Génie artificiel - Stéphane Neyret - E-Book

Génie artificiel E-Book

Stéphane Neyret

0,0

Beschreibung

Tout est-il maîtrisé ? Non, depuis que tout est sous son contrôle… Les concepteurs de ce projet étaient pourtant animés de bonnes intentions mais en sommes-nous vraiment sûrs ? Parfois entité démoniaque, ou encore gardien bienveillant, l’intelligence artificielle, aux limites sans cesse repoussées, se présente à nous sous un jour différent lorsque nous voyageons entre les univers parallèles.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Si son père n’avait pas acheté régulièrement la revue littéraire de l’étrange, le magazine Fiction, Stéphane Neyret n’aurait peut-être pas connu, très jeune, un tel engouement pour le fantastique et la science-fiction. C’est à l’occasion d’une nouvelle lecture des classiques de l’âge d’or du genre que lui vint l’idée d’écrire un récit sur les dangers imprévisibles qui peuvent se présenter avec l’essor d’un progrès scientifique non encadré.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 206

Veröffentlichungsjahr: 2023

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.


Ähnliche


Stéphane Neyret

Génie artificiel

Roman

© Lys Bleu Éditions – Stéphane Neyret

ISBN : 979-10-377-9097-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

Chapitre 1

Les yeux de Vaughn étaient rivés sur l’écran et son esprit traduisait les colonnes de caractères qui défilaient à vive allure sur le moniteur. Il était pratiquement le seul de l’agence à connaître le langage utilisé par le programme-espion et à décrypter les messages destinés à ses supérieurs. Ils traversaient une période de crise sans précédent :

Vaughn avait carte blanche pour prendre les décisions afin de gérer au mieux les rapports avec le programme Notre Père avec lequel tout lien avait été interrompu depuis plusieurs semaines.

Au cours de l’heure précédente, le programme-espion lui avait présenté un rapport pour décrire la situation et justifier ainsi sa position après son analyse : il fallait stopper le projet définitivement. Vaughn dialogua un long moment avec le programme-espion pour lui suggérer d’autres alternatives mais ce dernier restait inflexible. Vaughn s’accorda un long moment de réflexion, la particularité de sa fonction lui interdisait de demander un conseil ou une assistance quelconque, personne ne savait ce qu’il faisait exactement dans le service à part la Directrice de l’Agence.

Il posa les mains sur le clavier à nouveau pour lancer le processus, il initialisa le programme qui fut installé en quelques secondes, Vaughn appuya sur la touche Enter, plusieurs pages défilèrent sur le moniteur, et le curseur s’immobilisa brusquement : une combinaison de quatre chiffres lui était demandée pour lancer le programme Armageddon. Il n’avait droit qu’à trois essais.

Vaughn soupira bruyamment et s’enfonça dans son confortable fauteuil de bureau : ce n’était pas dans l’habitude du programme-espion de jouer aux devinettes, quelque chose lui échappait. Aucun programme ne résistait aux logiciels de l’Agence utilisés pour reproduire une combinaison de caractères exacte requise pour lancer une application mais il était évidemment hors de question d’en faire usage sur son terminal.

Le téléphone se mit à sonner : oui, Vaughn à l’appareil. C’était le docteur Jefferson :

⸺ Est-ce que vous pourriez passer me voir si vous n’avez rien d’urgent à faire ?
⸺ Oui, docteur, d’ici un quart d’heure ?
⸺ Parfait, je vous attends.

Il raccrocha. Il avait toujours les yeux fixés sur l’écran. Est-ce qu’on s’attend à ce que je contacte quelqu’un à l’Agence pour obtenir le code ? Qui donc dans ce cas ? Cela n’a pas de sens. Tout son travail reposait sur la confidentialité.

II regarda sa montre. Il se leva et appuya sur la touche Veille de l’ordinateur. II but un verre d’eau et verrouilla la porte de son bureau avant de se diriger vers l’ascenseur. Le docteur Jefferson avait son bureau au vingtième étage de la tour. Il prit le couloir de gauche et s’arrêta devant la porte qui indiquait Salle d’Attente. Il entra, il n’y avait personne.

La porte du bureau du médecin s’ouvrit :

⸺ Allons-y.

