Fatales rencontres - Jacky Ricart - E-Book

Fatales rencontres E-Book

Jacky Ricart

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Beschreibung

À Berck-Plage et Cambrai, le meurtre d’une adolescente et d’une jeune femme, enlevées, violées, puis sauvagement assassinées à quelques jours d’intervalle, plonge la région dans l’effroi. La police judiciaire de Lille s’engage dans une traque méthodique et implacable pour révéler l’identité des coupables et les confronter à leurs crimes. Une enquête haletante, où chaque page dévoile un peu plus l’étendue du mystère. Mais jusqu’où la vérité peut-elle conduire lorsque la noirceur dépasse l’imaginable ?


À PROPOS DE L'AUTEUR

Jacky Ricart, ancien commandant divisionnaire de police, a principalement exercé dans les services d’investigation et de recherche en Normandie et dans le Pas-de-Calais. Il a achevé sa carrière en tant que Chef de circonscription de police à Berck-sur-Mer. Cet ouvrage est son septième roman.

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Seitenzahl: 325

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Jacky Ricart

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fatales rencontres

Roman

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Jacky Ricart

ISBN : 979-10-422-6242-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

Chapitre 1

 

 

 

Berck-Plage, le 14 juillet 2021, 22 h 30

 

Des gerbes multicolores parsèment le ciel de Berck-Plage : rouges, vertes, argentées, dorées, et toujours avec des fusées aux formes différentes. Les sons qui tonnent en pétarade arrivent toujours un peu après.

— Le son parvient toujours plus tard à nos oreilles, l’image est immédiate. C’est comme les orages, l’éclair précède toujours le coup de tonnerre, l’image toujours avant le son, explique Antoine d’un ton professoral à ses deux filles, pas mécontent de lui.

Angèle, l’aînée, petite espiègle, presse la main de sa petite sœur et en gloussant discrètement, lui glisse à l’oreille :

— Il est gentil papa, il croit que l’on ne le savait pas, bof… Il est content.

Plus bas, au sol, par intermittence, scintillent des jets de lumière argentés ou dorés avec un fort bruit de sifflement. Ces multiples illuminations et les sons assourdissants qui les accompagnent ne sont pas du goût de tous, notamment des volatiles marins. Les goélands et les mouettes, entre autres, terrifiés par ce vacarme, se sont terrés bien loin. Leurs espaces naturels habituels – ciel, plages et dunes – leur sont confisqués en cette soirée du 14 juillet 2021 et il en est de même pour toute la faune locale tétanisée par cette ambiance tonitruante. Les jeux de lumière qui illuminent le ciel avec des reflets saisissants sur la mer enchantent les nombreux spectateurs en cette chaude soirée d’été. La foule, massée sur l’esplanade, apprécie le spectacle par des onomatopées diverses, surtout des… OOOOH !

Antoine et Alice Duprat et leurs deux filles, Angèle et Apolline, occupent depuis le début de la semaine un appartement situé dans la rue Charles de Gaulle à Berck-Plage. Ils l’ont loué pour une durée d’une semaine à compter du samedi 10 juillet. Ce soir, ils se tiennent par la main, afin de ne pas se séparer et éviter de se perdre au sein de cette foule dense. La canicule s’est installée depuis quatre jours et un minimum de vêtements s’impose. Le père est en bermuda avec un tee-shirt léger, la mère porte un short court et un fin débardeur, Angèle et Apolline supportent une courte et légère minijupe et un fin tee-shirt sans manches.

 

Les Duprat, tous deux presque quadragénaires, avaient choisi d’un commun accord de prénommer leurs filles avec la lettre A en tout début, comme les leurs. Il y eut donc Angèle, qui aura ses quinze ans fin août, puis Apolline qui aura ses treize ans au début du mois de novembre.

Antoine, Alice, Angèle et Appoline ont voté : le prénom du prochain bébé est déjà en magasin, ce sera Amélia ou Arthur.

 

Début août, et pour une durée de trois semaines, les filles partiront en colonie de vacances dans les Alpes près de Gap. Madame, qui travaillait à temps partiel, a enfin été employée à temps complet au Centre Hospitalier avec un CDI, en qualité d’aide-soignante. Ajouté au salaire du père, chef d’atelier au garage Renault, les revenus du couple se sont nettement améliorés depuis un peu plus d’un an. Ceci fait qu’alors que les enfants seront dans les alpes, Antoine et Alice s’offriront un séjour en amoureux en Alsace, dans un hôtel situé près de Kaysersberg. Ces vacances se présentent donc au mieux pour la famille Duprat, d’autant plus qu’une présence constante du soleil est annoncée partout en France par les bulletins météorologiques, avec toutefois une canicule parfois insupportable et une sécheresse inquiétante. Peu importe, tout va bien, les parents et les enfants sont enchantés.

Une dernière forte détonation clôt le feu d’artifice. Une fumée épaisse et dense descend doucement sur le sable. Un écran marbré de gris et de noir masque pendant quelques instants une partie de l’horizon. Les Duprat demeurent jusqu’à la retombée de cette fumée et la dispersion de la foule. Bien sûr que les filles avaient déjà assisté à des feux d’artifice, mais là, au bord de la mer, avec des reflets sur l’eau, c’était autre chose.

 

Ravis, oui, ils le sont, pour le moment… Car ce mot a un autre sens.

 

— Et si on allait faire un tour dans la grande roue, demande Angèle à sa sœur.

