Faire obéir ou laisser s'épanouir? - Patricia Ghislain - E-Book

Faire obéir ou laisser s'épanouir? E-Book

Patricia Ghislain

0,0

  • Herausgeber: Mardaga
  • Kategorie: Ratgeber
  • Sprache: Französisch
  • Veröffentlichungsjahr: 2021
Beschreibung

Comment trouver son chemin dans l'aventure extraordinaire qu'est l'éducation en tant que parent ?

Nous connaissons tous le dilemme de la tomate : est-ce un légume ou un fruit ? Éduquer aujourd'hui, c'est être face à une incertitude également : comment trouver l’équilibre entre obéissance et épanouissement de l’enfant ?

Nous souhaitons que nos enfants soient sages, heureux, et qu’ils nous respectent, mais nous ne voulons pas à avoir à crier ni punir pour cela. De plus, l’injonction au bonheur nous épuise et nous amène parfois à démissionner. Et si nous réinventions, chacun, l'éducation qui nous convient ?

Alliant des recherches théoriques poussées à son expérience de terrain, Patricia Ghislain fait le point sur les connaissances scientifiques actuelles en développement de l’enfant. À l’aide de termes simples et d’exemples concrets, elle répond aux questions auxquelles tout parent est, un jour, confronté : que faire la nuit quand votre bébé vous appelle ? Comment réagir face à un enfant qui se roule par terre en hurlant, ou un ado qui rejette toute tentative de discussion ? Finalement, comment permettre à votre enfant de devenir la meilleure version de lui-même ? Loin de dicter des recettes toutes faites, ce livre vous apportera des repères pour établir vous-même une éducation épanouissante !

Tout en douceur et avec beaucoup de finesse, Patricia nous aide à mieux comprendre le fonctionnement de nos enfants et met en avant les outils qui les conduiront à s'épanouir.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

"Patricia Ghislain propose aux parents d’agir à la manière d’un jardinier. Elle suggère d’accompagner l’enfant avec bienveillance, sans forcer sa croissance, et de favoriser son épanouissement en s’appuyant sur une connaissance des principes de son développement." - Afrique Media, Jacques Grégoire

À PROPOS DE L'AUTEURE

Titulaire d'un master en sciences psychologiques et maman de 4 enfants, Patricia Ghislain est depuis toujours passionnée par l'univers de l'enfance et de l'éducation. Formée à la recherche en sciences humaines, elle se réfère volontiers aux données scientifiques pour trouver des réponses aux différentes problématiques rencontrées sur le terrain, tant dans sa vie personnelle que professionnelle. Elle souhaite aujourd'hui transmettre ses connaissances théoriques et partager les outils pratiques dont elle dispose.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 340

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Faire obéir ou laisser s’épanouir ?

Patricia Ghislain

Faire obéir ou laisser s’épanouir ?

Le dilemme de la tomate

J’aimerais, avant tout chose, remercier les personnes qui ont permis la germination, la croissance et l’éclosion de ce livre.

À Yves, mon mari,

merci d’être là, depuis plus de 20 ans,

tu m’offres un soutien indéfectible

dans cette incroyable aventure : la vie de parents ;

À Cécile, Louis, Julie et Tom, mes enfants,

merci d’être vous,

vous m’apprenez tellement,

chacun à votre manière,

mais tous avec ténacité, humour et amour ;

À Sophie, mon amie,

merci de croire en moi.

Tu as ce talent (parmi tant d’autres) de révéler le beau.

Avec toi, on a envie de s’ouvrir au monde ;

À Jacques, mon mentor,

merci pour l’accueil que tu as réservé à ce projet

et pour le regard bienveillant que tu lui as porté.

Vous me faites cadeau de votre confiance, ça me donne des ailes.

Votre estime et votre foi en moi m’ont permis de travailler avec un formidable enthousiasme.

Merci !

Préface

« Je ne veux pas dire aux parents comment s’y prendre, je n’en sais rien. »

Donald W. Winnicott1

Il y a bien des moments, dans la vie de parent, où l’ondépense une quantité d’énergie phénoménale pour nos enfants et où, malgré toutes nos tentatives, rien ne semble aller dans la direction visée. Tous ces moments où on a l’impression de pédaler dans le vide, d’avoir plus de questions que de réponses, où l’on se sent seul(e)s et démuni(e)s, où l’on se sent vidé(e)s… Difficile de ne pas culpabiliser quand on a le sentiment de perdre pied face à cette tâche qui est supposée être naturelle. Éduquer un enfant : cela se fait depuis l’aube de l’humanité, on a un instinct pour ça, non ?

Personnellement, aussi loin que ma mémoire me porte, j’ai toujours eu envie d’être entourée d’enfants. J’ai étudié la psychologie, passionnée par l’être humain, en particulier au stade de l’enfance. Mes activités professionnelles, dans le domaine du développement et des apprentissages, ont en commun la jeune génération. Je suis devenue maman, il y a vingt et un ans. Une maman, comme les autres, pleine d’amour et de bonne volonté, quelquefois si heureuse et remplie de gratitude, et d’autres fois si perdue… parfois blessante, parfois inadéquate aux yeux de mes enfants et pourtant remplie d’une telle volonté de bien faire !

