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Dominique-Sidoine de Chenevièvre est un jeune homme observateur, tendre et romantique. Il naît au sein d’une famille pour le moins atypique, composée d’un père autoritaire et grand fumeur, ainsi que d’une mère effacée et soumise. Son père, Romuald, a l’ambition de faire de son héritier un gagnant sans scrupules, pour lequel il est prêt à investir de grands moyens. Cependant, Domi rêve d’un monde sans violence et est tourmenté par un lourd secret qu’il n’ose avouer. Parviendra-t-il, dans ce climat de tensions familiales exacerbées, à affirmer sa véritable identité, même face au rejet potentiel de ses parents ?
À PROPOS DE L'AUTRICE
Mahlya de Saint-Ange a déjà publié trente-trois romans. C’est en écoutant les répétitions des opéras de son grand-père, éminent chef d’orchestre et compositeur, qu’elle a développé sa passion des mots et des drames de la vie. Professeure de Gestalt en Pologne et correctrice à l’ONU, elle est une grande observatrice du français et des âmes humaines.
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Seitenzahl: 159
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Mahlya de Saint-Ange
Entre le perroquet et la cheminée
Roman
© Lys Bleu Éditions – Mahlya de Saint-Ange
ISBN : 979-10-422-0004-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.
Les Cygnes d’Encre
, France Europe Éditions ;
L’Écorce Maudite
, France Europe Éditions ;
Aux Frontières de la Voix
, France Europe Éditions ;
Doute : Pochybova !
France Europe Éditions ;
Le Miroir à Deux Têtes
, France Europe Éditions (biographie) ;
L’Enfant en Fer
, France Europe Éditions ;
La Girafe Zébrée
, France Europe Éditions ;
Immeuble 12L Quartier à Risques
, France Europe Éditions (roman policier) ;
Dard et Miel
, France Europe Éditions ;
Les Oiseaux de Cire de Yakoutie
, France Europe Éditions ;
J
e Couche avec les Hommes car j’aime Trop les Femmes
(biographie homosexuelle), France Europe Éditions ;
Le Voile de l’Ange
, Éditions Mélibée ;
Monsieur & Madame Tartetouille
, Éditions Mélibée ;
Le Poil dans la Soupe
, Éditions Mélibée ;
Souffrance
(biographie Cameroun), Éditions Mélibée ;
Le Panseur de Mots
(Algérie), Éditions Mélibée ;
Arisoumonai
(Japon), Éditions Mélibée ;
Laugardagur en Islande, Éditions Mélibée ;
L’Inde de l’Étrange
« R », Éditions Mélibée ;
En Chine, le Harem Blanc,
Éditions Mélibée ;
Qui hais-tu
(roman psy), Éditions Mélibée ;
Trop Tard ?
(amour fusionnel), Éditions Mélibée ;
Le Présent Décomposé
, Éditions Mélibée ;
La Dérive du Sexe
(épuisé
)
, Éditions Thélès ;
Apparence
, Éditions Sydney Laurent ;
Le nez ailleurs,
Éditions Sydney Laurent ;
Les nomades intérieurs,
Éditions Sydney Laurent ;
L’iris noir
, Éditions Sydney Laurent ;
Le rapace et le colibri
, Éditions Sydney Laurent ;
Mahlya de Saint-Ange est également créatrice d’un jeu divinatoire :
Les livres de France Europe Éditions et Thélès sont normalement épuisés ou rarement encore en vente.
Les livres Éditions Mélibée peuvent être commandés en ligne sur Amazon – Fnac – Decitre – Chapitre.com – La Procure, etc.
Les romans touchant le Japon et l’Algérie existent aussi en e-book (Arisoumonai, Le Panseur de Mots).
J’ai accompli de délicieux voyages, embarqué sur un mot.
Honoré de Balzac
Chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même. L’ouvrage de l’écrivain n’est qu’un instrument d’optique ; il s’offre au lecteur afin de lui permettre de discerner ce qu’il n’eût pas saisi de lui-même.
Marcel Proust
Et puis tout est si difficile, si nouveau entre les êtres, faute d’exemples et de modèles ; en chaque relation, il faudrait vivre avec toute son attention, se montrer créateur à chaque occasion de vie qui exige de l’invention, impose des tâches, des questions, de nouvelles exigences.
