Eclèctyïa - Virginie Courdurié - E-Book

Eclèctyïa E-Book

Virginie Courdurié

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Beschreibung

De l’aube de l’univers sont nées trois divinités. Deux frères et une sœur qui se partagèrent le néant. La légende dit que la sœur créa notre monde. Elle s’appelait Eclèctyïa. Elle n’était que douceur et compassion. Mais les êtres qu’elle avait créés se montrèrent cupides et un jour ils la trahirent. Elle disparut alors, laissant les ténèbres se propager et semer le trouble. Les anciens disent qu’un jour elle réapparaîtra et nous viendra en aide... Mais nous aura-t-elle pardonné au point de nous aider ?...

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Virginie Courdurié

Eclèctyïa

À mes enfants, croyez en vos rêves,

merci à tous ceux qui m’ont encouragée, soutenue, aidée,

merci à mes amis, à ma famille et à ma mère…

<< De l’aube de l’univers sont nées trois divinités.

Deux frères et une sœur qui se partagèrent le néant.

La légende dit que la sœur créa notre monde.

Elle s’appelait Eclèctyïa.

Elle n’était que douceur et compassion.

Mais les êtres qu’elle avait créés se montrèrent cupides et un jour, ils la trahirent.

Elle disparut alors, laissant les ténèbres se propager et semer le trouble.

Les anciens disent qu’elle réapparaîtra et nous viendra en aide...

Mais nous aura-t-elle pardonné au point de nous aider ?...>>

PRÉFACE

Je m’éveille en sursaut. Des gouttes de sueur roulent le long de mes tempes. Mon cœur palpite comme si j’avais couru des heures.

L’alarme du village vient de retentir en pleine nuit pour la troisième fois cette semaine.

Je me précipite hors de ma hutte arme à la main. Je connais bien notre ennemi, ses attaques devenant de plus en plus fréquentes, il n’y a pas de place pour une surprise stratégique.

Une fois dehors, j’aperçois une brume épaisse qui déferle sur le village telle une vague en colère, brouillant ainsi notre visibilité. Les Asat la suivent de près et se dirigent vers nous à grandes enjambées.

Les Asat sont un puissant peuple de guerriers. Ils sont immenses et musclés. Et malgré leur corps hérissé de lames, ils restent furtifs et rapides telles des ombres. Anciennement pacifiques, ils se sont ralliés à la cause de la reine de la brume depuis la disparition de notre déesse. Et, ces derniers temps, ils sont de plus en plus nombreux à la rejoindre.

Sa noirceur emplit les cœurs les uns après les autres. Et, j’ai bien peur qu’elle n’arrive à sesfins.

Une corne de brume retentit dans la nuit noire, signe que leur attaque est imminente. Leur rapidité est un véritable handicap pour nous dans cette obscurité voilée.

Il nous est impossible de prévenir leurs coups.

Je me poste à l’entrée du village, à côté de mes amis, arme à la main, prête à protéger les villageois.

C’est une nuit sans lune, seule la faible lueur des étoiles nous aide à nous orienter.

Après un bref échange avec notre supérieur, nous décidons d’éloigner au maximum le danger du village. Ainsi la moitié des gardes, dont je fais partie, s’éloigne armée de torches et d’épées à travers la forêt. L’autre moitié reste pour garder le village. Nous espérons ainsi attirer les Asat auloin.

Je cours à toute allure accompagnée de la garde.

La brume se dépose sur mon visage comme une secondepeau.

Mais notre course est stoppée, car après seulement quelques minutes les Asat fondent sur nous tels des éclairs.

Le son des lames s’entrechoquant, claque dans la nuit, jusqu’alors si paisible. La lutte est acharnée, plusieurs hommes tombent à terre. Mais c’est au moment le plus intense, que l’attaque stoppe net. Les Asat ont tous disparu, comme évaporés. Le silence emplit la forêt et la clairière dans laquelle nous sommes arrivés. Cette dernière est recouverte d’une fine couche de brume.

