet, rien ne jonchait le sol, nulle trace d’une quelconque existence matérielle sur les murs ! Rien. « Joyeux ! » ricana Alberty. Ils avancèrent ainsi quelques secondes avant de tomber sur une deuxième porte… fermée… sans poignée… sans serrure.

Ils essayèrent de la pousser, point d’affaires !

Djorak de l’enfoncer, vainement.

« Ah ! » se dit, soucieux, Franck. Il balada la lampe et vit une inscription en fronton.

« Si ton désir est de continuer, voyageur imprudent, réponds à cette énigme : je suis le mariage de la sûreté, d’un galliforme et d’une cloche ! Qui suis-je ? »

Alberty pivota sur ses talons « Mais où est-ce qu’on est tombés, bon sang ? C’est une histoire de fous !

— D’accord avec toi, mais encore une fois, a-t-on le choix ? trancha Franck. Tâchons de trouver la réponse. »

Défaire le nœud de cette intrigue !

Alberty regarda au sol, comme s’il avait perdu ses clefs.

Djorak se gratta sa barbe fournie. Franck fixait devant lui, comme hypnotisé.

« Alors ? Commençons par la sûreté ! La sûreté…

— Un coffre-fort ? répliqua sans grand enthousiasme Alberty.

— Peut-être…

— Un galliforme, c’est un couvre-chef ? demanda Djorak

— Non, tu confonds avec l’ancien mot galurin, qui était un chapeau. Répondit Franck ! Non, un galliforme c’est un oiseau. Comme un coq, si tu préfères… Attendez… La sûreté… Essayons quelque chose… Papa nous parlait beaucoup de sa vie en tant que littérateur et historien.

Qu’est-ce qui vous inspire le mot “sûreté” à part le fait de se sentir en sécurité ?

— Eh bien d’où on vient… De la prison.

— C’est ça ! La prison… et qui nous met en prison ?

— Ben… La police.

— On y est ! Quand la France existait encore, au XIXe siècle, il y avait un groupe appelé “la brigade de la sûreté” ! Et son chef se nommait François Vidocq.

— Et ça rime avec coq !

— Exactement Djorak, mais, présentement, je pense plutôt à Lecoq ! L’inspecteur Lecoq… un personnage inventé par un auteur français, Émile Gaboriau. Toujours du XIXe siècle.

— Et la cloche ?

— Un sans-abri ? Un clochard ?

— Rien à voir avec tout ça, mon grand. Un bourdon !

— L’insecte ?

— Non, la cloche au son grave, répondit Alberty en imitant une voix de basse.

— Je songe à autre chose ! Quand l’anglais était encore la langue internationale… Vous vous souvenez… À Noël… Jingle Bell !!! Bell !! Joseph Bell ! C’était un éminent docteur écossais qui avait la particularité de profiler les corps qu’il disséquait pour ses élèves… Toujours au XIXe siècle !

— Et ?

— Ces trois personnalités, François Vidocq, Lecoq et Joseph Bell ont inspiré un auteur très connu… Arthur Conan Doyle pour un illustre héros ! Et ce personnage était… Sherlock Holmes ! »

Un déclic se fit alors entendre. La porte immobile se mut sur ses charnières. Elle glissa lentement, mais sûrement, de quelques millimètres.

Alberty passa le seuil en premier. Franck les regarda en souriant. « Heureusement que j’écoutais tout ce que nous racontait papa… Sinon… »

Et ils investirent ce nouveau lieu. Alberty se retourna :

« Mais enfin qu’est-ce que cela veut dire, d’après toi ? »

Franck remua simplement la tête alors que derrière eux l’issue se refermait inexorablement.

Ils étaient collés les uns aux autres comme des enfants apeurés et désirant se protéger et se réconforter. « Vous sentez. » Une odeur pernicieuse s’immisçait dans les narines d’abord, dans leur esprit ensuite. Une étrange sensation les envahissait. Un sentiment d’étroitesse, d’étouffement. « Allons vers la porte ! » Ils voulaient, ils espéraient progresser, mais leurs pas faisaient du surplace.