Rainer Maria Rilke
Nous sommes des aveugles égarés dans un monde mystérieux dont nous ignorons l’origine et la destination. Voilà de quoi se prendre moins au sérieux, non ?
Pascal Senk
Je ne suis pas l’aile droite, je ne suis pas l’aile gauche, je suis l’oiseau.
Pensée indienne
À ceux qui savent relever des défis, se battre à contre-courant,
penser comme des originaux, même rejetés par tous.
À tous ceux qui ressentent profondément qui ils sont
et traversent pour cela une victoire contre vents et marées.
À mes deux grands-pères :
Romolo Balla, souffleur de verre
et grand fervent de la poésie française.
Gustave Gabelles, chef d’orchestre et compositeur français.
Je déteste les anges. Mais j’en fus un.
Je suis né le crâne chauve, mais peu après ma naissance, une moisson en bouclettes d’or devint ma toison.
Quand ma mère Améa me promenait bébé, les passants s’extasiaient sur ma petite personne.
— Oh, on dirait un séraphin, qu’il est joli votre enfant !
— Un véritable angelot et ce teint si pâle, on l’imagine en porcelaine !
— Un chérubin qui sort du paradis… comme vous avez de la chance, un si bel enfant !
Améa, patiente, répondait selon sa coutume :
— Oui… je vous donne raison, exactement, c’est aussi mon avis ! Dominique est un séraphin !
Ma mère était une machine à répétitions. Elle n’avait aucun avis personnel.
Je ne voyais jamais mon père distinctement, il fumait tellement qu’il empestait l’air par sa cigarette ou son cigare, alors son visage disparaissait toujours sous une épaisse fumée. Ce n’était pas une grande perte, car Romuald, étant politologue, n’était pas souvent présent. Il diffusait, ailleurs, la gestion de la vie en collectivité. Je n’ai jamais bien su s’il était chercheur, consultant ou analyste. Il avait la nation dans le cerveau, alors que ma mère devait y loger uniquement ses produits de nettoyage et ses chiffons. Ne travaillant pas, Améa chassait la poussière à longueur de journée, faisait briller l’argenterie tous les mois et encaustiquait tout ce qui devait reluire.
Monsieur Romuald de Chenevièvre était depuis toujours un grand voyageur. Pendant l’un de ses congés, il s’était promené en Toscane. C’était l’époque des vendanges. Par malheur ou par chance (vous me direz lecteurs ce que vous en pensez), sa Mercedes tomba brusquement en panne devant l’immense domaine d’un viticulteur.
Romuald pénétra sur ce terrain inconnu pour y chercher de l’aide car, comme d’habitude, son portable devait, depuis longtemps, être rechargé.
Au milieu des cueilleuses au derme de pain cuit et à la chevelure couleur d’aubergine, courbée en deux, aussi pâle qu’une Vénitienne, Améa travaillait avec application. Soit on ne la voyait pas du tout, car elle représentait une aquarelle bien délavée, soit on était surpris par sa chevelure en zest de soleil, cascade de mousse jaune qui retombait sur son dos en frisons sauvages.
Mon père cherchait une épouse, sans doute pour cirer ses chaussures, rectifier la rectitude de ses cravates, et tenir toute l’intendance de sa maison.
Comme il était fort riche, il acheta bien des bouteilles, du Castelle Banfi et y ajouta, pour se permettre une demande incongrue, deux Petrus rouges. C’est ainsi qu’il obtint la main de ma mère. Orpheline, elle le suivit avec la promesse qu’elle serait son ancillaire. En réalité, elle fut très vite son amante quotidienne, puis la seule « alliancée » de Romuald.
Je crois que pendant toute mon enfance et mon adolescence, j’entendis le récit de cette rencontre hors norme, mille et mille fois. Mon Père avait même appris les exposés du viticulteur, par cœur. Cela faisait aussi partie de son mariage. Il dut s’en servir toute sa vie, devant ses connaissances, pour briller encore davantage !
Combien de fois ai-je entendu ces paroles :
— Il a existé des pépins de vigne préhistoriques, ce fait est connu depuis le Néolithique. L’ancêtre de la vigne se nommait : « lambrusque ». L’homme de Cro-Magnon a certainement connu le vin. Tout peuple, qui abandonnait le nomadisme, s’adonnait à la culture des vignes.
— Certes, certes, murmurait ma mère, en mimant pour la Xème fois une écoute confite.