Après d’innombrables heures passées à absorber des théories, des résultats de recherches et autres conférences de professionnels de l’éducation, et après de nombreuses années d’échange avec les enfants, j’ai le sentiment d’avoir à ma disposition une boîte à outils bien fournie. Et je ressens une envie débordante de partager et d’accompagner d’autres parents, d’autres éducateurs, qui peut-être se sentent perdus aussi quelquefois ou qui seraient tout simplement ravis d’acquérir des éléments de réflexion supplémentaires. J’avais envie d’écrire un livre, non pas parce que je pense détenir toutes les réponses, mais parce que je me suis posé plein de questions. Car nous sommes tous dans le même bateau, avec de mauvaises nuits et de belles journées, des sourires et des larmes, des victoires et des déceptions, des doutes et des certitudes…

Dans ces quelques pages sont réunis des éléments théoriques et pratiques qui, je le pense, peuvent vous aider à choisir personnellement les gestes éducatifs qui vous conviennent, à vous et à votre enfant, et vous permettre de devenir petit à petit le parent que vous aimeriez être. Je présente ces connaissances à travers mon filtre de professionnelle des sciences de l’éducation, mais également à travers mon regard de maman de quatre enfants. Je souhaitais que les données soient, à la fois, rigoureuses et exactes, tout en étant accessibles et concrètes ; j’espère que c’est comme ça qu’elles vous apparaîtront.

Au fil de mes recherches, j’ai eu la confirmation de certaines de mes convictions et j’ai fait de merveilleuses découvertes. Parmi toutes les bonnes nouvelles que j’ai apprises, ma préférée reste celle-ci : tous ces câlins, tous ces bisous, tous ces moments de tendresse, que j’ai reçus de ma maman et que j’ai partagés avec mes enfants depuis leur premier jour, ces gestes que je savoure et qui me donnent tant d’énergie, les recherches scientifiques prouvent aujourd’hui tous leurs bienfaits. Cette tendresse partagée fait du bien à notre corps, à notre santé, elle a le pouvoir de faire mûrir le cerveau de nos enfants ! Alors, ne nous privons pas de ce dopant naturel et… câlinons !

Bien sûr, j’ai réalisé également, des erreurs que j’avais commises, des chemins que j’aurais mieux fait de ne pas suivre. Mais je ne regrette pas cette prise de conscience. Elle est l’occasion de comprendre, d’apprendre, d’évoluer. Après tout, je suis la seule personne que je peux changer ! Il est évident que je continuerai à faire des tentatives, plus ou moins fructueuses, mais je sais maintenant que comme le disait Nelson Mandela (et ma meilleure amie après lui) : « Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends. »

Il m’arrive encore de chercher comment m’y prendre, mais mes connaissances m’offrent des repères vers lesquels je peux et je veux aller. Et c’est cela que je voudrais partager avec celles et ceux qui le souhaitent. Vous ne trouverez pas dans celivre des recettes ou des consignes directives, mais des pistes de réflexion, des balises, que vous suivrez (ou pas) en fonction de ce que vous êtes et de ce que vous vivez. Pour moi, aider quelqu’un avec respect, c’est lui donner les connaissances et les outils qui lui permettront ensuite de décider, lui-même, ce qu’il veut faire de sa vie.

Je serais ravie que vous puissiez, à votre tour, peut-être en partie grâce à cet ouvrage, découvrir les ressources de vos enfants et les vôtres. J’ai pris beaucoup de plaisir à écrire ce livre et je serais sincèrement heureuse si ce partage permettait, ne serait-ce qu’à une personne, de respirer un peu plus facilement, l’espace d’un instant. Quoi qu’il en soit, je vous souhaite beaucoup de bonheurs partagés avec vos enfants et bien d’autres choses encore, avec ces mots empruntés à Jacques Brel :

« Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir, et l’envie furieuse d’en réaliser quelques-uns. Je vous souhaite d’aimer ce qu’il faut aimer, et d’oublier ce qu’il faut oublier. Je vous souhaite des passions. Je vous souhaite des silences. Je vous souhaite des chants d’oiseaux au réveil et des rires d’enfants. Je vous souhaite de respecter les différences des autres parce que le mérite et la valeur de chacun sont souvent à découvrir. Je vous souhaite de résister à l’enlisement, à l’indifférence, aux vertus négatives de notre époque. Je vous souhaite enfin de ne jamais renoncer à la recherche, à l’aventure, à la vie, à l’amour, car la vie est une magnifique aventure et nul de raisonnable ne doit y renoncer sans livrer une rude bataille. Je vous souhaite surtout d’être vous, fier de l’être et heureux. »

Patricia

1. D’après une conversation entre Donald W. Winnicott et Isa Benzie, rapportée dans « La mère suffisamment bonne » de D. W. Winnicott (2008), Petite bibliothèque Payot.

Introduction

« La connaissance est une force.

L’information est libératrice.

L’éducation est la prémisse du progrès,

dans toute société, dans toute famille. »

Kofi Annan2

Le monde dans lequel nous vivons est riche : rempli de possibilités et d’injonctions, plein de nouveautés et de traditions, peuplé d’avis de toutes sortes… Et nous avons, plus que jamais, l’occasion de choisir ce que nous voulons faire de tout ça. Mais, du coup, guider un enfant dans cet univers, être parent aujourd’hui, peut constituer un véritable défi ! Autrefois, l’objectif était clair : les enfants devaient être sages. Un « bon » parent était celui qui savait se faire obéir. Un enfant« sage »était celui qui parlait uniquement quand il y était invité. Seulement voilà, des voix, de plus en plus nombreuses ont affirmé que l’enfant est une personne, qu’il a ses propres idées et que celles-ci doivent être prises en considération. Certains spécialistes, comme Françoise Dolto, pédiatre et psychanalyste française, ont marqué les esprits et ont su nous convaincre que la parole des enfants mérite d’être écoutée. L’idée de les faire obéir sans tenir compte de leur ressenti est devenue caduque. Progressivement, l’enfant et ses émotions ont pris de plus en plus d’importance.