Les murs bougeaient.

Les murs avançaient.

Les murs allaient les écraser.

« Allez, filez ! Je vais essayer de les retenir ! » gueula Djorak. Il se colla à l’une des parois, mais rien n’y fit !

Elle continuait son déplacement.

Tout à coup, Alberty cria : « Maman !!! Regardez, c’est Maman ! » ! Une femme vêtue d’un délicat voile immaculé, dont le tronc sortait du sol, comme un arbre vivant, leur tendait les mains ! On aurait dit qu’elle était aspirée par le bas : « Venez, mes enfants ! » Djorak, lâchant partiellement la muraille mouvante, étira une main désespérée vers l’apparition. « Maman, aide-nous… ».

Franck regardait, hagard, autour de lui. Quand il aperçut sa mère, il tomba à genoux.

« Non ! Notre mère est morte depuis longtemps. On nous fait respirer un gaz… quelque chose qui nous perturbe !

— C’est notre mère, Franck, hurla Alberty, qu’est-ce que tu racontes !

— Alberty, c’est juste un fantôme de notre esprit. Une hallucination ! C’est parce qu’on a peur ! Alors, on voit la seule personne qui était toujours là pour nous quand nous en avions besoin.

— Et les murs, demanda Djorak !

— C’est la même chose. Ils ne se déplacent pas. Lâche-le !

Courons vers la porte. Faites-moi confiance. »

Ils se ruèrent comme ils purent, les blanches mains de leur mère les caressant au passage, accrochèrent la poignée, ouvrirent et passèrent de l’autre côté en clôturant définitivement cette fantasmagorie diabolique.

Ils prirent le temps de respirer, de retrouver leur souffle.

La salle, toujours en longueur avec, comme terminaison, une énième poterne, était bizarrement construite, comme si le concepteur avait bâti celle-ci sans aucune cohérence, dans un développement anarchique de toutes les connaissances architecturales sues et réalisées depuis la nuit des temps.

Alberty observa ses frangins et, souriant, dit « Si un lapin géant passait en proclamant : “Je suis en retard”, cela ne m’étonnerait pas. » Ils marquèrent leur visage d’une bouche en croissant de lune, à la fois par l’émotion qui se dégageait d’un souvenir commun, souvenir d’une mère aimante leur lisant les histoires d’antan, mais aussi par cet humour dévastateur qu’avait leur frère en toutes circonstances.

Djorak avança ! Ses pas étaient pesants… par la fatigue… par le poids… par l’angoisse.

Tout à coup, le terrain s’affaissa sous ses pieds. Il se rattrapa comme il put d’une main, les jambes pendant dans un vide absolu.

Les deux autres se jetèrent au sol et fermèrent leurs doigts d’une incroyable contraction à ses manches toujours boueuses. « Tiens bon ». Les mains glissaient, les dents se serraient. Ils bandaient tous leurs muscles afin de remonter le bon gros géant. Mais il était tellement lourd. Tellement.

Tellement… « Je vais vous entraîner avec moi ! Lâchez !

— Hors de question ! »

Alberty était bien décidé à sauver son grand frère, dans les deux sens du mot. Mais la lassitude, le trouble de leur esprit et la boue créaient une combinaison terrible, éprouvante et sans espoir. Imperceptiblement, le corps glissait irrémédiablement vers l’inconnu… et soudain… Il tomba.

Ils entendirent un cri.

Puis plus rien.

« Djorak ! Djoraaaaak !!!! »

Rien… le silence !

Les deux survivants mirent un temps avant de réaliser.

« Il faut descendre !

— Quoi ?

— Oui, Alberty, nous devons aller voir s’il est toujours vivant.

— D’accord, mais comment ?