— Même Virgile a conseillé, continuait la voix despotique : « Plante tes vignes en ordre, que leurs rangs bien alignés, coupés par des allées régulières forment un ensemble parfaitement symétrique. Telle, au cours de la guerre, la légion déploie ses cohortes et s’arrête dans la campagne découverte ».
— Mais oui, c’est une idée géniale ! Oui ! affirmait Améa. Virgile… Virgile a dit cela, quel homme ! Oui…
J’étais donc issu d’un perroquet (ma mère) et d’une cheminée… (mon père). J’aurais donc du mal à faire de la publicité pour mes fondateurs.
Mon père était aux anges (encore eux) il avait une esclave travailleuse, bonne cuisinière, qui ne posait jamais de question et qui était toujours d’accord avec tout le monde.
Je ne manquai pas de jouets. On m’inonda de peluches monumentales comme l’éléphant, l’ours, le tigre et le dinosaure, de jeux de construction, de circuit ferroviaire et même de copies de machines de guerre et de soldats. Mon lit était en forme de tank et les draps mimaient le camouflage militaire.
— Dominique mon héritier, hurlait papa souvent, tu dois devenir un champion, un conquérant, un indestructible vainqueur ! Tu dois apprendre à t’imposer dans n’importe quelle situation et à relever sans émotion, visible ou invisible, tous les défis. Une graine de baobab qui se déplie… qui se déplie et que le monde entier admirera.
— Oui… oui… une graine de baobab qui se déplie… oui… répétait ma mère en applaudissant, comme une gamine idiote.
Lors de ces invectives, je ne répondais rien, j’esquissais seulement un mini-sourire. Romuald me soulevait très haut dans ses bras et me laissait tomber sur ma fourre de duvet avec le rire tonitruant d’un ogre. C’étaient toujours les mêmes espérances paternelles et la même brusquerie.
Ma chambre me faisait peur. Je n’aimais pas du tout son ambiance violente. J’aurais préféré à mes peluches monstrueuses, un grand puzzle représentant des fleurs des champs. Des livres d’images, de voyages, des habits de clown, des CD de musique classique ou de chansons d’amour.
Quand j’entendais les pas de mon ascendant traverser le long corridor qui menait à ma chambre, je faisais semblant de combattre les Indiens avec mes militaires ou je piquais d’une lance mon énorme dinosaure, le renversant en hurlant : j’ai gagné, tu es mort !
Alors… derrière l’écran de fumée grise, je voyais les lèvres de Romuald s’étirer dans une béate satisfaction.
— Tu es déjà un homme, mon fils !
Mon agitation le comblait.
Quand j’étais enfin seul, c’est le dictionnaire que je regardais pour comprendre la vie. J’avais trouvé le mot « ADULTE », avec comme explication mûr, responsable, grand, réfléchi, sérieux.
— J’en avais deux… Larousse et Robert. Mais il est vrai qu’ils ne devaient pas connaître mes parents ! Ou alors, pour donner plus d’importance aux grands, les dictionnaires mentaient.
C’était difficile de tout comprendre. J’étais encore jeune. Par exemple, mon père expliquait son métier à ma mère. Romuald parlait comme un brave moteur qui ronronne. J’écoutais à travers la porte. J’étais depuis longtemps « un grappillonneur » de dialogues défendus. Ce furent mes premiers larcins. J’aimais retenir des nouveautés et aller les rechercher dans mes dictionnaires.
— La politique est la science du mensonge ! Le peuple ignare ne supporte pas l’indécision ni le difficile principe de la réalité. Vérité et politique ne font pas bon ménage. Comment cacher les secrets qui entourent une guerre ? Quand un idiot te pose une telle problématique, il ne faut pas la discuter, l’on doit s’investir sur le questionneur jusqu’à ce que le thème soit oublié ! Il faut savoir jongler avec les métaphores et employer souvent des métonymies.
— Mé-to-ny-mies ? fit ma mère en soulevant lentement ces lettres comme si elles cachaient une bombe.
— Déplacer un sujet, ne pas l’affronter réellement. Si des grévistes clament que leur fin de mois est largement insuffisante, leur dire : je sais… je sais mes amis, Paris a faim et froid ! J’aime comme vous tendrement cette capitale, etc., etc.
— Mé-ta… ah oui déplacer le problème.
