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À la fin de ses études, Elphia Cassant, une jeune diplômée brillante, se voit offrir, contre toute attente, un poste de scientifique en Antarctique. Dès son arrivée au pôle Sud, une découverte bouleverse l’équilibre du centre de recherches, propulsant son travail sous les feux des projecteurs. Rapidement promue à des responsabilités stratégiques, Elphia se retrouve confrontée à des défis d’envergure, malgré son manque d’expérience. En adoptant des méthodes correspondant à son identité, saura-t-elle surmonter ces obstacles et s’affirmer dans un environnement aussi exigeant ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Tout au long de son parcours,
Jean Dominique Godard a été guidé par des paradoxes. Son chemin imprévisible l’a conduit à l’écriture, où il explore l’idée que le destin, plutôt que le hasard, a façonné sa vie. Cette conviction est au cœur de son ouvrage "Hasard et destin – Tome I".
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Seitenzahl: 1364
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Jean Dominique Godard
Hasard et destin
Tome I
Roman
© Lys Bleu Éditions – Jean Dominique Godard
ISBN : 979-10-422-4642-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Tous les faits sont-ils le fruit du hasard, ou est-il possible qu’une certaine organisation puisse parfois s’imposer à nos choix de façon à atteindre un avenir qui serait prédéterminé ?
Les conjonctures qui se mettent en place dans le passé et le présent de vos vies façonnent les opportunités qui seront à l’origine de ce que sera l’avenir, et régulièrement, notre libre arbitre n’aura que le rôle de valider l’une des options qui nous est proposée. Alors, reconnaissons que si le futur est parfois hasardeux, dans certains cas, l’improbabilité des faits peut nous laisser penser qu’un chemin pourrait avoir été mis en place par le destin pour que nous l’empruntions.
Ce que nous appelons destin est un concept plutôt irrationnel que nous sommes bien incapables de préciser, auquel nous nous soumettons pourtant tous, que la situation soit chanceuse ou malheureuse en invoquant une volonté divine ou une intervention du hasard afin de nous permettre d’accepter avec fatalisme ce qui nous arrive.
Et pourtant, lorsqu’on regarde avec objectivité l’étrangeté de certains faits, ne devrions-nous pas au moins nous interroger davantage sur ce qui s’est réellement passé ?
Lorsque nous prenons un simple fait comme le lancer d’une pièce, le résultat sera pile ou face de façon aléatoire et les mathématiques parleront de probabilités qui ne nous permettront jamais d’annoncer avec certitude ce qu’il adviendra. Mais dans ce cas, le hasard de l’action ne sera le fruit que de notre incapacité à maîtriser tous les paramètres du lancer de la pièce. Car si cet acte était confié à un automate parfaitement calibré, le résultat ne serait plus autant fortuit et nous serions potentiellement capables de prédire l’avenir ou tout au moins d’en affiner nos prédictions. Car de façon certaine, le hasard du résultat ne provient que de la créativité de l’action générée par la personne qui lancera la pièce.
Lorsque nous prenons des faits de la vie qui résulteront de l’interaction d’une multitude de personnes, le pouvoir créatif sera infini. Non seulement nos connaissances seront toujours insuffisantes pour modéliser l’avenir, mais en plus, il nous faudrait aussi intégrer le libre arbitre des différents acteurs qui jouent des rôles plus ou moins importants dans ce qui s’accomplit.
Il serait donc logique d’imaginer que dans la plupart des actions, le hasard serait secondé par le pouvoir créatif du monde du vivant. Ainsi, pendant des milliards d’années, la vie aurait donc façonné ce qui s’impose actuellement dans le présent. Et il faut bien admettre qu’avec l’émergence de l’Homme parmi le vivant, tout s’est accéléré, et que de façon indiscutable, les choix et les actes que l’humanité imposera à la planète détermineront en grande partie sa destinée.
Pendant très longtemps, le hasard a été le seul partenaire du destin. Mais aujourd’hui, ne devrions-nous pas voir dans l’accélération des évolutions de notre monde, que le facteur créatif du vivant contribuerait plus efficacement que le hasard pour structurer un futur toujours plus complexe à harmoniser ?
Par ailleurs, devons-nous vraiment considérer que nos choix ou que nos actes soient aussi libres que nous voudrions bien le croire ?
Ne serait-il pas envisageable que ce serait plutôt le destin qui guiderait nos actes et nos pensées en s’imposant d’une façon ou d’une autre à notre libre arbitre ?
Certes, chacun tient compte dans une certaine mesure des incidences de ses choix, principalement dans le but de respecter l’autre à travers le filtre de son éducation, de sa religion, ou de ses convictions. Mais en dehors de cette limite culturelle, ne serions-nous pas tous prêts à suivre très irrationnellement toutes les opportunités qui se présenteraient à nous ? Et notre libre arbitre ne serait-il pas même attiré presque aveuglément par toutes extravagances qui viendraient souligner l’une des options qui nous seraient offertes ?
Car très inconsciemment lorsqu’on ne sait pas quelle direction prendre, ne cherchons-nous pas à repérer tout signe du destin qui émergerait de l’ordinaire de nos vies ?
Voici un exemple vécu décrivant le genre de fléchage du destin que nous serions tous prêts à emprunter : une personne à la recherche d’un travail postule régulièrement depuis plusieurs mois à différentes offres d’emplois qui pourraient lui convenir. Un jour, une certaine Léonie la contacta dans le but d’organiser un entretien d’embauche, et l’après-midi même, au cours d’une sortie vélo, elle décida de prendre une direction qu’elle n’avait jamais prise. Puis après une trentaine de kilomètres, poussée à nouveau par on ne sait quoi, l’envie de faire une pause s’imposa tout à coup et à l’instant où elle mit pied à terre, ses yeux se posèrent sur le prénom de son interlocutrice du matin écrit en toutes lettres sur la façade de la maison se trouvant en face d’elle. En une fraction de seconde, ce nom peu courant ressorti de sa mémoire et son esprit interpréta les faits comme un message qui lui indiquait clairement la direction que sa vie devait prendre.
Quelques jours plus tard, les responsables de l’entreprise pourtant située à 700 km de chez elle signèrent avec elle son contrat de travail.
Des faits comme ceux-ci pris un à un sont anodins et nous pourrions presque nous satisfaire de l’idée qu’ils puissent être le fruit du hasard. Mais lorsqu’ils s’enchaînent et qu’ils viennent régulièrement s’inviter dans nos vies, très bizarrement à des moments tout aussi opportuns, ne discréditent-ils pas cette vision simpliste des choses ?
Ne devrions-nous pas considérer qu’on puisse être sujet à des suggestions plutôt convaincantes émanant d’une dimension qui nous échappe encore complètement ?
Une certaine partie de l’humanité accepte même l’idée qu’il soit impossible de se soustraire au destin qui nous est promis et ne cherchons-nous pas tous ce genre de signaux pour valider nos choix souvent sans s’imposer une plus grande objectivité ?
Mais après tout, ne serait-ce pas un acte volontaire de nos âmes que de se laisser abuser par ce fatalisme, car ne serions-nous pas inconsciemment convaincus que le destin saurait bien mieux que nous le chemin qui devrait être pris ?
La fiction qui suit amplifie outrageusement la succession de conjonctures toujours favorables pour rendre évidente l’intervention du destin. Mais dans nos vies, qu’on l’admette ou non, on cherchera à voir des signes dans les moindres faits improbables qui seront systématiquement traduits en un message qui serait sensé nous guider.
Toutefois, peu d’entre nous avoueront avoir pris en compte cette perception des faits, car cela impliquerait qu’un puissant auteur puisse avoir un contrôle sur nos âmes au point de lui abandonner notre libre arbitre !