— Tu es le plus léger, tu vas prendre la lampe et la diriger vers le bas… je te tiendrai à bout de bras.

— Tu plaisantes ! »

Mais Franck ne plaisantait pas.

« Quelqu’un ne veut pas que nous allions jusqu’au bout !

Tous ces pièges sont bien là pour nous empêcher d’avancer. Mais… c’est notre frère. De plus, il est immense et il est costaud. Alors, on va faire ce que je dis. »

Franck s’étendit sur le ventre et prit dans les siennes la main de son frère.

Et lentement, lentement, le fit descendre dans le trou, de la longueur de leurs bras.

Alberty balada la lampe un peu partout.

« Alors ? Tu vois quelque chose ?

— Rien ! Que dalle !

— Regarde encore.

— J’vois rien, Franck et mon bras me fait mal.

— OK, je te remonte. »

Les deux rescapés se retrouvèrent l’un en face de l’autre, la bouche du monstre entre eux.

« Qu’est-ce qu’on fait, maintenant Franck ?

— Il faut continuer ! On n’a pas le choix.

— Mais… Djorak…

— Je sais… écoute… il est fort, il est puissant ; s’il est toujours vivant, il est capable de nous retrouver. Mais nous, nous devons avancer ! Sinon, nous sommes morts. »

Alberty approuva empli de tristesse et de désarroi.

« Mais si nous faisions demi-tour ! On se rend à Henderson et on survit.

— Survivre n’est pas vivre ! Et revenir sur nos pas n’est pas envisageable. Djorak n’aurait pas été d’accord avec toi. C’est toujours lui qui court devant nous, n’oublie pas cela !

— Ses grandes jambes… »

Mots prononcés accompagnés d’un mouvement de tête voulant dire une chose et son contraire. De l’approbation mêlée à un déni total.

Franck se coucha sur le dos et commença à ramper.

« Qu’est-ce que tu fais ?

— Je n’ai pas envie de tomber dans le gouffre. Fais comme moi. »

Et tous deux, tels des serpents ondulant sournoisement, traînèrent leur carcasse jusqu’à la porte.

Aucun autre piège ?

Alberty tendit la main et tordit la poignée. Un souffle d’air nouveau suivit le grincement lugubre des crapaudines pivotant sur elles-mêmes.

Ils roulèrent de l’autre côté et d’un coup de pied, Franck rabattit la porte dans un claquement terrifiant.

Ils se relevèrent.

Franck brandit sa torche comme la flamme de la liberté et scruta l’horizon bouché.

Au lointain, quelque chose bougeait. Ne pouvant déterminer ce que pouvait être cette silhouette, ils continuèrent leur cheminement, se regardant avec à la fois une mine d’incompréhension et de volonté.

« Bien ! Bien ! Bien ! » Une voix aiguë et irritante fit échos à leurs pas.

« Je vois que vous avez passé les étapes avec succès ! En général, on n’arrive même pas à franchir la première porte ! Mes félicitations »

Un homme, enfin, un être, grand, frêle, aux membres décharnés, orné d’une tête ovoïde, sans cheveux, sans sourcils et sans expression, se tenait assis en face d’eux.

Habillé à la mode des hôtes des tableaux, il brandissait une arme pouvant tirer une dizaine de balles. Mais nul n’aurait pu dire si son chargeur était vide ou plein et de combien de munitions il était pourvu. « Vous avez l’intention de nous tuer ? » Le bonhomme long comme une perche, mais plus petit que Djorak sourit et fit découvrir une bouche noire.

« Non ! Si j’avais voulu le faire, vous ne seriez pas là.

Enfin, je veux dire, vous n’auriez pas pu m’approcher de cette manière. Non.

— Qu’y a-t-il derrière cette porte ?

— La vérité !

— C’est-à-dire !

— Le vrai nom de la connaissance !

— La liberté ?