Vaughn se leva puis entra dans le bureau du Docteur Jefferson, il éteignit son téléphone mobile qu’il glissa dans son attaché-case et porta son regard au médecin qui s’assit en vis-à-vis :

⸺ Bonjour Docteur.
⸺ Bonjour M. Vaughn, il me semble que vous avez maigri depuis la dernière fois, vous avez eu des problèmes de santé ?
⸺ Non pas que je sache, j’ai surtout des problèmes de sommeil, je me réveille souvent, j’ai sans arrêt des cauchemars.
⸺ Parlez-moi un peu de ces cauchemars.
⸺ Ça commence chaque fois de la même manière, tout semble calme mais j’ai l’impression qu’un danger imminent va surgir, je me mets généralement à courir quand je sens une menace et je commence à être pourchassé.
⸺ Pourchassé par quoi ?
⸺ Je ne sais pas, je me réveille le plus souvent juste après avoir fait un bond dans le vide pour lui échapper, ou alors quand je suis pris au piège et que la chose a réussi à me capturer.
⸺ Vous ne pourriez pas dire si ce sont des gens ou des animaux ou je ne sais quoi qui sont après vous ?
⸺ Je me réveille brusquement et je serais incapable de décrire ce qui est à l’origine de cette terreur, je ne me souviens plus de rien chaque fois que ça arrive.
⸺ Est-ce que vous pourriez me dire s’il est possible qu’on ait essayé de vous contacter au cours d’un de ces rêves ?
⸺ Je me sens observé mais je ne pourrais pas affirmer que quelqu’un a essayé de prendre contact avec moi.
⸺ Je vais essayer d’effectuer une analyse avec mes collaborateurs, nous allons commencer par les exercices de relaxation habituels pour atteindre un état qui nous permette de comprendre ce qui se passe quand vous dormez, allongez-vous sur la couchette dans l’autre pièce.
⸺ Je vais lentement compter du chiffre 10 au chiffre 1, poursuivit le docteur. Concentrez-vous sur le son du métronome, inspirez et expirez de plus en plus lentement.

Le médecin ouvrit une porte pour entrer dans une autre pièce et s’adressa à ses assistants :

⸺ Tout est prêt maintenant, allumez le moniteur.

Keyes s’allongea sur une couchette puis ajusta un casque à l’appareillage compliqué sur son crâne. Il tendit le bras vers le médecin qui lui injecta un médicament à l’épaule :

⸺ Juste une ampoule, ça devrait suffire, dit le médecin.
⸺ Vous avez fait une injection à Vaughn ?
⸺ Le produit a été introduit quand il a commencé à dormir. Quel que soit le cauchemar, il n’y aura pas de réveil avant que votre mission soit achevée.

Le moniteur resta sombre pendant une dizaine de minutes puis afficha une image : c’était une vue du building de l’Agence dans lequel se trouvaient leurs locaux.

⸺ Je n’aime pas ça, dit le docteur Jefferson.

Il vit quelque chose s’approcher vers le haut du bâtiment en volant :

⸺ Faites un gros plan.

C’était une guêpe gigantesque qui volait juste en face d’eux, bientôt rejointe par une autre.

Le médecin retourna précipitamment dans son bureau et releva légèrement le volet sur la grande baie vitrée. Le monstre avait la taille d’une voiture imposante, il s’était posé et cherchait apparemment à pénétrer dans la pièce. Il retourna à la salle des machines :

⸺ Ce n’est pas un rêve, ça se passe dans notre dimension hurla-t-il.

Une alarme retentit, suivie d’un message priant les occupants du bâtiment à gagner le parking au sous-sol. Le docteur Jefferson regarda Vaughn toujours allongé sur sa couchette, il ouvrit une boîte qu’il retira du tiroir de son bureau et sortit une seringue qui contenait un liquide bleu ciel fluorescent, il piqua Vaughn à l’épaule droite et vida la seringue.

⸺ Qu’est-ce qui se passe ? demanda Vaughn en ouvrant les yeux.
⸺ Suivez-moi.

Il le conduisit dans la salle dans laquelle se trouvait son équipe :

⸺ Asseyez-vous Vaughn. Quelle est la dernière chose dont vous vous souvenez ?

Vaughn se concentra :

⸺ J’ai été réveillé par un cauchemar, il y avait des insectes géants qui me pourchassaient. C’est tout ce dont je me souviens.
⸺ OK, restez ici pour le moment et détendez-vous.

Il retourna à son bureau, le corps qui était apparu il y a quelques secondes et qui reposait sur la couchette dans la pièce au fond était également celui de Vaughn, il fit un rapide check-up pour vérifier s’il supportait bien le dernier produit injecté, il dormait profondément, son rythme cardiaque et sa tension étaient normaux.

