Géopolitique de l'Asie - Encyclopaedia Universalis - E-Book

Géopolitique de l'Asie E-Book

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Dégager des sous-ensembles régionaux au sein de l'Asie soulève deux difficultés majeures. D'une part, les phénomènes comme la démographie, la superficie ou l'économie opèrent à une échelle beaucoup plus vaste que l'Europe, voire que l'Amérique du Nord. La Chine, qui ne constitue qu'une partie de l'Asie, est, par exemple, aussi grande que les États...

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Seitenzahl: 107

Veröffentlichungsjahr: 2015

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ISBN : 9782852297715

© Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.

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Géopolitique de l’Asie

Introduction

Dégager des sous-ensembles régionaux au sein de l’Asie soulève deux difficultés majeures. D’une part, les phénomènes comme la démographie, la superficie ou l’économie opèrent à une échelle beaucoup plus vaste que l’Europe, voire que l’Amérique du Nord. La Chine, qui ne constitue qu’une partie de l’Asie, est, par exemple, aussi grande que les États-Unis, de même que l’Inde par rapport à l’Union européenne. La population de ces deux pays est considérable : les Chinois et les Indiens réunis sont sept fois plus nombreux que les habitants des États-Unis et du Canada, et cinq fois plus que ceux de l’Europe des Vingt-Cinq.

D’autre part, les diversités internes, tant physiques qu’humaines, sont très fortes, ce qui remet en question l’idée même de cohérence asiatique. Les relations entre les différentes sociétés apparaissent alors comme des facteurs de convergence, faute de réelle identité socioculturelle commune. Les flux économiques, les migrations de travail, les rapprochements politiques et les réseaux divers, qui participent d’une mondialisation dont l’Asie est précisément l’un des moteurs, dessinent donc les sous-ensembles régionaux asiatiques.

Cette situation n’est pas nouvelle. Depuis l’Antiquité, de grandes routes d’échanges ont sillonné le continent. La « Route de la soie », comme l’a baptisée le géographe allemand Ferdinand von Richthofen à la fin du XIXe siècle, ou plutôt les routes puisqu’elles étaient multiples, ont relié l’Europe, la Méditerranée et la Chine en passant par les steppes d’Asie centrale. Elles étaient dédoublées, vers le sud, par des routes maritimes de cabotage allant d’Arabie en Chine, via l’Inde et l’Insulinde. Ces deux axes, schématiquement parallèles d’ouest en est, étaient joints par des traverses orientées du nord au sud entre la région de Samarcande et l’Inde, la Dzoungarie et le Bengale, la Chine du Nord et l’Indochine par exemple. Ces routes constituaient autant des voies marchandes, celles des épices, de la soie ou du papier, que des axes de circulations intellectuelles, celles du zéro, des théories astronomiques ou des globes terrestres. Les historiens reconsidèrent actuellement la dynamique de ces anciens échanges. Il apparaît que l’Asie a davantage apporté de biens et de connaissances à l’Europe que celle-ci ne lui en a fournis.

Les colonisations et les impérialismes européens du XIXe siècle ont mis un terme à ce qui aurait pu être l’essor d’une révolution industrielle en Chine, voire en Inde. Mais la richesse pétrolière du monde arabe, persan et turquisant ainsi que l’émergence économique d’une Asie très sinisée changent désormais la donne. À l’ouest de l’Asie, les marchés et les esprits sont davantage tournés vers la Méditerranée et l’Union européenne. À l’est, ils sont en train de prendre leurs distances avec l’Amérique du Nord, vers laquelle ils furent tournés tout au long du XXe siècle, tandis qu’un axe d’échanges est-asiatique, d’abord maritime mais aussi aérien, réunit l’Asie du Sud-Est, la Chine, le Japon et la Corée le long de l’océan Pacifique. Entre les deux, le monde indien s’affirme progressivement, alors que l’Asie centrale reste très accaparée par la Russie héritière de l’empire soviétique.