Je me rends compte alors que nous ne sommes plus que quatre, nous avons perdu le reste du groupe.

Et malgré ce calme apparent, le danger est proche. Nous sommes dos à dos au milieu de la clairière Min me regarde et au moment où il ouvre la bouche pour me parler :

–« Mey... »

La mascarade s’arrête et le piège se referme. Les Asat nous chassent, semblables à des aigles fondant sur leurs proies. Ma lame a beau être résistante, elle me glisse des mains sous la force des coups de mes ennemis. Au moment où je me précipite pour la ramasser, je ressens une vive douleur à l’arrière du crâne puis le noir... et le froid...

CHAPITRE1

Je m’appelle Meyra, j’appartiens au clan des solaires. Au début de notre monde, Eclèctyïa créa cinq espèces humanoïdes avec des caractéristiques différentes. Les sages nous ont raconté que du temps de la déesse notre peuple savait contrôler le feu, la télépathie et pour certains les rêves omniscients.

Aujourd’hui, tous nos dons ont disparu à l’exception de la communication à travers nos rêves et encore cela ne concerne que les sages, la famille royale et moi.

Je ne m’explique pas pourquoi, mais d’après nos sages cela serait dû à la perte précoce de mes parents. Dans tous les cas, ce don m’a permis de trouver du réconfort auprès de nos trois sages que je considère comme ma famille.

Les solaires sont un peuple où règne la diversité. En effet, que ce soit la peau, les cheveux ou encore les yeux, toutes les teintes, formes et tailles sont représentées. Pour ma part, je ne suis pas très grande et pulpeuse. J’ai de longs cheveux châtains et les yeux dorés pailletés de violet et turquoise. Du haut de mes 22 ans, je suis membre de la garde.

Mon village compte 1000 âmes dont 30 gardes âgés entre 20 et 40 ans, aussi bien des femmes que des hommes.

Hormis la famille royale, nous sommes tous sur un pied d’égalité et chaque métier est respecté. Notre communauté est dirigée par le roi Xandry , qui veille au respect de nos traditions et à la sérénité du village.

De tout temps, les règles, qui sont devenues des traditions, ont maintenu un équilibre au sein de notre communauté.

Parmi nos traditions, l’une décrète qu’à notre vingtième année nous devons choisir notre voie, notre métier. Pour moi, ça a été une évidence, mes parents étant tous les deux gardes jusqu’à leur décès, je ne me suis jamais imaginée faire autre chose.

De plus, mes trois meilleurs amis ayant choisi cette voie, je n’ai pas hésité un instant pour prendre les armes. Mais être garde implique certaines règles. Premièrement, nos tenues sont faites d’un cuir inaltérable dans les zones vitales de notre corps (cou, cuisses, torse et ventre).

Deuxièmement, on nous impose de ne pas fonder de famille durant les 15 premières années de service. Et enfin la désertion entraîne l’exil. Strict, mais nécessaire en ces temps sombres. Heureusement, pour l’instant, nous n’y avons jamais eu recours.

Malgré la deuxième règle, une autre de nos traditions est notre devoir de choisir notre compagnon de vie à nos 22 ans puis de soumettre notre choix à nos trois sages et à Aïchë.

C’est la cérémonie de l’eau.

Aïchë est une déesse de l’eau, elle vit dans une cascade proche de notre village. Elle a une histoire tragique. C’est une ancienne villageoise qui fût sauvagement assassinée par un membre du peuple de la brume. Son âme a été sauvée et transformée en déesse de l’eau par Eclèctyïa. Elle obtint alors le don de lire dans nos âmes et dans nos cœurs, ce qui lui donne ce pouvoir de décision assez cruel à mes yeux.

Peut-être parce que mon tour est venu et que je ne me sens pas prête... Mes parents me manquent tant ... Leurs conseils et leur soutien m’auraient guidée et réconfortée.