— Je veux bien, mais demande à Papa.

La jeune fille s’approche de son père, lequel est en grande discussion avec un homme qu’il semble connaître. Elle le tire par la manche.

— Papa, on va à la grande roue, tu peux nous donner un peu d’argent.

La maman intervient afin que son époux ne soit pas distrait et leur glisse un billet de vingt euros.

— Vous me rapporterez la monnaie et soyez prudentes. On vous attend ici à la terrasse de ce café à l’enseigne : « La plage ».

 

Les filles se dirigent vers la « grande roue » installée sur le lieu-dit : « l’entonnoir », endroit bien connu des gens de la région. Sa configuration en forme d’un triangle, bordé par deux rues qui s’élargissent vers l’esplanade, explique cette appellation. Le manège est situé à une centaine de mètres de la terrasse de la brasserie « La plage » où se sont installés les parents.

Les nacelles sont bien remplies, seule Angèle parvient à se glisser dans l’une d’elles déjà occupée par d’autres personnes, dont un jeune homme, d’une vingtaine d’années qu’elle côtoie.

Apolline, déçue, est restée sur place, elle voulait être à côté de sa sœur. Non, elle ne montera pas toute seule. Elle demeure au pied de l’attraction et crie à sa sœur avant le démarrage du manège.

— Angèle, Angèle, je n’ai pas de place à côté de toi ! Je m’en vais !

Elle réalise que sa sœur ne semble pas l’entendre, elle discute avec le garçon assis à ses côtés.

Sa décision est prise, tant pis, elle retourne rejoindre ses parents.

— Déjà ? Mais où est donc Angèle ? demande la maman.

— Il y a trop de monde, je n’ai pas pu monter avec elle et je ne veux pas y aller toute seule, voilà, répond-elle en pleurnichant quelque peu.

— Nous ne sommes pas encore partis. D’ici samedi, tu auras l’occasion d’y retourner, car il y aura beaucoup moins de monde, crois-moi.

Apolline s’assied sur les genoux de son père, il y a tellement de monde qu’il lui est impossible de trouver une chaise.

Dix minutes s’écoulent, puis vingt, puis plus d’une demi-heure. Alice commence à s’inquiéter.

— Cela fait longtemps qu’elle aurait dû nous rejoindre, non ! T’as vu l’heure ?

— C’est vrai. Je paie et on y va, décide le père.

 

***

 

— Angèle, Angèle ! Elle crie après qui cette fille ? interroge le jeune homme assis à ses côtés.

— C’est ma sœur, elle n’a pas pu avoir une place près de moi.

— Ah ! Donc tu t’appelles Angèle ?

L’adolescente ne répond pas. Ce jeune homme a mauvaise allure, elle regrette de se trouver un peu trop serrée contre lui.

— Tu as le même nom que la chanteuse. Tu sais… Angèle.

La jeune fille ne répond pas. Elle tourne la tête vers l’intérieur de la nacelle alors que la bonne vue se trouve de l’autre côté.

— Tu ne l’aimes pas ? Cette chanteuse ? insiste, le garçon.

— Si, bien sûr.

— Je fais les marchés et j’ai plusieurs CD d’elle dans ma voiture, si tu veux je t’en donne un.

— Je ne peux pas m’éloigner, mes parents m’attendent et je dois les rejoindre.

— Oh ! Ce ne sera pas long, tu sais. Ma voiture est juste là, tu vois, au coin de cette rue-là.

Ce disant, il lui montre du doigt la rue « Des bons berckois », située à moins de cent mètres de la grande roue.

— Angèle tourne son regard vers l’extérieur et effectivement constate que l’angle de cette rue est tout proche.

— Bon d’accord ! Mais vite, mes parents m’attendent.

La roue s’arrête enfin pour laisser descendre les occupants et offrir des places aux nombreux vacanciers qui patientent.

 

À cet instant, le jeune homme s’empare de son portable et s’éloigne un peu d’Angèle. Il appelle quelqu’un, parle une vingtaine de secondes puis invite Angèle à le suivre.

Effectivement, la voiture n’est vraiment pas loin. Le jeune homme se dirige vers un véhicule de type utilitaire, ouvre les deux portes latérales battantes du hayon de la voiture et, d’un coup sec, pousse violemment l’adolescente à l’intérieur où elle est vigoureusement happée par un homme de forte corpulence. Angèle pousse des cris, mais immédiatement l’homme la tire vers lui, par le cou avec sa main droite et appose très fortement son autre main sur sa bouche.

Aussitôt, le jeune homme repousse les jambes de l’adolescente et referme vigoureusement les deux portières puis il se met au volant, démarre et quitte ainsi son stationnement.

Angèle tente de se débattre, rue des deux jambes, mais l’énergie qu’elle déploie malgré des jambes musclées qu’elle a développées grâce à la danse, n’a aucune incidence sur l’homme qui la muselle presque jusqu’à l’étouffer. Il la maintient contre lui fermement.

— Allez, roule ! Plus vite ! crie-t-il au chauffeur.

— Je ne peux pas faire mieux, on est dans une longue file de voitures, il y a embouteillage.

— Elle est jeune la petite, et à voir ses cuisses appétissantes. Je lui devine un beau cul, se réjouit l’homme fort en rigolant.

