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Nous sommes à la fin du mois de mars. Les détectives Harry et Luc sont envoyés au château de la Renardière, isolé au cœur d’une forêt, pour enquêter sur un quadruple meurtre. Les membres d’une même famille ont été retrouvés morts, la tête fracassée à coups de gourdin. Tandis qu’une tempête s’abat sur la région, les deux hommes découvrent un lieu chargé d’histoire, de tensions, et de rumeurs de hantise. Entre les morts brutales, les phénomènes inexpliqués, les mensonges et les vieilles rancunes, l’enquête se complique. Très vite, les cadavres se multiplient. Prisonniers du château à cause des intempéries, Harry et Luc devront faire preuve de sang-froid pour démêler la vérité. Un huis clos haletant, rythmé par les rebondissements et le suspense.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Depuis l’enfance, Marie-Christine Dimanche éprouve un vif attrait pour la lecture, l’écriture et l’art de la narration. L’univers de la fiction constitue pour elle un refuge fécond, une échappée salutaire loin de la quiétude ordinaire du quotidien. Elle s’y investit pleinement, animée par un intérêt particulier pour les récits d’enquête, où le mystère, l’observation et la logique se conjuguent pour donner vie à des intrigues captivantes.
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Seitenzahl: 220
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Marie-Christine Dimanche
Enquête au château hanté
Roman
© Lys Bleu Éditions – Marie-Christine Dimanche
ISBN : 979-10-422-7611-9
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Nous sommes à la fin mars.
Les deux enquêteurs, Harry et Luc, travaillent dans une petite agence avec leur secrétaire Suzanne, en contact avec eux par téléphone. Ils se rendent pour une nouvelle enquête au Château de la Renardière, éloigné des villages alentour. Le château est entouré de bois de sapins, situé sur une colline.
Les deux détectives viennent de résoudre une enquête (Meurtres au Couvent) et sont envoyés au château par Suzanne, qui vient de recevoir un appel de la cuisinière et de la nounou. Ils viennent de trouver les quatre membres de la famille morts, la tête fracassée ; le gros gourdin est à côté du père et de la mère.
Quand ils partent du bureau pour rejoindre le château – qui est à 200 km – le temps est gris, le vent se lève, avec des bourrasques déjà très importantes. Même avec les essuie-glaces, Harry peine à voir la chaussée. Une grosse pluie balaie la route. Les petites routes autour du château sont étroites, des bois partout. Avant d’arriver en bas de la colline où se trouve le château, ils passent un petit pont, puis ils grimpent un petit chemin caillouteux pour arriver devant la grille. La pluie s’est intensifiée. À gauche de la grille, ils aperçoivent une petite maison basse. Un homme en sort en bleu de travail, et vient à leur rencontre. Il ouvre la grille et leur fait signe de rentrer.
« Bonjour, je suis le jardinier. Tout le monde vous attend ; vous êtes les détectives, je présume. »
Il se met alors à pleurer :
« Oh, c’est affreux, toute la famille morte, et les enfants, mon Dieu. Allez jusqu’au château, je vous rejoins. »
Harry et Luc, toujours sous le déluge, prennent la grande allée qui mène vers le domaine. Ils regardent l’extérieur. Le château a deux tours de chaque côté, et des petites fenêtres sur le toit. Ils sont en train de regarder l’ensemble, quand tout à coup le jardinier arrive derrière eux.
Dans les tours se trouvent les escaliers de secours : dans la tour à gauche, l’escalier de service de la cuisinière ; il descend de sa chambre, qui est dans les combles, jusque dans la cuisine. La tour à droite, c’est l’escalier de service de la nounou ; il descend de sa chambre directement dans la chambre des enfants. Elles dorment toutes les deux sous les combles, les fenêtres en haut que vous voyez.