Mais un changement de cap entraîne quelquefois des dérives. Une interprétation extrême des pédagogies bienveillantes conduit certaines personnes à penser qu’il faut mettre l’enfant au centre de la famille, que c’est à l’enfant de décider, lui-même, ce qui est bon pour lui et qu’il faut accueillir tous ses débordements sans le contrarier. Or, en l’absence de limites, l’enfant devient très vite roi, puis tyran. Et, si les émotions ont toute leur importance, leur donner une place excessive nous empêche de raisonner efficacement.

Aujourd’hui, de nombreux parents, soucieux de bien faire, se retrouvent face à un dilemme : faire obéir leur enfant ou le laisser s’épanouir ? Et, surtout, comment s’y prendre ? Peut-on dire « Non » ? Quand faut-il dire « Stop » ? Par quels moyens obtenir ce que l’on attend de l’enfant ? Quelle place réserver à ses émotions ?… Bref, c’est quoi, aujourd’hui, « éduquer » un enfant ? Cette problématique touche aux fondements de notre personne. Elle nous renvoie à notre propre histoire, aux valeurs auxquelles nous tenons et aux idéaux vers lesquels nous tendons. Les principes contradictoires qui coexistent, en nous et autour de nous, sont source de tensions et de souffrance parfois. Comment nous en sortir ?

Pour mettre un terme au débat et résoudre la problématique, nous nous appuierons sur des données objectives, des faits que nous rapportent les chercheurs en sciences humaines. Nous prendrons connaissance des observations des scientifiques pour pouvoir décider, en toute connaissance de cause, de notre discours et de nos pratiques.

La science ne répondra pas à toutes les questions précises auxquelles nous sommes confrontés quotidiennement, mais elle nous offrira des points de repère qui pourront nous guider dans nos choix.

Afin d’illustrer la démarche qui est suivie dans ce livre pour résoudre le dilemme éducatif évoqué, nous commencerons par l’appliquer sur un autre sujet, plus léger, qui provoque des débats bien moins passionnés : le dilemme de la tomate. Selon vous, la tomate est-elle un fruit ou légume ? Nous avons déjà tous eu l’occasion de voir, d’approcher et même de goûter une tomate. Nous nous en sommes donc forgé une image :rouge, pleine de pépins, de la taille d’une balle de tennis à peu près… Mais nous ne sommes pas toujours tous d’accord quant àla catégorie dans laquelle la classer :fruit ou légume. Pour venirà bout du dilemme, voyons ce que disent les spécialistes…

En botanique, le fruit désigne : « L’organe qui contient les graines ». Selon cette définition, la tomate est donc bien un fruit. Alors, la tomate n’est pas un légume ? Eh bien, si ! Dans nos pays, la tomate est considérée comme un légume car ce terme culinaire désigne : « La partie d’une plante cultivée que l’on consomme » ; cela peut être la feuille, la tige, la racine, le fruit… Voilà pourquoi, selon nos traditions culturelles, la tomate est un légume. Par conséquent, elle est à la fois un fruit et un légume. Qui, en plus, existe en différentes variétés, qui ne sont pas toutes rouges, qui contiennent plus ou moins de pépins, qui ont des tailles très différentes, etc. Pour bien appréhender le sujet, il est donc essentiel d’aller au-delà de la simple image que nous avons en tête. D’ailleurs, la tomate est un fruit, un légume et autre chose encore ! En effet, en botanique toujours, la tomate est également la plante, qui porte le fruit du même nom.

Et la science ne s’arrête pas là. Elle nous apprend également que la tomate contient des vitamines, des nutriments, des antioxydants, etc. Parallèlement, les recherches scientifiques nous démontrent que, plus nous consommons de vitamines, de nutriments et d’antioxydants, plus nous sommes en bonne santé, et pour longtemps. Par conséquent, nous pouvons en déduire que manger des tomates augmente nos chances d’être en bonne santé et de vivre plus longtemps. Et pour cela, peu importe que nous les considérions comme des légumes ou des fruits.

Malgré tout, face à ces données, chacun reste, bien entendu, libre de manger ou non des tomates. On peut très bien choisir de manger d’autres fruits et légumes, en plus ou à la place des tomates. Et ceux qui décident de manger des tomates peuvent néanmoins choisir la façon de les préparer pour les trouver à leur goût : en salade, avec de la mozzarella, en soupe ou en sauce… Par ailleurs, si vous ne mangez que des légumes, vous développerez des carences. Sans compter qu’il est toujours possible de trouver sur terre quelqu’un qui, n’ayant pas (ou peu) mangé de légumes, a vécu plus longtemps que quelqu’un qui en a mangé énormément.

Bref, vous l’aurez compris, il n’y a pas qu’une seule manière de faire qui, dépassant toutes les autres, apporterait un résultat idéal et garanti. Et personne ne peut vous dire avec certitude ce que vous devriez faire dans telle situation ou ce que vous auriez dû faire dans telle autre… Les recherches scientifiques nous renseignent sur les facteurs favorables à notre bien-être (par exemple, manger des vitamines et des minéraux). Mais nous avons la possibilité, dans une certaine mesure, de choisir comment gérer ces éléments (en prenant des comprimés de vitamines ou en mangeant des tomates, par exemple). D’autre part, la science est également capable de déterminer les gestes qui garantissent l’échec (entre autres ne pas manger du tout). Malheureusement, si l’échec sait être garanti, aucune procédure ne peut vous assurer une réussite à tous les coups… C’est donc à vous de jouer !

En ce qui concerne l’éducation, l’idée est similaire. Nous avons déjà tous eu l’occasion de voir, d’approcher et même d’être un enfant. Nous nous sommes forgé une image de ces petites personnes. Mais nous ne sommes pas toujours d’accord quant aux conduites à adopter avec eux. Devons-nous les faire obéir ou alors les laisser s’épanouir librement ?