— Qu’est-ce que tu crois, je l’ai choisie pour ça. Je n’ai pas eu beaucoup de mal, car elle était à côté de moi dans la grande roue. Au départ j’en avais repéré une autre plus âgée et très jolie en mini- short et sans soutif, mais son mec est arrivé, je n’ai pas insisté. Celle-ci doit être bonne, elle est toute fraîche, on va se régaler.

Angèle entend ces échanges et se demande ce qui va lui arriver, elle va sûrement être violée.

Elle se met à pleurer abondamment, avec de violentes secousses, ce qui n’émeut en rien celui qui la maîtrise.

 

***

 

Antoine et Lucie décident de quitter la terrasse et, suivis par Apolline, se dirigent vers la grande roue. Ils cherchent des yeux leur fille, arpentent les endroits proches, les rues donnant sur « l’entonnoir », en vain. Leur fille n’est pas en vue. Elle n’avait pas emporté son téléphone mobile resté dans la location, elle qui d’ordinaire ne le quitte jamais : Impossible de tenter de la joindre. Il est maintenant presque minuit, l’inquiétude grandit, ils ne savent que faire.

— Elle est peut-être repartie à l’appartement ? suggère Apolline.

— Elle n’a pas les clefs, répond son père.

— Alors elle est devant la porte, elle nous attend, insiste Apolline.

— On lui avait dit de nous rejoindre à la terrasse où nous étions. C’est à peine à cent mètres. Elle n’a encore rien compris.

Le père prend une décision.

— Alice ! Toi, tu attends ici, près de cette terrasse avec Apolline au cas où elle reviendrait ; moi, je vais à l’appart. Je t’appelle avec mon portable si elle y est.

— OK, si elle revient ici, c’est moi qui t’appelle.

Le père ne trouve pas sa fille à la porte de l’appartement, elle ne revient pas non plus à l’endroit où les attendent Alice et Apolline. Cette fois, ce n’est plus que de l’inquiétude, mais la crainte d’un accident ou d’un autre événement dramatique qui est ressentie par les trois membres de la famille Duprat.

— Bon Dieu, mais que s’est-il passé se lamente Alice.

— J’ai peur, ajoute Apolline.

On va au commissariat, décide Antoine qui les a rejointes. Elle a eu un accident ou un problème, c’est sûr.

 

***

 

Le trio se dirige à pied vers le « rond-point du Cottage ». Le père est pressé et marche à un rythme trop rapide, ce qui oblige son épouse et sa fille à courir par moments. Ils pénètrent dans le commissariat et sont reçus par un gardien de la paix qui leur signale l’endroit où ils doivent se rendre. Effectivement les bureaux des policiers se trouvent dans des dépendances provisoires installées dans une cour située derrière le bâtiment principal. Antoine suppose que des travaux sont en cours et il trouve cela curieux dans une ville qui accueille tant d’estivants, dont beaucoup d’étrangers…

Mais cette réflexion est vite interrompue, il y a bien plus grave et il revient très vite au drame qui l’occupe.

Cette fois c’est un brigadier qui les accueille. Antoine lui explique que sa fille de quinze ans a disparu depuis près de deux heures. Ils sont vraiment très inquiets.

— Vous avez de la chance, le capitaine Laporte est présent pour placer un type en garde à vue pour vol à l’arraché. Je vais l’appeler.

Le fonctionnaire saisit un téléphone, compose deux chiffres puis :

— Capitaine, il y a des personnes qui viennent signaler la disparition de leur fille de quinze ans.

— OK, j’arrive, répond Cyril Laporte.

Salutations faites, Antoine répète ce qu’il vient de dire au brigadier.

— Deux heures ? Bon. Donnez-moi votre identité et le signalement précis de votre fille. Pour l’instant, je communique tout cela à la patrouille et à la « BAC » et je téléphone au centre hospitalier de Rang-du-Fliers, au cas où il lui serait arrivé un incident, annonce l’officier…

— Je m’appelle Antoine Duprat, ma femme c’est Alice. Vas-y, toi, demande-t-il en la regardant.

Alice prend la parole à son tour, Antoine estimant qu’elle est plus apte à décrire sa fille.

— Nous habitons rue de Metz à Achicourt, dans la banlieue d’Arras, mais jusqu’à samedi nous sommes en location rue Charles de Gaulle. Ma fille se nomme Angèle Duprat, elle aura quinze ans le 19 août, elle est brune, avec des cheveux mi-longs attachés par une pince aujourd’hui. Elle mesure 1 m 54, elle est plutôt mince et doit peser environ 41 kilos. Ce soir, elle était vêtue d’une courte jupe bleu clair, d’un fin débardeur sans manches de couleur écrue et chaussée de sandales beiges. Vous savez… Avec cette canicule.

— Bien, je vais diffuser tout ça et contacter les services d’urgence, hôpitaux et pompiers. Au fait, porte-t-elle des lunettes ou des bijoux, et avait-elle un téléphone portable ?

— Un bracelet en argent au poignet gauche et des boucles d’oreilles fantaisie en forme de goutte d’eau de couleur blanche, mais pas de lunettes. Son téléphone ? Elle l’avait laissé à l’appartement.

Le brigadier, chef de poste ce soir, entreprend de signaler par radio tout ce qu’il vient d’entendre. Cyril Laporte enregistre les coordonnées téléphoniques d’Antoine et Alice Duprat et assure qu’il les préviendra en cas de découverte. Il demande aussi la réciproque, mais si la mineure n’est pas retrouvée, il insiste pour que plusieurs photos d’elle, les plus récentes possibles, soient remises au commissariat de police dès l’aube.