Harry et Luc, trempés, se dépêchent de rentrer dans le hall, avec au milieu le grand escalier de pierre. De chaque côté se trouvent les gens de maison : cuisinière, nounou, le jardinier, le fermier ; et de l’autre, les amis, un couple du même âge que les morts, avec deux grands fils, des jumeaux plus âgés que les enfants tués. Tous pleurent et se tiennent dans les bras. Le jardinier présente tout le monde. Voici les amis des défunts : la Comtesse et le Comte de La Bry, avec leurs jumeaux âgés de 19 ans, Philippe et Gérald. Ils ont le château plus haut que cette colline, très amis avec les morts, les Ducs de La Bisantière, qui avaient deux enfants de douze ans, les pauvres. De l’autre côté, la nounou des enfants. La jeune, de 30 ans, pleure à chaudes larmes. La cuisinière Amélie et moi-même, jardinier et homme à tout faire.
— Si vous pouviez nous installer dans notre chambre. Nous aurons des questions à vous poser. Nous vous présentons, bien sûr, toutes nos condoléances. Il faut rester à notre disposition, bien entendu.
Puis, se tournant vers le jardinier de nouveau :
— La famille décédée se trouve toujours dans la chambre ?
— Oui, oui.
— Nous allons monter voir, car après, les légistes et les pompes funèbres doivent venir ?
— On va vous installer dans les chambres de la cuisinière et de la nounou, sous les combles. Ce sera plus simple ; elles dormiront dans ma petite maison vers la grille. Comme cela, elles seront à votre disposition. Je vais vous conduire jusqu’à vos chambres. C’est au deuxième étage. La cuisinière et moi-même allons porter votre valise.
— Non, laissez, nous sommes assez costauds.
— C’est par ce grand escalier de pierre. Sinon, la cuisinière et la nounou montaient par un escalier en colimaçon dans les deux tours. Vous verrez après.
En arrivant sur le palier du premier étage, Harry demande :
— C’est quoi, cet étage ?
— Ce sont, à gauche dans le couloir, la chambre des parents, et à droite, la chambre des enfants. Vous verrez après.
Les trois hommes arrivent au deuxième, sous les combles. Dans le grand couloir, à gauche, la porte de la chambre de la cuisinière. Au milieu du couloir, un grenier où s’entassent de vieux jouets, des valises, des paniers, des malles, nombre de choses que l’on trouve dans un grenier. À droite du couloir, la porte de la chambre de la nounou, et à côté du grenier, entre la chambre de la cuisinière et celle de la nounou, une chambre d’amis.
— Choisissez votre chambre. Je vous laisse. Rejoignez-nous après. Vous avez un petit cabinet de toilette dans chaque chambre, avec l’eau dans le broc, avec la cuvette en céramique à l’ancienne.
Après, vous avez la baignoire dans la chambre des parents et des enfants, mais pour l’instant, vu les circonstances…
— Oui, ça ira.
Harry prit la chambre de la cuisinière, avec un lit ancien, un gros édredon, une petite table de nuit, une armoire-penderie et une étagère en vieux bois, une petite table et une chaise en bois, et dans l’angle, une table en bois de toilette avec, dessus, un broc et une cuvette en céramique, avec un petit savon, et à côté, un porte-vêtements en bois.
Dans la chambre de Luc, la même chose. C’est la pièce de la nounou en temps normal. Après avoir déposé leurs bagages, s’être rafraîchis, ils retournent en bas retrouver tout le monde. Il fait très sombre dans toutes les pièces ; la tempête s’accentue dehors, un arbre dans le parc vient de tomber. Ils arrivent au rez-de-chaussée. Tout le monde se trouve dans la cuisine, autour d’une grande table en bois et de bancs. Un bon feu de cheminée crépite, une cuisinière à bois et à charbon répand une chaleur et une bonne odeur. Il y a plein de casseroles, de poêles et de moules à gâteaux en cuivre pendus, un petit évier dans un coin, avec juste un robinet d’eau froide.
Harry et Luc s’approchent de la table :
— Avant de vous interroger, nous aimerions voir les cadavres, car le légiste doit arriver, et les pompes funèbres aussi.
— Oh, bien sûr, suivez-moi, dit le jardinier, qui a l’air de prendre les choses en main.
Ils remontent au premier étage, là où se trouvent les chambres. Sur le premier palier, ils tournent à gauche dans le grand couloir et arrivent dans la chambre des parents. Le jardinier leur dit :
— Je vous laisse à votre travail. Je n’ai pas le courage de revoir ça. La chambre des petits est au bout, à droite. On vous attend en bas. On a plein de choses à vous dire.
