Hacking ! - Jeanne Desaubry - E-Book

Hacking ! E-Book

Jeanne Desaubry

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Beschreibung

Quel est ce nouveau chantier dans la forêt ? Rachid et Bastien mênent l'enquête !

Ils auraient pu passer devant sans y prêter attention… Quel est ce nouveau chantier que Rachid et Bastien découvrent dans leur forêt ? S'agit-il vraiment de construction comme l'indiquent les panneaux ? Pourquoi les représentants de la mairie sont-ils hostiles à leurs recherches ? Passionné d'informatique, Rachid décide de s'infiltrer dans l'ordinateur du chantier, sans savoir quels dangers l'attendent…
Un roman policier plein de suspense.

Aux côtés de Rachid et Bastien, plongez dans un polar passionnant et suivez pas à pas les investigations des deux jeunes garçons, bien décidés à comprendre ce qui cache les représentants de la mairie...

EXTRAIT

Bastien se cambre, agitant les mains devant sa poitrine. Leïla regarde vers lui, perplexe, puis fronce les sourcils. C’est que le geste du garçon est universellement connu pour signifier de gros seins, et l’attitude des garçons la surprend. Elle les aime bien, ils sont gentils, pas casse-pieds, Rachid est même un peu timide. Elle espère qu’ils ne sont pas sur un site adulte, sinon, elle leur tirera sévèrement les oreilles.
Heureusement pour eux, un problème survient au fond de la salle. Leïla doit aller aider une dame qui n’arrive pas à se connecter. Les deux garçons reprennent leurs travaux. Rachid, toujours concentré sur l’écran n’a pas suivi l’épisode.
— Ouais, des playmates… J’avais pensé à « cliquer ici, vous avez gagné le gros lot » mais « cliquez ici et je retire le haut » c’est pas mal non plus. T’as raison. Classique, mais il y a toujours des abrutis pour se laisser prendre. Notre adversaire n’a pas l’air d’être une lumière.
Si Leïla venait faire un tour du côté des garçons, elle serait déçue. Malgré le sérieux de la situation, ils ne peuvent s’empêcher de glousser en choisissant sur le net une photo de fille, la plus sexy possible et déjà passablement déshabillée.
Bastien s’essuie les yeux, reprenant son sérieux.
— Et maintenant ?
— Imagine : il ouvre son message, il clique sur la fille, et…
— Qu’est-ce qui se passe ?
— Rien ! C’est là que c’est beau, non ? Rien du tout. Il reçoit un message d’erreur : « La page que vous avez demandée n’existe pas ». Mais, sans qu’il le sache, le programme que je viens de glisser dans le message est téléchargé sur sa machine. Au démarrage suivant, pof, il s’exécute et je prends le contrôle.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Dans ce court roman, tous les ingrédients du bon policier pour enfants sont réunis : enquête menée à l'aide de nouvelles technologies, combat pour l'environnement, suspens et intimidations des adultes pour les éloigner de la vérité ! - Réseau Co Libris, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jeanne Desaubry a voulu écrire dès qu'elle a su lire, ce qu'elle a appris très tôt, clandestinement. Lire, écrire, éditer, chroniquer, sa vie tout entière est emplie par la littérature. Aujourd'hui, après trois romans policiers, des romans pour la jeunesse, des nouvelles dans des revues ou des ouvrages collectifs, elle défend encore et toujours son genre de prédilection : le noir, où la fiction rencontre la réalité et se fait miroir de notre époque. Régulièrement, elle anime des causeries, des lectures, dirige des ateliers d'écriture.

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Seitenzahl: 141

Veröffentlichungsjahr: 2018

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Couverture

Titre

Copyright

COLLECTION

Jasminnoir

1. Casting mortel

Thierry Crifo

2.Tempête sur la Belle Maria

Gildas Girodeau

3.Vague meurtrière

Lalie Walker

4.Hacking !

Jeanne Desaubry

Le texte Hacking ! a été proposé aux Éditions du Jasmin par Gérard Streiff.

Tous droits de reproduction, de traduction

et d’adaptation réservés pour tous pays.

© 2013éditions dujasmin

Dépôt légal à parution

www.editions-du-jasmin.com

ISBN 978-2-35284-690-1

L'auteur

L’auteur

Jeanne Desaubry a voulu écrire dès qu’elle a su lire, ce qu’elle a appris très tôt, clandestinement. Lire, écrire, éditer, chroniquer, sa vie tout entière est emplie par la littérature.