Nos cœurs ne devraient-ils pas être les seuls juges ?

Pour moi le plus cruel dans cette procédure c’est quand je pense à ces femmes qui malgré leurs sentiments se sont vu refuser leur union, car jugée pas assez sincère. Je suis révoltée contre ces traditions aussi bornées. Il y a un an ma meilleure amie, Melia et une autre fille du village se sont présentées devant Aïchë pour le même homme. Melia s’est vu refuser son amour. Elle a eu le cœur brisé et a alors choisi le célibat à vie. Nous n’en avons jamais reparlé, mais je sais qu’au fond d’elle quelque chose s’est brisé.

En ce qui me concerne, du plus loin que je me souvienne j’ai toujours été amoureuse de Jin, mais ayant été élevée avec lui après le décès de mes parents, j’ai décidé d’enfouir mes sentiments au fond de mon cœur.

Puis, il y a trois ans, Xan s’est rapproché de moi et je me suis attachée à lui. Bien sûr, ça ne sera jamais aussi fort que mes sentiments pour Jin, mais la convenance m’a poussée à choisir Xan. De plus, mes sentiments ne sont pas réciproques. Jin a toujours agi comme un grand frère uniquement.

Xan est un grand jeune homme pas très musclé, il a les cheveux blonds comme le soleil et les yeux bleus comme la mer. Son teint pâle fait ressortir son doux sourire, ce qui ne l’empêche pas d’avoir une assurance sans faille. Et, heureusement car il est le futur roi de notre village. Contrairement à nous, il n’a pas eu le choix de sa voie, étant le fils de Xandry, son chemin était tracé dès sa naissance. Mais je pense qu’il s’en accommode très bien ! Il fait partie de ces personnes qui ont ça dans le sang...Si je puis dire ! Il a un tempérament de meneur, mais sait rester à l’écoute.

Aujourd’hui est donc un grand jour pour moi...et malgré mon impatience, la crainte s’insinue en moi tel un murmure menaçant et constant.

Perdue dans mes pensées, j’attends le réveil des sages, assise au bord de la source d’Aïchë.

À l’époque où l’entité vivait parmi nous, les sages furent choisis et dotés des dons de télékinésie et de télépathie. Mais ces dons, si puissants pour nos corps de mortels, puisent tant dans leurs forces qu’ils sont dans un état de transes 360 jours par an et ne se réveillent que 5 jours. À chacun de ceux-ci, nous célébrons toutes les cérémonies et rituels. Pendant leur sommeil, le seul moyen de communication est celui des rêves. À mes six ans, quand mes parents ont été tués lors d’une attaque des Asat, alliés à la brume, les sages m’ont pris sous leur protection. Chaque nuit nous discutions. Grâce à eux, j’ai pu aller de l’avant et continuer à sourire.

Me remémorer tous ces souvenirs fait briller mes yeux, les larmes menacent de couler sur mes joues. Je secoue la tête pour balayer ces sombres pensées. Et me concentre sur la contemplation d’ Aïchë.

Ce havre de paix recèle un vaste échantillon des espèces de plantes qui parcourent notre monde, des minuscules fleurs violettes aux grands arbres pleureurs. La faune y est paisible et discrète. La cascade s’écoule dans un léger bruissement et de fines ondulations apparaissent à la surface de cette petite étendue d’eau. Le temps semble suspendu.

Seul le clapotis de l’eau sous les sauts de petits poissons me rappelle que le temps file. De minuscules colibris butinent d’immenses fleurs jaunes d’or. Un sourire naît au coin de mes lèvres. Ici, je me sens libre et en sécurité. Enfants, nous jouions souvent sur ses rives à cache-cache. Je me rappelle que durant l’une de nos parties je m’étais recroquevillée sous un buisson que je pensais vide.

