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Partez à la découverte du fantastique avec ce Grand Article Universalis !
En principe, le fantastique dans la nature, dans les arts plastiques, dans la littérature devrait sinon être identique à lui-même, du moins relever de critères immédiatement identifiables, qui permettraient de le circonscrire avec évidence. Il n'en est rien ...
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Veröffentlichungsjahr: 2017
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ISBN : 9782341004626
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Photo de couverture : © Ponsulak/Shutterstock
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En principe, le fantastique dans la nature, dans les arts plastiques, dans la littérature devrait sinon être identique à lui-même, du moins relever de critères immédiatement identifiables, qui permettraient de le circonscrire avec évidence. Il n’en est rien. En premier lieu, « fantastique naturel » peut sembler une sorte de contradiction dans les termes, puisque fantastique signifie violation d’une régularité immuable. Une telle régularité fondamentale, hors de portée de toute manipulation ou plutôt que l’industrie humaine ne saurait altérer qu’en lui obéissant, est bien la seule définition qu’on puisse proposer de la nature, si bien que le concept de fantastique naturel ne paraît pas résister à l’examen. Cependant, on entend couramment parler d’un paysage fantastique ou même d’un animal fantastique, qui n’est pas obligatoirement un animal fabuleux ou mythologique. C’est que le site ou la bête présentent une apparence qui semble alors défier le jeu normal des lois naturelles.
Entre les arts plastiques (arts de l’espace : peinture, gravure, écriture, architecture...) et les arts discursifs (ou de la durée : littérature, danse...), quand il s’agit d’y définir les différentes manifestations du genre fantastique, il n’est pas aisé d’établir des correspondances. Les arts plastiques sont des arts de l’instantané, où tout est donné à voir simultanément, tandis que les récits impliquent une succession d’événements qui s’enchaînent d’une manière prévisible ou inattendue, mais qui, en tout cas, supposent une attente, un parcours conduisant à un dénouement. Dans un cas, la donnée fantastique est présente au départ, dans l’autre, elle interrompt ou conclut une suite de péripéties. Il s’ensuit que les deux techniques ne peuvent coïncider, même si parfois elles se correspondent : entre l’une et l’autre, sinon des analogies, du moins des convergences se font jour.
Le merveilleux, tel qu’il apparaît dans Les Mille et Une nuits, dans les contes de Grimm ou de Perrault, dans les créations plus savantes d’Andersen ou d’Oscar Wilde, évoquerait assez bien les tableaux de Jérôme Bosch et de Grandville, ou encore ceux des peintres surréalistes : si un parti pris de dérouter ou de prendre les choses à l’envers ne venait, dans ces derniers cas, se substituer à une candide spontanéité. En tout cas un univers entièrement irréel est procuré d’entrée de jeu. Rien n’y est discordant par rapport à un merveilleux général dont il ne reste plus qu’à dénombrer les détails cocasses ou effrayants. À la simultanéité du tableau, fait écho l’univers du récit, donné dès la première ligne comme « tout autre », de sorte que le déroulement des épisodes ne saurait y introduire l’insolite : il n’y a pas irruption, mais continuité du merveilleux.
À l’inverse, les tableaux, dont le mystère n’apparaît qu’à l’examen et demeure longtemps secret, évoquent à juste titre les contes qui ont pour décor la vie quotidienne la plus banale, que vient troubler à l’improviste un être ou une chose qui n’y saurait trouver place. Cette fois, l’ordre successif du récit a pour équivalent le temps nécessaire pour déchiffrer le tableau, pour y remarquer le détail inquiétant qui compromet la sérénité de la scène représentée, qui en annule ou en bafoue la réalité. De ce fantastique-là, Les Ambassadeurs de H. Holbein et Les Âmes du Purgatoire de Giovanni Bellini fournissent d’éloquents exemples. Il existe ici comme une lecture lente du tableau. Celui-ci exige du spectateur une véritable acclimatation : il le prépare subrepticement à un scandale imminent. Ce brusque renversement des données correspond à la conversion radicale des contes lorsque le fantastique apparaît et introduit subitement le lecteur dans un univers différent. Dans les deux cas, le sujet compte moins que la manière de le traiter : l’auteur se garde de souligner l’élément inacceptable ; encore moins en fait-il une règle ; au contraire, dans un premier temps, il le dissimule afin d’en multiplier le pouvoir, au moment où éclatera son irrécusable flagrance.
De cette manière, la féerie en littérature fait pendant en art au fantastique déclaré, comme l’angoisse insidieuse du surnaturel de terreur est parallèle au fantastique insinué ees tableaux où l’on n’aperçoit pas d’abord ce qui offusque la vraisemblance. Ne constaterait-il que ce parallélisme, l’observateur serait fondé à affirmer que les catégories de l’imaginaire se retrouvent fidèles à leur nature dans les divers domaines, œuvres contées ou spectacles offerts, où elles tentent de délivrer un message ambigu et mystérieusement menaçant.
Par définition ou presque, l’intervention fantastique s’oppose à l’ordre naturel. Elle apparaît fondamentalement « surnaturelle » et même violation, au moins apparente, de la nature et de ses lois. C’est ainsi qu’un paysage peut paraître fantastique, comme il arrive pour les cônes de Göreme en Cappadoce centrale, pour le Torcal en Andalousie, ou pour la Vallée de Feu dans les montagnes Rocheuses et pour combien d’autres sites où l’érosion a élevé des simulacres de tours, de palais ou d’animaux gigantesques. De la même façon, un arbre, une fleur, une racine, un insecte (ou le détail d’un insecte, comme le dessin de la tête de mort sur le corselet d’Acherontia Atropos), un poisson, un oiseau, un saurien peuvent être dits fantastiques, encore qu’ils soient des produits de la nature, si leur aspect surprend, déroute ou inquiète, au point qu’ils ne paraissent pas pouvoir être ce qu’ils sont.