Il faut bien admettre que ce qui est étrange dans ces enchaînements d’événements extraordinaires, ce n’est pas vraiment le contenu du message, mais c’est toujours son improbable présentation qui nous amènera à réagir. Et du coup, le plus irrationnel dans l’affaire, c’est plutôt l’idée implicite qui voudrait qu’un but intentionnel chercherait à nous guider dans une direction si déterminante qu’il nous serait impossible d’y échapper.
À vrai dire, dans ces situations, l’éventuel message perçu n’est généralement que subliminal. Nos pensées devront encore chercher à décoder la direction qui devrait être prise. Car dans la plupart des cas, les faits étranges n’ont pas de lien direct avec l’une des orientations potentielles de nos vies, et ce sera encore à nous de trouver le point commun qui les rassemble de façon à déterminer la route à suivre. L’interprétation qui sera faite ne sera toujours qu’une manière de voir les choses qui pourra évoluer avec le temps si le déroulement des événements ne s’est pas montré à la hauteur de nos attentes. Quel que soit ce qu’il adviendra, et même dans les cas qui oublieront totalement l’idée initiale qu’un but prédéterminé nous était imposé, plutôt que d’invalider l’idée qu’un message nous ait été transmis, on préférera l’idée de ne pas avoir su décrypter la direction à prendre, car sinon, il nous faudrait alors abandonner le concept qu’on puisse être guidé par cette hypothétique communication avec une dimension dont nos âmes souhaitent l’existence !
Ce livre nous entraînera parfois au-delà de ce qui semble être les frontières de notre monde réel et nous nous égarerons parfois en franchissant les limites de nos connaissances à travers un récit qui aura placé notre planète dans un univers imaginaire si peu éloigné du nôtre.
L’héroïne de l’histoire nous confiera ses aventures, et nous constaterons petit à petit qu’elle n’en aura pas complètement le rôle principal, car bien plus que dans la vie réelle, des faits providentiels se succéderont pour conduire nos personnages vers un avenir qui apparaîtra largement prédéterminé.
Le libre arbitre des personnages se confrontera régulièrement au but d’un destin toujours très acceptable, et c’est ainsi que nous explorerons les limbes du divin pour tenter d’en percevoir son éventuelle manifestation qui pourrait être à l’œuvre sur nos existences.
Cette lecture amènera nos pensées à nous interroger sur une dimension spirituelle que nous sommes encore très loin de pouvoir cerner !
Je m’appelle Elphia Cassant et il y a quelques jours encore, je n’étais qu’une étudiante en FAC de biologie. Au niveau scolaire, j’avais eu d’excellents résultats, et ce fut certainement pour cette raison qu’une proposition d’emploi presque insensée m’avait été faite.
À la fin de l’un de ces derniers cours, le professeur Petit, enseignant de l’université que je fréquentais, m’avait demandé de passer le voir en fin de journée et nous nous étions retrouvés devant un verre à la cafétéria du campus.
L’objet de la rencontre sollicitée était en rapport avec un mail qu’il venait de recevoir. Il avait été envoyé par l’un de ses amis d’enfance qui dirigeait un centre de recherches en Antarctique. Il ne l’avait pas rencontré depuis près de deux ans. Mais mon professeur était malgré tout parfaitement au courant des activités réalisées par son ami, car elles avaient un retentissement mondial. Les travaux portaient sur le climat, et toute la communauté scientifique intéressée par le sujet avait les yeux braqués sur les résultats qui étaient régulièrement publiés.
Le professeur Petit m’avait confié son courriel en me disant que j’avais le profil idéal pour satisfaire aux besoins de son ami Jean-Marc. Il était persuadé que j’avais toutes les capacités requises pour mener à bien le projet de recherches qui allait être mis en place. Puis, il m’avait vivement conseillé d’entrer en contact avec son ami le plus rapidement possible, car il pensait que cette occasion serait certainement la chance de ma vie. D’après lui, je devais me montrer ambitieuse, car la concurrence pour obtenir le poste allait être rude. Et pour finir, il m’avait dit que si la proposition m’intéressait, il ferait une lettre de recommandation pour soutenir ma candidature.
À la suite de quoi, dans un élan d’enthousiasme provoqué par les mots « certainement la chance de ta vie », et malgré plusieurs autres pistes intéressantes, j’avais postulé à l’offre, sans trop y croire et surtout sans m’être réellement penchée sur l’environnement pour lequel j’avais postulé.
Quelques semaines plus tard, étrangement sans être directement entrée en contact avec mon employeur, j’avais reçu une lettre d’embauche accompagnée des instructions qui me demandaient de rejoindre le centre de recherches qui me parut tout à coup très lointain et a priori plutôt inhospitalier.
Bien plus vite que je ne l’avais imaginé, les voies du destin venaient de me propulser dans ma vie professionnelle et d’autres faits providentiels s’enchaînèrent pour en guider son déroulement !
J’avais embarqué à Paris, à bord d’un avion militaire. Après une première escale, pour refaire le plein de l’appareil, l’aéroplane avait poursuivi sa route vers les îles Kerguelen. Le vol était interminable, mais lorsqu’il toucha presque à sa fin, l’équipage me convia dans le cockpit pour observer le panorama qui se mettait en place devant nous. Le soleil était en train de se lever en inondant de lumière le paysage. D’abord, il n’avait été constitué que d’une étendue d’eau calme parsemée de quelques icebergs isolés. Puis les masses de glace étaient devenues plus nombreuses. Nous avions ensuite survolé une zone où les blocs blancs finissaient par recouvrir toute la surface de l’océan, on m’avait dit que c’était ça la débâcle. Plus loin, la banquise semblait presque partout intacte, seul un sillon rectiligne plus ou moins large venait perturber l’uniformité du décor. Au début, cette ligne issue de la fragmentation de la surface solide de l’océan était diffuse, mais plus on avançait, plus elle se précisait en un trait étroit. Il était plus que probable que cette ligne réalisée dans ce gigantesque tableau blanc soit le fruit du passage d’un navire.
Soudain, au bout de cette marque artificielle apparut une île. Elle devait être notre destination, car nous aussi, nous nous dirigions droit vers elle.
La neige recouvrait presque tout, même dans les zones où l’altitude était modeste. Mais là où le relief était trop escarpé, elle laissait place à un paysage minéral qui venait à peine colorer le grand manteau blanc. À aucun endroit, la moindre teinte verdâtre ne pointait. Il n’y avait pas la moindre trace de vie végétale et les seuls signes de vie animale étaient ceux liés à la présence humaine : il y avait un bateau, et quelques habitations avec leurs cheminées fumantes.
L’atterrissage se déroula sans difficulté. C’était la fin de la première étape du voyage, celle qui était la plus facile. La destination finale était encore à près de 2500 kilomètres, en terre Adélie. À cette époque de l’année, la poursuite du périple était difficile à programmer, car des conditions météorologiques très changeantes perturbaient fréquemment les déplacements aériens.
Il me fallut attendre deux jours pour que le climat devienne favorable.
Un premier avion me transféra jusqu’à la base antarctique DUMONT D’URVILLE. Puis la partie finale du voyage fut faite en hélicoptère de transport.