 

Duprat Antoine, son épouse Alice et la petite Apolline quittent les lieux, ils ont fait ce qu’il fallait, mais ne sont pas rassurés pour autant. Alice et Apolline pleurent tout le long du chemin qui sépare le commissariat de leur location.

 

***

 

Angèle sait qu’elle est tombée sur des voyous, pire que ça, des violeurs et peut-être des assassins. Toujours sous l’emprise ferme et constamment maintenue par cette espèce de colosse, elle regarde autour d’elle. Il n’y a pas de vitres latérales dans cette voiture, uniquement deux petites fenêtres aux vitres teintées à la partie supérieure des deux portières du hayon. Elle ne peut être vue de personne. Cette voiture est devenue une espèce de corbillard. Elle savait pourtant que ce jeune homme n’inspirait pas confiance, mais pourquoi donc l’a-t-elle suivi ? Elle s’en veut.

 

On roule depuis plus d’une demi-heure. Par moments, l’homme qui semble avoir près de cinquante ans s’amuse à glisser une main entre ses cuisses en s’approchant toujours davantage de sa culotte. Angèle s’obstine à les maintenir serrées au maximum, elle y met toutes ses forces. Ses jambes musclées acquises grâce à la danse, lui permettant de tenir vigoureusement et ainsi contrecarrer les ambitions de son tortionnaire, néanmoins elle s’y épuise. Le monstre a réussi à glisser un doigt sous l’élastique de sa culotte. Que va-t-il lui arriver ? Ce ne sont pas ses pleurs et ses lamentations qui vont arrêter ce sale type.

— Tu prends la route d’Arras, on va faire ça dans notre coin. On ira au bout du sentier du ryonval entre Saint-Nicolas-lez-Arras et Sainte-Catherine. C’est là qu’on pourra s’occuper d’elle « tranquillos ». Hum ! Rien que toucher la peau douce de ses cuisses et les petits poils de sa chatte, je bande.

— Tu veux aller où exactement ? demande le jeune conducteur.

— Ben, tu prends la route d’Arras et après je t’indiquerai. En attendant, dès que tu vois un chemin agricole sur ta droite, tu le prends, on va l’attacher. Elle m’énerve à gesticuler comme ça, elle a une force incroyable dans les jambes. Elle n’arrête pas de gigoter et ruer comme un âne, elle a des nerfs dans les guiboles. Je ne peux pas la tenir plus longtemps ! Allez, magne-toi, je n’en peux plus, elle me chauffe.

— Je vais sortir de la quatre voies, là tu vois, à Hesdin, on trouvera bien un endroit discret.

Le chauffeur prend la sortie puis roule doucement, puis annonce :

— Ici, à droite, il y a un garage. À cette heure il n’y a personne, je vais me garer sur leur parking.

Ceci étant fait, les deux hommes ligotent fermement la jeune fille aux mains et aux pieds avec de la corde tirée d’un rouleau non entamé et la bâillonnent avec un vieux chiffon. L’habitacle de l’arrière du véhicule est un véritable fourre-tout. Outre le désordre, il y flotte une vilaine odeur, alors Angèle, qui ne plus respirer que par le nez en est encore davantage incommodée.

Ceci étant fait, le quinquagénaire se sent plus tranquille, mais demeure aux côtés de sa prisonnière. Le jeune homme reprend la route vers Arras.

 

***

 

Dans l’appartement loué par les Duprat règne une ambiance funèbre. Apolline s’est réfugiée dans la chambre qu’elle partageait avec sa sœur. Allongée sur le ventre, elle gémit.

Elle est vite rejointe par sa mère qui tente de la consoler, mais finit par s’écrouler auprès d’elle et l’accompagner dans sa douleur.

Antoine est resté dans le séjour. Il tourne en rond, semble réfléchir, il se sent impuissant face à ce malheur qui les touche depuis quelques heures. Angèle est une fille plutôt gaie, heureuse et de nature optimiste. Jamais cette fille ne pourrait faire partie de celles qui fuguent, pour un jour ou deux, voire plus longtemps. Il ne peut en aucun cas imaginer une chose pareille en ce qui la concerne. Non ! il lui est arrivé quelque chose, et sûrement quelque chose de grave. Il ne peut s’empêcher de verser quelques larmes à son tour. Dès demain, il faut qu’il apporte à la police une ou plusieurs photos d’Angèle. Bien sûr qu’à la maison, il existe beaucoup de photos d’elle, mais ici ?

Antoine se rend dans la chambre où se trouvent Alice et Apolline gémissantes. Il demande à son épouse de le rejoindre dans la pièce principale.

— Le capitaine nous a demandé d’apporter dès demain matin des photos d’Angèle. On n’en a pas ici, elles sont toutes à la maison.

— Si, on en a, mais seulement sur nos téléphones portables, lui rappelle Alice, les yeux humides.

— Tu as raison, j’en ai pris plusieurs, et toi ?

— Très peu, et de toute manière bien moins que toi. Je ne suis pas obsédée par ces engins, moi, pas une malade de ces appareils mobiles.