— Ce serait trop facile ! Alors, messieurs, êtes-vous prêts à risquer votre vie. Je tire bien et juste. Et l’arme est chargée, je vous assure. »

Il visa la lampe et l’atteignit en l’éteignant d’une abeille de feu. Surpris, Franck la lâcha. Ils pensaient se retrouver dans une obscurité totale et angoissante, mais furent tous deux étonnés de voir tant de clarté dans cette salle souterraine.

« Messieurs, si nous passions aux choses sérieuses. Les chauves-souris, la devinette, les apparitions, le gouffre, n’étaient en sorte que pures formalités… Écoutez bien ceci : “J’ai en ma possession quelque chose que j’avais, que je n’ai plus et que vous aimeriez avoir.” Vous n’avez droit qu’à trois questions. Si à la troisième, ma réponse n’amène pas la vérité, vous mourrez, purement, proprement et définitivement. Trois questions ! »

Ils se regardèrent. Franck allait ouvrir la bouche quand Alberty le stoppa net. Il observa attentivement l’homme. Il le scruta. Et tout en avançant, il leva l’index !

« Première question : lavez-vous souvent vos vêtements ?

— Voyez-vous une machine à laver le linge ici ?

— Deuxième question. Est-on le jour ou la nuit ?

— Qu’importe ? Le jour, la nuit, ne sont que des données formulées pas l’Humain.

— Troisième question : quelle heure est-il ? »

D’un sourire vainqueur, un rictus vint prendre la place sur la bouche violacée de l’individu.

« Ce que vous aviez et que vous n’avez plus, c’est une montre. On aperçoit distinctement la trace dans la poche de votre gilet. Et pas de chaîne ! Et ce que nous aimerions avoir, c’est du temps ! La réponse est donc la montre à gousset. Tu vois, Franck, tu n’es pas le seul à avoir écouté les histoires de Papa. »

Fou de rage, l’homme releva le revolver et fit feu sur Alberty qui s’écroula. Franck fondit sur le tireur, le secoua à en perdre l’arme meurtrière et lui écrasa la tête contre le mur !

L’homme devint livide ; du teint cadavérique qu’était le sien s’ensuivit une transparence laissant deviner les veines de tout son être malveillant.

« Qu’est-ce que ça veut dire, tout ça ? Hein ? Pourquoi ?

Pourquoi mettre toutes ces embûches ? Pourquoi ne pas nous permettre de sortir ? Qu’est-ce qu’il y a derrière ?

— Je vous l’ai dit, la vérité !

— Et qu’est-ce que cette vérité ?

— Un lieu !

— Et comment se nomme ce lieu ? Son nom ! Donnez-moi son nom !

— Ecee-Abha !

— Ecee-Abha ? Et c’est quoi ? Une ville ? C’est quoi ?

— C’est Ecee-Abha !

— Encore une de vos foutues devinettes ! »

Il le regarda fixement. Et tout à coup, attiré par une lumière vacillante, il tourna son regard vers des lettres enflammées qui se dessinèrent sur le mur gris.

ecee-aBHa Et comme un vent frais et réparateur lui frôlant le visage, il comprit !

« Je sais… je sais… je sais ! » s’écria-t-il… Et tous les murs s’effondrèrent en une poudre blanchâtre.

Et son frère disparut comme par enchantement, le corps se volatilisant dans l’air en un millier de particules translucides.

Chapitre 3 : La vérité.

Il ouvrit les yeux.

L’homme était allongé. Il avait une trentaine d’années.

Physiquement en forme sans être un Apollon. Cheveux noirs et teint latin, il passa ses mains sur son visage puis sur ses paupières comme un gamin se réveillant. Une femme, blonde, à peu près du même âge, lui enlevait les câbles branchés sur son crâne. C’était la gardienne de la centrale… Enfin, c’est le souvenir qu’il en avait. « Je vous avais dit que je vous ramènerais ». L’homme sourit, la reconnaissant dans son vrai rôle de docteur en psychologie appliquée.