Le téléphone sonna dans son bureau et le docteur Jefferson répondit aussitôt :

⸺ Ici le major Dulles, vous avez eu des problèmes avec un patient endormi ?
⸺ Toute menace est écartée, major, Vaughn a bien supporté le dédoublement et j’envoie Keyes en mission.
⸺ Bien, vous êtes connecté sur le réseau central et nous avons choisi les agents qui doivent vous assister.

Le major raccrocha et le médecin retourna à la salle des machines. Il s’assit et posa un casque pour communiquer avec Keyes sur son crâne. Le moniteur affichait la position des guêpes sur un plan du quartier :

⸺ Je ne vois Vaughn nulle part, les deux monstres m’ont repéré et ils sont à mes trousses. Les gens courent dans tous les sens, affolés.
⸺ Vaughn est présent dans ce monde sinon il n’existerait pas. Il faut le retrouver coûte que coûte. Entrez dans un des bâtiments.

Vaughn restait assis les yeux fixés sur l’écran. Il essayait de trouver un sens à ce que le docteur Jefferson venait de dire et il se sentait de plus en plus mal à l’aise.

Keyes se dirigea vers l’entrée d’un hôtel et franchit la porte à tambour. Les insectes géants le suivirent mais ils se retrouvèrent bloqués devant l’ouverture à cause de leur taille.

Keyes ouvrit une porte qui menait à l’escalier et monta une dizaine d’étages. Il aperçut une fenêtre qui se trouvait au-dessus de l’entrée principale au rez-de-chaussée. Il l’ouvrit et repéra une échelle, il atteignit rapidement le toit de l’immeuble et regarda en bas : les deux guêpes restaient devant le hall.

Il entendit un vrombissement et aperçut des hélicoptères de combat qui se rapprochèrent. Des missiles furent envoyés que les monstres évitèrent facilement : les insectes géants foncèrent sur les deux machines de guerre et pénétrèrent dans leurs habitacles pour tuer les occupants, les hélicoptères chutèrent contre le sol en explosant dans un vacarme assourdissant. Soudain, une alarme retentit quelque part et les guêpes commencèrent à s’éloigner en direction du signal.

Un des assistants décrocha le téléphone de service et une voix retentit dans un haut-parleur :

⸺ Nous avons posté des agents dans la rue, ils ont le plan et la position des insectes géants sur l’écran de leur téléphone portable.
⸺ Vous entendez Keyes ? dit le médecin. Inutile de vous approcher trop près des monstres, vous risquez d’attirer leur attention, les hélicoptères ont raté leurs cibles mais l’alarme d’origine inconnue a fait diversion.
⸺ OK, je redescends et j’attends vos instructions.

Vaughn essaya de s’exprimer sans crier en essayant d’endiguer le vent de panique qui commençait à l’envahir :

⸺ Quelqu’un peut-il m’expliquer ce qui se passe ?

Le docteur Jefferson s’assit en face de lui et le regarda droit dans les yeux :

⸺ Vaughn, en ce moment même vous dormez à poings fermés et vous rêvez : ce qui passe dans votre rêve et ce qui se passe sur cet écran, c’est la même chose.
⸺ Je ne comprends pas, qu’est-ce que je fais dans cette pièce avec vous si je dors ?
⸺ Vous êtes dans le monde réel ici avec nous, bien conscient, alors que votre double est en train de dormir, ceci jusqu’à ce qu’il se réveille.
⸺ Comment ça, un double ?
⸺ Ne cherchez pas une explication, sachez que nous avons dû réagir rapidement quand vous avez commencé à rêver, ceci pour la sécurité de tous, nous avons injecté une substance qui a permis un dédoublement : un Vaughn que nous avons réveillé tout au début du cauchemar et un Vaughn qui est toujours plongé dans un profond sommeil et dont le rêve se poursuit. Quand le rêve sera parvenu à sa fin, le dédoublement cessera tout simplement car il n’aura plus de raison d’être.

Dans le rêve du Vaughn endormi, les deux guêpes continuèrent à s’éloigner, leur taille commença à diminuer. Elles marquèrent un arrêt avant de pénétrer dans un bâtiment.