Harry et Luc entrent dans la pièce des parents. Le vrai luxe : un beau lit à baldaquin dans les tons vert amande, un grand tapis, du tissu aux murs, de beaux tableaux d’ancêtres, un beau poêle à bois devant la grande cheminée, une petite coiffeuse.
Les deux corps sont sur le lit, trempés de sang. À première vue, ils dormaient ou allaient se coucher. Ils sont en pyjama et chemise de nuit. Le sang a giclé sur les murs, les meubles. À terre, devant le lit, se trouve l’arme du crime, un gros gourdin.
Harry regarde les morts ; l’assassin s’est acharné sur les têtes. Ils ont l’air paisibles ; ils devaient dormir et n’ont rien vu venir.
Ils traversent le couloir et partent sur la droite, vers la chambre des enfants. Là, un lit, une personne de chaque côté de la pièce, une armoire-penderie coulissante dans le mur, un grand bureau en bois à deux places, et des étagères pleines de jouets, avec aussi un grand coffre. Les enfants sont couchés dans leurs lits, morts, la boîte crânienne enfoncée. Il y a du sang partout. Ils semblaient dormir aussi. Les cadavres sont déjà raides, comme pour les parents, d’ailleurs.
Luc regarde par la fenêtre. La tempête s’est encore intensifiée, de la pluie en déluge, en plus du vent. Quand tout à coup, la lumière s’éteint. Il faisait tellement sombre qu’elle était allumée en pleine journée.
— Les conséquences de cette tempête, lâche Harry.
Harry et Luc redescendent dans le salon. Ils demandent de passer un coup de fil pour savoir si les policiers et le légiste doivent arriver.
Harry se retourne, le téléphone à la main :
— À cause de la tempête, il n’y a plus de réseau. Je ne peux pas téléphoner pour savoir où sont le légiste, les pompes funèbres, qui devaient emmener les corps. Il y avait aussi deux policiers qui venaient nous voir – même si l’enquête nous est confiée – car ils avaient des choses à nous dire. Nous espérons qu’ils vont venir bientôt.
Tout à coup, le jardinier arrive en courant :
— Nous ne verrons personne d’autre à part vous. J’ai entendu un grondement tout à l’heure, après le gros coup de vent. Je suis allé voir d’où venait le bruit. Au milieu de la petite route, de gros arbres énormes sont tombés, des pierres de la roche. Personne ne peut passer. Le petit pont s’est effondré avec la crue.
Luc :
— Et en plus, le téléphone est coupé à cause de cette tempête. Nous ne pouvons même pas joindre notre secrétaire. Puisque nous ne pouvons rien faire d’autre pour l’instant, nous allons retourner voir les corps, mon collègue et moi, pendant qu’il fait encore un peu jour, et nous avons nos lampes torches. Puis nous viendrons vous voir. Que personne ne parte, même vous, pour retourner dans votre château.
Luc et Harry remontent d’abord dans la chambre des parents, et observent tout autour. Les corps sont déjà raides. Les parents sont en pyjama, comme constaté précédemment.
— Le légiste n’est pas là, mais je peux dire, dit Harry, vu la rigidité des corps, la mort remonterait à 6 h ou 12 h. Les corps ont été trouvés à 8 h du matin, donc ils sont morts au coucher ou dans la nuit. On verra avec tout le monde. On sait déjà que c’est à 8 heures que la nounou et la cuisinière les ont trouvés. On demandera pour le coucher.
À côté du lit se trouve donc le gros gourdin tâché de sang, vu en arrivant la première fois.
— Nous verrons à qui appartient ce gourdin.
Ils regardent partout et sous le lit. Luc se penche et ramène une boucle d’oreille, qu’il a prise avec son mouchoir pour éviter de mettre ses empreintes.
— Nous verrons à qui appartient cette boucle d’oreille.
— Il y a la coiffeuse ; la mère devait peut-être ranger ses bijoux dans les petits tiroirs. On verra si l’on retrouve l’autre boucle.
Toujours avec le mouchoir, ils ouvrent et trouvent, en effet, des bijoux : bagues, colliers, boucles d’oreilles de prix, mais aucunement la deuxième boucle d’oreille. Ils cherchent partout pour la trouver, elle est peut-être tombée aussi, mais rien.
