Épidémies - Encyclopaedia Universalis - E-Book

Épidémies E-Book

Encyclopaedia Universalis

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Beschreibung

L'épidémie, maladie sociale aux effets brusques et amples, est une grande réalité historique, longtemps aussi méconnue des historiens que redoutée des contemporains. Histoire des Épidémies, mais aussi Épidémies de l'histoire: les maladies n'apparaissent-elles pas avec leur vie indépendante...

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ISBN : 9782341003407

© Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.

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Épidémies

Introduction

L’épidémie, maladie sociale aux effets brusques et amples, est une grande réalité historique, longtemps aussi méconnue des historiens que redoutée des contemporains. Histoire des épidémies, mais aussi épidémies de l’histoire : les maladies n’apparaissent-elles pas avec leur vie indépendante, s’affirmant, s’étendant, s’atténuant et disparaissant ? Rythmes propres, sans doute, mais en corrélation avec les crises de subsistance, les mentalités, les échanges commerciaux, les guerres ou les pèlerinages. L’étude des épidémies est ainsi au carrefour des disciplines : elle appartient, certes, à la médecine, mais aussi à la géographie humaine par ses modes de propagation et ses routes, à la psychologie sociale et à la démographie par ses effets, à l’histoire, enfin, dont elle accélère, ou freine, les transformations structurales et dont elle modifie les conjonctures.

À toutes les époques, les épidémies ont marqué de leurs sinistres effets l’évolution des sociétés. Les brusques déséquilibres qu’elles provoquent ébranlent les assises morales et matérielles des groupes humains. C’est particulièrement le cas des pandémies, ces « épidémies qui ont réussi » ; quelques-uns de leurs désastres s’inscrivent pour longtemps dans le paysage : dépopulation, décadence des villes, raréfaction des échanges, recul de certaines cultures. Leurs traces survivent non moins longtemps dans les esprits, comme l’illustre, en Europe, l’exemple de la peste noire au XIVe siècle, la Grande Peste.

Mais chaque époque, chaque continent présente ses caractères épidémiologiques propres ; l’épidémie est non seulement cause mais effet de la conjoncture. Elle ne peut pas plus être détachée de son temps que celui-ci ne peut être compris sans elle. L’étude doit en être chronologique autant que géographique. Ainsi, l’idée de catastrophe subie passivement comme châtiment infligé par la divinité fera place, à l’époque moderne, à celle de calamité naturelle que l’on peut combattre en enrayant la contagion. C’est ainsi que les promesses de la microbiologie qui ont suivi l’ouverture de l’ère pasteurienne au XIXe siècle ont laissé espérer que les maladies infectieuses pourraient être vaincues, comme devait l’illustrer un siècle plus tard l’éradication de la variole. C’est ainsi également qu’aujourd’hui des agents infectieux naguère inconnus, le plus souvent mutants et de plus en plus expansifs (virus du sida, de la grippe aviaire, du SRAS... ), nourrissent la crainte de nouvelles pandémies contre lesquelles les moyens de lutte qui ont permis la régression des épidémies classiques aux XIXe et XXe siècles nous laisseraient plus ou moins démunis.

Jean-Louis MIÈGE

E.U.

1. Les épidémies dans l’Antiquité

Si l’étude des textes anciens et les découvertes de la paléontologie font la preuve de l’existence de telle ou telle maladie contagieuse en un lieu et un temps donnés, il s’agit habituellement de descriptions ou d’observations de cas isolés ; et l’examen de certains squelettes ou de certaines momies, tout en permettant d’affirmer la présence de maladies infectieuses (lèpre, tuberculose, variole, etc.) bien avant l’ère chrétienne et même l’époque historique, n’apporte aucune information sur le contexte épidémique. Dans certains cas, nous pouvons extrapoler à partir de nos connaissances actuelles, mais sous réserve que celles-ci soient applicables à des faits remontant à plusieurs siècles ou millénaires, ce que la plasticité de certains agents infectieux ne permet pas toujours d’affirmer : ainsi la découverte de stigmates de variole sur une momie de la XXe dynastie peut autoriser à parler d’épidémie à l’époque correspondante en raison du caractère hautement contagieux de la variole moderne (en admettant que la sensibilité des Égyptiens au virus variolique et que la contagiosité de ce virus fussent identiques à ce qu’elles sont actuellement). Donc, si nous avons de fortes présomptions en faveur de l’existence d’une épidémie de variole aux lieux et dates correspondants, nous en ignorons toutefois la durée, la morbidité, la mortalité, la marche générale, etc. Dans le cas d’infections comme la lèpre ou la tuberculose, dont certains squelettes datés d’un millénaire avant J.-C. portent les stigmates, il n’en va plus de même et nous pouvons seulement affirmer l’existence de la maladie sans préjuger de son caractère épidémique ou non.