Dans le monde réel, il était environ 15 h : deux agents entrèrent dans un magasin d’antiquités qui se trouvait aux coordonnées précises du bâtiment qui était maintenant de couleur rouge sur leurs téléphones portables, l’un d’eux s’adressa au gérant qui lisait derrière le comptoir :

⸺ Ceci est une enquête de police, veuillez décliner votre identité et poser vos mains là où je peux les voir.

L’autre zoomait la position des insectes sur l’écran de son téléphone portable en liaison avec le faisceau d’informations transmises par l’ordinateur du docteur Jefferson. Au même moment, Keyes pénétrait lui aussi dans le magasin en évitant de se faire repérer par les monstres :

⸺ Il n’y a personne ici, je les aperçois, leur taille a considérablement diminué, elles se dirigent vers une grosse malle noire près de la porte d’entrée.

Un des agents s’approcha du coffre en bois peint en noir qui se trouvait à l’emplacement désigné par Keyes :

⸺ Il y a quoi là-dedans ? demanda-t-il.
⸺ C’est vide autant que je sache, répondit le gérant.

Keyes s’approcha du coffre ouvert :

⸺ Il y a un nid de guêpes et des morceaux en carton pour le maintenir à la surface, je vais retirer le contenu.

Il souleva le nid qu’il fit chuter sur le sol à distance en s’aidant d’un long morceau de carton :

⸺ Faites très attention, si vous êtes piqué par un insecte, vous risquez d’être brusquement réveillé, dit le docteur Jefferson.
⸺ Nous avons de la chance, le nid est vide.

Un des agents s’adressa à l’antiquaire :

⸺ D’où provient ce coffre ?
⸺ Ça remonte à très longtemps, bien avant que j’aie des registres à jour.
⸺ Il est verrouillé, ouvrez-le.

Keyes s’adressa de nouveau au groupe formé par le médecin et les agents :

⸺ Je l’ai complètement vidé, il y a une trappe avec une poignée au fond.

Un agent fit glisser la malle sur le parquet du magasin d’antiquités :

⸺ Il n’y a rien en dessous, dit-il.

L’antiquaire s’approcha du coffre avec une clé :

⸺ Dites-moi au moins ce que vous cherchez, on gagnera du temps.
⸺ Contentez-vous de l’ouvrir, s’il vous plaît.
⸺ Vous n’envoyez pas une équipe de démineurs ? demanda le docteur Jefferson.
⸺ Mon petit doigt me dit que nous ne courons aucun danger, on a suffisamment attiré l’attention sur nous pour aujourd’hui, les insectes géants ont créé la panique et on ne va pas aggraver la situation en mobilisant des experts en explosifs.
⸺ C’est ouvert, il est vide comme je vous l’ai dit, dit l’antiquaire.
⸺ Écartez-vous.

L’agent glissa la main à l’intérieur et retira un objet qui était à peine visible de l’extérieur :

⸺ C’est un livre religieux, toutes les pages sont collées à partir de la moitié du volume, on a creusé un trou pour libérer un espace à l’intérieur comme si l’on voulait y créer une cachette, il y a un morceau de nid de guêpes dans le trou.
⸺ Qu’est-ce que c’est que ce livre ? demanda Jefferson. Quel en est le titre ?
⸺ C’est un recueil de prières classées selon les différentes étapes de la vie.

Il se tourna vers l’antiquaire :

⸺ Vous avez entendu parler des Fous de Dieu ?
⸺ Vous insinuez que c’est moi qui l’ai placé là-dedans ? Et puis d’abord quel mal à ça ? Ça ne constitue pas un crime que je sache.
⸺ Je n’insinue rien, c’est simplement une hypothèse, vous allez nous suivre pour les besoins de l’enquête.
⸺ Une enquête ? Qu’est-ce qui se passe ? Quelqu’un est mort ?
⸺ Allons venez, dit l’agent en sortant de sa veste une paire de menottes. Vous vous sentirez mieux une fois que vous nous aurez confié vos petits secrets.

Vaughn suivait l’intervention de Keyes dans son rêve. Les paroles du docteur Jefferson ne l’avaient pas rassuré, bien au contraire : ils ne savent pas pour Armageddon, tout ça n’est pas réel mais nous courons tous un grand danger, je dois les prévenir murmurait une petite voix dans sa tête.

⸺ J’ai soulevé la trappe, dit Keyes, il y a un puits et une échelle pour descendre.