« Merci docteur Henderson ! Je sais maintenant où se trouvent tous les corps. »

L’alité était le détective-inspecteur Franck Alberty Djorak.

Depuis des années, il traquait un tueur en série. Le modus operandi de ce dernier était la chasse et l’assassinat de jeunes filles. Franck avait fini par découvrir le lieu de ses boucheries.

Et le terme était en dessous de la réalité.

Lorsqu’il débarqua avec son équipe d’assaut chez le tueur présumé, il constata la triste existence d’un monde glauque et sans âme. Le psychopathe en question avait gardé les yeux de ses proies dans des bocaux et les avait entassés sur sa bibliothèque de telle façon que les globes oculaires étaient tournés vers lui.

Il l’avait arrêté après avoir mis en place une chaussetrappe dans laquelle le fou était tombé. Mais il ignorait totalement où se trouvaient les corps des victimes. Et Origan Farius refusait obstinément de dire en quel lieu il les avait abandonnés.

Un jour, il fit semblant de vouloir collaborer sous forme d’énigmes. Mais cela ne donna rien que la satisfaction qu’il eut d’avoir fait perdre du temps à la police.

La justice prit en compte tout cela et malgré les récriminations de l’avocat, elle ordonna une incursion cérébrale.

Quelques années plus tôt, un savant avait mis au point ce procédé afin de déloger les terroristes qui sévissaient dans les rues des villes d’Européa ! Pénétrer l’univers mental était à double tranchant, car il était probable que cela exerce une influence future sur les réactions physiques, physiologiques et nerveuses, aussi bien chez l’explorateur que chez l’exploré.

C’était tout à fait légal, mais très peu appliqué. Cependant, les dernières avancées scientifiques menées de main de maître par Héléna Henderson permirent à quelques criminels en tous genres de lever le voile sur des pratiques, ou des complices, ou même des caches connues que d’eux-mêmes, sans qu’il leur soit impossible d’y résister.

Franck voulait absolument être le voyageur, car il avait des données en lui ; il savait des choses que beaucoup ignoraient sur Origan Farius.

Son amour pour le 19e siècle, ses notions de l’histoire de la police européenne et de la littérature en général dans toute « sa longitude et sa latitude ».

Comme Origan se plaisait à dire !

« Ecee-Abha, ce sont des coordonnées, dit d’un ton vif et sans ambigüité notre policier aventurier. Passez-moi un GPS. Voyons… E correspond au chiffre 5, C au 3, 5, 5 et A, 1, B, 2, H, 8 et 1.

— Les corps seraient donc enterrés aux 53,55 de latitude et 12,81 de longitude. Ici-même, dans l’ancienne Allemagne, à quelques kilomètres. fit remarquer la jolie scientifique en regardant le cadran.

— On l’a eu, Héléna ! Cette fois, on l’a ! »

Le lendemain, des tractopelles, des experts de la scientifique, d’autres en uniformes de la police Européa, des tentes, des tombes creusées et des corps ou des restes de corps recouverts investissaient un immense champ, qui fut, au temps jadis, une sublime forêt.

Il n’était pas rare de voir ici et là des femmes ou des hommes assis, terrassés par tant d’horreur, ou vomissant leur déjeuner, écœurés pas une violence insensée !

Franck baissa la tête. Il était en même temps ému et soulagé. Il allait donner la chance aux parents de faire leur deuil. Héléna Henderson s’approcha et le prit par le bras.

« Tout va bien ?

— Oui ! Ça va !

— Comment était-ce, là-bas, dans son esprit ?

— Exactement… exactement comme cette trappe qui s’est ouverte dans le sol. À la fois impressionnante, mais aussi, quelque part, fascinante. L’épouvante dans toute sa noirceur. Les miroirs qui reflétaient des personnages sans yeux. C’est lui ! Il ne pouvait pas se regarder ! J’avais fait la remarque à mes chefs qu’aucune glace, même dans la salle de bain, n’avait sa place. Son cerveau était, et est toujours, une salle secrète… et quiconque veut la franchir peut y rester. Tu sais, Héléna, je t’ai entendue.