Au départ, on avait survolé des zones où la glace était très chaotique, avec de profondes failles. Puis en prenant de l’altitude, l’immense étendue blanche me parut de plus en plus plane et toujours sans le moindre signe révélateur d’une quelconque vie. À l’infini, tout n’était que neige, ou glace. Le soleil n’était pas très haut sur l’horizon, mais en cette saison, sur cette région du globe, il ne monterait pas davantage et la durée du jour resterait très courte, m’avait-on dit. Le paysage était magnifique sous cette lumière rasante, partout des cristaux scintillaient. Mais il manquait du relief, le manteau blanc semblait avoir comblé toutes les aspérités en ayant même recouvert les montagnes jusqu’à ce qu’elles soient totalement englouties.
Au cours du vol, je m’étais adressée au pilote en lui disant que depuis Paris je me dirigeais vers le sud, et que ce voyage me paraissait sans fin. Lui m’avait juste répondu que la planète était grande et que nous étions encore loin d’atteindre le pôle Sud.
Puis lorsqu’on fut presque arrivé à destination, il me montra un point brillant à l’horizon en me disant que c’était le centre de recherches qui allait m’accueillir.
Ce point était insignifiant dans l’immensité du paysage, mais plus on se rapprochait, plus on arrivait à distinguer clairement les infrastructures extérieures de la base. Les éléments qui reflétaient les rayons de notre astre et qu’on avait repérés de très loin étaient constitués d’une multitude de panneaux solaires. Derrière le champ de capteurs se trouvait un parc éolien imposant, formé d’une centaine de turbines ayant une dimension plus modeste que celles que j’avais pris l’habitude de voir. Il y avait aussi trois grands hangars en forme de tunnel, et une structure massive au centre, qui était surmontée d’une grande coupole translucide.
Un peu à l’écart il y avait une piste d’atterrissage pour des avions modestes, et juste à côté des hangars, un point qui semblait être la zone où nous devions nous poser.
Lorsqu’on s’était approché du sol, la rotation des pales avait provoqué la formation d’un nuage de cristaux de neige en suspension, qui ne semblait pas vouloir se dissiper très rapidement.
Avant de nous extraire de l’appareil, on m’avait dit qu’il était 9 heures 11 minutes sur la base et que ce n’était pas l’heure du fuseau horaire où nous nous trouvions, mais qu’il avait été décrété que cette base utiliserait l’heure de Paris. Puis que la température extérieure était de -17° malgré le soleil apparent, et on m’avait conseillé de me couvrir chaudement en empruntant un équipement que je pourrai rendre une fois sur place.
Le brouillard causé par notre atterrissage s’était maintenant totalement résorbé. Ce qui nous permit de voir une escouade de six personnes très chaudement vêtues venir dans notre direction. Ils ne s’intéressèrent pas à nous et ils s’occupèrent immédiatement de la cargaison de vivres et de matériels qui avait fait le voyage avec nous.
Dès qu’on fut tous emmitouflés dans nos manteaux fourrés, le copilote ouvrit la porte, et descendit le premier. L’air extérieur qui s’était engouffré dans l’habitacle était mordant sur le visage et sur les mains. Il me tendit la main, et me proposa son aide pour descendre, puis il me dit des choses étonnantes : votre comité d’accueil arrive. Vous devez être très importante, car c’est très rare que la première dame du grand chef se dérange en personne pour accueillir le nouvel arrivant !
Mais mon devoir de réserve ne m’autorise pas à vous en dire davantage, de toute façon avant ce soir, vous aurez déjà un large aperçu de comment les femmes sont traitées ici.
La femme qui s’approchait était elle aussi emmitouflée dans un grand manteau de fourrure, et il était presque impossible de distinguer son visage.
Comment le copilote avait-il pu la reconnaître ?
En l’observant plus attentivement, elle avait effectivement quelque chose qui était certainement incohérent pour toutes personnes habituées aux rigueurs climatiques locales : elle marchait très difficilement sur le sol glacé, car elle portait des chaussures avec des talons plutôt impressionnants.
Elle abandonna d’ailleurs de s’aventurer plus en avant en nous faisant signe de la rejoindre. Et dès qu’on se mit en marche vers elle, elle rebroussa chemin pour retourner vers l’entrée du bâtiment. Elle progressait si péniblement, qu’on la rattrapa sur le pas de la porte et on s’empressa tous de passer le sas pour nous mettre à l’abri.
Elle débita alors son speech en souhaitant la bienvenue à tout le monde, puis sans qu’on puisse en placer une, elle poursuivit en s’adressant plus particulièrement à moi.
J’appris qu’elle s’appelait Sylvie Lamant, puis en ne faisant plus aucun cas des deux pilotes de l’hélicoptère, tout en m’expliquant qu’elle avait horreur d’avoir à affronter le froid glacial de l’environnement extérieur, elle me demanda de la suivre jusqu’à son bureau et sans attendre, elle prit la direction d’un escalier métallique qui n’était qu’à quelques mètres.
J’avais alors très rapidement fait mes adieux aux deux pilotes tout en leur rendant l’équipement qu’ils m’avaient prêté et je n’avais eu que le temps de leur faire un large sourire en guise de remerciement, puis je m’étais lancée à la poursuite de celle que j’étais sur le point de perdre.
Dans le hangar, la température était encore fraîche. Après les escaliers, on avait rejoint un long passage étroit qui débouchait sur un couloir plus vaste. La lumière n’était pas constante, au loin, il n’y avait que quelques veilleuses. Mais lorsqu’on progressait, la zone où on arrivait s’éclairait, et la zone qu’on quittait s’éteignait. Au niveau d’un croisement, les diverses directions vers lesquelles les passages menaient étaient indiquées. On avait pris le couloir qui menait vers les laboratoires, les bureaux et les salles de réunions. Plus loin, les parois étaient devenues comme des écrans sur lesquelles étaient projetées des images mouvantes qui nous donnaient l’impression de nous trouver dans les lieux où elles avaient été prises. D’un côté, sur une douzaine de mètres de long, on pouvait observer des gens qui travaillaient dans un laboratoire agroalimentaire de transformation de produits laitiers. En face, il y avait un paysage de bocage avec un troupeau de vaches.
Juste après, le couloir se partageait encore en deux et les décors étaient maintenant différents. D’un côté, il y avait des cultures à perte de vue, de l’autre nous nous trouvions dans une minoterie, plus loin dans une sucrerie, et en face nous étions passées à un champ de betteraves. Nous avancions ainsi dans une campagne charmeuse très réaliste, alors que nous nous trouvions en fait à quelques kilomètres du pôle Sud.
La température avait maintenant nettement augmenté, il devait faire un bon 20°.
Entre la sucrerie et la papeterie, Sylvie avait présenté un badge devant le capteur d’une porte sur laquelle il était inscrit : Secrétariat. Cette dernière s’était alors ouverte sur un bureau plutôt exigu, dans lequel nous nous étions engouffrées.
Sylvie reprit alors son monologue en me disant qu’elle avait donné des instructions pour que mes bagages soient déposés dans ma chambre, puis elle m’avait demandé de m’installer dans un fauteuil pendant qu’elle préparerait un café, car on allait devoir patienter un bon moment avant que le directeur Jean-Marc Dufils puisse me recevoir.
La température dans le bureau était accablante et dès son arrivée, Sylvie avait quitté son grand manteau. Elle ne portait maintenant qu’un frêle chemisier, et une courte jupe. Avec une telle tenue, elle devait certainement apprécier la chaleur de son bureau, mais ce n’était pas mon cas.
Elle se démenait pour préparer deux cafés, et elle semblait dépassée par la surcharge d’activité qui se présentait à elle. Chaque fois qu’elle passait devant l’un des miroirs du bureau, elle ne pouvait s’empêcher d’y jeter un coup d’œil en glissant sa main dans ses longs cheveux blonds. Ce toc semblait la réconforter.