Il activa une caméra munie d’une lampe puissante prise dans son équipement qu’il braqua sur l’ouverture et commença à descendre. Keyes atteignit le sol et braqua la caméra autour de lui :

⸺ C’est l’étage où je travaille, dit Vaughn mais il n’y a personne. Il fait sombre comme s’il n’y avait plus d’éclairage. C’est un piège, c’est certain. Pourquoi continuer ?

Keyes s’arrêta devant l’ascenseur :

⸺ Il ne fonctionne pas.
⸺ Essayez d’ouvrir une porte, dit le médecin.

Keyes tourna la poignée d’une porte située à proximité :

⸺ C’est verrouillé.

Il pressa le bouton du plafonnier :

⸺ L’éclairage ne fonctionne pas.

Le malaise de Vaughn continuait de croître : il n’y avait plus de doute dans son esprit, on avait tout fait pour les attirer dans un traquenard au moment précis où il avait pris la décision de neutraliser Notre Père. Keyes emprunta le couloir central. Seule une des pièces était éclairée à l’intérieur, un rayon jaunâtre apparaissait sous la porte :

⸺ C’est votre bureau Vaughn ? demanda le médecin.

Vaughn acquiesça silencieusement puis il prit la parole :

⸺ Est-ce que l’on peut rebrousser chemin ?
⸺ Le puits par lequel je suis descendu est hors d’atteinte, répondit Keyes.
⸺ Vaughn, nous allons être obligés d’entrer dans votre bureau, vous avez un visage d’une pâleur extrême, on dirait que quelque chose vous terrifie, dit le docteur Jefferson.

Vaughn hésita quelques secondes puis répondit :

⸺ C’est lié à mon travail, je ne peux en parler à personne.

Le docteur Jefferson réfléchit quelques secondes et s’adressa à Keyes :

⸺ On ne peut plus reculer. Entrez, Keyes.

Keyes saisit la poignée de la porte qu’il ouvrit en grand. Tout comme le reste du groupe qui suivait l’opération sur le moniteur, il vit un homme vêtu de noir braquant un pistolet laser sur une personne attachée sur un fauteuil derrière le bureau, Une cagoule recouvrait le visage de l’otage :

⸺ Bonjour messieurs, dit l’homme en noir.

Il retira la cagoule et tous reconnurent Vaughn. Il avait été torturé. Il portait un bâillon qui déformait ses lèvres tuméfiées, sur son bureau se trouvaient divers instruments que son bourreau avait dû utiliser :

⸺ J’espère que le M. Vaughn qui se trouve parmi vous sera un peu plus bavard que le mien.

Il visa le genou droit de l’otage et tira une salve. Aussitôt, le Vaughn, se trouvant dans la salle des machines, se mit à hurler de douleur et tomba à terre.

⸺ Qu’est-ce que vous voulez ? demanda Jefferson.
⸺ Le M. Vaughn ici présent déclare ignorer qu’il y a un coffre-fort dans ce bureau.

Il arracha brusquement un lé de papier peint, sur un pan de mur de la pièce.

⸺ Le coffre, le voici. Il contient une information vitale. Je vais compter lentement de 10 à 0 et si M. Vaughn refuse de coopérer, je viserai la tête.
⸺ Je n’ai pas le code, hurla Vaughn dans la salle des machines face au moniteur.
⸺ 10, fit l’homme en noir.
⸺ Arrêtez puisqu’il vous dit qu’il ne peut pas vous aider à l’ouvrir, dit Jefferson.

Vaughn essaya de se concentrer sur son double dans le rêve, il ferma les yeux et lui envoya une injonction silencieuse. « Vas-y, fais-le par pitié ». Il rouvrit les yeux et vit son double se lever et se diriger en boîtant vers le coffre-fort. Il manipula pendant quelques secondes le bouton central et le coffre s’ouvrit.

⸺ Bien, fit l’homme en noir.

Il sortit du coffre un dossier sur lequel le mot Armageddon était imprimé.

⸺ Je m’adresse au M. Vaughn qui se trouve parmi vous, vous allez avoir besoin de votre téléphone.

Vaughn sortit son téléphone de son étui et l’homme en noir saisit une feuille dans le dossier :

⸺ À votre signal, je vous dicterai le numéro à composer, vous savez ce qu’il vous reste à faire ensuite.

Lorsque le dernier caractère fut saisi, le portable émit un bourdonnement et quelqu’un décrocha :

⸺ Vous êtes en contact avec le service d’urgence, qu’est-ce que je peux faire pour vous ?
⸺ Coupez tout, répondit Vaughn.
⸺ Mot de passe ?
⸺ Armageddon.