Antoine n’apprécie pas beaucoup le terme de « malade » lancé par son épouse, mais il sait qu’elle est malheureuse en ce moment et il se garde bien de répliquer. Il ouvre la galerie de son appareil et visionne les nombreuses photographies prises depuis qu’ils sont à Berck-Plage. De revoir sa fille seule ou en groupe sur l’écran de son portable l’afflige. L’appareil en main, il s’écroule sur le canapé placé face au téléviseur et se remet à pleurer. Par effet de contagion, Alice se blottit contre lui et se remet aussi à pleurer à chaudes larmes.

Quelques minutes plus tard, Antoine s’essuie les yeux et s’exclame :

— Je n’ai pas internet ici, pas d’imprimante. Comment veulent-ils que je leur donne des photos ? Je ne sais pas, moi.

Plus réaliste, Alice le console et lui dit :

— Ils ont ce qu’il faut là-bas, internet et imprimante. Il suffit de leur confier ton portable en indiquant les photos les plus récentes, ils pourront ainsi les porter sur l’écran d’un ordinateur et les imprimer, les transmettre, les diffuser. Enfin, je crois.

Antoine reconnaît la justesse du raisonnement d’Alice. Bien sûr que c’est réalisable pour ces services de police, ils pourront diffuser très vite les photos, ce sera plus rapide que de transmettre des photos imprimées sur papier.

Demain matin est encore loin, il est deux heures du matin, cela fait trois heures que leur fille aînée a disparu. Trois heures, ce n’est peut-être pas beaucoup, mais pour Antoine, ce n’est pas normal, c’est une éternité. Il prend une décision, s’empare des clefs de sa voiture et s’apprête à sortir.

— Que fais-tu ? Où vas-tu à cette heure ? l’interpelle son épouse.

— Je ne peux pas rester là à tourner en rond. Je suis incapable d’aller me coucher dans l’état où je suis. Je vais tourner dans la ville, faire toutes les rues et tous les bars et restos encore ouverts.

— Si tu veux, mais à mon avis, tout est fermé à cette heure.

— Tant pis, il faut que je fasse quelque chose.

Cette phrase clôt la discussion, Antoine sort, claque la porte, et descend dans la rue où est garé son véhicule.

Au volant de sa voiture « Renault scenic », Antoine circule lentement dans les rues de Berck-Plage en regardant de tous côtés, à droite puis à gauche. Son épouse avait raison, il est deux heures trente et tout est fermé. Aucun restaurant, aucun bar ne diffuse la moindre lueur. Il passe absolument partout, arpente même Berck-ville puis Rang-du-Fliers et Verton. Il s’en doutait, mais il fallait qu’il le fasse. De toute manière, rester à l’appartement sans rien faire était impossible, il n’aurait pu s’endormir.

Ce n’est que vers cinq heures du matin qu’il regagne la location qu’ils devront quitter samedi matin.

 

Retourner à leur domicile d’Achicourt sans Angèle… Cauchemar.

 

***

 

La « Peugeot partner » s’enfonce dans le sentier. Au volant, le jeune homme roule doucement sur un chemin de terre quelque peu herbu et caillouteux, pourtant bien praticable, avec toutefois de nombreuses ornières.

— Ben avance, j’en ai marre d’être derrière, je commence à avoir mal au cul. En plus, la gosse gigote tout le temps, pas facile de lui peloter les fesses et les nichons.

— Je fais ce que je peux, je ne suis jamais venu ici.

— Tu y es presque, moi je connais, j’ai accompagné un ami chasseur, il y a quelques mois. C’est un coin peinard, tu peux me croire. Va au bout du sentier, il y a un important bosquet, de toute manière, tu ne peux pas aller plus loin.

Obéissant, le chauffeur stationne la voiture tout au bout du sentier, à proximité immédiate d’un important bosquet. Ils ne sont pas loin d’être sous un pont routier, car au-dessus d’eux on entend le bruit de moteurs de nombreux véhicules. Le trafic semble encore intense à cette heure tardive.

L’endroit n’est pas éclairé, la visibilité n’est possible qu’avec les feux du véhicule.

L’homme qui tient fermement Angèle descend du hayon avec elle. Elle tente de s’enfuir en sautillant, mais avec ses chevilles ficelées, elle est facilement rattrapée et couchée au sol. Les deux hommes lui ôtent ses liens à la fois aux chevilles et aux poignets, mais lui laissent son bâillon. Ils tiennent Angèle sous les aisselles, la portent puis l’allongent sur le dos juste devant la voiture. Par la lumière des phares, elle voit enfin clairement son tortionnaire. Il est grand et fort, gros même, avec un ventre proéminent. Mal rasé et partiellement chauve, avec de rares cheveux gris, il a vraiment une sale tête et paraît avoir un peu plus de cinquante ans. Il porte un pantacourt avec la ceinture qui se situe en dessous de son ventre et un maillot de corps, une espèce de « marcel ». Le jeune homme retourne au volant pour couper le moteur et les rejoint. Il a vraiment mauvais genre, plutôt petit et mince, cheveux sales longs et bruns, il semble être soumis aux volontés de son complice quinquagénaire. Elle n’aurait jamais dû suivre ce garçon.

— Tiens-là… Tiens-là bien hein, maintiens-là bien au sol, je reviens.

Le jeune homme obéit, mais éprouve beaucoup de mal à clouer l’adolescente au sol. Il lui maintient vigoureusement les bras, mais ne peut éviter ses ruades qui l’atteignent au buste et à la tête. Il fatigue et s’empresse de héler son compagnon :

— Dépêche-toi, elle me fout des coups partout avec ses genoux.