Lorsque les cafés furent faits, elle disposa dans un plateau : des sous-tasses, des tasses, des petites cuillères, des sucrettes, deux barres de chocolat, et un petit panier rempli de croissants et de petits pains au chocolat, puis elle déposa le plateau devant moi, et rapprocha sa chaise de bureau pour entamer une discussion conviviale.
Elle m’avait demandé de la tutoyer en me disant que c’était l’usage avec tout le monde sur la base, puis elle m’avait proposé de me servir de ce que je voulais si je ne craignais pas pour ma ligne en soulignant qu’elle s’interdisait le sucre et que c’était pour cela qu’elle avait prévu des sucrettes.
Je m’étais contentée de la remercier en prenant un croissant, et elle avait poursuivi en me parlant de son régime continuel qu’elle avait bien du mal à tenir en se laissant toujours tenter par tout ce qui contenait du chocolat. Puis sans attendre, elle s’empressa de prendre l’une des barres de chocolat, qu’elle engloutit en un instant, sans même pouvoir l’apprécier, tout en continuant à discuter de tout et surtout de rien.
Pour ma part, je parlais très peu, j’étais plutôt tendue par l’approche de l’entretien avec le professeur qui était mon employeur. L’accueil chaleureux de Sylvie aurait pu me déstresser, mais il n’en était rien. La situation me perturbait : être obligé de subir le moulin à parole qui était en face de moi, dans une discussion sans consistance finissait par m’énerver et la température excessive de la pièce n’arrangeait rien, mais le pire était cette attente interminable.
Après avoir patienté plus d’une demi-heure et ne voyant pas les choses progresser, je finis par interrompre Sylvie dans ses discussions en lui demandant dans combien de temps monsieur Dufils allait pouvoir me recevoir.
Elle avait naïvement répondu, qu’il était dans son bureau depuis des heures et qu’il n’avait rien d’autre de prévu dans son agenda que mon accueil, puis qu’il avait été informé de mon arrivée et que ses ordres étaient de me faire attendre au moins une heure pour suivre le scénario d’arrivé commun à toutes les nouvelles femmes sur la base.
Après un bref instant de silence, Sylvie avait repris en me disant que j’avais beaucoup à apprendre sur la vie des femmes sur cette base, mais qu’il ne fallait pas compter sur elle pour en dire davantage et elle s’était tue.
La situation avait déclenché son mutisme. C’était un soulagement pour mes oreilles, mais plutôt inquiétant pour mes pensées. Alors mon côté rebelle décida de contrarier mon scénario d’accueil en lui annonçant que j’étais obligée d’aller me rafraîchir à l’extérieur de ce bureau surchauffé. Que je reviendrais dans une demi-heure et que j’en profiterais pour commencer à visiter un peu la base.
J’avais eu le temps de me lever du fauteuil, mais bien avant que je quitte la pièce, la porte qui communiquait avec le bureau du professeur s’ouvrit. Ce dernier apparu et en se dirigeant vers moi, il se présenta et il me serra chaleureusement la main. Il m’avait alors sournoisement dit qu’il avait enfin le temps de s’occuper de moi et il m’avait proposé de le suivre dans son bureau, pour qu’il me présente le fonctionnement de la base, et pour qu’il réponde à toutes les nombreuses questions que je devais avoir.
Dès qu’on se retrouva dans son bureau, Jean-Marc referma la porte, puis il me fit signe de prendre place dans un fauteuil placé en face de l’endroit où il finit par s’asseoir. La pièce n’était guère plus grande que celle de sa secrétaire, la décoration était sobre. Le maître des lieux n’était peut-être pas aussi despotique que l’idée que je m’étais faite de lui avec les non-dits de mes deux premiers interlocuteurs.
Il commença par me dire que pour lever toute ambiguïté, il voulait que je sache que mon entretien avait débuté dès mon entrée dans le bureau de Sylvie, car le commutateur de l’interphone était positionné de telle sorte qu’il puisse entendre toute notre conversation.
À cet instant, malgré la température raisonnable de la pièce, je ressentis plusieurs vagues de chaleur me monter au visage et je commençais à regretter mon manque de patience.
Il avait poursuivi en me disant que je n’avais aucune raison de rougir, qu’il avait déjà accueilli plus de cinquante femmes sur cette base, et que ma force de caractère dans les conditions d’une première embauche l’impressionnait. Qu’il avait déjà trouvé mon CV exceptionnel et qu’être titulaire d’un master de sciences à 20 ans n’était pas chose courante. Que le professeur Petit avec lequel il avait fait ses études lui avait dit le plus grand bien de moi, et qu’il lui avait même fortement recommandé de m’engager, car il n’avait dans sa carrière que rarement eu l’occasion d’avoir à faire à une étudiante aussi passionnée et rigoureuse que moi.
J’avais alors pris la parole en lui disant qu’il avait vraiment décidé de me faire rougir avec tous ces compliments que je ne méritais certainement pas. Que je n’étais là que parce que le professeur Petit m’avait promis que cette opportunité serait certainement la chance de ma vie, mais que je me trouvais très inconsciente d’être venue jusqu’ici sans en savoir davantage. Que je n’avais encore jamais eu l’occasion d’assumer un vrai travail et qu’il était certainement prématuré de faire preuve de trop de confiance en mon avenir sur cette base pour lui comme pour moi.
Que je le remerciais toutefois pour l’opportunité qu’il m’offrait en prenant le risque de faire appel à la personne inexpérimentée que j’étais.
Il m’avait alors dit ne faire des compliments que lorsqu’ils étaient mérités, puis il changea de sujet en disant vouloir commencer par la présentation de celui qu’il était, car il était l’un des sujets de discussion préférés de cette base, au point qu’il était quasiment certain que j’avais déjà probablement été mise au courant de la face sombre de son personnage et qu’il était préférable qu’il se présente lui-même tout de suite afin que je ne sois pas horrifiée pas tout ce qu’on avait déjà pu me dire et par tout ce qui me serait dit plus tard.
Il se présenta comme un homme très attiré par les femmes qui étaient d’ailleurs toutes très satisfaites par ses prestations. Il ne se considérait pas obsédé par la chose, mais il avouait quand même être plus travaillé par le sujet que la plupart des hommes. Et il s’était empressé de me rassurer en affirmant qu’il n’avait jamais tenté d’abuser l’une d’elles.
Il avait ensuite poursuivi en avouant que lorsqu’il avait reçu ma candidature, il avait initialement été attiré par le fait que je sois une femme, en rajoutant immédiatement qu’il me trouvait nettement plus ravissante que la photo peu flatteuse de mon dossier. Que lorsqu’il avait ensuite pris connaissance de mon cursus, il s’était montré encore plus intéressé, et enfin, lorsqu’il avait lu la lettre de son ami le professeur Petit, il avait tout de suite écarté toutes les nombreuses autres propositions qui lui étaient parvenues. Puis il avait conclu qu’en ayant maintenant un aperçu de mon caractère, il était convaincu de la réussite de nos relations professionnelles. Et sans perdre le sens de ses pensées, il avait rajouté, mais soyez aussi assurée que je ne raterai pas la moindre occasion de vous attirer dans mon lit.
Je n’étais absolument pas choqué par ce que j’entendais, mon imagination s’était préparée à bien pire avec les paroles du pilote et le mutisme de Sylvie. Alors, je lui avais simplement répondu que ce ne serait pas avec ce genre de déclaration que je rougirais à nouveau, même si je trouvais déplacé ces propos dans la discussion d’aujourd’hui. Puis en restant très correcte, j’avais tenté de le remettre à sa place par ces simples mots, vous pourriez être mon père, mais surtout vous êtes mon employeur !