— Et puis il faut s’entourer de pistons, de pistons valables et très nombreux ; sinon on devient un roi sans sa cour, sans ses obligeants ! D’ailleurs sans piston, même en simple citoyen, on est mort ! Surtout, ne lis jamais du Chateaubriand. Il a écrit : « Le plus grand malheur des hommes, c’est d’avoir des lois et un gouvernement. Tout gouvernement est un mal, tout gouvernement est un joug »
Devant ces explications, j’en avais déduit que Romuald gagnait confortablement sa vie en mentant et que pour réussir il fallait des pistons.
— Des pistons ? Pourquoi des pistons ? N’était-ce pas une simple pièce qui se déplaçait dans un cylindre de moteur ?
— Papa ? Combien de pistons a ta Mercedes ?
Ma question détacha le lourd cigare des lèvres de mon père.
— C’est bien Dom, tu t’intéresses aux voitures maintenant, je t’en achèterai des dizaines, en modèles réduits. On ira tous les deux aux vingt-quatre heures du Mans et là tu verras des engins fantastiques. La course a servi d’expérimentation à de nombreux projets. Depuis le début, les équipes concurrentes ont innové. Le frein à disque, la jante, l’aérodynamisme, le…
— Mais les pistons ?
— Dom, on ira chez mon garagiste et il t’expliquera tout !
C’est ainsi que peu de temps après, mon père dressé comme un coq par l’orgueil, me fit cadeau de vingt modèles réduits des plus belles voitures du monde ! Il croyait que c’était mon nouvel intérêt.
J’eus de la difficulté à exploser de joie. Et quand Romuald s’effaça, je pleurai longtemps. Je n’avais nulle envie de conduire ces véhicules en faisant le bruit de leur moteur. En plus, Améa me conduisit chez le fameux garagiste qui hanta mon après-midi par :
— La voiture est un moyen de transport personnel. Sa capacité permet habituellement de transporter quatre ou cinq personnes. Il existe cependant des modèles plus vastes (jusqu’à neuf places). Ces derniers sont généralement des monospaces. Certaines voitures sont maintenant équipées de ce système « anti-blocage de roues » (Anti Blockage System). L’ABS est constitué de capteurs de vitesse sur les roues, reliés à un calculateur qui régule la pression dans le circuit de freinage. Dès qu’une roue amorce un blocage, le calculateur relâche la pression de freinage. Cela permet de garder le contrôle de la direction, en cas de freinage d’urgence ou de faible adhérence (pluie, neige ?).
— S’il savait comme je m’en fichais des voitures, pensai-je en me taisant. Au bout de vingt minutes, je bâillai, au bout de trente, j’eus l’envie de m’écrouler et de dormir et au bout d’une heure, je ne l’entendis plus du tout, accroché à un rouge-gorge qui s’époumonait pour me distraire. C’est à cause de ce petit oiseau que je réussis à ne pas m’évanouir d’ennui.
***
Je ne manquais ni de jouets, ni de nourriture, ni de professeurs privés. J’étais un très bon élève qui avait su, fort tôt, parler, écrire et compter.
Ma famille décida subitement de me confier à une école publique sans renommée. Doué, j’entrai donc en septième, après quelques examens passés sans aucune difficulté. J’avais douze ans. J’étais toujours aussi blond, aussi frisé et aussi calme.
J’aimais apprendre, comprendre, questionner.
C’était la première fois que j’assistais à une récréation. Dans un premier temps, je me retirai de la foule hurlante des élèves et je regardai leur délire. Les filles piaillaient comme des poules autour d’une corde à sauter et les garçons jouaient à la guerre avec vigueur. Parfois, un élève se battait contre un autre. C’était le chaos.
C’est alors qu’une fille vint vers moi. Elle avait un visage très rond ; l’architecte divin devait avoir employé un compas minutieux pour la créer. Par contre, il l’avait définie avec originalité. Ses cheveux noirs se dressaient sur sa tête comme un éventail de baguettes japonaises, raides, infinies, multiples.
— Tu t’appelles comment ? T’es nouveau ! me dit-elle, sans gêne.
— Dominique de Chenevièvre ! Et toi ?
— Quel nom, il hésite entre chèvre et fièvre, je n’aime pas ! En plus… t’as utilisé presque tout l’alphabet, c’est prétentieux ! Moi, c’est simple : Joëlle Mage. Ils font quoi tes parents ?
— Mon père est politologue et ma mère reste à la maison et les tiens ?