— Deux secondes, j’arrive.

Le grand et fort homme qui s’est rendu à la place du passager avant, extrait de la boîte à gants un grand couteau, puis se précipite sur la jeune fille.

— Tiens-lui bien les bras, mets tes genoux sur ses avant-bras, je t’assure que comme ça elle ne bougera plus et tu pourras lui peloter les seins.

Ce disant, le colosse se glisse avec force entre les jambes de sa victime et avec son couteau, coupe sèchement les bretelles du fin débardeur de la jeune fille et arrache le vêtement qu’il jette un peu plus loin.

— Elle n’a pas de gros nichons la gamine. C’est pour ça qu’elle n’a pas de soutif.

Ce disant il écarte davantage encore les jambes d’Angèle. Elle tente de résister en hurlant malgré son bâillon, mais rien n’y fait, l’homme coupe la minijupe, puis la culotte.

— Putain ! elle a pissé dans sa culotte la petite salope, s’écrie-t-il en la balançant beaucoup plus loin…

Peu l’importe, il baisse son pantalon, sort son sexe en érection et pénètre violemment l’adolescente qui ne peut s’empêcher de crier à nouveau. Il persiste par des va-et-vient brutaux en exprimant des ahanements rauques, gutturaux et surtout terrifiants au sein de ce sentier où l’on entend que des bruits de moteur. Le jeune homme qui maintient toujours la jeune fille est impressionné et même quelque peu effrayé par le comportement de son compagnon et surtout, par les horribles sons qu’il émet. L’affaire dure très longtemps et malgré son bâillon, la victime crie, hurle et pleure, pleure, pleure sans cesse.

— Tu dois lui faire mal, Tonton, ose avancer le garçon.

— Que tu crois, elle fait semblant de crier, mais elle jouit. Crois-moi, elle jouit. Avec moi, toutes les femmes jouissent, s’exprime-t-il, en termes accentués par un fort souffle rebutant.

Pas convaincu du tout, le jeune homme annonce d’une voix tremblante.

— Bon ! Maintenant, si t’as fini, on s’en va.

— Le quinquagénaire continue, insensible aux réactions de l’adolescente et toujours de manière brutale. Puis, sauvagement, d’un coup sec, il se relève, se retire spontanément du sexe de sa victime tout en émettant un grand râle et éjacule par terre, entre ses genoux. Il s’empresse ensuite de recouvrir abondamment de terre sa semence ainsi déversée.

— Ils ne trouveront pas mon sperme, ces cons de flics. Pas de sperme, pas d’ADN. Je me suis fait avoir une fois, pas deux.

— Allez, à ton tour maintenant, je vais la tenir, dit-il en se reboutonnant. Prends-là par derrière si tu veux, mets-lui ton zob dans le cul, ça la changera. Mais surtout, éjacule dehors.

Le jeune homme ne semble pas décidé. Il sait qu’il ne pourra pas, ce qui va forcément entraîner la risée et les moqueries de son ami. Mais peu importe, il sait bien qu’il ne pourra pas. Il est clair que ce qu’il vient de voir et d’entendre l’a profondément choqué. Ceci, ajouté aux hurlements de la jeune fille, ne lui donne pas du tout envie d’en rajouter.

— Tu n’y vas pas ? Elle a encore envie la petite salope, elle fait semblant de crier, voilà tout. Allez… Nique-la.

— Non. J’ai pas envie. C’est toi qui m’as coupé l’envie, en fait. C’était vraiment dégueulasse.

— Dégueulasse ? Mais pov'con, c’est de la baise, on dirait que tu sais pas ce que c’est. Allez, vas-y, nom de Dieu…

— Non, pas envie. Allez, on se tire.

L’homme fort se dit qu’il est inutile d’insister, l’important est que lui s’est bien soulagé.

Le jeune homme s’éloigne un peu puis s’apprête à se mettre au volant du véhicule, mais dans les phares, il découvre une scène horrible.

Son compagnon oblige par la force la jeune Angèle à se relever, il lui attrape les cheveux vigoureusement, se place derrière elle, lui tire sa tête en arrière et d’un coup sec, lui tranche la gorge de droite à gauche avec son couteau. Une giclée abondante de sang jaillit du cou de la jeune fille qui s’écroule.

Ayant vu cela, le garçon, effaré, s’écrie :

— Mais qu’est-ce que tu as fait ? Tu es fou, Tonton !

— Je sais ce que je fais, « p’tit con ».

— On devait seulement la violer, pas la tuer, c’est horrible, t’es malade.

— Écoute-moi bien, Ducon : j’ai été condamné pour douze ans de taule pour un viol, j’en ai fait neuf. La fille m’avait reconnu chez les flics au Commissariat. Celle-ci, c’est sûr, elle ne nous reconnaîtra pas. T’as pigé ? Et maintenant, aide-moi, on va la transporter à l’intérieur du bosquet.

— On n’y verra rien.

— Je vais avancer la caisse un peu plus et je vais éclairer l’endroit, plus près encore des arbres, en pleins phares.

Cette manœuvre étant réalisée, les deux complices transportent le cadavre cinquante mètres plus loin au pied d’un arbre. Ils ajoutent les vêtements déchirés, jupe et débardeur, ainsi que les sandales, puis balancent par-dessus le tout une multitude de branches arrachées aux buissons et arbustes…

— Et voilà. Le temps qu’ils la trouvent, hein ! mon gars !