Pour commencer, dans le premier chapitre, nous chercherons à définir un objectif réaliste à l’éducation. Pour ce faire, nous envisagerons d’abord les caractéristiques des êtres humains et les particularités du stade de l’enfance qu’il est utile de prendre en compte si nous voulons « élever » quelqu’un. Nous soulignerons l’importance de savoir vivre ensemble. Et nous prendrons conscience de la participation active de l’enfant dans la relation éducative.

Ensuite, dans le deuxième chapitre, nous rappellerons à quel point il est essentiel de s’épanouir librement. Nous commencerons par nous pencher sur ce qui motive nos comportements. Nous évoquerons la place qu’occupent les émotions dans notre vie et la manière dont nous pouvons les réguler. Nous mesurerons également l’importance de connaître et de prendre en compte nos besoins essentiels.

Le troisième chapitre nous permettra de (re)découvrir la nécessité des règles dans la gestion de la vie ensemble. Nous comprendrons pourquoi les règles sont nécessaires et repérerons les avantages qu’elles présentent par rapport aux ordres. Nous passerons en revue les caractéristiques d’une règle constructive. Puis, nous envisagerons l’autorité à la lumière des idées actuelles. Enfin, nous verrons qui doit avoir le dernier mot dans la relation parent-enfant et pourquoi.

Chacun de ces trois premiers chapitres se terminera par une synthèse des notions abordées, dans laquelle sera mise en avant la part que le parent peut prendre pour accompagner au mieux l’enfant dans son développement.

Finalement, dans le quatrième chapitre, nous proposerons des balises pour guider la réflexion de tout éducateur, au travers de trois concepts clés de l’éducation actuelle. Éduquer, c’est une relation réciproque qui nécessite écoute et confiance ; c’est aussi un apprentissage qui comporte des essais et des erreurs car bien que ce soit naturel, ce n’est pas toujours évident ; c’est enfin une recherche constante d’équilibre entre sensibilité et exigence, catastrophe et perfection et entre « Tout va bien » et « Rien ne va ».

Vous avez certainement deviné la conclusion (spoiler alert !). Au vu des données présentées dans cet ouvrage, c’est évident. Notre rôle d’éducateur consiste à accompagner nos enfants vers l’épanouissement, à leur apprendre à obéir… et bien plus encore !Dans ce livre, nous exposerons des données, que nous apportent les chercheurs, au sujet du développement des enfants et qui nous renseignent sur les facteurs favorables et les gestes qui entravent, de façon certaine, leur croissance3. À l’issue de cet exposé, vous aurez donc malgré tout à faire des choix, à prendre des décisions et à tenter. La réussite constante ne saurait être garantie. Car ni la science, malgré ses énormes progrès, ni aucun manuel aussi bienveillant soit-il ne peuvent nous dicter précisément la conduite à tenir avec nos enfants. Il y a bien trop de paramètres en jeu dans une relation éducative (la personnalité du parent, ses attentes, la personnalité de l’enfant, l’environnement, les événements vécus…) pour qu’une simple recette puisse réussir à tous les coups. Éduquer un enfant, nous le verrons, c’est aussi essayer, échouer, apprendre… C’est donc à vous de jouer !

2. Phrase (traduite de l’anglais) prononcée lors du « American Council on Education, Washington DC » le 24/02/1997 (SG/SM/6165).https://www.un.org/press/en/1997/19970623.sgsm6268.html

3. Vous pourrez retrouver toutes les études citées (et éventuellement les consulter si vous souhaitez en savoir plus) grâce aux références reprises dans la bibliographie.

CHAPITRE 1 L’enfant : un être humain comme les autres ?

« Nous avions rêvé d’un enfant,

et tu es venu.

Ta présence si forte a chassé le flou

pour laisser place à la netteté de ton visage,

à la lumière de ton regard,

à l’éclat de ton rire

et au déchirement de tes pleurs.

Ta réalité nous a étonnés, bousculés,

émerveillés, meurtris.

C’était toi, notre enfant !

Non pas l’enfant rêvé,

mais un enfant à aimer,

à comprendre, à connaître.

Bien mieux que le rêve,

un homme, une femme qui s’éveille. »

Anne-Laure Fournier le Ray4

Lorsqu’on plante une graine de tomate, on sait que, si tout va bien, c’est un plant de tomate qui poussera et portera (ou non) des fruits. Lorsqu’on décide de prendre en charge l’éducation d’un enfant, l’avenir est bien plus incertain ; le tout petit bébé qui débarque dans le monde peut tout aussi bien être un futur terroriste ou un brillant prix Nobel… Le devenir d’un être humain n’est pas connu d’emblée car, au-delà du bagage génétique dont l’individu dispose, sa trajectoire dépend aussi largement de ce que la personne va vivre et recevoir. Un peu à la manière d’une larve d’abeille qui peut devenir une ouvrière ou une reine selon la nourriture qu’on lui fournit, les enfants humains se construisent et se transforment en fonction de ce qu’ils voient et de ce qu’ils vivent.

C’est pour cette raison que, avant de décider comment nous voulons nous comporter avec notre enfant, il est essentiel de décider pour quoi nous l’éduquons. Quel est l’objectif que nous poursuivons ? Pour chaque parent, la réponse peut être différente et multiple : le rendre heureux, en faire une danseuse étoile, lui transmettre des valeurs de respect et de travail, l’aider à devenir maçon comme son père, lui assurer confort et patrimoine, ou simplement lui permettre de se débrouiller dans la vie… Cependant, quel que soit le projet rêvé par les parents, il y a une constante :

► Éduquer un enfant, c’est accompagner un être humain en développement.

