Épopée - Encyclopaedia Universalis - E-Book

Épopée E-Book

Encyclopaedia Universalis

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Proche du mythe, l'épopée chante l'histoire d'une tradition, un complexe de représentations sociales, politiques, religieuses, un code moral, une esthétique. À travers le récit des épreuves et des hauts faits d'un héros ou d'une héroïne, elle met en lumière un monde total, une réalité vivante, un savoir sur le monde.

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Seitenzahl: 63

Veröffentlichungsjahr: 2016

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Universalis, une gamme complète de resssources numériques pour la recherche documentaire et l’enseignement.

ISBN : 9782341003414

© Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.

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Épopée

Introduction

Proche du mythe, l’épopée chante l’histoire d’une tradition, un complexe de représentations sociales, politiques, religieuses, un code moral, une esthétique. À travers le récit des épreuves et des hauts faits d’un héros ou d’une héroïne, elle met en lumière un monde total, une réalité vivante, un savoir sur le monde.

Dans le procès de communication et de transmission, les sociétés « traditionnelles » et les sociétés « froides » ont pour recours l’audition, la mémoire et la voix. En ces situations aurales/orales, la tradition mémoriale réside en des activités cognitives complexes : un ensemble de valeurs structurelles, sémantiques, phoniques et rythmiques stimulent des réseaux associatifs et permettent à l’esprit et au corps du barde de maîtriser de longs récits (de plusieurs centaines à des dizaines de milliers de vers) et de les porter au niveau d’excellence du souvenir et de perfection dans l’instant de la profération.

Le chant de l’épopée instaure une relation d’échange intense entre le barde et son auditoire. Le pouvoir de fixer dans le souvenir individuel et collectif est lié au plaisir auditif (émotionnel, intellectuel et esthétique) que la voix suscite : telle est la longue chaîne de transmission des aèdes anonymes, puis des rhapsodes. Par un code oral-musical (images formulaires, lignes mélodiques, formules rythmiques) manifesté en voix et en gestes, certaines cultures créent des récits exemplaires auxquels elles attachent des valeurs identitaires. Rencontre d’un contenu idéologique et d’une forme poétique dans un contexte socioculturel particulier, l’épopée porte en elle une puissance archétypale. Elle est à la fois divertissement, enseignement, modèle et expression d’un sentiment clanique, ethnique ou national. De plus, le chant de l’épopée peut être associé à une action magico-religieuse. Elle est douée d’efficacité symbolique, d’une valeur rédemptrice, purificatrice : action de grâces, imploration, tentative de séduction, apaisement, le chant de l’épopée est un don en retour qui sollicite un équilibre, une harmonie pour l’individu et le corps social tout entier.

À cette variété de fonctions s’oppose, semble-t-il, une constante liée à la composition des récits et aux structures logico-narratives qui la sous-tendent. Il apparaît que l’épopée chante souvent la quête d’une épouse et les différentes épreuves qui lui sont afférentes. Des schèmes initiatiques successifs et/ou entrecroisés permettent au héros de franchir les étapes d’une vie, d’accéder progressivement à ce modèle emblématique que le chant des épopées exhorte. Et cela jusqu’à l’ultime passage : la mort. Ainsi Gilgamesh, qui a su triompher de tout avec son ami Enkidu, ne peut affronter la perspective de mourir à son tour et part en quête d’immortalité. Celle-ci, une fois trouvée, lui est dérobée et le héros accepte sa propre mort. Tandis que L’Odyssée chante Ulysse refusant l’immortalité pour assumer les multiples épreuves de la condition humaine et retrouver sa noble épouse. Attitude opposée à celle d’Achille qui, perdant son ami Patrocle, ne cherche plus qu’à le venger, tout en sachant que sa mort est inévitable et suivra celle d’Hector. Dans ce cas, optant pour la « gloire héroïque », il accepte le destin d’une mort précoce et sans descendance.