— J’ai deux mères, Alka qui fait des ménages et Pauline qui est vendeuse. Et t’habites où ?
— Un peu plus loin, dans l’immeuble rouge !
— À quel étage ?
— En attique, au huitième !
— C’est l’étage des riches !
— Cela ne me dérange pas, fis-je un peu perplexe.
— On sera voisins. Mes deux mamans vont reprendre la conciergerie de cet immeuble rouge. Nous, on logera au rez-de-chaussée. Elle fait quoi ta mère toute la journée ?
— Elle s’occupe de l’intendance de la maison, elle regarde les séries des films d’amour qu’elle trouve sur la France, la Suisse et l’Italie et elle lit la Bible !
— C’est quoi la Bible ?
— C’est un livre qui parle de Dieu.
— Alka et Pauline sont « athées » !
Je ne connaissais nullement ce mot.
— Quel thé ? Le thé vert est exceptionnel, mais il ne faut jamais avaler une boisson provenant d’un simple sachet !
Joëlle rit de toutes ses petites dents serrées.
— Elles boivent du gros rouge ! Moi j’ai pas encore l’âge pour le goûter ! Ta mère doit être « introverte » !
— On dit introvertie !
— Ben match nul avec athées !
— C’est bien de ne pas savoir les mêmes mots, on apprendra l’un de l’autre !
— T’as beaucoup de jouets ?
— C’est un problème… on me pourrit de ce que je n’aime pas, des peluches qui font peur, des jeux mécaniques et des modèles réduits de voitures de sport.
— Le luxe ne rend pas heureux ! Tu rêves de quoi ?
— J’sais pas, une poupée, un doudou petit, très petit, un poussin, un rat…
— Ben, on pourra faire un échange, moi je rêve de ce que tu n’aimes pas, j’ai horreur des poupées.
— Pourquoi tu ne le dis pas à tes mères ?
— Tu sais, elles se privent pour moi, je n’ose pas les décevoir et toi, tu ne râles pas auprès de tes parents ?
— Mon père est un dictateur, il souhaite que je devienne un homme rigide, sans sentiment, un triomphateur capable de tout écraser pour avancer vers la gloire et l’argent !
— T’as pas le profil !
— Pourquoi tu portes une clef autour du cou ? C’est un talisman ?
— Non, mes mères travaillent, c’est la clef de l’appartement.
La récréation venait de se terminer, nous nous quittâmes. Nous étions dans la même classe. Elle n’était pas très jolie, mais très intéressante.
Plusieurs jours plus tard, je vis arriver une camionnette. Deux gros déménageurs féminins portaient du mobilier. Elles étaient volumineuses, mais courageuses les mères de Joëlle.
Les nouvelles concierges allaient donc habiter le même immeuble que moi.
À la sortie du deuxième jour scolaire, ma copine me gratifia d’un gros baiser qui claqua sur ma joue.
— Salut ! On peut rentrer ensemble et elle prit ma main.
— Ma mère est venue me chercher mais oui, on peut cheminer à trois, fis-je.
Améa sembla fascinée par CNED c’est-à-dire, « Casque noir aux épines dressées ».
— Bonjour Madame, fit la petite en s’appliquant à produire une révérence très gauche devant mon ascendante.
— Jour…
— Vous savez, releva Joëlle en me faisant un clin d’œil malicieux, votre fils est très intelligent, il a le vocabulaire d’une grande personne bien éduquée. Vous devez être fière de lui, c’est certainement et de loin, le meilleur élève de notre classe !
— …
— Vous n’êtes pas fière de lui ? insista la petite adolescente.
— Silence… murmura Améa.
Ma mère n’était pas du tout encline à me faire des compliments.
— Vous êtes fière de vos silences ? s’enquit encore la terrible gamine.
— Oui.
— Elle est très bizarre ta mère, on dirait presque une sourde muette, me glissa Joëlle, à l’oreille.
Parvenus devant l’ascenseur, la petite sauvage ouvrit encore son bec :
— Madame, Dominique ne peut pas venir jouer chez moi une heure ?
— Une heure.
Le logis des Mages était petit. Des cartons encombraient le corridor encore un peu partout, des plantes aussi.
— Viens, je te montre ma chambre, Domi !
Là… il n’y avait pas grand-chose. La pièce formait un petit carré, modestement décoré par une tapisserie défraîchie. Au centre, une vieille table, une chaise, une armoire.