Aujourd’hui, après trois romans policiers, des romans pour la jeunesse, des nouvelles dans des revues ou des ouvrages collectifs, elle défend encore et toujours son genre de prédilection : le noir, où la fiction rencontre la réalité et se fait miroir de notre époque.

Régulièrement, elle anime des causeries, des lectures, dirige des ateliers d’écriture dans des classes, portant le flambeau du polar.

DU MÊME AUTEUR

Polars

Hosto, Éditions Krakoen, 2005

Le passé attendra, Éditions Krakoen, 2007

Dunes froides, Éditions Krakoen, 2009

Roman pour la jeunesse

L’incendie d’Halloween, Éditions Krakoen, 2011

Novella

Super haine, Collection Petit Noir « Le temps d’un café » Éditions Krakoen, 2012

À paraître

Poubelle’s girls, la Ronde des paumées, Éditions Krakoen

1 Clandestin

Rachid a travaillé dans une quasi-obscurité, à la lueur de la petite torche qui ne quitte jamais son sac à dos. La lumière de l’écran n’est pas tout à fait suffisante pour voir le clavier la nuit, sinon il s’en contenterait et pianoterait dans le noir. Maintenant qu’il arrête sa session, c’est le moment d’être discret. Effacer ses traces. Un ordinateur, pour un informaticien digne de ce nom, c’est comme un sol couvert de neige. Facile de savoir qui est allé où, à quelle heure, qui a fait quoi… Pas question de se faire prendre sur ce terrain-là. Pas question de se faire prendre non plus dans la rue ou en rentrant chez lui. Les dangers sont multiples.

En tête des problèmes : Jean-Mi, dit Black Snake sur les forums. Blacky pour les filles quand il frime, propriétaire du cybercafé le jour, DJ la nuit, qui n’apprécierait pas de voir Rachid surfer sans payer, en dehors des heures d’ouverture !

Juste derrière, comme source de soucis possibles : sa mère. Pas intérêt qu’elle surprenne Rachid dans la rue alors qu’il devrait être à la maison. Devoirs, dîner, dodo, la règle des trois D ne souffre aucune exception. Seule à élever son fils depuis le départ du père, elle n’a qu’une crainte : que son fils tourne mal et se mette à traîner en bas de l’escalier avec les jeunes à capuche. Elle n’a pas toujours d’emploi fixe, elle fait souvent des remplacements dans une entreprise de ménage de bureaux. Quand elle travaille le soir, Rachid en profite pour s’échapper… Si elle l’apprend, il peut compter ses abattis, ce sera sa fête. Il a treize ans, il est aussi grand qu’elle, mais elle lui collerait quand même une sacrée dérouillée !

Et puis, la rue, la nuit… Normalement, Rachid n’a pas peur ; pas de raison. Il est bien connu, et il connaît tout le monde. Il n’a pas un sou en poche, pas de portable, pas de mp3… L’avantage d’être dans la dèche totale, c’est que si on n’a rien, on n’a rien à perdre non plus. Non, paradoxalement, ce qu’il redoute, ce serait plutôt une patrouille de police. Dans certaines villes, il y a des interdictions de sortie après vingt-trois heures pour les mineurs. À Saint-Pierre on n’en est pas là. C’est un peu la ville à la campagne et les gens se connaissent assez pour ne pas avoir peur les uns des autres. Mais ils flippent à cause des reportages à la télé qui montrent des voitures qui crament en bas des HLM. Ça n’est jamais arrivé à la cité Mermoz. Non, mais les flics voudraient peut-être lui rendre service en le ramenant à la maison, et Rachid ne tient pas à cette publicité-là.

Éteindre l’ordinateur, brancher l’alarme, pousser doucement la porte du fond et surtout la retenir, car dans la ruelle, la fermeture résonne avec un claquement métallique sonore.

Leïla… Sa voisine du quatrième. Belle à fendre le cœur, et gentille avec ça. Blacky lui fait faire la fermeture du cybercafé depuis qu’il fait le DJ au Nota Bene, le bar branché du centre-ville. Un jour que Rachid traînait en regardant par-dessus l’épaule des clients, elle lui a demandé de fermer pour elle, elle n’était pas bien, elle avait besoin de rentrer. Il était assez tôt et il n’a eu aucun scrupule à courir chez le serrurier d’à côté pour faire une copie de la clef.