— Je mets la boucle dans le petit sac plastique, pièce à conviction. Ce n’est peut-être pas à la victime ?
Ils regardent la tête des morts, qui semblaient dormir. Mais c’est une véritable boucherie ; on s’est acharné sur leurs visages.
Ils quittent la chambre et vont dans la chambre des enfants. Les pauvres petits, pareil, ils devaient dormir. L’assassin s’est moins acharné que sur les parents. Ils regardent à nouveau partout, sous le lit aussi, rien. Par contre, il y a une trace de main sur la porte de la chambre, une trace de doigts ensanglantés, côté couloir.
— L’assassin a dû tuer les parents, et venir tuer les enfants après, et sans faire exprès, il s’est appuyé sur le côté de la porte. C’est une grande main.
— Bon, nous allons redescendre, et discuter avec tout ce monde. J’ai besoin d’en savoir plus, dit Luc.
— Il paraît, en plus, que la maison est hantée ; les parents se sont plaints à plusieurs reprises auprès de certaines personnes et de la police. Il y avait des choses bizarres, paraît-il.
Ils arrivent dans la pièce où se trouve tout le monde.
— Nous voudrions parler avec vous. Il paraîtrait que le château serait hanté ? Quelqu’un pourrait nous en parler ?
La petite jeune nounou, l’air apeuré, commence à parler d’une voix tremblante :
— Oui, les parents étaient terrifiés. Il y avait des voix et des bruits bizarres, surtout la nuit.
— Des bruits bizarres ?
— Oui, des bruits comme des meubles que l’on tire, des objets qui changeaient de place, des coups sur les murs, le piano qui se mettait à jouer subitement. Ils allaient voir, il n’y avait personne. Des lumières qui s’allumaient toutes seules et s’éteignaient. Le téléphone qui, la nuit, se mettait à sonner, personne au bout du fil, des griffures sur les papiers peints ou sur les meubles. Ils n’en pouvaient plus.
— Et vous autres, qui étiez présents au château la nuit, vous n’aviez pas peur ?
— Oh si, bien sûr, hein, Amélie, dit Ortence, la nounou toute timide.
— Oui, on avait tous peur, bien sûr, répond Amélie.
— Et vous, les amis proches, la Comtesse et le Comte de La Bry, vos amis vous en avaient parlé ?
La Comtesse répond en essuyant une larme :
— Oui, bien sûr, ils avaient peur. Ils avaient même fait venir un prêtre exorciste.
— Et… ?
— Ça s’est calmé un moment, et puis ça a repris.
— Vous, le jardinier, de votre maisonnette, le soir, vous avez vu des choses étranges en regardant le château ?
— Des fois, je voyais en pleine nuit, si j’étais réveillé, une lumière clignotante comme une bougie vacillante, et une fois une forme blanche devant le château.
— Malgré tout cela, ils ne comptaient pas partir ?
— Ben non, on avait beau leur dire, mais c’était un château de famille hérité des parents de madame. Ils avaient la ferme à côté, tous les terrains environnants, le bois à côté, vous pensez bien.
Se tournant vers leurs amis, la Comtesse et le Comte de La Bry, Luc leur demande :
— Vous avez le château plus haut sur la colline, vous avez autant de terrains, de bois qu’eux ?
— Non, c’est un château plus petit, donc moins de terrains, mais pour la ferme, on profitait des produits gratuitement : lait, œufs, légumes, viandes, grâce à nos amis. Mais sinon, la ferme fait partie de leur château.
Les visages étaient lugubres. Avec la tempête, pas de lumière, des bougies allumées, avec cette histoire de château hanté, la nuit commençait à tomber dehors, plus tôt que d’habitude avec cette pluie qui redoublait et ce vent qui s’intensifiait.
Puis, regardant de nouveau le jardinier, Harry, cette fois, demanda :
— Donc personne ne sait pour quelle raison on s’en est pris à eux. Ce ne sont pas les fantômes. Qui, à votre avis ? Ils avaient des problèmes avec quelqu’un, des dettes ? Un héritage ? Un voisin que vous soupçonnez, je ne sais pas ?