Car, on est bien d’accord, l’enfant est un être humain. Mais est-il véritablement un être humain comme les autres ? Nous nous comportons souvent différemment avec ces petites personnes. Par exemple, il n’est pas rare de voir ce genre de comportements envers un enfant alors que la plupart d’entre nous n’imaginent pas agir de cette manière avec un adulte :

– caresser affectueusement un inconnu sans lui demander son avis ;

– répondre à sa colère en criant : « Tu es infernal(e) ! », « Va te calmer dans ta chambre ! » ;

– lui gazouiller avec une voix haut perchée : « Bouzoubouzoubouzou ! Ouh, mais on a fait un gros caca ! » ;

– commenter son comportement, en sa présence, comme s’il n’était pas là : « Regarde la crise qu’il pique encore ! T’as vu comment il est. Je ne sais pas quoi faire de lui ! » ;

– le secouer fermement quand il ne comprend pas ce qu’on lui explique pour la énième fois ;

– etc.

Nous agissons différemment avec les enfants et, c’est vrai, il n’est pas toujours facile de savoir les attitudes qu’il est souhaitable, ou non, d’adopter avec un petit d’Homme. Il est évident qu’un enfant, ce n’est pas comme un adulte. Il suffit de voir leurs comportements : les bébés pleurent comme si leur vie en dépendait, les enfants crient et se roulent par terre pour obtenir ce qu’ils voudraient, les petits bougent tout le temps, ils n’écoutent pas ce qu’on leur demande et ne savent pas vraiment ce qu’ils veulent… Même le plus fervent défenseur des droits de l’enfant n’imaginerait pas donner le droit de vote aux bébés ! L’enfant serait-il alors un être humain, mais différent, avec qui on peut (ou on doit ?) se comporter autrement que vis-à-vis d’un adulte ? La différence entre les enfants et les adultes justifie-t-elle tous les comportements que nous nous permettons avec nos enfants ? Quels sont les gestes éducatifs qui aident l’enfant à grandir ?

Dans ce chapitre, nous essaierons d’envisager un objectif éducatif réaliste. Pour ce faire, nous commencerons par dégager, dans l’état actuel des connaissances, les caractéristiques de l’être humain et les particularités du stade de l’enfance qu’il est utile de prendre en compte en éducation. Nous verrons que le bébé a un potentiel immense qui pourra se déployer de manière optimale s’il est entouré de soins attentifs et bienveillants. Nous envisagerons l’importance des autres dans la vie de tout être humain. Et nous soulignerons la participation active de l’enfant dans la relation éducative.

1. Un haut potentiel à déployer

« L’amour ne donne aucun droit sur l’autre, seulement le devoir de le respecter. »

Jacques Salomé

Commençons par définir ce que nous entendons par « être humain ». Il s’agit là d’une vaste question, débattue, depuis bien longtemps, dans de nombreuses disciplines :philosophie, biologie, sociologie… L’Homme aimerait comprendre ce qui fait son humanité, ce qui le différencie des autres espèces animales. Beaucoup de réponses ont été proposées parmi lesquelles l’usage d’outils, le langage, l’intelligence… Mais de nombreuses hypothèses ont été mises à mal par l’observation d’animaux, d’autres espèces, possédant les mêmes caractéristiques :certains oiseaux utilisent des bâtonnets pour attraper des insectes, les abeilles ont un système de communication élaboré, sans oublier les dauphins et les primates dont l’intelligence est impressionnante. Il y a pourtant bien des différences, ne serait-ce que cette recherche constante d’explications et de sens que manifeste l’être humain !Malgré tout, de nombreuses découvertes sont encore à réaliser et nous ne prétendons pas offrir ici une réponse complète et définitive. Car une chose est sûre, la nature n’a pas fini de nous surprendre !

D’un point de vue biologique, l’être humain est défini par son génome (c’est-à-dire l’information génétique contenue dans le noyau de chacune des cellules de l’organisme, sous la forme de chromosomes). Chaque espèce a, en effet, un bagage génétique qui lui est propre et permet de la distinguer des autres espèces. C’est la « composition » de nos chromosomes qui détermine que nous avons deux bras et deux jambes, deux oreilles de taille modeste et un nez plutôt qu’une trompe, etc. Donc, dès que l’ovule d’une femme fusionne avec le spermatozoïde d’un homme, nous obtenons une cellule à génome humain. Techniquement parlant, nous sommes donc des« êtres humains », dès le moment de notre conception.

Un cerveau hors normes

Une des particularités du génome humain, c’est qu’il nous dote d’un cerveau exceptionnel. Il a pour caractéristique d’être hyperperformant et n’a pas d’équivalent chez les autres animaux. L’être humain est le seul être vivant, connu à ce jour, à posséder un tel outil. Grâce à ce cerveau, nous pouvons développer des facultés cognitives complexes, un langage articulé, une créativité sans limites, de l’humour, etc. Il fait de nous une espèce hors du commun.

Pourtant, nous n’avons pas le plus gros cerveau de toutes les espèces animales. Le cerveau d’un humain adulte pèse, en moyenne, 1 kg 350 alors que celui du cachalot (qui détient le record) s’approche des 8 kg ! Par contre, si l’on tient compte du rapport entre la masse du cerveau et la masse totale de l’individu (on obtient un coefficient d’encéphalisation), l’humain se débrouille assez bien. Notre cerveau est considérablement volumineux proportionnellement à la taille de notre corps. Toutefois, le coefficient d’encéphalisation n’est pas un outil assez précis pour expliquer les variations d’intelligence au sein d’une même espèce. Le cerveau d’Albert Einstein était légèrement plus léger que la moyenne5 ! La taille du cerveau n’est donc pas un facteur suffisant à lui seul pour expliquer sa spécificité.