Depuis, les nuits où sa mère travaille, Rachid attend la fermeture, et revient en douce.

Deux heures par deux heures, il a réussi à monter un serveur de jeu qu’il administre aussi souvent qu’il peut. Deux heures par deux heures, il a réussi à créer un monde imaginaire fantastique, dont il est le roi. Tout le contraire de sa vraie vie, quoi…

Il rêve d’aller plus loin, de créer son propre jeu… Impossible tant qu’il n’a pas d’ordinateur personnel, pas de connexion… Un jour peut-être… En attendant, il est obligé de truander. Il sait qu’un jour il va se faire prendre. C’est fatal, inévitable ! Il espère que ce sera le plus tard possible.

Voilà ! la porte s’est enclenchée doucement derrière lui. Un tour de clef. Il est près de vingt-trois heures, il lui faut rentrer au pas de course, sa mère ne va plus tarder.

Demain, en cours, il sera encore crevé… mais on est à la fin de l’année, les profs leur fichent à peu près la paix.

Avec Bastien, son pote, ils continueront en paroles le tournoi commencé en ligne ce soir. Bastien, lui, a des problèmes d’une autre nature. Ses parents ont de quoi lui offrir un ordinateur, la famille n’a pas de souci. Ils habitent dans une zone pavillonnaire, au bord de la forêt. Non, ce n’est pas une affaire d’argent. Ses parents sont persuadés que l’informatique et Internet vont lui griller le cerveau. Chez lui, c’est extinction obligatoire des feux à vingt-deux heures ! Misère ! À treize ans, on n’est quand même plus un bébé !

Bastien est moins accro que Rachid, les restrictions lui pèsent moins. Il n’empêche qu’il jubile quand il peut disposer de l’ordinateur familial pendant deux heures, à condition que les devoirs soient faits et les leçons sues. Quel veinard !

Bastien ne connaît pas sa chance. Mais son truc, lui, c’est plutôt la nature. Il adore la forêt, l’observation des animaux en particulier. Rachid l’accompagne volontiers dans ses randonnées en vélo dans les bois… quand il n’a pas d’ordinateur à portée de main.

2 Mauvaise surprise

— C’est quoi, ça ?

Un panneau immense est dressé au bord de la route forestière plus ou moins goudronnée. Aussi grand que les arbres, au milieu de nulle part, il se tient, nouveau et incompréhensible. Les garçons s’arrêtent pour lire l’annonce :

LE BOIS JOLI

GRAND ENSEMBLE RÉSIDENTIEL

PROCHAINEMENT DU STUDIO AU F5 !

COMMERCES, ÉTABLISSEMENT SCOLAIRE, CRÈCHE

MAISON DE RETRAITE ET INSTALLATIONS SPORTIVES

Les lettres sont hautes de cinquante centimètres, une cité idyllique s’étale en couleurs criardes sous l’annonce. Voitures brillantes de propreté, arbres déjà grands, fenêtres fleuries, chien, enfants à vélo, abribus, rien n’y manque. Rachid, jamais en retard d’une blague, se moque de son copain.

— T’as vu ? On y est déjà ! regarde c’est toi, là, sur le skate !

— J’espère que non ! T’as vu son look ?

Les deux copains font cette découverte à la fin d’un doux après-midi de juin. Collège fermé pour cause de brevet, temps superbe. Les parents au travail… Liberté, liberté… Ils se sont baladés tout l’après-midi sur leurs vélos, visitant leurs coins préférés les uns après les autres. À présent, ils ont soif et faim. Vivement le goûter. Alors, ce jour-là, ils ne s’attardent pas. Mais le lendemain, repassant devant l’énorme panneau dressé là au milieu de nulle part, la laideur de la cité « idéale » leur mine le moral.

— Faudrait qu’on se renseigne, non ? Tu vois un peu s’ils construisent vraiment cette horreur ici ? On peut dire adieu à notre coin. Ça m’étonnerait qu’on puisse encore faire des cabanes ! Il y aura de la circulation, ça va faire fuir les animaux. T’imagines ? On était presque à la campagne, tout seuls… C’était trop beau, tiens !