Le jardinier répond tout de suite :
— Non, nous ne voyons pas. Des patrons super, généreux, avec nos cadeaux de Noël, une bonne nourriture, nourris, blanchis. Ils n’avaient pas de dettes, ils vivaient bien, simplement, mais sans se priver, avec leur ferme à côté. Ils vendaient même certains produits à des gens qui venaient. Un héritage ? Ils avaient hérité de leur château il y a deux ans. Il appartenait aux parents de la patronne.
— Les parents n’avaient pas de problèmes eux-mêmes avec les voisins, qui sont éloignés d’ailleurs, à part vous ?
Harry se retourne vers la Comtesse et le Comte de La Bry. Ils répondent tout de go :
— Ah non, les parents de Marie-Agnès n’avaient pas non plus d’ennemis. Ils étaient très gentils, généreux aussi ; à part que nous n’étions pas amis avec eux, et nous n’avions pas droit aux produits de la ferme que de temps en temps seulement, ni d’ailleurs au jardinier, alors que Marie-Agnès nous prêtait son jardinier, et on avait droit tout le temps aux produits de la ferme.
— Mais vous n’aviez pas votre propre personnel ?
Toute gênée, la Comtesse lâche :
— Nous avons des problèmes d’argent, donc pas les moyens, depuis trois ans, d’avoir jardinier, cuisinière et nounou. On se débrouillait, mais quand Marie-Agnès l’a su, elle nous a aidés sans problème ; un amour, de grands amis.
— Elle vous faisait payer les produits de la ferme ?
— Au début, non. Mais depuis quelque temps, elle nous demandait un peu, juste pour dire que l’on participait, pas grand-chose. Des gens qui avaient le cœur sur la main.
— Et vous, votre parcours professionnel ? Depuis quand avez-vous travaillé pour les châtelains ? demande Harry au jardinier.
— Moi, je travaillais déjà pour les parents de madame Marie-Agnès.
J’étais chez eux depuis vingt ans, et deux ans chez Marie-Agnès et Stanislas. Des gens très gentils et généreux. On était comme chez nous, bien nourris, bien payés, comme d’ailleurs après, chez leur fille et gendre, de bons patrons.
— Ils sont morts de quoi ?
— Crise cardiaque à un an d’intervalle, les deux.
— Ils avaient des problèmes de ce côté-là ? Vous le saviez ?
— Non, je ne pense pas. Monsieur et madame étaient dynamiques.
Ils faisaient tous les deux du cheval. Ils jardinaient avec moi.
Madame aidait en cuisine. Ils jouaient avec leurs petits-enfants.
Ils n’étaient pas malades à notre connaissance.
— Ils étaient suivis, je pense, par un médecin ?
— Oui, il les suivait ici. Il venait au château.
— Il les suivait pour le cœur ?
— Je ne sais pas. Il les suivait, c’est tout.
— Leur fille ne vous avait pas parlé de leurs problèmes cardiaques ?
— Non, c’est venu comme ça. Vous savez, le cœur ; ils ont commencé à être fatigués, petit à petit, et à faire moins de choses.
— Ils prenaient des médicaments pour quelque chose ?
— Non, comme tout le monde : du Doliprane pour le mal de tête, des anti-inflammatoires quand ils avaient mal après un effort, mais rien d’autre. Vous verrez avec leur médecin, Docteur Mirebot, il est au village.
— Nous verrons. Pour le moment, pas de téléphone, et nous sommes bloqués.
Puis Harry se tourne vers la cuisinière :
— Et vous, madame, vous êtes là depuis quand ?
— Moi aussi, j’étais déjà là avec les parents. Des gens super, comme leur fille d’ailleurs. Monsieur est mort d’un seul coup, il était dans son lit, et madame dans son lit.
— Leur fille était déjà au château avec son mari et ses enfants ?
— Non, Marie-Agnès, Stanislas et leurs enfants étaient en Californie pour le travail de Stanislas. Ils sont rentrés en France pour s’installer au château.
— Pourrions-nous savoir quel métier exerçait Stanislas ?
— Il travaillait dans un grand groupe pharmaceutique aux USA.