Il se contenta de répondre à mes objections en affirmant que ce ne serait pas avec de tels arguments que je pourrai refroidir ses ardeurs. Puis après nos courtes présentations mutuelles, Jean-Marc enchaîna sur sa présentation :
Cette base existe déjà depuis trois ans. Les conditions de vie des pionniers qui l’ont construite avaient été très difficiles, mais les infrastructures actuelles étant maintenant toutes opérationnelles, j’allais pouvoir profiter de bien plus de confort que je devais l’imaginer.
Cette base n’est active que huit mois par an. Durant le reste de l’année, seule une douzaine de personnes restait sur place pour assurer sa maintenance, principalement à cause d’un manque d’autonomie énergétique lié à la nuit continuelle et au froid extrême qui régnait à l’extérieur.
Pour cette année, sa population n’était de retour que depuis trois semaines et chacun avait une fonction à assumer et des activités quotidiennes bien rodées à réaliser.
La capacité d’accueil de la base est de 210 occupants, dont une trentaine de chercheurs, les autres étant des techniciens, des cuisiniers, des médecins, des manutentionnaires…
Seuls quelques rares résidents vivent ici avec leurs conjoints, et aucun enfant ne serait jamais toléré sur la base afin de ne pas mettre leur vie en danger.
La vie ici a une organisation très particulière, pour deux raisons. La première concerne la durée du jour qui variera de façon importante au cours de l’année. En début et en fin de saison, le soleil ne brillera guère plus d’une heure par jour, mais durant près de trois mois, à mi-saison, il ne se couchera plus. Il nous est donc impossible de baser notre vie sur une alternance jour/nuit. D’ailleurs comme nous ne pouvons compter sur le soleil pour cadencer nos vies, il a été décidé d’adopter arbitrairement pour référence le fuseau horaire de la France. De cette façon, il nous était plus aisé de rentrer en contact avec nos partenaires européens. La deuxième raison est venue du fait qu’il a été nécessaire d’optimiser au maximum l’occupation des locaux de la base, de façon à faire un maximum d’économie. La plupart des pièces sont petites, basses de plafonds, et surtout leurs usages sont rarement privatifs. En effet sur la base vous ne bénéficierez pas d’un grand chez vous. Vous devrez partager votre chambre avec trois autres femmes. Pas en même temps, mais par roulement, vous verrez la façon dont l’aménagement a été conçu. Chacune d’entre vous aura accès à son lit 8 heures sur 24, seulement durant la période qui lui aura été attribuée. Vous ne disposerez en fait que de quelques mètres carrés accessibles grâce à un badge personnel, où vous pourrez vous isoler lorsque vous le souhaiterez. Cette contrainte peut paraître perturbante, mais on s’y fait assez facilement.
ELPHIA : Les gens vivent alors de façon décalée, il y a trois microsociétés qui s’organisent en parallèle sans pouvoir vraiment partager grand-chose !
JEAN-MARC : Vos réactions sont toujours surprenantes. À chaque fois que je présente cette particularité de la base, mon interlocuteur s’inquiète pour son confort personnel, sans jamais se soucier d’une qualité de vie collective.
Il y a effectivement des vies parallèles, mais il reste à chacun 16 heures de vie commune, et c’est bien plus que dans la plupart des sociétés. De plus, vous pourrez le constater durant votre visite, la base propose une grande diversité dans ces installations mises à la disposition de tous, afin d’assurer une convivialité hors du commun. Il faut aussi souligner que le contrat que je propose à tous mes salariés ne fait jamais référence à des horaires, mais à une fonction. Cette particularité vous permettra d’organiser personnellement l’usage de vos 16 heures d’activité. Votre seule contrainte sera le résultat dans votre fonction.
ELPHIA : Cette conception me plaît, mais je crains que si nous faisions une telle proposition au commun des mortels, on irait très vite vers la faillite du système.
JEAN-MARC : Mes employés sont tous sélectionnés avec soin. Il m’arrive rarement de faire des erreurs, mais si je devais constater des résultats qui ne seraient pas à la hauteur de mes espérances, l’avertissement serait immédiat. Toutefois, j’ai une grande confiance dans l’immense majorité de la population de cette base.
Je vous ai dit que votre badge vous permettra de disposer d’un petit local personnel, c’est aussi le sésame qui vous donnera accès à toutes les zones publiques de la base. Toutes les activités sont gratuites si l’on peut dire, car en réalité c’est votre travail qui les finance. Même le passage au réfectoire vous est acquis sans contrepartie grâce à votre badge, aussi souvent que vous le souhaiterez, et presque aux horaires qui vous conviendront. Ceci est très contraignant pour le personnel des cuisines, mais c’est la rançon de l’organisation d’une utilisation commune des locaux. Ici, vous voyez, la routine de la vie quotidienne n’existe pas. Tout est organisé pour que nous puissions travailler, et vivre ensemble de façon optimale, et je vous prie de croire que les résultats sont surprenants.
ELPHIA : Ma vie d’étudiante m’a amené vers un comportement plutôt solitaire, mais j’ai toujours été très à l’aise dans ma vie sociale. Un tel environnement est très enthousiasmant.
Je comprends le rôle du badge, pour organiser l’occupation en alternance d’un local privatif comme une chambre. Mais pourriez-vous m’expliquer quelle est sa fonction, lorsqu’il donne accès à quelque chose de gratuit.
JEAN-MARC : Cette base regroupe la plus importante concentration de population qu’il soit dans la région climatique où nous nous trouvons. Elle fait l’objet d’études expérimentales sur les comportements humains, dans un contexte de promiscuité très poussé. Vous aurez d’ailleurs régulièrement des enquêtes à remplir pour faire avancer les résultats sur ces études.
Nous sommes au milieu de nulle part, et les activités extérieures sont proscrites. Vivre ici demande un investissement personnel de la part de chacun d’entre nous, afin de partager un maximum d’instants avec les gens qui nous entourent, car dans le cas contraire, c’est la déprime qui s’installe.
La fonction que j’occupe m’oblige à vérifier que le cadre de vie sur la base est satisfaisant pour tous. Nos badges permettent d’ouvrir certaines portes dont l’accès est limité, mais ils enregistrent aussi les passages de leurs porteurs au niveau de toutes les zones d’activités de la base, sans qu’on soit obligé de les présenter à un capteur. Ils sont reliés à un système informatique qui localise et enregistre les mouvements et donc les activités de chacun. Le logiciel me prévient dès qu’un individu a des activités réduites pouvant être le signe d’un mal-être. Je ne cache pas le fait qu’il me permet aussi de mesurer quantitativement l’investissement personnel de chacun, pour sa fonction. Le badge est donc pour moi un outil qui parfois m’oblige à intervenir sur les choix personnels de mes salariés. Mon pouvoir pourrait aller jusqu’au licenciement. La raison officielle ne serait certainement pas celle qui m’aurait contraint à prendre cette décision, mais j’ai des obligations de résultat à tous les niveaux.
J’attache une importance considérable à la qualité des relations humaines de la mini société que nous formons. Lorsque je parle de relations humaines, je parle de toutes les activités, qu’elles soient psychologiques, biologiques, physiologiques ou comportementales. Or sur la base, il y a actuellement 150 hommes et 53 femmes, ce ratio n’est pas sans poser de problèmes. La scientifique que vous êtes a certainement passé de nombreuses heures à étudier l’éthologie du monde animal, même si ce n’est pas votre spécialité. Et l’Homme, même s’il est civilisé, n’en est pas moins un animal qui entretient des relations complexes entre les individus de sexes opposés. Les comportements de chacun sont toujours fortement influencés par des sécrétions hormonales. Et forcément ici, la vie est troublée par la faible proportion de femmes.