Dans ces conditions, il convient d’essayer de définir comment un élément de la nature inerte ou vivante peut donner l’impression d’échapper à ses normes et même de les moquer effrontément. La rareté et l’étrangeté jouent ici un rôle essentiel. Rien que dans le monde des vertébrés, à côté des créations de la fable (sphinx, chimères, centaures, sirènes, hippogriffes, etc.), il existe des animaux comme les licornes, qui ont longtemps été catalogués et décrits dans les ouvrages de sciences naturelles. Il en est d’autres, à l’inverse, qui y figurent depuis peu, qui existent bien réellement et qu’on a récemment découverts. Leur morphologie est si apparente que le lecteur les jugerait volontiers plus profondément irréels et « impossibles » que les monstres des légendes.
Parmi les scandales qui, d’évidence, passent la mesure admissible, on peut citer comme particulièrement « inacceptables », outre un mammifère de l’Amérique du Nord, la taupe à nez étoilé ouCondylura, un homoptère du nord du Brésil, le fulgore porte-lanterne. Cet insecte a suscité de nombreuses polémiques parmi les naturalistes, du fait de la luminosité qui lui a longtemps, et à tort, été attribuée. Les Indiens de la Guyane l’estiment capable d’infliger de véritables blessures. Ils sont persuadés qu’il est extrêmement venimeux et le redoutent le plus quand, au crépuscule, il vole en décrivant de larges cercles. Ils colportent notamment qu’un fulgore, surgissant de la forêt, attaqua une embarcation où se tenaient neuf personnes. Huit moururent. Le pilote, seul, se sauva en se jetant dans la rivière. Victor Hugo fait de l’insecte un symbole et l’associe, porté peut-être par la rime, à la démoniaque mandragore. Il semble donc que quelque chose, en cette sorte de cigale, fascine l’imagination sous toutes les latitudes, bien que l’espèce en soit étroitement localisée. En fait, l’insecte arbore une protubérance céphalique qui simule avec une notable précision une tête d’alligator. La couleur et le relief s’allient pour y dessiner les dents effrayantes d’une formidable mâchoire. Une arcade énorme protège un semblant d’œil globuleux, où la tache blanche qu’on y aperçoit représenterait un reflet de lumière. Un auteur insiste sur le fait que la proéminence des yeux et des fosses nasales imitent les saillies qui permettraient à un saurien de voir et de respirer même complètement immergé. Derrière cette gueule, à la fois naine et géante, où tous les traits sont exagérés, presque caricaturaux, mais parfaitement modelés, on distingue à peine la tête minuscule de l’animal et deux points noirs et brillants, quasi microscopiques : ses yeux. La poche creuse est superflue. Pour comble, on ne saurait penser à quelque mimétisme. Pour quelle raison un homoptère qui vit sur les arbres et qui vole autour d’eux irait-il s’affubler d’une tête de saurien longue d’un centimètre et demi ? Là réside le fantastique naturel.
Quant à la taupe à nez étoilé elle déploie, autour de son museau de vertébré souterrain, une couronne de vingt-deux courts tentacules de chair rose vif, mobiles, sensibles, rétractiles, à volonté flasques ou tendus, très vaguement comparable à une étoile de mer compliquée ou à quelque horrible corolle.
Dans les deux cas, l’observateur en croit à peine ses yeux et s’imagine en présence de créatures de cauchemar, qui contredisent la réalité plus qu’elles n’en émanent. Si l’on y réfléchit, l’effet de surprise ne repose pas sur le même mécanisme. Pour le fulgore, l’élément déconcertant vient de la présence d’un masque creux et saugrenu, à l’image de la gueule d’un animal dont son porteur volant diffère par tout le reste et avec lequel jusqu’à sa taille empêche qu’il soit confondu. La ressemblance stupéfie et paraît inexplicable, dans la mesure justement où elle est précise, frappante et, en même temps, inutile. Au contraire, l’auréole ondoyante de Condylura épouvante, parce qu’elle n’évoque aucune forme connue, parce qu’elle compose avec des éléments disparates une donnée répugnante et inédite.
De pareils phénomènes, on pourrait multiplier les illustrations et montrer qu’à chaque fois une certaine mythologie ou une fascination particulière se trouve attachée à l’animal insolite, qu’il s’agisse de l’araignée, de la pieuvre, de la chauve-souris, de la mante religieuse, de l’hippocampe.
Ce dernier exemple mérite peut-être un examen particulier, du fait que ce poisson ne ressemble pas tellement à un cheval réel. Par la façon dont il est, pour ainsi dire, taillé, par son absence de pattes et, quasi, de corps, sans compter ses déplacements verticaux et ses soubresauts obliques, il évoque bien davantage un cheval fabriqué par l’homme, un cheval de jeu d’échecs.
Une convergence identique des effets de la nature et de ceux des ouvrages humains, mais portée à quel paroxysme, au-delà même des équivoques du fulgore et de la taupe Condylura, se laisse constater chez une araignée de Floride, Cyclocosmiatruncata