— Quand ?

— Quand tu nous criais, enfin, quand tu me criais “Je vous ramènerai”. C’était bizarre, car j’étais un évadé, mais en même temps, j’étais conscient que j’étais en mission.

J’avais des frères, mais je savais qu’ils étaient moi !

Étrange sensation de vérité et de rêve habité.

— Pourquoi as-tu voulu te démultiplier ?

— Pour avoir plus de chance. Je jugeais que si j’étais seul et que l’une de mes facettes venait à disparaitre, la mission échouerait. Je devais mettre toutes mes chances de mon côté. En leur donnant un corps, je pouvais les personnaliser. Et j’ai bien fait. Car deux sont mortes.

Enfin, tout au moins, dissipées dans les airs.

— L’humour d’Alberty, je comprends, mais Djorak… Tu n’as jamais été un géant.

— Ma mère… — Oui ? Ta mère… — Ma mère était une femme extraordinaire, d’une bonté et d’une gentillesse sans failles. Mais elle a beaucoup souffert. C’était une personne de petite taille… une naine.

Et pour elle, j’étais son géant. Je me suis servi de cette force qu’elle voyait en moi pour aller de l’avant et affronter les dangers.

— Je ne savais pas… — Personne ne sait. Mes parents adoptifs m’ont un peu raconté mon histoire et j’ai des bribes de souvenir, voire, même, des émotions, des senteurs qui me sont familières.

Apparemment, mon père était un homme brillant, un littérateur, comme il se plaisait à se définir. Mais, il était aussi froid qu’un morceau de glace. Il avait épousé ma mère par amour, mais sa passion pour les livres a mis à bas tout ce qu’il pouvait éprouver pour elle.

— Comment ont-ils appris tout ça ?

— Par le centre de rétention dans lequel j’étais placé.

— Alors… Farius sait des choses de ta vie !

— C’est ce qu’il faut que je lui demande. »

L’après-midi même, Franck fit face à son ennemi juré.

Cet adversaire qui avançait pion après pion comme un joueur d’échecs espérait cette confrontation qui n’avait jamais eu lieu depuis son incarcération.

Il était grand, maigre, cheveux gris sur les côtés, mais chauve sur le haut du crâne. Son sourire était presque juvénile, bien loin de ce que l’on attend chez un psychopathe. Son uniforme sombre tranchait avec ses yeux d’un bleu océan rendant encore plus rigide et froide toute son allure. Il devait avoir une soixantaine d’années.

Quand Franck entra dans la cellule de « mise à la question », c’est ainsi qu’elle était nommée, Farius était assis, les mains posées, paumes collées à la table. Franck prit place face à lui et le scruta… longuement. Les yeux d’un noir olive du policier étaient sans vie, sans haine ni rancœur. Ce duel de regards était intense.

Ils se jaugeaient.

Les glandes lacrymales étaient asséchées, ils pouvaient tous deux rester longtemps sans cligner. Mais c’est Franck qui rompit ce silence.

« Des séquelles ?

— De mon viol mental ?

— Vous êtes bien placé pour parler de viol !

— De pénétration forcée alors ! Non, aucune ! Et vous, mon cher Franck ?

— De même ! Aucune !

— Tant mieux ! J’aurais été triste que vous eussiez des soucis par ma faute.

— Triste ?

— Je vous aime bien, Franck ! Vous êtes une personne assidue à un travail ardu, opiniâtre et sage ! Vous êtes parfait.

— Que de compliments !

— Mérités !

— Merci !

— Bon ! Vous n’êtes pas venu pour me faire une visite de courtoisie.

— Effectivement. »

Franck l’observa et se lança !

« Quand j’ai franchi votre inconscient, je me suis retrouvé face à un sentiment de déjà-vu.

— Vraiment ?