Mais, j’y avais rencontré la plus belle des créatures de notre monde... un aérien. Un aérien ou un ange, unique, car il avait un plumage noir contrairement à ce que l’on nous avait expliqué. Quand les anges existaient encore, ils avaient d’immenses plumages blancs. Mais ils disparurent en même temps que notre déesse. Malheureusement, étant la seule à l’avoir vu, personne ne m’a crue. De plus, les sages m’ont dit que j’avais dû m’assoupir et rêver. Pourtant, mon cœur s’obstine à vouloir croire le contraire. Ça avait l’air tellement réel, qu’aujourd’hui encore, je suis persuadée de ne pas avoir rêvé.

Le soleil culmine et c’est à cet instant précis que Min s’assoit à mes côtés. Trop occupée à penser, je ne l’ai pas entendu arriver.

–« Alors Mey...prête ?», me demande-t-il avec un large sourire qui illumine son visage.

–« Je pense que oui ! « je réponds l’air amusé et le sourire aux lèvres. Il pose doucement sa main sur mon épaule pour que nous nous regardions enface.

–« Tu penses ? Tu devrais être surexcitée comme tout le monde à chaque fois...Tu as l’air d’être perdue !», fronçant les sourcils, il ne me lâche pas du regard et poursuit.

–« Tu m’inquiètes ! Tu as des doutes sur ton choix ? » Son regard noir de jais semble me transpercer et lire en moi.

Min est mon cousin, il a toujours veillé sur moi et de ce fait nous sommes très complices. Il a trois ans de plus que moi et fait partie des gardes du village lui aussi. Ses cheveux sont aussi noirs que ses yeux. Sa peau est dorée. Pas très grand, il n’en est pas pour autant moins musclé. Il y a trois ans, il a eu la chance de s’unir à la fille qu’il aime depuis l’enfance, Yumi. C’est une couturière aux doigts de fée. Elle est petite, fine, avec un teint clair qui fait ressortir ses yeux et ses cheveux noirs. Elle est la douceur incarnée, ce qui convient très bien à Min. Elle l’apaise, lui qui est si excité. Je me rappelle leur mariage, un jour rempli d’amour, de complicité et de certitude. J’envie l’évidence de leur lien, moi qui suis emplie de doute.

Il penche la tête un peu plus sur le côté, ce qui fait basculer une mèche sur son visage, afin d’être sûr que je le regarde. Je ne peux vraiment pas lui cacher grand-chose...

–« Je...je ne doute pas d’avoir des sentiments pour Xan, mais je ne veux pas me faire de faux espoirs, dans l’éventualité où Aïchë me refuserait notre union ! ».

Je lui fais un clin d’œil moqueur afin de le rassurer. Il me sourit et semble l’être. Mais au fond de mon cœur, le doute reste bien présent. Est-ce que les sentiments suffisent ? Sont-ils assez puissants ?

Il hausse les épaules puis se relève et me tend lamain.

–« Très bien ... C’est l’heure, je t’accompagne ! » Son sourire apaise mes démons internes qui semblent se faire plus discrets à cet instant. Je saisis sa main et tout en me relevant, je me persuade d’avoir confiance en mes décisions. Après tout ...que peut-il arriver... ?

–« Au fait, les robes te vont bien aussi, madame la guerrière ! »

Min part dans un fou rire et je lui tape l’épaule. Il fait semblant d’avoir mal et part en courant. Je le suis en riant. Les voilages rouges de ma robe flottent derrière moi comme des flammes dansant au sein d’un feu.

En cet instant, je me sens libre et loin de tout doute.

Après quelques minutes, au moment où nous atteignons le village, le chant mélodieux de Kippa envahit les rues.

C’est un immense oiseau argenté qui arbore à sa nuque trois longues plumes, une violette, une émeraude et une dorée. Son bec et ses serres crochus sont blancs. Kippa ne se réveille que pour annoncer l’arrivée des trois sages. Le reste du temps, il se statufie sur le pilier central du village face à leur antre.