— Quand même, tu n’étais pas obligé de la tuer. C’est vraiment moche, la pauvre !

— T’es vraiment con… Toi. Elle t’avait bien vu, tu t’en souviens, dans la grande roue, puis en venant à la voiture. Tu veux vraiment finir ta vie en prison ? Réfléchis, gros malin. Allez, maintenant on se casse.

Mais, juste avant de faire demi-tour, le gros homme demande à son compagnon d’attendre un peu. Il redescend du véhicule le couteau à la main, retourne dans le bosquet et rejoint l’endroit où ils avaient dissimulé le cadavre de la jeune fille. Il déblaie quelques branchages pour dégager son visage puis rageusement y plante huit coups de couteau dans les yeux, au front et jusqu’au menton. Il recouvre de nouveau avec ces branchages le visage ainsi affreusement mutilé et devenu à son avis non identifiable, puis rejoint son compagnon.

Ce dernier avait fait demi-tour pendant l’absence de son ami, il le questionne :

— Qu’est-ce que t’as fait ?

— Je suis retourné voir la petite et je lui ai fait de la chirurgie esthétique.

— De la chirurgie esthétique ? Quoi ?

— Je lui ai planté quelques coups de couteau dans sa frimousse. Crois-moi, ça la change.

— Quoi ? Tu l’as défigurée en plus ? Tu es fou.

— T’inquiète, on n’est pas près de la reconnaître.

— Tonton ! T’es vraiment un pourri, finalement.

— Ferme ta gueule, tu vas t’en prendre une. Non, je ne suis pas fou, prudent, p’tit con. C’est tout. Allez roule.

Leur macabre méfait accompli, les deux hommes repartent et se rendent au domicile de la tante du jeune homme, dans la banlieue d’Arras où ils demeurent tous les deux.

Auparavant, dans l’après-midi du même jour, vers les dix-sept heures, alors que les deux compères s’étaient abreuvés dans un bar d’Arras de plusieurs bières, le jeune homme apostropha son oncle :

— Et si on allait à la mer ? Il y aura des feux d’artifice au bord de l’eau, on s’emmerde ici.

— Ouais, on peut. Ça nous changera, d’accord, mais c’est toi qui conduis.

C’est ainsi qu’ils prirent la route via Tincques et Le Parcq. À un rond-point, le jeune homme aperçut un panneau indiquant Montreuil-sur-Mer.

— Ben voilà, on va à Montreuil-sur-Mer, on pourra voir la mer et le feu d’artifice.

— T’es louf, y’a pas la mer à Montreuil. Je suis né à Saint-Omer, je connais bien la région, prends plutôt Berck, le reprit le passager.

— Bon, d’accord, je veux bien, mais c’était écrit Montreuil-sur-Mer… Sur mer, alors ?

— On voit que tu n’as pas été attentif à l’école pour ne pas savoir ça. Bébête va ! La ville de Montreuil n’est pas au bord de la mer. Allez, roule et prends la direction de Berck… et « sur mer là », vraiment sur mer.

Trouver une place de stationnement dans la cité balnéaire ne fut pas facile. Par chance, une opportunité se présenta proche de la « place de l’entonnoir ». Une voiture venait juste de quitter son emplacement.

Après avoir erré un peu sur l’esplanade parmi une foule abondante, ils purent, un peu après vingt-deux heures, s’installer sur la terrasse d’une grande brasserie. Ils dégustèrent un plat de charcuterie variée suivi d’une portion de moules-frites bien arrosée de bières. Les serveurs, apparemment de jeunes intérimaires estivaux, étaient débordés. L’homme fort fit un clin d’œil à son jeune neveu, puis prétexta un besoin aux toilettes du bar. En réalité, c’était une astuce pour s’échapper sur le côté et rejoindre aussitôt une rue perpendiculaire. Le jeune homme, vif et rapide, eut vite fait de le rejoindre. C’est en gloussant que les deux hommes repartirent vers leur véhicule, bien contents d’avoir échappés au règlement de l’addition. Peu après, passant « place de l’entonnoir » :

— Oh ! Tonton, j’aimerais bien faire un tour sur la grande roue avant de repartir, implora le jeune homme.

— Tu m’emmerdes avec ça. Bon, je veux bien, mais t’as vu toutes ces gonzesses à moitié à poil ? Ça me donne une envie, tu peux pas savoir. Alors, tu me ramènes une fille, d’accord ? Débrouille-toi, c’est un ordre, t’as compris ? Fais plaisir à Tonton.

— Pour quoi faire ? s’étonna le jeune homme.

— Ben ! On s’amusera un peu avec elle, ça ne te dit rien ? Des fesses, des seins, tout ça, quoi.

— Si, bien sûr, moi aussi, ça me tente. Toutes ces filles ! Elles sont bandantes.

 

C’est ainsi que par la ruse et la violence, la vie d’Angèle fut dramatiquement écourtée.

Le lendemain matin vers onze heures, alors que la tante faisait sa toilette, les deux hommes, munis d’un seau d’eau auquel ils ont ajouté une petite dose d’eau de Javel, s’emploient à nettoyer avec application l’arrière du véhicule.

— Tu vois p’tit gars, plus de traces, plus rien qui dira qu’il y avait une gonzesse là-dedans, annonce fièrement Letellier.