Du côté des cellules qui le composent (les neurones), une des hypothèses consistait à penser que c’est leur nombre qui détermine l’intelligence. Jusqu’à ce qu’on découvre que le globicéphale (de la famille des dauphins) possède environ deux fois plus de neurones que l’être humain adulte6 ! Les recherches se poursuivent et portent à présent sur les cellules elles-mêmes (le type de neurones, leur forme…).

La complexité de notre cerveau dans son ensemble explique, en partie, ses hautes performances. On peut schématiser le cerveau humain en trois entités qui, chez l’adulte, fonctionnent ensemble pour optimiser nos comportements.

Figure 1. Les trois entités cérébrales

En voici les caractéristiques, selon la description donnée par la pédiatre française, Catherine Guéguen7 :

Tableau 1. Les caractéristiques des trois entités cérébrales

Toutefois, la caractéristique déterminante du genre humain, mise en évidence par les chercheurs, est l’immaturité du cerveau humain à la naissance. L’espèce humaine est celle dont le cerveau va le plus se développer au cours de sa vie. Le bébé humain a, à la naissance, un cerveau qui ne fait que 28 % de son poids définitif et il faudra environ 25 ans pour que les grandes transformations cérébrales soient achevées et que l’on parle de cerveau mature. D’autres espèces animales naissent avec un cerveau qui doit encore mûrir, mais c’est chez l’être humain qu’a lieu la plus longue et la plus impressionnante transformation. Cela veut dire que nous arrivons sur terre avec un potentiel d’apprentissage inégalé. Nous allons construire notre savoir, élaborer nos connexions cérébrales en fonction de ce qui se présentera à nous.

Aux environs de huit semaines après la fécondation, les structures cérébrales principales sont en place chez le fœtus8. Mais le cerveau continuera son développement pendant plusieurs années. Il va doubler de taille pendant sa première année de vie et atteindre à l’âge de trois ans 80 % de son volume final. Le cervelet, par exemple, va tripler de volume. On associe cette croissance aux importantes acquisitions motrices réalisées par l’enfant de cet âge.

Le tout-petit, à son arrivée, n’est pas d’emblée une grande personne, mais il a la possibilité de le devenir. Éric Charmetant, un philosophe français contemporain, introduit le concept de « personne en puissance »9. Selon lui, le bébé est « appelé » à devenir une personne. Il précise : « En outre, si tout être humain détient la capacité de devenir une personne et se distingue en cela de l’animal, il ne faut surtout pas oublier que le concept de “personne” représente un idéal et un achèvement de l’être humain. » En effet, si notre bagage génétique fait de nous des êtres humains dès la fécondation, nous aurons à mûrir, grandir, apprendre, avant d’être capables de déployer tout notre potentiel.

À la naissance, le bébé possède à peu près autant de neurones qu’un adulte. Mais, le cerveau humain fabrique des milliards de synapses (connexions entre les neurones) pendant et également après la grossesse. Pendant ses deux premières années de vie, le petit humain va établir une quantité phénoménale de connexions. Au cours de sa troisième année, le nombre de synapses atteint son niveau maximum. Dans certaines zones cérébrales, on peut compter jusqu’à 50 % de connexions de plus que chez l’adulte10. Après cette croissance impressionnante, va commencer ce que les neuroscientifiques appellent l’« élagage synaptique ». À la manière d’un arbre que l’on taille, pour renforcer les branches choisies, le cerveau va sélectionner les connexions utiles et abandonner les autres. Mais comment sélectionne-t-il ? Les connexions qui seront gardées sont celles qui sont le plus souvent utilisées. En pratique, le cerveau d’un enfant va être modelé par ce à quoi il est confronté chaque jour. Si un enfant est témoin de violence et de gestes agressifs tous les jours, son cerveau va renforcer les circuits qui gèrent la violence. À l’inverse, tous les comportements bienveillants dont il est témoin vont inciter son cerveau à maintenir les connexions nécessaires pour agir de la sorte.

Les premières années de vie sont donc décisives dans le développement du cerveau et la structure qu’il aura à l’âge adulte. Le jeune enfant est très fortement influençable et extrêmement réceptif aux comportements des adultes qui l’entourent. Les expériences vécues intensément ou fréquemment par l’enfant vont marquer son devenir, non seulement dans sa mémoire, mais dans la structure même de son cerveau.

► La bienveillance et le maternage permettront un développement optimal du potentiel cérébral.

Des apprentissages spécifiques

À première vue, le bébé humain n’est pas forcément impressionnant ; il semble plutôt incompétent. Son potentiel ne saute pas aux yeux… Nous arrivons sur terre dépendants et bien moins capables que beaucoup d’animaux. Le déplacement bipède, par exemple, demandera près d’un an pour être acquis ; là où la plupart des autres bébés animaux mettent, tout au plus, une heure pour être autonomes dans leur mobilité. Autre exemple, nous avons à la naissance, la faculté d’apprendre toutes les langues de la terre, mais nous n’en maîtrisons aucune ; communiquer avec un nouveau-né peut sembler mission impossible. Il faudra plusieurs années pour arriver à une maîtrise du langage oral puis plusieurs encore pour la communication écrite. À l’aube de notre vie, nous sommes également incapables de moduler volontairement nos émotions. Voilà pourquoi le jeune enfant se roule par terre lorsqu’il est contrarié ; ses émotions le submergent, bien malgré lui. Heureusement, réguler tout ça peut s’apprendre aussi.