Au son de son chant, tous les villageois se rassemblent autour de lui pour les accueillir. Leur réveil ne se fait que lors des cinq grands changements climatiques de notre planète. Et aujourd’hui, nous rentrons dans la période des moussons, une mauvaise saison très humide, qui favorise l’étendue de la brume. Notre ennemie...

Dans des temps reculés, les sages vivaient à nos côtés, ils étaient les conseillers de nos anciens rois. Lorsqu’ils ont acquis leurs dons, Kahï est devenu le plus puissant, c’est lui qui communique avec nous en rêve. Les deux autres, Sankï et Pii ne peuvent communiquer qu’entre eux.

Jusqu’à ce que je choisisse ma voie, Kahï et moi étions très proches. Mais étant contre ma prise des armes, il a cessé de communiquer avec moi sans pour autant que l’on se soit fâchés.

Il pensait que cela raviverait la douleur de la perte de mes parents. Mais moi, je pense que cela me rapproche un peu d’eux en vivant les mêmes aventures qu’eux.

Une légère brise s’échappe de l’ouverture de la grotte et Kahï apparaît éclairé par les rayons du soleil. Il semble n’avoir qu’une quarantaine d’années alors que des siècles nous séparent. Pas très grand et menu, il présente un teint blafard dû au peu d’ensoleillement dont il profite.

Vêtu d’une longue toge beige et de sandales, il avance avec lenteur, on dirait qu’il flotte. Au sommet de son crâne lisse, un tatouage de la pierre de lune légendaire. C’est avec cette pierre que l’entité aurait donné leur don aux sages. Elle lui servait de réceptacle pour son énergie et ainsi faire le lien entre elle et nous. La pierre de lune a elle aussi disparu, mais reste à ce jour le symbole de notre village.

Elle nous rappelle combien nous devons à Eclèctyïa. La pierre de lune représente trois cercles de tailles et couleurs différentes. C’est la symbolique de nos trois lunes lors d’une éclipse synchronisée. De la plus grande à la plus petite, elles sont émeraude, violette et dorée.

La seule différence entre nos trois sages est la couleur de leurs yeux qui les relient chacun à une lune. Kahï le plus puissant des trois a des yeux émeraudes, Sankï les a violets et enfin Pii les a dorés. Une dernière différence est que seul Kahï a les ongles noirs comme un vernis.

Arrivés au centre de notre assemblée, les sages s’arrêtent.

–« Quel plaisir de vous retrouver en cette belle journée !» Kahï nous regarde le sourire aux lèvres. Je ne peux m’empêcher de sourire à mon tour.

–« Comme à chaque fois nos retrouvailles seront trop courtes, mais profitons de ces instants heureux ! ».

Xandry s’avance vers les trois mages et les serre à tour de rôle dans ses bras. Puis il se retourne versnous.

–« Chers amis, durant les quatre heures à venir, les sages s’entretiendront avec les femmes âgées de 22 ans afin de les guider dans leur choix. Puis, après la bénédiction d’Aïchë, nous nous restaurerons tous ensemble sur cette même place. Aussi, ne perdons pas de temps avec de longs discours.

Mesdemoiselles, veuillez rejoindre les sages dans la hutte de la pierre de lune. À plus tard. »

Sur ces mots les sages se dirigent vers la hutte et la vie reprend son cours pour préparer les festivités.

Je vois les autres femmes se précipiter à la suite des sages et je me décide à les rejoindre. La hutte est la plus petite du village, mais la plus importante, car elle renferme tous nos manuscrits et artefacts. Souvent, les grandes décisions y sont prises. Les murs sont faits de rondins de bois foncés, ce qui donne une note mystique à ce lieu.

Le toit en forme de cône est fait avec d’immenses pétales de fleurs violettes, jaunes et émeraudes.