 

***

 

Ce jeudi quinze juillet, il est huit heures du matin. Les Duprat se préparent. Personne n’a ressenti le besoin d’un petit déjeuner. Antoine qui est revenu vers cinq heures du matin et Alice n’ont pas dormi du tout. Seule Apolline a pu dormir quelques heures. L’ambiance est sinistre. Ils arrivent au Commissariat, se présentent à l’accueil. Le gardien de la paix qui les reçoit est au courant de l’affaire. Il signale par téléphone interne leur venue à la patronne, la commandante Sylvia Compar.

— Oui, qu’ils viennent, je les attends.

La commandante est une femme d’une cinquantaine d’années, plutôt grande, cheveux blonds tirés en arrière. Elle est en tenue civile, jupe foncée et chemisier beige. Elle avait fait l’essentiel de sa carrière à Lille avant d’accepter, il y a un an, ce poste de chef de circonscription. Elle invite les Duprat à s’asseoir et leur annonce en premier lieu qu’elle est au courant de la disparition de leur fille Angèle…

— Le capitaine Laporte, que j’ai vu à mon arrivée, m’a informée de sa disparition. Je comprends votre inquiétude. Je vais demander à un de mes adjoints de prendre votre déclaration. Avez-vous apporté des photos d’elle.

Antoine s’empresse de répondre.

— Nous sommes en vacances dans un appartement rue de Gaulle et nous devons repartir chez nous à Achicourt près d’Arras, dès samedi matin. Nous avons des photos d’Angèle à la maison, mais pas ici. Par contre, je l’ai photographiée ici à Berck avec mon portable, si vous pouvez…

Il est interrompu par la commandante.

— Aucun problème, on va s’occuper de cela. Une question : votre fille est-elle une fugueuse ?

Alice intervient un peu sèchement.

— Pas du tout, c’est une fille gaie, bien dans sa peau. Elle aime la vie, aspire à être danseuse professionnelle, elle travaille beaucoup dans la pratique de cet art. C’est sa passion. Elle n’a jamais fugué, je vous l’assure.

— Bien, c’était une question tout simplement. Vous savez beaucoup de filles de son âge fuguent, quelquefois deux ou trois jours. Avait-elle un petit ami ?

— Pas à ma connaissance, elle n’a pas encore quinze ans vous savez, puis regardant Apolline.

— Tu sais quelque chose toi ? Elle a un petit ami ?

Apolline répond aussitôt sans hésiter.

— Ben non, hein. Je le saurais sinon.

Sylvia Compar reprend la parole.

— On va prendre vos auditions. Vous savez, on travaille dans des conditions difficiles, vous l’avez constaté en arrivant. Néanmoins nous ferons le maximum pour retrouver votre fille. Les patrouilles ont cherché cette nuit. Ils ont fait tous les bars et restaurants avant qu’ils ne ferment, en vain. Le personnel de la grande roue a été interrogé. Il y avait trop de monde, ils n’ont rien remarqué. Vous allez nous signaler les photos les plus nettes et elles seront transférées sur ordinateur. Ainsi nous pourrons faire une diffusion rapide et large. Je vais aviser le parquet de Boulogne-sur-Mer. Voyez-vous un inconvénient à ce que la photo de votre fille apparaisse dans un premier temps dans les journaux des presses locales et régionales ?

— Non, au contraire, si ça peut vous aider à la retrouver, bien sûr.

— Ce sera fait. J’ai vos coordonnées. Je vous tiens informés. Ne pensez pas au pire. C’est dur, je sais, mais demeurez optimistes.

C’est sur ces derniers mots que les Duprat regagnent un autre bureau pour auditions et transfert des photos.

Sylvia Compar prend attache téléphoniquement avec le Procureur de la République de Boulogne-sur-Mer. Elle relate les faits au magistrat ainsi que ses intentions. Il approuve l’idée de diffusion d’une photo de la fille disparue dans la presse et lui demande de le rappeler dès qu’un nouvel élément permettra de faire avancer les recherches.

Elle contacte un journaliste du quotidien « La voix du nord » de l’édition de Montreuil sur Mer et l’invite à passer au commissariat. Elle connaît bien Luc Faritez, il vient régulièrement la consulter pour prendre connaissance des faits divers délictueux qui pourraient alimenter les colonnes de son journal.

Le journaliste, informé de la nature de cette demande, se dit intéressé. Il annonce qu’il passera avant midi au commissariat afin que la photographie de la jeune disparue apparaisse dans son journal dès demain vendredi.

Luc Faritez est reçu par Sylvia Compar à midi pile. L’entretien est court, elle annonce la disparition d’une adolescente de quatorze ans depuis le mercredi 14 juillet aux alentours de vingt-trois heures, un peu après la fin du feu d’artifice, communique la description physique et vestimentaire de la jeune fille ce soir-là, et remet deux photos, l’une « en pied », l’autre du visage, au journaliste.

— Ça paraîtra demain dans notre édition de Montreuil et si la petite n’est pas retrouvée, dans l’édition régionale dès samedi… Promis. La presse nationale suivra, j’en suis certain.

— Très bien, merci, j’espère que cela sera positif. On compte beaucoup là-dessus, vous savez. La famille de la jeune fille est catastrophée. Ça se comprend.

Le vendredi, ainsi que l’avait annoncé Luc Faritez, les deux photos paraissent dans le journal. Les descriptions sont bien reprises. Au commissariat on espère un témoignage de nature à orienter les recherches.

 

***