— Maintenant, nous passons à vous, mademoiselle.
— Ortence, monsieur.
— Vous, vous êtes jeune, vous n’avez pas travaillé avec les parents ?
— Non, j’ai commencé avec Marie-Agnès pour garder leurs garçons. Ils avaient dix ans. Je m’occupais complètement d’eux : les bains, les repas, le coucher, les promenades, les jeux dans le parc, les devoirs. Ils étaient scolarisés au château.
Ortence se met alors à pleurer et à trembler :
— Excusez-moi, je les aimais tellement.
— Oui, nous comprenons.
— Mais j’allais partir malgré tout.
— Pour quelles raisons ?
— Les fantômes, l’ambiance rendait les patrons et les enfants nerveux. J’en avais marre.
Elle baisse les yeux, pleins de larmes, gênée.
Il y a un blanc dans l’assistance, tout le monde est triste.
— Bon, nous allons peut-être tous manger. Vous avez prévu un repas vite fait ?
La cuisinière :
— Oui, je vais mettre la table. Nous avons de la viande froide. D’abord une soupe aux choux et tarte Tatin. J’ai tout fait ce matin, avant votre arrivée.
— Encore une chose, il fait très mauvais. La famille de La Bry, vous n’allez pas remonter au château sur la colline. Je préfère vous avoir ici. Vous pouvez dormir dans la chambre d’amis, en haut, dans les combles. Il y a combien de lits ?
La cuisinière Amélie répond :
— Il y a deux grands lits, donc ça va pour les parents et les deux jumeaux.
— Au fait, les jumeaux, vous vous présentez ?
Un des jumeaux (les deux étaient à l’écart) s’avance :
— Nous sommes les fils de la Comtesse et du Comte de La Bry. Moi, c’est Philippe, et mon frère Gérald. Nous sommes rarement au château de nos parents, car nous sommes en pension.
— Vous voulez faire quoi comme métier ?
Philippe :
— Moi, je reviens des USA. J’étais en stage dans un laboratoire pharmaceutique, celui de Stanislas. Je voulais faire comme lui.
Gérald (le jumeau vraiment identique) :
— Moi, m’occuper d’une grande exploitation, avec des bois, des champs céréaliers, et pourquoi pas des chevaux et des vaches.
— Mais il y a tout cela à la ferme ?
— Oui, mais des terrains à moi. Si j’avais les moyens, je pourrais racheter les terrains de mes parents ici, et les animaux. Mais on a un château, mais plus d’argent. Mes parents sont ruinés.
— Vous ne savez pas si, dans le temps, les deux châteaux n’appartenaient pas à la même famille ? Ils ne sont pas très éloignés l’un de l’autre ?
Le jardinier répond de suite :
— Nous ne savons pas.
La Comtesse réagit tout de suite :
— Notre château appartient à notre famille depuis des générations. Moi, je vivais là déjà petite, et mes grands-parents aussi, comme nos amis. Mon mari est un roturier ; par contre, Stanislas était un noble.
— Bien, nous allons manger, dit Luc, et nous coucher. Il commence à être tard. La cuisinière et la nounou, vous allez suivre le jardinier chez lui, après le repas. Vous ferez attention, il y a un arbre qui est encore tombé dans le parc, tout à l’heure.
— Encore une chose, nous verrons dans les prochains jours, mais y a-t-il eu effraction ? Comment serait rentré le tueur ?
— À notre avis, il est entré par le cellier. J’ai trouvé la petite fenêtre en hauteur cassée, et cette petite fenêtre donne à l’extérieur, au ras du sol. J’ai trouvé du sang dans le cellier, au sol, des gouttes. L’assassin a dû se blesser, dit le jardinier.
— Nous allons manger, et nous irons voir avant de nous coucher, dit Luc.
Tout le monde mange devant la table en bois, sans dire un mot, le nez dans l’assiette. Le feu de la grande cheminée crépite. Dehors, la tempête fait rage. C’est un vrai déluge. La pluie n’arrête pas de tomber.
Après le repas, Harry et Luc jettent un œil à la grande salle à manger, toujours avec la lampe torche. Une grande pièce, toute rustique. Une grande table ancienne en bois, des vaisseliers, de grandes chaises, un immense tapis et des tentures moyenâgeuses aux murs, une énorme cheminée comme dans la cuisine.