J’attends à l’extérieur que ce soit mon tour. Chaque fille ressort avec un grand sourire. Les sages les soutiennent, mais il reste Aïchë...Et l’an dernier, elle était allée contre leuravis.

Après plusieurs minutes, c’est à mon tour, je m’avance en quête de réponses qui pourraient me rassurer. Je passe la porte, anxieuse. L’intérieur est éclairé par des bougies dispersées de part et d’autre de la pièce. Ils sont assis sur de grands coussins, Kahï me sourit et me fait signe de m’asseoir face àeux.

–« Prend place Meyra, comment vas-tu après tout ce temps ?» Seul Kahï me parle, les deux autres sages restent silencieux et se contentent de me fixer avec dureté.

J’en ai des frissons le long de la colonne.

–« Je pense que je ne peux te cacher mon anxiété !»dis-je sans le quitter du regard, tout en m’asseyant face à lui sur un grand coussin beige.

–« Pourtant ton choix est fait, il me semble que Xan et toi êtes d’accord !«.

–« Oui m.… » Kahï m’interrompt.

–« Sais-tu réellement ce que ton choix implique pour ton avenir ? Ou est-ce cela qui te rend anxieuse ?»

Son regard se fait interrogateur.

–« Je suis consciente que le jour de notre union je devrais rendre les armes. Si Xan est l’élu de mon cœur alors je n’aurai pas à avoir de regret.»

Mon cœur se serre, rendre les armes, abandonner ma voie...pour lui...En effet, lorsque l’on devient membre de la famille royale, nous devons renoncer à nos choix et nous dédier à notre nouveaurôle.

–« Si Aïchë le confirme... » Je laisse ma phrase en suspens.

Les yeux de Kahï se font sombres.

–« Aïchë n’a pas de raison de vous séparer. Ce qui est arrivé à ton ami, est exceptionnel et ne se produit que lorsqu’il y a un conflit. Rassure-toi. »

–« Alors, si tel est le cas, je suis prête !», dis-je, le sourire aux lèvres.

Ces paroles rassurantes et logiques font s’évaporer mes craintes.

–« Soit, alors tu as notre bénédiction unanime ! »

Les deux autres hochent la tête. Puis Kahï se lève et me raccompagne jusqu’à la porte.

–« Nous nous reverrons tout à l’heure. Ne la crains pas, Aïchë est juste et décide du meilleur pour chacun. Elle lira dans ton cœur ce qu’il te faut. Va en paix.»

Lui qui venait de me rassurer, a en quelques mots fait ressurgir mes doutes.

<<Lire en nous>>

Sur ces derniers mots, je sors de la hutte. À l’extérieur, Xan, Min, Melia et Jin m’attendent. Leurs sourires me réchauffent le cœur et m’apaisent. Mais quand mes yeux se posent sur Xan, mon souffle se saccade, son regard laisse paraître une certaine tension. Il s’approche de moi et m’enlace quelques instants avant de m’embrasser sur le front. Il plonge alors ses yeux, aussi doux que le satin, dans les miens :

–« Ça s’est bien passé ?», son regard se fait interrogateur.

–« Il me semble que oui, j’ai leur bénédiction et ils se sont montrés rassurants en ce qui concerne Aïchë ».

Ma voix se veut confiante et je prie pour que mes doutes ne se voient pas. Il s’écarte légèrement et me fait un sourire complice. Mes mots semblent l’avoir tranquillisé.

–« C’est encourageant !», dit-il en me caressant la joue.

–« Je ne peux pas t’accompagner voir Aïchë, je dois assister au repas avec les sages. Mais je serai à tes côtés à ton réveil.»

Il dépose un léger baiser sur ma joue et s’éloigne rapidement en direction de la place centrale.

–« Tout va bien se passer ! » Melia me sourit. Min hoche la tête tandis que Jin se rapproche et me serre dans ses bras. Une main dans mon dos et l’autre derrière ma tête, j’enfouis mon visage contre son torse. Je me sens en sécurité. Jin a toujours été à mes côtés et m’a toujours protégée. Je n’imagine pas ma vie sans lui, je l’aime infiniment. Mais je ne dois pas penser à cela. Il relâche son étreinte.