Nous arrivons effectivement sur terre avec la possibilité d’acquérir des compétences impressionnantes. L’être humain est non seulement capable d’absorber une immense quantité d’informations, mais peut également apprendre à effectuer des raisonnements complexes, à planifier ses actions et à concevoir des solutions originales pour résoudre les problèmes qu’il rencontre. Les neuroscientifiques parlent actuellement de « fonctions exécutives » pour désigner les compétences nécessaires à une personne pour prendre des décisions pertinentes face à une situation non routinière. L’enfant devra développer ces outils tels que la mémoire de travail, le contrôle inhibiteur et la flexibilité cognitive11 pour parvenir à des raisonnements aboutis.

Outre ces aptitudes à la réflexion logique, l’être humain peut développer d’autres capacités non négligeables. L’imagination et la créativité permettent à certains de développer de véritables talents artistiques. Nous pouvons également acquérir une maîtrise de nous-mêmes : identifier nos besoins et mettre en place le moyen d’y répondre ; ainsi que gérer nos émotions. Par ailleurs, une personne solidement construite sera capable de « résilience ». Ce concept est défini par Boris Cyrulnik, neuropsychiatre français, comme ceci : « Reprendre un développement après une agonie psychique ». Concrètement, il s’agit pour un individu de retrouver une manière de fonctionner après avoir vécu un événement impensable, qui semble intolérable. L’être humain a la faculté de se reconstruire après un traumatisme ; grâce au soutien affectif d’autres humains (empathie, altruisme, écoute, patience…) et à ses capacités personnelles (mentalisation, narration de soi, imaginaire…). Avec le temps, la personne va pouvoir donner un sens à la tragédie et continuer à vivre.

Parallèlement à cela, le langage articulé, que nous savons apprendre, nous donne une faculté à interagir avec les autres, qui dépasse toutes les organisations animales. Nous sommes capables de coopérer, de façon flexible et avec un très grand nombre d’individus, même s’ils sont de parfaits inconnus ! C’est d’ailleurs ce qui constitue le pouvoir exceptionnel des êtres humains, selon Yuval Noah Harari (un historien qui cherche, entre autres, à expliquer pourquoi les humains dirigent le monde12). La communication que nous pouvons apprendre nous permet, en effet, de collaborer avec nos pairs et de leur transmettre efficacement notre savoir. Nous profitons donc d’une intelligence collective puissante. Si l’être humain est arrivé sur la lune, ce n’est pas grâce à une personne, mais c’estparce que de nombreuses personnes ont choisi de travailler ensemble, d’échanger leurs connaissances et de se faire confiance.

Y. N. Harari explique, en outre, que l’être humain est le seul être vivant à concevoir des réalités fictionnelles (comme les religions, par exemple) et à communiquer à ce sujet. Les animaux ne communiquent qu’à propos de choses concrètes, palpables. La faculté suprême de l’Homme est sans doute de savoir créer, de toutes pièces, des systèmes universels (comme le système monétaire, par exemple) qui, sur base de conventions, mettent en relation des milliards d’individus.

Les découvertes récentes nous apprennent que l’acquisition de toutes ces compétences est déterminée par la qualité des interactions dont l’enfant bénéficie. De multiples recherches attestent que les expériences relationnelles vécuespar les enfants influencent profondément leur comportement, leur santé et leur développement cérébral. Des études sur des rongeurs, comme celle de Michael J. Meaney par exemple13, montrent que la qualité des soins maternels influence le développement cérébral (certaines zones du cerveau sont plus développées quand le bébé rat a bénéficié d’un maternage14attentif) et les réponses au stress (moins le bébé rat a été choyé, plus il est facilement stressé). Les observations systématiques d’enfants maltraités15 démontrent également l’importance de la bienveillance et du maternage, offerts par l’entourage proche, sur le développement cognitif et émotionnel.

Tous les comportements que nous adoptons fréquemment en présence de l’enfant vont entraîner son cerveau dans ce domaine. Quand nous sommes témoins (ou victimes) de violence, notre amygdale cérébrale16 (centre d’alerte du cerveau) s’active et déclenche une réaction de stress. C’est pourquoi, si nous faisons souvent preuve d’agressivité devant notre enfant (colère, reproches…), son amygdale deviendra hyperactive. Les personnes ainsi« équipées »sont alors beaucoup plus sensibles au stress et plus enclines à la colère ou la dépression. À l’inverse, si nous tenons compte des besoins réels de notre enfant et que nous faisons preuve d’empathie pour ses émotions, il développera son cortex préfrontal et deviendra, lui aussi, capable de tenir compte des émotions et des besoins (les siens et ceux des autres).

► Le respect que nous manifestons au tout-petit humain devrait être à la hauteur de son potentiel : immense.

2. L’importance des autres

« Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants. (Mais peu d’entre elles s’en souviennent.) »

Antoine de Saint-Exupéry17

Comme nous l’avons déjà dit, bien qu’il soit potentiellement capable de grandes choses, l’être humain à sa naissance est totalement dépendant des autres. Ce sont les soins bienveillants des adultes qui permettront le bon développement cérébral du nouveau-né. Et, nous l’avons également mentionné, c’est la coopération de ses membres qui fait la puissance de l’espèce humaine. En réalité, nous sommes, par nature, des êtres grégaires, c’est-à-dire faits pour vivre en groupe. Mais mesurons-nous réellement l’impact, pour chacun d’entrenous, de fonctionner ensemble au quotidien ?

Mieux ensemble

Les bébés pleurent « comme si leur vie en dépendait », simplement parce que leur vie en dépend réellement ! Notre survie, au départ, est fonction du bon vouloir des autres. Pour rester en vie, nous avons besoin d’être nourris, déplacés, mis en sécurité, etc., mais pas seulement. Pour nous développer correctement, nous avons aussi besoin d’être en relation et de recevoir de l’affection.