Dans la plupart des cultures qu’il nous a été donné d’examiner, tablettes d’argile ou de bois, papyrus, lamelles de bambou, lontars, olles, xylographes, parchemins ou feuilles de papier des scribes, moines et poètes ont croisé les voix des bardes et des rhapsodes. Ces manuscrits, supports visuels, ont engendré une oralité « mixte », où la voix et l’écrit coexistent. Puis une oralité « seconde » : la voix déclame un texte qui a été composé en termes d’écriture. Alors l’épopée orale amorce sa dérive vers la composition littéraire, la vision silencieuse et solitaire se substitue à l’audition et au partage communautaire, l’objet livre à l’action vocale et gestuelle. Les logographes, dont le mode de communication se situe entre le réciter et l’écrire, chantent la gloire et la louange de la cité ou des maisons princières et des rois, une histoire apologétique ou « pseudo-histoire » au service d’un pouvoir. Les poètes progressivement dissocient l’acte de chanter et l’acte de composer et s’adonnent à l’écriture et à la composition formelle. Ici, la multiplicité des esquisses n’est pas éphémère, mais laisse des traces visuelles sur lesquelles ils peuvent élaborer. Alors, très lentement ou brutalement selon les cas, l’épos tend à se rétracter et à être réduit au silence face à la puissance des mots écrits qui ont souvent accompagné des pouvoirs hégémoniques d’ordre militaire, politique ou religieux.

Nicole REVEL

• L’Afrique

En Afrique, où les valeurs de l’oralité sont restées vivantes, l’épopée a gardé sa fonction d’acte de parole à vocation publique, créateur de sens et d’émotion. Sa déclamation est vécue comme un rituel où se trouve ranimée l’identité qui fonde et unit une communauté. L’exaltation est la notion clé de l’éthique et de l’esthétique épiques. Pour la susciter, par-delà le récit, où action et personnages sont marqués par l’absolu et le paroxysme (signes universels de l’héroïsme), l’épopée ajoute à la puissance du verbe celle de la musique : par les thèmes – airs rythmant le récit, devises des héros –, par les instruments, tels le hilum ou le mvet (harpe-luth). Les épopées sont diverses, chaque peuple ayant ses repères et ses représentations ; d’où les deux orientations qui les caractérisent, l’une plus historique, l’autre plus mythologique.

L’épopée à caractère historique

L’épopée à caractère historique apparaît dans des sociétés au pouvoir centralisé, dont les lieux d’identification se situent dans la constitution d’États ou d’empires et dans une organisation sociale stricte où le griot, héritier de son statut, apparaît autant comme un médiateur que comme un artiste de la parole. Les épopées de l’Afrique de l’Ouest peuvent être une interprétation métaphorique de chroniques historiques – telle celle du Kaajor, évoquant quatre siècles de règne des Damels – déroulée par les griots wolofs lors des cérémonies d’intronisation ou de funérailles. Ou bien elles prennent la forme de gestes, successions d’épisodes autour d’un personnage historique qui n’en est pas moins un héros épique archétypal réalisant son destin grâce à la magie en triomphant des tyrans et des génies, images symboliques de l’Autre. Tels sont le Marẽn Jagu des Soninké, le Zabarkaan des Zarma et, le plus célèbre de tous, Sunjata, qui fonda, au XIIIe siècle, l’empire du Mali. Sa geste justifie la société malinké actuelle par son œuvre de législateur. Elle transfigure aussi la destinée historique de ce héros libérateur en l’inscrivant dans le mythe originel de la création du Mandé par les trois Simbon – maîtres chasseurs, venus sur l’Arche céleste – et renoue ainsi avec d’autres récits épiques plus légendaires, opposant à des animaux aux pouvoirs maléfiques des héros chasseurs comme le Kanbili des Malinké, le Fanta Maa des Bozo, le Seegu Bali des Toucouleurs, etc. Mais, mariant le réel au symbolique, l’épopée de Sunjata, qui a scellé l’unité du monde mandingue, est une version publique et « officielle » d’une véritable