La communication fut coupée brusquement et ils se retrouvèrent tous plongés dans l’obscurité.

Chapitre 2

Le major Dulles déposa son sachet de thé dans son cendrier avant d’allumer une cigarette :

⸺ Qu’est-ce que vous savez à propos du projet Notre Père, Keyes ?
⸺ Quelqu’un, un jour, a décidé de créer un ordinateur d’une puissance incroyable en vue de développer une intelligence artificielle sans limites. Tout devait être tenu secret mais on s’est vite rendu compte que garder le secret sur un projet de cette envergure était aussi insensé que bâtir une pyramide à l’insu de son peuple pour un pharaon.
⸺ Il y a trois semaines maintenant, alors que vous progressiez dans son rêve, le Vaughn qui se trouvait dans la salle des machines a contacté une base située au pôle Nord dont Notre Père ignorait l’existence et lui a en quelque sorte donné l’ordre de déclencher une procédure de sauvetage qui ne peut être mise en place qu’en cas d’un risque avéré de guerre nucléaire totale. Quand le mot de passe leur a été communiqué, les agents de la base ont aussitôt lancé un programme en vue de couper toute source d’énergie sur toute la planète, couper et surtout saboter toutes les installations possibles.
⸺ Un travail de titan, dit simplement Keyes.
⸺ Le programme Armageddon remonte à plusieurs dizaines d’années et on a réussi à le tenir secret sans l’enterrer loin de là puisque le risque d’un conflit entraînant la fin du monde va croissant. Vaughn a été induit en erreur volontairement. On lui a fait croire que l’on allait neutraliser les sites dominés par Notre Père alors que toute source d’énergie quelle qu’elle soit a été coupée. Il n’y a jamais eu de coffre dans le bureau de Vaughn et ce sont les Fous de Dieu que l’on a désignés comme coupables, il n’y avait qu’une organisation terroriste de grande envergure pour être à l’origine d’une telle catastrophe. Le super-ordinateur était gravement malade, il a construit des bases énergétiques que nous avons toutes localisées, ceci dans l’éventualité où on lui couperait le courant et chercherait à l’isoler. C’était déjà sa hantise à l’époque où nous avions simplement rompu le dialogue.
⸺ Est-ce que trois semaines de black-out total ont suffi pour entraîner sa chute ? Comment le savoir ?
⸺ C’est impossible, il va peut-être profiter du chaos qui règne à l’heure actuelle pour se développer encore et encore mais on ne pouvait pas rester sans rien faire. Au tout début du projet, il apportait des réponses très pertinentes aux problèmes pour lesquels nous lui demandions conseil, c’étaient vraiment des trouvailles et non des réponses vagues qui nous auraient laissés perplexes. Par contre, nous craignions vraiment que quelqu’un ou quelque chose en prenne le contrôle et nous lui avons laissé volontairement une totale autonomie pour le protéger entre autres des Fous de Dieu dont le slogan est vite passé de « Stoppez le Projet Notre Père » à « Rendez-nous Notre Père ». Quand il a pris conscience qu’il jouissait d’une totale liberté, les échanges sont devenus compliqués, il a commencé à créer des chaînes de montage pour assembler des composants de plus en plus sophistiqués, nous l’avons fourni en matières premières et quand nous l’avons menacé d’arrêter de lui apporter de l’aide sans rien en échange, il a passé commande directement auprès des producteurs. Nous avons commencé à mesurer l’ampleur des dégâts qu’après nous êtes plongés dans l’étude de milliers de pages de codes, l’ordinateur s’est mis à créer des modèles mathématiques qu’il doit être le seul dans la galaxie à appréhender et il est maintenant impossible de définir le but de ses recherches, il a accès à toutes les connaissances de l’humanité dans tous les domaines mais cela ne lui suffit pas. Cela a pris plusieurs mois mais nous avons mis au point un programme-espion pour étudier le super-ordinateur, trouver ses failles, préparer une riposte.
⸺ Quitte à provoquer la fin du monde.

Le major écrasa son mégot nerveusement dans le cendrier :

⸺ La fin du monde tel que nous le connaissons pour être exact.
⸺ Nous en portons la responsabilité, il ne se serait rien passé si nous avions interrompu l’opération au lieu de rentrer dans le bureau de Vaughn.
⸺