Quand Luc et Harry traversent le hall, se trouve le salon, avec des meubles anciens, une table de salon avec dessus un jeu d’échecs, fauteuils, meubles, piano, tapis et tentures, des meubles Renaissance.
La cuisinière arrive en courant vers eux :
— Tenez, pour visiter, un chandelier. Vous verrez mieux.
Ils entrent ensuite, contigus au salon, dans le bureau du père. Au fond, sur tout le pan de mur, une immense bibliothèque avec de nombreux livres, un grand bureau avec une belle lampe à pétrole, des dossiers, de beaux fauteuils, comme les autres pièces, style Renaissance. Et sur toutes les fenêtres, pas de rideaux pour laisser passer la lumière et voir le parc. Par contre, de grandes tentures en soie de chaque côté des fenêtres, couleur bordeaux.
— Demain, nous regarderons dans les dossiers et dans le bureau.
Ils retraversent le hall et descendent dans le petit escalier de la cave, casse-gueule, surtout avec une lampe torche et un chandelier avec cinq bougies. Ils arrivent en bas. Dans un coin, il y a du charbon, et de l’autre côté du bois, de grosses bûches pour les cheminées. Sur des étagères, de bonnes bouteilles de vin, dans des paniers, des pommes de terre, des pommes, et sur des étagères, quelques boîtes de conserve et des pâtes. Des boîtes de conserve pour dépanner, car avec le jardinier, ils ont l’abondance de légumes et de fruits frais avec le potager et le verger.
Ils s’approchent de la petite fenêtre rectangulaire, mais assez grande pour laisser passer un homme. Les vitres sont cassées et les débris jonchent le sol, et quand les deux hommes se penchent en rapprochant la torche et les bougies, ils voient en effet plusieurs taches de sang, et une marque de pas, un grand pied. La personne, après avoir marché dans le sang, devait regagner la petite fenêtre du cellier. Ils essaient de regarder autour pour voir s’ils trouvent un indice.
— Nous ferons cela demain, quand il fera jour. Il faudrait que l’on regarde dehors, vers cette petite fenêtre. Mais on verra demain, si le temps est mieux, car avec ce déluge, on ne verra rien.
Ils étaient en train de remonter le petit escalier, quand tout à coup, ils entendent une dispute entre deux personnes. Une voix d’homme dit : « Ferme-la, sinon tu vas voir. » Et une petite voix : « Mais c’est toi qui fais des histoires, car je voulais partir ; j’en avais marre de ce boulot. C’est tout. Et ces idées que vous aviez tous avec moi et le patron. »
Harry et Luc entrent dans la pièce :
— Pourquoi cette dispute ?
Le jardinier :
— Elle joue la martyre, la nounou. On lui reprochait de vouloir partir du château et de laisser la famille dans la mouise, et puis on avait tous un doute sur sa relation avec le patron. Et puis, il faut le dire, une bague de madame avait disparu, et comme par hasard, elle voulait partir.
— Nous verrons cela demain. Nous allons monter nous coucher. Je crois que c’est décidé, vous, le jardinier, vous emmenez dans votre maison vers la grille, la cuisinière et Ortence, la nounou. Nous espérons qu’il n’y aura plus de disputes ?
— Non, si elle ne fait pas de réflexion, dit le jardinier.
Mais Ortence lance :
— Je préfère dormir sur le petit canapé. Je ne veux pas suivre mes collègues, vu ce qu’ils pensent de moi.
— Vous avez raison, je pense la même chose que vous, dit Luc.
— Bon, venez, dit le jardinier à la Comtesse et au Comte de La Bry, il y a une chambre supplémentaire, et il vaut mieux, avec ce temps, que vous ne montiez pas en haut de la colline, avec les garçons, sur 3 km. Nous allons traverser vite fait jusqu’à ma petite maisonnette, c’est moins long, moins dangereux. Vous allez venir, du coup, avec la cuisinière.
Ils enfilent des imperméables, ouvrent la porte d’entrée :
— Bonne nuit, messieurs, à demain.