Philippe PELLETIER

1. Proche et Moyen-Orient

Des rivages de la mer Rouge aux montagnes afghanes se déploient sur 7 millions de km2 les territoires du Proche et du Moyen-Orient répartis entre seize entités territoriales : quinze États (Afghanistan, Arabie Saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Iran, Irak, Israël, Jordanie, Koweït, Liban, Oman, Qatar, Syrie, Turquie et Yémen) plus les « Territoires autonomes palestiniens ». L’Égypte qui fait aussi partie, dans la dénomination courante, du Proche et du Moyen-Orient n’est pas incluse dans cette présentation, car l’essentiel de son territoire est africain et non asiatique. Cet ensemble, dont les limites ne souffrent pas contestation au sein de l’école géographique française contemporaine, compte quelque 315 millions d’habitants en 2009. L’isthme moyen-oriental est un carrefour, un contact entre les trois masses continentales de l’Afrique, de l’Asie et de l’Europe. Les profondes indentations de la mer Rouge et du golfe Arabo-Persique donnent toute sa valeur à l’isthme qui, de tout temps, a été traversé par de grandes routes terrestres ou maritimes. Ces itinéraires sont toutefois constamment menacés de nos jours et peuvent être éventuellement interrompus en un certain nombre de passages stratégiques (détroit d’Ormuz, de Bâb el Mandeb, canal de Suez, Bosphore). Cette « région-carrefour » s’individualise très nettement dans l’immense espace asiatique. Longtemps, elle a constitué une sorte d’arrière-cour du bassin méditerranéen avec qui elle entretenait des liens privilégiés sinon exclusifs. Il n’en est plus de même aujourd’hui, les relations avec les territoires asiatiques se renforcent. Depuis le milieu du XXe siècle, un état de crise permanente agite cet « Occident » du continent asiatique. Les évolutions économiques, sociales, géopolitiques se sont traduites par de profondes et fragiles mutations spatiales.

Moyen-Orient : production et flux pétroliers. Production et flux pétroliers au Moyen-Orient (situation 2005). Source British Petroleum.

• Un peuplement très diversifié

Le Moyen-Orient connaît encore un croît démographique soutenu: il est, en 2009, de 1,9 p. 100 (taux de natalité : 2,5 p. 100, taux de mortalité : 0,6 p. 100). Depuis les années 1990, la situation démographique est en évolution rapide. La fécondité a baissé de façon spectaculaire. L’indice synthétique de fécondité qui, autrefois, était de l’ordre 5,6 voire 7 enfants par femme, se situe, en 2009, à moins de 3,8 dans la quasi-totalité des pays. Cette évolution se traduit avec un décalage temporel dans la natalité en raison de l’importance des jeunes adultes dans la composition de la population. L’accroissement de la population va se poursuivre dans les années à venir mais à un rythme moins soutenu qu’auparavant. Les projections démographiques avancent, pour 2025, une population de 420 millions, soit un croît de 42 p. 100 en vingt ans.

L’accélération de la transition démographique est toutefois enclenchée de façon inégale selon les pays. La fécondité reste encore élevée dans les pays les plus traditionnels : Afghanistan (5,7 enfants par femme), Yémen (5,5), dans une moindre mesure l’Arabie (3,9). Elle est beaucoup plus basse dans les deux grands pays qui, à eux seuls, regroupent près de la moitié de la population du Moyen-Orient : en Turquie, l’indice de fécondité est tombé à 2,1 enfants par femme et à 2,0 en Iran !

Conséquence de l’élan démographique antérieur et actuel, la structure par âge de la population reste très jeune. Le groupe des moins de 15 ans représente encore 35 p. 100 du total (102 millions). Les 15-65 ans sont les plus nombreux (181 millions et 60 p. 100). Au sein de ce groupe prédominent les adolescents, étudiants et jeunes adultes qui tolèrent difficilement la place qui leur est concédée. La montée de ces jeunes générations est un fait avec lequel les pouvoirs en place doivent compter. Les investissements démographiques sont très lourds et la croissance démographique ancienne et actuelle pèse fortement sur le marché de l’emploi.

Le Proche et le Moyen-Orient sont terres d’islam. Elles ont été le théâtre de la première expansion de la nouvelle religion au VIIe siècle. Mais l’Islam n’a pas gardé son unité primitive. Il se répartit en plusieurs « familles d’esprit ». La rupture essentielle, intervenue à propos de la succession du Prophète en 661, est celle entre sunnites et chiites. Les sunnites rassemblent 60 p. 100 de la communauté musulmane moyen-orientale. Avec quelque 110 millions de fidèles, le Moyen-Orient abrite 60 p. 100 des chiites du monde ; on relève des communautés chiites importantes ailleurs en Asie (Pakistan : 33 millions, Inde : 15 millions). Les chiites sont eux-mêmes divisés. L’Iran constitue le bastion du chiisme (90 p. 100 des musulmans du pays). Ils sont aussi majoritaires en Irak (60 p. 100). Les communautés chiites sont également importantes à Bahreïn (70 p. 100 des musulmans), dans le Hasa pétrolier à l’est de l’Arabie Saoudite et au Yémen. On rencontre également une importante communauté chiite en Turquie (20 p. 100 des musulmans). Longtemps, au sein du monde musulman sunnite, le chiisme a rassemblé des groupes minoritaires et contestataires. La dimension géopolitique du chiisme s’est imposée récemment, avec la révolution iranienne (1979). Depuis lors, les chiites ont été des acteurs essentiels dans plusieurs conflits (Iran, Irak, Liban).

