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« Sans spinozisme, pas de philosophie », disait Hegel, et cela marque déjà l'une des orientations de sa pensée. Car, en son temps, on ne se référait pas innocemment à Spinoza. Nous pouvons maintenant affirmer : « pas de philosophie moderne sans hégélianisme ».
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Seitenzahl: 56
Veröffentlichungsjahr: 2016
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ISBN : 9782341003711
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« Sans spinozisme, pas de philosophie », disait Hegel, et cela marque déjà l’une des orientations de sa pensée. Car, en son temps, on ne se référait pas innocemment à Spinoza. Nous pouvons maintenant affirmer : « pas de philosophie moderne sans hégélianisme ». Comme l’avait noté à juste titre Maurice Merleau-Ponty, qui pourtant le critiquait et voulait innover : « Hegel est à l’origine de tout ce qui s’est fait de grand en philosophie depuis un siècle. » Encore pensait-il surtout aux prolongements positifs de l’hégélianisme. Nous estimons désormais que beaucoup de doctrines hostiles à l’hégélianisme n’auraient pu se former et se développer si elles n’avaient eu la chance de se comparer et de s’opposer à un tel adversaire.
Le rayonnement de l’hégélianisme ne se limite pas au seul horizon de la philosophie proprement dite. On mobilise Hegel pour toutes les causes, on le cite en toute occasion, pas toujours à bon escient. On lui dérobe des formules claires et fascinantes qui, isolées de leur contexte souvent difficile, suffisent à bonifier les tirades les plus ternes et même les plus vulgaires.
Il n’est certes pas le seul grand philosophe auquel on puisse se référer utilement. Mais il vient après beaucoup d’autres et il conclut une histoire typique. Cela lui confère, grâce à l’étendue de son savoir, à son étonnant pouvoir de récupération de toutes les variétés de pensée, à l’acuité de son jugement, un prestige singulier et lui assure, encore en notre temps, une vitalité exceptionnelle : deux siècles après, il se fait encore des ennemis !
Il y a quelque chose d’impérial, ou d’impérialiste, dans cette philosophie, et l’on a souvent rapproché Hegel de Napoléon, son contemporain admiré. Il ne récusait peut-être pas lui-même une telle comparaison, dans sa vanité de penseur résolument idéaliste, avide de connaître et de dominer intellectuellement tout, tout de suite, et tout seul. Les deux hommes semblent avoir atteint, chacun sur son théâtre d’opération, la puissance et la gloire : l’empire de l’Europe et le règne de la raison. Hegel a lui-même établi un lien substantiel profond entre l’impétueuse activité française et la calme théorie allemande.
Avant d’esquisser un schéma de l’hégélianisme – l’idéalisme spéculatif et dialectique – il importe de repérer quelques obstacles qui en gênent l’accès. Ses difficultés ne lui viennent pas uniquement de l’extérieur : certaines d’entre elles relèvent de lui-même. Les signaler, c’est ouvrir les portes de la doctrine et encourager une lecture active et exigeante. Cette philosophie ne se laisse pas contempler simplement d’une manière réceptive et interprétative. Elle appelle aussi l’interrogation et le soupçon : c’est ainsi que Hegel lui-même s’adressait à ses prédécesseurs et à ses maîtres. Il soutenait que la philosophie a pour tâche première de « comprendre ce qui est ». Notre travail supplémentaire consiste à comprendre ce qu’il a dit de ce qui est. Il le savait : « un grand personnage voue les hommes à la damnation de l’expliquer ». Si la lecture de Hegel était aisée, elle ne serait ni féconde ni valeureuse.
On se heurte d’abord à l’immensité de l’œuvre. Elle se présente comme un énorme massif de montagnes élevées, au point culminant desquelles on accède par divers chemins, tous escarpés. D’en haut, on jouira d’un beau panorama, mais qui voudra ou pourra grimper jusque-là ? L’alpiniste se satisfait parfois d’un angle de vue partiel, déjà grandiose. Il sait que le massif constitue une formation géologique globale : tous les aspects que l’on y distingue, dans leur réalité concrète, ont poussé ensemble (Hegel définit le concret comme « ce qui a poussé ensemble », du latin concrescere). Mais l’étroit regard et le petit esprit de l’homme n’en peuvent saisir d’abord qu’une parcelle, obligés qu’ils sont de fragmenter cette concrétude, de distinguer successivement et plus ou moins méthodiquement en elle des composants divers et déjà, au départ, de choisir un itinéraire parmi d’autres possibles.
Encore faut-il d’abord cerner le massif. Si étonnant que cela puisse paraître, des problèmes de textes et d’édition se posent encore. On découvre à notre époque des manuscrits ou des cours de Hegel jusqu’alors inconnus. Une grande publication allemande, minutieuse et critique, est en cours. Elle collecte en premier lieu, bien sûr, les œuvres que Hegel publia lui-même, de son vivant. Et ce n’est déjà pas une mince entreprise, car elles ont leur propre histoire, riche d’aventures. Du moins livrent-elles l’essentiel de la doctrine exotérique. Leur succession révèle des évolutions de pensée dont il n’est pas toujours aisé de discerner les péripéties.
Devant cette masse de livres, on pourrait soupirer : c’est assez ! Des commentateurs sérieux recommandent de s’en tenir à cela. La connaissance de l’hégélianisme peut s’élever, ou se risquer, à des niveaux variés de précision et d’authenticité. À la rigueur, l’un des ouvrages les plus amples, l’Encyclopédie des sciences philosophiques en abrégé (1817, 1827 et 1830), fournit déjà à lui seul un exposé assez détaillé de la pensée de Hegel, et son étude réclame de grands efforts. Certains croient y trouver – peut-être illusoirement – la philosophie de Hegel enfin bouclée dans son unité achevée. Toutefois, après chacune de ses parutions, elle a reçu des compléments oraux ou écrits, des remarques supplémentaires. Ces ajouts, traitant chacun d’une question particulière, apportent une plus grande clarté, et l’on peut conseiller au débutant en hégélianisme de s’initier rhapsodiquement grâce à eux...
Mais cela suscite quelque inquiétude. La déduction systématique, l’exposition stabilisante gênerait-elle donc la reconnaissance de l’esprit hégélien ? Le système est-il charpenté aussi solidement qu’il s’en vante ? Autre sujet d’inquiétude : on constate bien des contradictions, parfois littérales, dans les textes « canoniques », et l’on apprend par ailleurs que Hegel a pensé et dit bien des choses qu’il s’est abstenu de confier à des éditeurs.