Je suis persuadé que vous êtes en train de vous dire que je suis perturbé par mon obsession, que je ramène encore tout à des histoires de sexes. Mais croyez-moi, si telle est votre pensée, vous avez tort. Le sexe est effectivement bien l’un des plus puissants moteurs qui fait tourner la vie sur notre planète. Je parle en connaissance de cause, dès qu’une nouvelle femme gravite dans mon environnement proche, mon esprit marque le pas, et mes instincts m’imposent de partir en chasse, jusqu’à la capture de la belle.
Il faut que vous compreniez que lorsque je choisis une collaboratrice, il est important pour moi, qu’elle puisse apaiser les exigences de la population masculine de la base. Il faut qu’elle soit belle, et vous êtes parfaite au regard de ce critère. Mais il faut aussi qu’elle soit suffisamment libertine, sans pour autant qu’elle propose son corps, à tous ceux qui sont désireux de le posséder. Le charme et la séduction doivent agir, ici nous avons le temps de courtiser, sans cela les victoires ne peuvent être appréciées. Forcément, vu la disproportion des effectifs dans chacun des deux camps, les uns seront les chasseurs, les autres, le gibier. Et inévitablement, il y aura des vainqueurs et des vaincus.
Autant vous le dire tout de suite, je suis très mauvais perdant. Certaines mauvaises langues vous diront même que toutes celles qui se sont refusées à moi ont été licenciées. Je peux vous assurer que ces rumeurs ne sont pas avérées, mais je ne ferai rien pour les dissiper, car cette réputation me plaît, et elle dessert très efficacement mes objectifs.
ELPHIA : La position du gibier ne me déplaît pas. Mais autant vous prévenir tout de suite, le chasseur devra être à la hauteur, car je serai plutôt difficile à capturer.
JEAN-MARC : Voilà une réponse plus encourageante, j’avais peur que votre éducation ait instauré chez vous des principes contraires à la bonne marche du centre. Et comme je suis le chasseur le mieux équipé de la base, je suis heureux d’apprendre que la porte est encore entrouverte devant moi, malgré mon âge et ma fonction.
Pendant un instant, il y eut un échange de sourires polis, puis la discussion reprit.
Il est temps maintenant de parler des travaux menés sur cette base.
Après plusieurs missions de recherches géologiques sur près de 10 000 kilomètres carré, nous avons décidé d’implanter le centre de recherches ici. Même si à l’extérieur, nous avons l’impression que nous sommes dans une région particulièrement plane, en réalité, nous nous trouvons au point culminant d’une montagne, à 2312 mètres d’altitude. Ceci nous a permis de construire nos installations sur des fondations solides et stables. Le promontoire sur lequel nous nous sommes installés domine des vallées étagées totalement ensevelies sous une épaisseur de glace de plusieurs centaines de mètres, c’est la calotte polaire. Cette couche de glace résulte de l’accumulation de neige, qui sous l’effet du tassement se transforme en glace. À la latitude où nous nous trouvons, les précipitations sont modestes. Elles varient de deux à dix centimètres par an, de plus l’érosion due au blizzard évacue la majeure partie des précipitations qui touchent la base.
Le centre de recherches travaille sur deux sites d’étude. Le premier se situe à dix kilomètres plus au nord, il a une épaisseur de glace exploitable de 800 mètres. C’est une zone d’accumulation de glace où la migration vers la mer est lente. Nous y faisons des analyses sur toute son épaisseur, ce qui nous permet d’obtenir de résultats précis sur plus de 10 000 ans. Le deuxième se trouve à vingt kilomètres au sud, dans une zone où la calotte est piégée, elle ne peut progresser vers la mer, car des sommets montagneux complètement recouverts lui ont emprisonné son socle qui descend jusqu’en dessous du niveau de la mer, à plus de 3000 mètres de profondeur.
D’après ce que nous savons de la dérive des continents, il y a plusieurs milliards d’années, le manteau terrestre où nous nous trouvons avait une position subtropicale. Nos connaissances géologiques, qui restent limitées sur cette partie du globe, nous laissent penser que cette zone géographique pouvait être le toit du monde, et que les mouvements tectoniques ont fini par provoquer son effondrement. Nous avons bon espoir de retrouver piégé dans la glace du socle, de la neige fossile pouvant datée de l’époque où la vie est apparue sur terre.
L’une de nos missions consiste à analyser la succession des strates de glaces, afin de confirmer les modèles climatiques qui font référence sur notre planète. Il y a peu de chance que nous ayons des surprises, mais nous allons les affiner, et certainement pouvoir en retirer des informations déterminantes qui nous permettront d’ajuster nos prévisions concernant les modifications climatiques subies actuellement par notre planète.
Nous devons aussi étudier les variations de l’atmosphère terrestre au cours du temps. Cette étude est menée en faisant des analyses chimiques sur les microbulles d’air emprisonnées dans les échantillons de glace que nous récoltons.
Bien entendu, nous allons rapprocher les résultats de ces deux départements de recherche, afin de mettre à jour avec le plus de précision possible, la corrélation entre la qualité de l’atmosphère, et les variations climatiques.
Actuellement, une dizaine de chercheurs est affectée à ces missions.
Nous accueillons aussi contre une certaine rémunération, trois groupes de trois chercheurs étrangers qui mènent leurs propres recherches pour leurs pays respectifs. Je n’ai aucun regard sur leurs travaux, mais il va de soi qu’ils n’échappent pas à toutes les règles de vie que j’impose dans ce centre. La situation me convient parfaitement, et à voir les sollicitations qui me parviennent, la satisfaction doit être réciproque. Je vous avoue que le fonctionnement de la base serait beaucoup plus délicat sans la manne financière qu’ils procurent.
Revenons à des considérations qui vous seront plus proches.
Après avoir réalisé la construction de la base, nous avons commencé à creuser des galeries dans la glace. Il y a près de deux ans, en réalisant le puits du nord, nous sommes tombés sur une espèce de mouette datant de plus de 1000 ans. Elle était en parfait état de conservation. Nous nous sommes aperçus que la glace représentait un sarcophage efficace de la vie passée, les basses températures figent le temps à l’instant ou ses organismes ont été piégés. J’ai alors émis la possibilité d’étudier tous les échantillons que nous rencontrerions dans nos galeries. Et ce avec un potentiel allant jusqu’à l’époque où la vie serait apparue sur terre, si on avait effectivement la possibilité de retrouver de la glace datant de cette époque. Cette mission représenterait un potentiel considérable pour faire avancer les connaissances dans le domaine de l’Évolution. J’ai fait une demande en ce sens au conseil d’administration qui a trouvé l’idée intéressante. Il m’avait alors chargé de faire le nécessaire pour mettre ce projet en œuvre, sans toutefois m’attribuer un véritable budget complémentaire. C’est comme cela que nous avons décidé et débuté le forage du puits du sud, après avoir terminé celui du puits du nord.
Comme je viens de dire, le budget de la base est restreint, pour le boucler, j’ai été obligé d’aller chercher des moyens supplémentaires qui m’ont forcé à accueillir des chercheurs étrangers.