Un épisode douloureux de l’Histoire de l’humanité a tristement permis de confirmer les théories des chercheurs à ce sujet. Dans les années 1960, le dictateur Nicolae Ceausescu, bien décidé à repeupler la Roumanie, prend des mesures drastiques. Par décret, il interdit l’avortement et réglemente le nombre d’enfants : les couples sans enfants doivent payer des impôts supplémentaires et un pourcentage du salaire est prélevé jusqu’à la naissance du cinquième enfant. Les naissances augmentent alors rapidement, mais beaucoup de parents n’arrivent pas à prendre en charge financièrement tous ces enfants. On parle de 100 000 à 150 000 enfants abandonnés à la fin du régime communiste en 1989. Les orphelinats d’État sont surchargés et les enfants sont entassés dans des conditions déplorables. Les membres du personnel, beaucoup trop peu nombreux, n’ont pas le temps de les prendre dans les bras ni d’interagir avec eux. Ces enfants grandissent donc sans recevoir d’affection.

Après la fin de la dictature, des études ont été menées par des chercheurs américains, pour évaluer l’impact de ces conditions de vie sur le développement des enfants dans les orphelinats de Bucarest. Ils ont également mis en place des familles d’accueil pour une série d’entre eux. Dans l’une de ces études18, il apparaît que les enfants qui ont grandi dans ces orphelinats ont, par rapport à leur âge, un poids, une taille et un périmètre crânien plus petits (en moyenne) que les enfants roumains ayant grandi dans leur famille d’origine. Des psychologues ont évalué leur quotient intellectuel et leur quotient de développement (moteur, comportemental…) qui sont également bien inférieurs à ceux des enfants non abandonnés. L’étude a par ailleurs permis de démontrer que les enfants retirés de ces orphelinats et placés dans des familles d’accueil ont vu leurs facultés intellectuelles et leur développement s’améliorer. Enfin, les résultats montrent que plus les enfants sont pris en charge tôt au sein d’une famille, plus l’amélioration est forte. Il est donc clair que les enfants ont besoin d’attention, de contacts physiques affectueux et de paroles encourageantes pour devenir des adultes intelligents.

Cela dit, notre besoin de relations et d’affection ne s’arrête pas après l’enfance. Devenir un adulte « autonome », c’est savoir identifier ses besoins (matériels et psychologiques) et mettre en place les moyens d’y répondre. Cela ne veut pas dire que l’on doive tout faire tout seul. Un adulte qui ne construit pas sa maison lui-même, qui ne fabrique pas sa voiture ou son ordinateur n’est pas considéré comme « dépendant ». Nous sommes membres d’une société, nous vivons par et pour les autres. D’ailleurs, nos bonnes relations aux autres nous permettent de vivre en meilleure santé, plus heureux et plus longtemps.

Une étude exceptionnelle19, menée par des chercheurs de Harvard depuis plus de 75 ans, a permis de le prouver. Robert Waldinger, actuel directeur de l’étude, a expliqué lors d’une conférence TED que 724 hommes ont été interrogés (sur leur vie privée et professionnelle) et observés (y compris leur dossier médical) depuis 1939. Deux groupes ont été sélectionnés au départ : l’un avec des étudiants de l’Université de Harvard et l’autre avec des jeunes venant des quartiers les plus pauvres de Boston. Puis, ces adolescents ont grandi et ont atteint l’âge adulte. Ils sont devenus ouvriers et avocats, maçons et docteurs ; l’un d’entre eux (un certain John F. Kennedy) fut président des États-Unis. Certains sont devenus alcooliques, quelques-uns schizophrènes, certains ont grimpé l’échelle sociale du bas jusque tout en haut et certains ont fait le voyage dans l’autre sens.

Après avoir scruté ces hommes jusqu’à leurs 80 ans, les chercheurs ont regardé en arrière. Ils ont étudié les données récoltées quand les sujets avaient 50 ans et ont cherché à savoir ce qui permettrait de prédire qui deviendrait un heureux octogénaire et qui ne le deviendrait pas. Le seul élément déterminant était : les bonnes relations humaines. Les gens les plus satisfaits dans leurs relations à l’âge de 50 ans (peu importe leur taux de cholestérol ou le contenu de leur compte en banque) étaient ceux qui étaient en meilleure santé à l’âge de 80 ans.

Cette étude nous apporte trois informations capitales. Premièrement, elle nous apprend que les gens qui sont plus connectés socialement à leur famille, leurs amis, leur communauté, sont plus heureux, en meilleure santé physique et vivent plus longtemps que les gens qui sont moins bien connectés. Deuxièmement, elle a mis en évidence que c’est la qualité de ces relations proches qui compte et non pas le nombre d’amis que l’on a ou le fait d’être en couple ou non. Vivre au milieu d’un conflit s’avère être très mauvais pour notre santé. Enfin, cette étude va plus loin, elle démontre que les bonnes relations ne protègent pas que notre corps, elles protègent également notre cerveau.

► À tout âge, nous avons besoin des autres pour vivre mieux.

Le rapport de force

Les études nous éclairent sur les conduites de l’entourage qui favorisent le développement du néocortex. L’attention et l’affection des adultes pour l’enfant permettent un développement cérébral optimal chez celui-ci. Les recherches démontrent également qu’à l’inverse les remarques blessantes20, les commentaires négatifs au sujet de la personne (même si l’on ne s’adresse pas directement à elle) et, a fortiori, les comportements violents21 (comme secouer un enfant lorsque nous sommes à bout de patience) sont néfastes et entravent la croissance du cerveau. Catherine Guéguen explique que de nombreux travaux scientifiques attestent aujourd’hui des conséquences négatives des« Violences Éducatives Ordinaires22