Sur ces terres orientales, qui ont vu naître le christianisme, les chrétiens sont de moins en moins nombreux. Ils ne sont que 3 millions actuellement. Ces minorités chrétiennes traversent des moments difficiles. Les événements et conflits récents ont poussé nombre d’entre elles à émigrer vers les États-Unis ou l’Europe. La question de leur avenir est sérieusement posée, dans un univers musulman souvent méfiant et parfois ouvertement hostile. Plus de la moitié d’entre eux sont libanais (1,4 million), la Syrie compte également des communautés chrétiennes importantes (0,9 million). Ils ne sont plus que 300 000 en Irak, 120 000 en Jordanie et moins de 50 000 en Palestine. Les communautés juives, autrefois dispersées, sont rassemblées au sein de l’État d’Israël depuis 1948. Aux juifs orientaux se sont ajoutés les juifs venus du Maghreb et de l’ensemble de la diaspora.

La langue vient compléter la diversité du peuplement de la région. Le Moyen-Orient occupe une position remarquable : il est à l’intersection de trois grands ensembles géolinguistiques, ceux des langues sémitiques, ouralo-altaïques et indo-européennes. À l’aire culturelle arabe se rattache environ la moitié de la population du Moyen-Orient (150 millions de locuteurs). Elle recouvre l’ensemble de la péninsule Arabique ainsi que les pays du Croissant fertile (Irak, Jordanie, Liban, Syrie, Territoires palestiniens) et s’étend aussi très largement dans le nord de l’Afrique. Les langues ouralo-altaïques sont très variées. La principale d’entre elles, le turc de Turquie, est la langue maternelle d’environ 60 millions de locuteurs et la langue officielle du pays. Toutes les autres langues ou idiomes turcs au Moyen-Orient sont ceux de minorités d’inégale importance : les Azéris en Iran, les Turkmènes d’Iran, d’Irak ou d’Afghanistan, les Ouzbeks des montagnes afghanes. Par ailleurs, l’aire culturelle turque s’étend aussi dans le Caucase et en Asie centrale. L’aire culturelle persane s’appuie sur le persan, une langue indo-européenne parlée par 80 millions de locuteurs en Iran et en Afghanistan, qui s’écrit avec l’alphabet arabe. La pratique du persan déborde largement le Moyen-Orient pour s’épanouir en Asie centrale. Enfin les langues indo-européennes autres que le persan sont pratiquées par des groupes importants : kurde et pashtoun notamment.

Enfin, les Kurdes, forts de quelque 25 millions d’habitants, constituent un solide groupe minoritaire. La zone de peuplement kurde occupe un vaste territoire de 530 000 km2 partagé entre quatre États (Turquie, Irak, Iran, Syrie).

Ainsi le fait minoritaire, d’origine religieuse ou ethnolinguistique, est constamment présent. Autrefois, les grandes constructions territoriales étaient multiethniques et multiconfessionnelles, la coexistence des groupes minoritaires était codifiée et ne posait pas trop de problèmes. Ce n’est plus le cas depuis la création des nouveaux États-nations. Dans ces cadres territoriaux souvent imposés de l’extérieur, les oppositions culturelles restent des germes de division et sont à l’origine de nombreux conflits.

À l’exception de l’Iran, dont l’assise territoriale est définie de façon définitive dès le XVIe siècle, et de l’Afghanistan, où la « ligne Durand » (1893), tracée sous la colonisation britannique, coupe en deux le territoire des Pashtouns, toutes les autres entités territoriales ont été imposées au XXe siècle avec deux temps forts. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les règlements territoriaux imposés par les vainqueurs consacrent la « balkanisation » du Croissant fertile, déterminent les frontières de la nouvelle Turquie et favorisent l’émergence de l’Arabie sous la férule d’Ibn Saoud. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’O.N.U. crée l’État d’Israël (1948), en dépit de l’opposition de tous les États arabes. Ce n’est qu’au cours de la décennie 1960 que le Royaume-Uni renonce au contrôle de la Côte des Pirates (le littoral des Émirats arabes unis). Accèdent alors à l’indépendance tous les micro-États en périphérie de l’Arabie. Tous ces tracés frontaliers imposés par les puissances européennes sont le plus souvent contestés et portent en germe les conflits et affrontements qui caractérisent le XXe siècle.

• La mobilisation des eaux et la question alimentaire

La quête de l’eau et sa maîtrise sont des impératifs absolus dans cette région où se juxtaposent à la fois des montagnes relativement arrosées grâce aux dépressions cycloniques d’hiver qui parviennent jusqu’en Méditerranée orientale et des déserts qui occupent plus de la moitié de l’espace. Les ressources hydrauliques annuelles renouvelables sont estimées à 520 km3, ce qui autorise une dotation de 1 761 m3/hab./an. Cette valeur moyenne placerait la région au dessus du « seuil de pénurie » fixé à 1 000 m3. En réalité, l’inégalité est la règle absolue. À côté d’États relativement bien pourvus disposant de plus de 2 000 m3 (Iran, Afghanistan, Irak, Turquie), Israël, la Palestine, la Jordanie et toute la péninsule Arabique disposent de moins de 500 m3 et parfois même moins de 100 m3