Il y a quelques semaines, pour poursuivre le programme tout en respectant mes soucis d’économie, j’ai décidé de chercher à recruter un jeune chercheur. Les domaines de compétences que je souhaitais pour les candidats à ce poste étaient de deux ordres. Il me fallait quelqu’un qui ai des connaissances approfondies dans l’analyse biochimique du vivant, un expert de la cytologie, de la génétique, et des fonctions organiques. Mais aussi un érudit en paléontologie. De manière à pouvoir étudier les organismes complets que nous allons extraire de la glace, mais aussi pour analyser l’évolution de la vie sur terre, tout en faisant des analogies avec ce que la science a pu constater jusqu’à ce jour au niveau des fossiles. Vos diplômes et les options que vous avez choisies correspondent parfaitement à ce que je souhaitais. Mademoiselle Cassant, c’est vous que j’ai choisi pour organiser et mener à bien cette nouvelle mission. Ensemble, nous allons devoir mettre en place un projet au budget réduit au moins jusqu’à la prochaine assemblée générale qui se réunira dans trois mois.
Une sonnerie mit tout à coup en pause notre discussion. C’était Sylvie qui souhaitait communiquer par l’intermédiaire de l’interphone.
JEAN-MARC : Sylvie, tu sais que lorsque j’accueille un nouvel arrivant, tu ne dois pas me déranger.
SYLVIE : Excuse-moi Jean-Marc, mais il est déjà 13 heures. Ce n’est pas que j’ai faim, d’ailleurs c’est trop tard, puisque je viens de manger deux petits pains au chocolat, mais c’est Allan qui s’impatiente et tu sais comme il est lorsqu’on parle d’horaire. Il attend toujours pour débuter la visite de la base avec mademoiselle Elphia.
JEAN-MARC : Je n’ai pas vu le temps passé, c’est moi qui te dois des excuses. Peux-tu dire à Allan que compte tenu du déroulement des premiers contacts avec mademoiselle Cassant, et de l’intérêt que je lui porte, le programme de son accueil est modifié. Cet après-midi, je me chargerai personnellement de faire découvrir nos installations à Elphia. Je le décharge de sa mission pour aujourd’hui, il peut retourner à ses occupations habituelles. Cependant pour demain, rien n’est changé en ce qui le concerne. Quant à toi, dès mon retour, il faudra malgré tout que nous ayons une discussion. Lorsque je te demande de faire patienter une personne au moins une heure, il faut que tu comprennes que cette information ne doit pas lui être communiquée.
Après ces quelques mots, Jean-Marc appuya sur l’interrupteur de l’interphone pour clore l’échange, puis il m’invita à aller découvrir le réfectoire. Je m’étais levée, et nous nous étions dirigés vers la porte qui donnait sur le bureau de Sylvie.
Il lui avait simplement dit qu’en cas d’urgence, il était joignable sur son portable puis nous étions partis déjeuner. Au passage, je m’étais discrètement excusée auprès de Sylvie pour les ennuis que je lui avais attirés et bizarrement, elle ne semblait pas m’en vouloir, car elle avait répondu qu’il voulait juste m’impressionner, qu’il avait toujours ce comportement à chaque fois qu’une nouvelle femme arrivait sur la base et même qu’elle appréciait plutôt la situation qui allait certainement se conclure par l’affirmation de sa soumission lorsqu’ils se retrouveraient seuls tous les deux.
Sans tarder, j’avais rejoint Jean-Marc qui avait ralenti le pas dans le long couloir aux paysages campagnards. Et tout en continuant de nous diriger vers le réfectoire, la discussion se poursuivit.
JEAN-MARC : Dans cette zone, le couloir fait le tour de la grande salle centrale que nous utilisons pour les réunions où toute la base est présente. Tous les vendredis soir à 21 heures 50, tout le monde quelle que soit sa fonction se rassemble ici. Nous faisons le point sur le déroulement de la semaine qui s’est écoulée, et sur les objectifs à venir.
ELPHIA : Excusez-moi de revenir sur la dernière phrase que vous avez dite à Sylvie, mais dois-je comprendre que les téléphones portables fonctionnent sur la base ? Pourtant il m’avait semblé que pendant que je parlais avec Sylvie, le mien n’avait pas de réseau et il aurait été étonnant qu’il en soit autrement.
Nous avions dépassé le passage qui menait au hangar, et on était arrivé au bout du couloir, un escalier se trouvait devant nous. Jean-Marc décida de faire une pause.
JEAN-MARC : Nous sommes partis un peu rapidement du bureau, j’ai oublié de vous confier votre badge et votre téléphone. Ils doivent être dans ma poche, tenez-les, voilà. Vous savez déjà à quoi sert le badge. Et ce téléphone vous permettra de communiquer avec qui que ce soit dans un rayon de 30 kilomètres autour de la base. Nous avons mis en place un mini réseau, il nous est toutefois impossible de contacter le reste du monde avec un téléphone portable, quel qu’il soit. Pour contourner ce problème, nous avons organisé une forme de communication par satellite, qui est connectée à notre réseau informatique. À partir de tous les ordinateurs de la base, vous avez accès à internet, vous pouvez organiser une vidéoconférence, vous pouvez consulter vos courriels, enfin, vous pouvez faire ce que tout ordinateur vous permet de réaliser habituellement. Votre accès au système informatique est déjà ouvert, vous devrez simplement taper votre code utilisateur qui est votre nom, puis votre mot de passe qui est votre prénom. Vous aurez la possibilité de modifier votre code personnel quand vous le souhaiterez. Pour le téléphone, le fonctionnement est simple, il suffit de suivre le menu. Votre nom et prénom ont été ajoutés dans le répertoire de la base, et un numéro vous a été attribué, chacun peut donc vous appeler sur ce téléphone dès maintenant.
Nous sommes à l’extrémité du bâtiment principal, au premier sous-sol. Les habitants de la base l’ont appelée la campagne. On est parti de la zone des bureaux et nous sommes ensuite passés devant les laboratoires. En dessus se trouve le rez-de-chaussée, c’est un étage qui rassemble des lieux de stockage nécessaires à la base, des locaux techniques, des installations offrant les services usuels de la vie quotidienne, il accueille aussi l’infirmerie. Maintenant, il nous faut faire un peu d’exercice, car ici il n’y a pas d’ascenseur pour le personnel. Nous allons monter jusqu’au premier étage, pour atteindre le sommet du bâtiment. Nous nous trouverons alors juste sous le dôme de la verrière. Nous serons alors arrivés au point restauration de la base. À cet étage se trouve aussi une bonne partie des installations liées à la convivialité.
La discussion fut interrompue par l’ascension. Nous progressions dans un décor de sentier de montagne, presque aussi réaliste que les paysages campagnards. Bien avant d’arriver au sommet des marches, le brouhaha du réfectoire s’était fait entendre. L’escalier débouchait sous une coupole vitrée qui ne laissait passer aucune lumière puisqu’il faisait déjà nuit. L’espace était vaste. Le décor avait encore changé. Nous nous trouvions maintenant en bord de mer, sur une plage idyllique. Le centre était vide de tout mobilier. Sur la droite, il y avait une petite paillote sur pilotis, qui devait servir lorsqu’il y avait des animations. On pouvait y accéder en empruntant une passerelle au-dessus d’un bassin aux eaux bleu turquoise inondées de lumière. Sur la gauche, se trouvait la salle à manger que dominaient six véritables palmiers. L’espace était rempli de nombreuses tables plus ou moins grandes entourées de chaises pouvant accueillir jusqu’à une dizaine de convives. De nombreuses tables étaient occupées, et les bavardages allaient bon train. En arrière des tables se trouvaient plusieurs buffets. L’un à l’écart, offrait tout ce qui était nécessaire pour se servir un petit-déjeuner, un autre présentait une multitude d’entrées. Juste à côté, il y en avait un qui proposait de nombreux desserts. Un plus petit présentoir était achalandé d’une grande variété de fromages secs, accompagnés d’une gamme plus modeste de laitages. Contre le mur, il y avait un comptoir, derrière lequel un cuisinier attendait qu’on le sollicite pour servir des aliments chauds. À la fin du parcours, était proposée en libre-service une multitude de boissons : de l’eau plate ou gazeuse, des petites bouteilles de 33 cl de différents vins, des cannettes de diverses bières, de coca, de soda ou de jus de fruits.