Bastien plisse les yeux en examinant la publicité géante. La forêt est coincée entre leur ville de Saint-Pierre et celle de Gervilliers d’un côté, l’autoroute et la zone industrielle de l’autre. C’est un immense paradis naturel coincé entre des zones très urbaines. Pas un parc officiel, avec ses gardiens, ses panneaux, ses sentiers. Non, un immense terrain sauvage, des dizaines d’hectares, le paradis des mômes qui viennent pour jouer à Robinson. Des amoureux, aussi. Des trafiquants de tout poil, sûrement. Mais c’est leur paradis à eux ! Ils ne peuvent pas laisser faire n’importe quoi !

Rachid secoue la tête, dégoûté :

— Je vais passer au cybercafé. Leïla pourra peut-être me filer un écran. Je vais me faire une petite recherche sur ces maboules qui veulent construire une ville au milieu de nulle part. Non, pire : au milieu de notre coin à nous.

Bastien ne répond rien. Il se contente de sourire d’un air entendu. Son copain ne le regarde même pas. En rêve, il est déjà accoudé au comptoir du Cyber-esp@ce, il a vingt ans, une décapotable l’attend dans la rue et Leïla se recoiffe avant de partir au cinéma avec lui… Faut bien rêver, non ?

Mais, ce soir-là, Blacky organise un tournoi en ligne. L’inscription est de quinze euros et Rachid ne les a pas.Il imagine les cris de sa mère s’il allait lui demander la permission de passer une nuit blanche à jouer en ligne. Pas la peine de lui expliquer que les chevaliers qu’il affronterait habitent en Nouvelle-Zélande : elle lui prendrait sa température.

Samedi, corvée de courses pour Bastien, dimanche, pique-nique familial… Les deux copains se retrouvent le lundi matin, pour une fois désespérés que le collège soit fermé.

Ils sont assis sur les marches de l’entrée de l’administration quand Mme Jacquet, la documentaliste, arrive en compagnie du CPE.

— Bastien, Rachid, qu’est-ce que vous faites là ? On vous manque déjà ? Je ne pensais pas vous revoir avant le mois de septembre.

— On s’ennuie un peu, m’dame, et puis on aurait une recherche documentaire à faire, alors on était venus voir si des fois le CDI était ouvert…

— Ah, je comprends mieux…

Mme Jacquet fait un sourire au CPE qui s’éloigne. Un pli soucieux est apparu entre ses sourcils dès qu’il a vu des élèves. Pauvre homme… Il était pourtant tout sourire quand il portait le sac plein de livres de la bibliothécaire. La jeune femme est vêtue d’une robe légère d’été contrastant avec ses habits sévères de l’année scolaire, elle se tourne vers les garçons.

— Allez, suivez-moi. Je vous accorde une heure. Ça ira ? Après, je veux travailler en paix. Et ne venez pas comme ça tous les matins ! Dès la semaine prochaine, vous ne me trouverez plus, je serai en vacances dans les Alpes, auprès de ma famille.

Les deux garçons suivent la documentaliste, troublés par le vide et le silence de ces longs couloirs qu’ils ne connaissent que remplis de gamins hurlant et se bousculant.

Mme Jacquet ouvre les fenêtres du CDI, chassant l’odeur de poussière des livres, puis allume un ordinateur pour les garçons qui, respectueux et un peu impressionnés, se parlent à voix basse.

Plus tard, la documentaliste vient jeter un coup d’œil par-dessus leurs épaules et s’étonne de les voir sur le site de Prim’logis, un constructeur immobilier.

Les deux garçons n’y ont pas appris grand-chose, et râlent devant l’écran. Ils ont fini par trouver une vidéo publicitaire montrant les mêmes images que celles du grand panneau. Cela leur apprend surtout que les logements seront munis de tous les raffinements d’économie d’énergie : isolation, panneaux solaires et recyclage de l’eau de pluie. Le constructeur promet une vie de rêve, subventionnée par des investissements de l’état pour la transformation d’une zone abandonnée en « éco-cité ».

La bibliothécaire ne s’attendait vraiment pas à ça. Voir les deux garçons s’intéresser à l’immobilier la sidère. Les promoteurs en herbe lui fournissent de longues explications embrouillées. En résumé, ils veulent comprendre pourquoi il faut détruire autant d’hectares de forêt pour quatre immeubles. Mme Jacquet leur conseille alors d’aller se renseigner à la mairie.

— La mairie ? Pour quoi faire ? Rachid ouvre des yeux ronds.

— Si c’est un projet immobilier sur le territoire de la commune qui vous inquiète, il faut aller au bureau des permis de construire.