–« Nous ne pouvons pas venir, les gardes doivent surveiller le banquet, mais on voulait te dire qu’on est avec toi». Il me sourit en s’éloignant, après avoir déposé un baiser sur mon front.

–« Merci, je vous adore ! »

Puis Min et Melia s’écartent et partent à leur tour en me faisant signe. Je me dirige alors vers Aïchë et sur le chemin, les paroles de Kahï me reviennent en tête. Mon ventre se noue un peu plus à chacun de mes pas.

En chemin, je croise les trois premiers couples arborant de radieux sourires. Cela devrait me rassurer, mais bien au contraire, j’arrive tremblante au pied de la cascade. Heureusement, la quiétude de ce lieu me calme instantanément.

Je regarde l’eau à mes pieds en attendant Aïchë quand là, au fond de l’eau, à quelques centimètres du bord, je la vois...

Une plume scintillante...mais le plus fou, c’est qu’elle est NOIRE !

Sa nervure transparente étincelle comme un diamant en plein soleil, ce qui magnifie son plumage noir ébène. Est-ce possible ? J’écarquille les yeux et tends la main pour la saisir. Mais quand ma main effleure la surface de l’eau, celle-ci se met à bouillonner. Dans un mouvement de recul, je relève la tête et aperçoit Aïchë. Je suis subjuguée par sa beauté étincelante, sans égale. Elle marche sur l’eau tout en se rapprochant de moi. D’abord translucide, elle prend peu à peu forme humaine jusqu’à poser un pied sur la berge face à moi.

Son doux sourire contraste avec son regard sérieux. Elle est sublime, je ne l’avais jamais vue avant puisque c’est le seul instant où nous pouvons la rencontrer. Seules les femmes de 22 ans et plus l’ont vue. Je savais qu’elle était belle d’après les dires, mais j’étais très loin de la vérité. Ses longs cheveux roux ondulent jusqu’au sol, telles les vagues d’une mer agitée.

Ses yeux turquoise comme un lagon éclairent son teint blanc de perle. Son histoire me revient alors en mémoire.

Il y a longtemps, Aïchë était une villageoise comme les autres. Bien avant nos traditions et nos lois, du temps d’Eclèctyïa.

À cette époque, chacun était libre de se marier avec qui bon lui semblait. Mais de par sa bonté et sa beauté, Aïchë attisa la jalousie et la convoitise des vils esprits de notre monde. Un démon du peuple de la brume préféra la tuer plutôt que de la perdre. Face à cet acte impardonnable de barbarie, ce monstre fut exécuté par les sages. Eclèctyïa sauva son âme en la transformant en déesse de l’eau. Elle lui offrit une partie de son cœur pour la mettre en sécurité et lui confia le don de clairvoyance. Ainsi, elle sait ce que chacun a au plus profond de son cœur. Quand je pense à cet odieux destin, je ne peux réprimer un relent de rage et de tristesse. Certains êtres sont d’une cruauté sans égale.

Aïchë me sort alors de mes pensées.

–« Meyra...Je suis heureuse de me trouver enfin à nouveau face à toi ! »

<< À NOUVEAU ? >> Mes yeux s’écarquillent de surprise et au moment où j’ouvre la bouche, elle me tend la main et poursuit.

–« Approche, il est temps que je sonde ton cœur après quoi je te révélerai ma décision.» Son regard s’est obscurci, tel un orage qui gronde.

–« À la suite de notre échange, tu resteras inconsciente quelques instants. Commençons !»

Je saisis sa main tout en hochant la tête en signe de consentement. Lorsque nos mains se lient, son regard se radoucit et elle m’attire à sa suite vers l’eau.