JEAN-MARC : Vous voyez, nous avons beau être au bout du monde, la place des repas reste digne de la réputation française. Lorsque les communications aériennes ne sont pas interrompues, nous sommes approvisionnés en produits frais, deux fois par semaine.
ELPHIA : Effectivement, il règne ici un climat des plus chaleureux, et la diversité des aliments proposés est au-delà de tout ce que j’ai pu connaître dans les restaurants universitaires que j’ai fréquentés.
JEAN-MARC : Je crois qu’il est temps de nous sustenter, je vous encourage à faire comme moi. Présentez votre badge pour obtenir un plateau, et faites le tour des différents buffets, en vous servant à volonté de tout ce qui vous fera plaisir. Je me permets toutefois de vous suggérer de vous contingenter, car sur la base nous manquons d’exercices physiques, et la prise de poids nous guette. Je ne dis pas cela pour vous suggérer de faire un régime, mais plutôt pour vous mettre en garde de ce qui vous attend, car en sortant, si le cuisinier vous surprend avec des assiettes pas totalement vides, vous n’échapperez pas à une petite remarque désobligeante.
Dès que vous serez servie, venez me rejoindre à cette table.
Chacun fut très vite servi, puis on s’était rejoint autour d’une petite table. Le professeur semblait manger peu, il avait pris du poisson, et une maigre portion de gratin de pommes de terre. En revanche, il s’était servi abondamment en divers fromages. Comme boisson, il avait pris une bouteille de vin de Bordeaux, et une carafe d’eau. Quant à moi, je n’avais pris qu’une petite assiette de crudité, quelques haricots verts, et une part de tarte au citron. En voyant le plateau de Jean-Marc, je m’étais aperçue que j’avais oublié de prendre une boisson et un verre.
JEAN-MARC : Vous avez un appétit d’oiseau, lorsque je vous ai dit qu’il était nécessaire de se restreindre, ça ne voulait pas dire que vous ne deviez rien prendre.
ELPHIA : Ne croyez pas que vos recommandations y soient pour quelque chose. Mais le voyage depuis Paris a été épuisant, mes habitudes ont été perturbées, tous ces changements semblent m’avoir coupé l’appétit. Mais n’ayez crainte, je ferai certainement bientôt honneur à la profusion alimentaire que vous proposez.
Je m’étais relevée pour récupérer un verre, puis j’étais retournée à ma place, auprès de mon patron. Durant le temps du repas, la discussion s’était orientée sur des sujets diverses. Je me sentais très à l’aise pour communiquer avec mon employeur, j’aurais cru être plus impressionnée que cela. À la fin du repas, Jean-Marc chercha à finaliser notre dîner.
JEAN-MARC : je vais aller me chercher un café, je vous en rapporte un ou vous me suivez pour faire votre choix parmi ce que nous proposons. Et si vous avez une préférence pour un produit en particulier que nous n’avons pas, n’hésitez pas à me le dire, je suggérerai à l’intendance d’en faire la commande pour ses prochaines livraisons.
ELPHIA : Je m’attendais à vivre dans l’austérité, dans ce milieu au climat hostile, mais en réalité, c’est le grand luxe. La restauration que vous proposez me donne l’impression d’avoir pris pension dans un centre de vacances. Et les décors sont pour moi hallucinants, ils donnent vraiment l’impression que nous sommes au cœur des régions les plus belles de la planète.
Je le suivis pour me choisir un thé, puis lorsqu’on retourna à notre place, notre discussion s’engagea maintenant sur les vacances, les voyages. Et elle s’éternisa durant plus d’une heure. La salle ne se vidait pas de ses occupants. Certains partaient, d’autres arrivaient, un climat paisible régnait. Personne ne semblait stressé par ses occupations.
Jean-Marc finit par dire : il faudrait peut-être reprendre votre découverte de la base, rien ne nous presse, mais le temps passe, et il n’y a que 24 heures par jour !
En se levant de sa chaise, Jean-Marc poursuivit : nous allons continuer par la visite des installations de cet étage, mais il nous faut auparavant débarrasser notre table.
Jean-Marc prit son plateau, et me convia à en faire de même. On s’était approché d’une ouverture dans un mur, dans laquelle on devait le déposer, mais il n’y avait qu’une place qui était déjà occupée par les restes de celui qui avait quitté le réfectoire avant nous.
JEAN-MARC : Pour pouvoir libérer la place qui nous est nécessaire, il suffit de passer notre badge devant ce lecteur.
Jean-Marc se débarrassa de son plateau et je fis de même, puis on se dirigea sous la coupole de verre.
JEAN-MARC : Ce dôme nous coûte cher en énergie, mais, pour la plupart des habitants de la base, c’est la seule fenêtre sur l’extérieur que nous ayons. Lorsqu’il fait jour, la lumière remplit tout cet espace, et sa dimension en est plus impressionnante. De plus, c’est un observatoire qui nous permet de contempler des spectacles magnifiques, tout en étant confortablement installé. Dans cette partie du globe, lorsqu’il fait nuit, et que le ciel est clair, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, des jeux de lumière nous sont très souvent proposés. Ce sont les aurores australes, et je vous assure que vous n’oublierez jamais ce que vous finirez par voir. Moins impressionnant, mais très agréable, durant le jour, vous pourrez vous installer sur la terrasse sous la verrière dont l’accès se trouve ici, pour profiter du soleil. Quand pendant trois mois par an, le soleil ne se couche pas, on a le temps de bronzer ! Mais soyez prudente avec le soleil, car au pôle, ses rayonnements sont particulièrement agressifs, la stratosphère ne nous protège guère, et la réverbération de la neige accentue ce phénomène.
Nous avions traversé le vaste hall sous la coupole en direction de plusieurs portes qui se trouvaient en face. Sur notre droite, se trouvaient deux portes aux pictogrammes révélateurs : c’étaient les toilettes.
ELPHIA : Je vais vous abandonner quelques instants. Je vais profiter des lieux pendant que nous passons devant.
JEAN-MARC : J’allais justement vous en faire la proposition, car j’avais moi-même une envie pressante à satisfaire. On se retrouve devant la porte de la salle de sport qui se trouve là-bas.
Nous étions ressortis des toilettes presque en même temps. Puis on s’était dirigé vers le panneau annonçant la salle de sport. Jean-Marc poussa la porte, et me proposa d’entrer.
Au centre, il y avait de nombreux casiers. Sur un côté, se trouvaient quatre vestiaires pour changer de tenue, et en face il y avait quatre douches.
JEAN-MARC : Votre casier a le numéro 66C, vous pourrez l’ouvrir avec votre badge.
Puis on avait poussé une deuxième porte qui nous mena dans une grande salle.
ELPHIA : Mais il y a un monde fou ici, et ils n’ont pas l’air de faire semblant.
JEAN-MARC : C’est quasiment le seul endroit où l’on peut entretenir sa forme. Nous n’avons pas beaucoup d’autres solutions pour faire de l’exercice physique. Et avec les repas que nous prenons, il nous faut brûler des calories.
ELPHIA : Nous venons de quitter plus de vingt personnes au réfectoire, ici il y en a au moins une quinzaine, et il est près de quatorze heures trente. Il n’y a pas grand monde au travail !
JEAN-MARC :