— Ils vont nous prendre pour des fous, s’inquiète Bastien. Et puis, on est sûrement trop jeunes…

— Bastien, tu es inscrit au club des jeunes citoyens, je ne me trompe pas ?

— Oui, mais je ne vois pas…

— Pourquoi tu n’irais pas te renseigner en prévision des activités de la rentrée ? C’est un lieu public. Si vous êtes polis, ils ne vous jetteront pas dehors.

Comme le redoutaient les garçons, c’était plus facile à dire qu’à faire. Pour commencer, ils se présentent le mardi matin. Pas de chance, ce n’est ouvert que l’après-midi. Obstinés, ils reviennent donc plus tard. Le bureau des permis de construire est ouvert, certes, mais il est envahi par un groupe d’hommes en cravate qui discutent fort en étalant des documents qu’ils sortent de long tubes en cartons.

Rachid et Bastien restent un peu interdits, n’osant trop s’aventurer plus avant dans la pièce. Finalement, une femme au long nez pointu et à l’air revêche les aperçoit et les interpelle. Ils lui expliquent la nature de leur recherche. Alors que Bastien s’exprime poliment, d’une voix un peu forte pour couvrir le bruit des conversations autour de lui, le silence se fait peu à peu, sans qu’il s’en rende compte. Et c’est d’une voix forte qu’il conclut 

— Alors vous comprenez, on aimerait bien voir les plans. Comme ça on pourra tout expliquer au club des citoyens à la rentrée. Vous savez quand les travaux commenceront ?

Dans le silence qui s’est fait, la voix de Bastien résonne fort et Rachid, voyant tous les yeux tournés vers eux, se rapproche instinctivement de son copain. Ce n’est pas la dame au long nez qui répond, mais un des hommes porteurs de plans, aux joues rougeaudes, le cou serré dans une cravate aux couleurs criardes.

— Dites donc, qui est-ce qui pilote ces mômes ? Dans votre ville, les gamins n’ont pas froid aux yeux. D’habitude on se farcit les associations d’écolos, là, ils nous envoient les couches-culottes !

De gros rires secouent l’assistance, et les deux garçons se sentent affreusement ridicules. Ils voudraient disparaître dans un trou de souris.

La femme qui, outre son long nez, est affublée de petits yeux perçants, leur répond désagréablement : certes les documents sont publics, mais ils seront gentils de revenir à un moment où elle sera moins occupée et de préférence… avec leurs parents

Rachid et Bastien sortent de là furieux, les joues encore rouges de honte d’avoir été ridiculisés. Piètre consolation, avant de partir, Bastien se retourne vers la femme.

— On vous remercie madame. Vous avez raison, on reviendra.

Alors qu’ils quittent le bureau encombré, les deux garçons n’ont pas vu le long regard entendu qu’échangent l’employée de la mairie et l’homme désagréable.

Ce soir-là, la maman de Bastien, Mariette, propose à Rachid de rester dîner. Elle va faire sa grillade de poulet mariné, une grande salade, il y aura des glaces et on mangera dehors… C’est déjà un peu les vacances.

À table, les deux garçons racontent leur journée. Jacques Oliveira, le père de Bastien, se tape brutalement sur le front.

— Bon sang, j’avais oublié !

— Oublié quoi ? La question est posée distraitement par la mère, qui regarde, navrée, la traînée de ketchup que son mari vient de dessiner involontairement sur sa chemise.

— Mme Lepic m’a appelé juste avant que je quitte mon bureau. J’avais complètement oublié que je voulais demander à Bastien pourquoi diable il était allé casser les pieds des gens du bureau de l’urbanisme.

Jacques se tourne vers les garçons en posant sa question. Bastien bondit, piqué au vif :

— D’abord, on n’a cassé les pieds de personne ! On a posé notre question poliment et on s’est fait virer, c’est plutôt nous qui devrions être furieux. Et puis, comment elle sait qui je suis ? On ne s’est pas présenté.

— Tu sais, on vit dans un monde plus petit que tu ne le crois. Allez-y les artistes, expliquez-vous un peu…

Les deux garçons racontent alors leur découverte dans la forêt, leurs recherches et leurs questions. Le papa de Bastien leur coupe assez vite la parole.

— Écoutez-moi bien les gars : je n’ai rien contre votre intérêt pour notre environnement, mais de grâce, je ne veux pas d’histoires.

La maman s’interpose.