Lorsque son niveau est à mes genoux, elle place sa seconde main sur mon front. Elle devient alors translucide et se liquéfie puis m’enveloppe jusqu’à ce que je m’endorme.

Tout est noir, je flotte dans cette obscurité sans fin lorsque la douce voix d’Aïchë raisonne dans ma tête.

–« Meyra ton âme est aussi belle que ce à quoi je m’attendais. Ta pureté n’a aucun égal. J’ai vu tes doutes et les mensonges qui t’entourent. » Son ton se durcit.

–« Ton choix est un mirage, je ne t’accorde pas cette union.» Mon cœur rate un battement.

–« Tu dois d’abord la retrouver et pour t’y aider, je te restitue deux objets qui furent les tiens. Ne fais confiance qu’à ton cœur. Ne sois pas triste. Crois-moi, rien ne peut effacer ce que ton cœur sait déjà. Garde l’esprit ouvert et tout deviendra une évidence.

Maintenant, nous allons nous séparer, mais sache que nous nous reverrons. Alors n’aie crainte Meyra, ton destin t’attend... ».

Le néant reprend sa place, j’ai froid, je ne comprends rien... Pourquoi tant d’énigmes.

Que ou qui dois-je retrouver ? Pourquoi moi ?

Mais le plus étrange, c’est que je me sens soulagée...comme libérée d’un poids qui enserrait mon cœur. Un sommeil profond m’attire et j’y plonge sans résister.

Lorsque que j’ouvre les paupières, le soleil m’éblouit, je place une main devant mes yeux et m’assois. Ma tête tourne un peu et lorsque je reprends mes esprits, j’entends une voix familière dans mon dos...Xan. Je suis encore sonnée par cette requête tellement floue. Et les mensonges...de quoi parlait-elle ? Je suis tellement chamboulée que j’avais oublié qu’il serait là. Mon cœur se serre, comment lui dire tout cela ?

–« Mey ?», sa main se pose sur mon épaule en douceur.

–« Mey tout va bien ?»

Je tourne mon visage dans sa direction, il me tend sa main et je la saisis pour me relever. Face à son air plein d’interrogation, mon cœur se serre. Comment lui expliquer ? La gorge nouée, je murmure.

–« Xan...je...elle est contre. Elle souhaite d’abord que je retrouve quelque chose et que j’éclaircisse certains mystères. D’après elle, c’est nécessaire.»

Je n’ose pas le regarder en face, mes larmes menacent de couler, car je ne veux pas le faire souffrir, mais surtout parce que j’éprouve un soulagement que je n’expliquepas.

Xan me serre dans ses bras, il ne dit rien, car nous savons tous les deux qu’à partir de cet instant, il n’y aura plus de nous. Puis, il s’écarte lentement de moi, son regard est triste, il dépose un léger baiser sur mon front.

–« On doit continuer à avancer (il caresse ma joue), je dois te laisser, il faut que je rejoigne mon père pour le départ des sages (un fossé vient de se créer entre nous, plus rien ne sera jamais pareil...) ça va aller ? ». Sa voix tremble, je sens son émotion. Mais être un futur roi implique de ne jamais montrer sa peine.

Je hoche latête.

–« Oui, tu as raison, on va surmonterça !»

–« Je t’aiderai à trouver cette ...chose !», assure-t-il, un léger sourire amer aux lèvres.

Peut-être est-il soulagé lui aussi ? En tout cas, nous resterons bons amis, c’est certain.

–« Merci».

–« Allez, je dois me dépêcher. À plus tard !»

D’un signe de la main, il se dirige vers le village me laissant seule avec mes pensées.

Quelque chose ou quelqu’un à retrouver, des mensonges à éclaircir... Mon regard se perd à la surface de l’eau puis revient sur la berge. C’est à cet instant que je la vois à nouveau.

La plume noire, accompagnée cette fois d’une pierre de lune ! Impossible... Comment ?