Inversement, dans bien des cas, la notion d’épidémie seule – d’une morbidité ou d’une mortalité importante – nous est parvenue sans qu’aucun diagnostic étiologique rétrospectif puisse être porté. Telle l’épidémie qui ravagea Rome en 293 avant J.-C. : pour la combattre, une mission fut envoyée à Épidaure pour recueillir les conseils des médecins de la célèbre école ; la mission ramena l’un des serpents du temple d’Esculape ; parvenu au milieu du Tibre, le serpent sacré s’échappa de la galère, nagea et s’échoua sur l’île Tiberina : aussitôt l’épidémie cessa (l’ospedale dei Fattebenefratelli, c’est-à-dire l’hôpital des Frères de la Charité, fut construit plus tard exactement à cet endroit).

L’histoire des épidémies nécessite donc un minimum de documents anatomiques, écrits ou figurés, et les sources d’information varient selon les régions et les périodes envisagées : ainsi les épidémies en Afrique, à l’exception des zones méditerranéennes qui faisaient partie du monde connu gréco-latin, ne peuvent être étudiées avant le XIXe siècle, alors que les textes égyptiens et chinois permettent de remonter à plus de dix siècles avant notre ère.

S’il est possible de porter, dans certains cas, un diagnostic rétrospectif précis lorsque les descriptions qui nous sont parvenues font mention de symptômes très spécifiques, nombre d’épidémies désignées sous le terme général de « fléau » ne peuvent être formellement identifiées. Le terme latinpestis, qui équivaut à fléau, a prévalu jusqu’au XVIIe siècle, recouvrant indifféremment toutes les grandes maladies épidémiques – peste, typhus, variole, etc. – souvent difficiles ou impossibles à identifier, et c’est sous le nom général de « peste » ou « pestilence » que sont relatées nombre d’épidémies anciennes.

• Les récits de l’Ancien Testament

La peste des Philistins

La plus importante « peste » relatée dans la Bible, la plus longuement décrite est la peste des Philistins ; et, cependant, la nature du germe en cause n’a pas été nettement établie, ce qui a permis aux historiens médecins d’avancer plusieurs hypothèses. Elle survint à Ashdod, en 1141 avant J.-C., lorsque les Philistins, après leur victoire sur les Hébreux, y rapportèrent l’arche d’alliance. Installée dans le temple du dieu-poisson Dagon, l’arche provoqua la destruction de la statue païenne puis l’apparition d’une maladie contagieuse qui frappa tous les habitants ; ceux-ci transportèrent l’arche à Gat, puis à Gaza, à Ashquelon et à Eqron, mais chaque fois la maladie y survint. Alors les Philistins rendirent l’arche aux Hébreux, l’accompagnant d’offrandes pour apaiser le courroux de Yahvé.

Dans le chapitre II du Premier Livre de Samuel, l’épidémie et l’offrande expiatoire sont longuement exposées et nous savons que, peu après l’installation de l’arche dans le temple de Dagon, « la main de Yahvé s’appesantit sur les Ashdodites et les jeta dans la panique : il les affligea de tumeurs dans les parties secrètes du corps. Les gens de la ville furent frappés, du plus petit au plus grand. Et il sortit dans les champs et dans les villages une multitude de souris, et l’on vit dans toute la ville une grande confusion de mourants et de morts ». L’arche d’alliance resta sept mois (de décembre à juin) chez les Philistins qui, avant de la renvoyer, consultèrent leurs devins sur le moyen d’apaiser le dieu des Hébreux : « Faites des images de vos tumeurs et des images de vos souris qui ravagent le pays [...]. Prenez un chariot neuf et deux vaches [...]. Placez-y l’arche et un coffre contenant les images d’or. »

La présence des souris a fait proposer cet épisode biblique comme le plus ancien récit de peste bubonique ; si plusieurs auteurs ont élevé des objections extrêmement sérieuses contre ce diagnostic, Topley et Wilson affirment, dans l’édition de 1946 de Principles of Bacteriology and Immunity, que le Livre de Samuel contient un « indiscutable récit de peste bubonique ». Or le récit biblique, s’il parle bien d’une multitude de souris, n’indique pas qu’elles sont étroitement liées à l’épidémie ; l’apparition des rongeurs a pu être notée comme un fléau supplémentaire sans impliquer une relation avec la mortalité des humains. Il n’est pas interdit de supposer que, si les Philistins avaient considéré les souris et l’épidémie comme un seul fléau, c’est une seule image votive les symbolisant qu’ils auraient adressée à Yahvé ; qu’ils en aient façonné deux laisse à penser que, pour eux, il y eut deux fléaux simultanés.

Si les images de souris n’ont pas soulevé d’objection (étant entendu qu’il s’agit de la souris et non du rat ; celui-ci n’arrivera en Palestine que mille ans plus tard), la figuration des « tumeurs » d’or a suivi les fortunes des diverses traductions du texte hébreu dans les langues latine, grecque, française et anglaise et des commentaires. Pour certains, les tumeurs, ou « emerods », situées « dans les parties secrètes du corps », étaient des bubons pesteux ; pour d’autres, il se serait agi de prolapsus rectal ou d’hémorroïdes au cours d’une épidémie de dysenterie. Flavius Josèphe écrit dans ses Antiquités judaïques