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Elphia Cassant, jeune scientifique en Antarctique, est plongée dans des mystères insoupçonnés de l’univers et, comme par enchantement, les événements paraissent guider ses recherches vers des avancées spectaculaires. Des voies inédites sont alors empruntées, mais le froid implacable de l’hiver austral l’oblige à quitter la station. Une fois revenue en France, Elphia se heurte de nouveau à d’étranges phénomènes qui semblent vouloir faire vaciller sa raison. Des visions prémonitoires envahissent désormais ses nuits, révélant une destinée à laquelle elle ne pourra échapper. Quel secret enfoui devra-t-elle affronter ? Et jusqu’où devra-t-elle aller pour percer ces mystères ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Tout au long de son parcours,
Jean Dominique Godard a été guidé par des paradoxes. Son chemin imprévisible l’a conduit à l’écriture, où il explore l’idée que le destin, plutôt que le hasard, a façonné sa vie. Cette conviction est au cœur de son ouvrage "L’héritage d’un destin – Tome II".
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Seitenzahl: 1242
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Jean Dominique Godard
L’héritage d’un destin
Tome II
Roman
© Lys Bleu Éditions – Jean Dominique Godard
ISBN : 979-10-422-5187-1
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Est-il raisonnable d’imaginer que le destin puisse nous guider depuis une dimension que nos pensées sont incapables de concevoir ?
Est-il possible de répondre à cette interrogation en essayant de regarder le peu que nous constatons sans réellement pouvoir expliquer ce que nous observons ?
Mais que voit-on de notre monde ?
Il nous est possible de décrire ce que nos sens sont capables de percevoir.
C’est-à-dire la matière qu’on peut toucher, voire mesurer ou quantifier.
Ce sont aussi les différentes ondes dont certaines seront captées par nos yeux à travers le spectre des couleurs, d’autres seront audibles par nos oreilles, ou même celles que nous percevons sont la forme de chaleur. Mais c’est aussi toutes celles que les instruments inventés par l’Homme sont capables de capter ou d’émettre (les radars, la radio, la télévision, le téléphone…).
Il nous est aussi possible d’apprécier les saveurs et les odeurs avec plus de difficultés pour décrire les variations qui les nuances.
Nous sommes aussi en mesure de quantifier le temps qui passe sans que le commun des mortels soit réellement en mesure de décrire ce qu’il perçoit de cette dimension.
Et puis, il y a tout ce dont on constate la présence sans pouvoir vraiment préciser ce dont on parle : comme la vie, la mort, la pensée, l’esprit, l’âme, la mémoire, le bien, le mal, la conscience, la connaissance, la culture, l’art… Nous ne pouvons présenter que des concepts de tout ceci et notre imagination est bien incapable d’en décrire concrètement l’existence. Mais, la réalité est que notre monde se trouve sous l’emprise de tout cela à chaque instant qui passe.
Il faudrait aussi s’interroger sur la façon dont nous pourrions communiquer avec une dimension dont nos sens seraient sourds et aveugles ?
L’improbabilité de certains faits dans le contexte temporel particulier qui les a créés serait un type de communication que les probabilités mathématiques détecteraient. Même si souvent le message restera à décrypter, ces signaux du destin seraient même un langage que les moins matheux d’entre nous arriveraient à percevoir.
De façon plus directe, lorsqu’on observe un geste réflexe, nous devons conclure qu’une communication a été transmise à nos pensées sans avoir été générée par notre conscience de façon qu’une réaction immédiate soit mise en œuvre. De manière similaire à chaque fois qu’une action instinctive est réalisée, c’est qu’un message venant dont on ne sait où a été transmis alors que la conscience ne dispose d’aucune connaissance pour la générer. Dans ses deux exemples, de façon indiscutable, celui qui réalise les actes n’est pas l’auteur des informations qu’il utilise pourtant.
De façon évidente, nous ne serions donc pas directement les auteurs de tous nos actes, et il serait plus réaliste d’imaginer que certaines de nos décisions soient générées par des informations qui nous seraient communiquées depuis une dimension située bien au-delà de ce que nos connaissances sont capables de concevoir.
Même si nos connaissances ignorent ce qu’est concrètement la dimension spirituelle et même si nous ne savons rien de la connexion qui lie notre corps à notre âme, il est évident que dans certaines circonstances, des informations nous sont transmises pour que notre conscience en fasse usage de façon à formater ce que va devenir le présent.
Lorsqu’on cherche à décrire l’humain, on parle de son corps qui est mortel, et on parle de son âme, sans même pouvoir décrire de quoi nous parlons. Car la seule chose dont on sait d’elle, c’est qu’elle habite l’arborescence neuronale du cerveau durant le temps de la vie.
De façon imagée, dans notre tête il n’y a matériellement qu’un énorme ordinateur qui a la capacité de créer son propre système d’exploitation, de générer ses propres logiciels à travers notre éducation et notre culture avec tout un tas d’applications qui ne seront que le fruit du travail de nos cellules grises associé aux expériences de notre vie. Mais tout ceci ne représente que notre conscience. C’est la partie de notre esprit qui grandit chaque jour en s’appropriant une part toujours plus importante de la connaissance nécessaire à l’ascension de notre âme.
Toutefois, même si nous faisons surtout usage des informations que nous générons consciemment, reconnaissons que de nombreuses idées nous arrivent aussi très inconsciemment.
Par exemple, durant notre sommeil, notre esprit se déconnecte de notre conscience sans pour autant se mettre au repos. Alors, sans en avoir le moindre contrôle, c’est au tour de notre subconscient de manipuler des idées souvent moins rationnellement. Certaines de ces pensées nocturnes accéderont parfois à notre conscience le lendemain lorsqu’on se réveillera et on se les appropriera alors en considérant qu’elles étaient les nôtres. Très fréquemment, elles iront jusqu’à inspirer nos décisions, même si nous savons que la logique de notre conscience les considère le plus souvent comme délirantes.
Alors, n’est-il pas concevable que ce soit par notre subconscient que le destin nous guide pour nous faire choisir la direction qu’il voudrait nous voir emprunter ?
Cette part inconsciente de nos âmes pourrait être la messagerie qui nous lie à cette dimension de l’au-delà et du coup, notre docilité ne serait jamais remise en cause par notre libre arbitre, puisque notre logique voudrait considérer que toutes nos pensées soient les nôtres.
Mais n’écartons pas non plus l’hypothèse que quelques personnes pourraient avoir développé une hypersensibilité de leurs âmes se traduisant par une certaine aptitude à dialoguer consciemment avec cet au-delà !
Il y a probablement beaucoup de charlatanisme dans ce domaine, mais la télépathie permettrait à certains esprits de partager quelques messages entre eux, et il n’est pas non plus improbable que d’autres individus puissent entrer en contact avec des âmes défuntes n’appartenant plus à notre monde matériel.
Pour ce qui est de nos intuitions, ne seraient-elles pas le fruit d’une certaine capacité à accéder à des connaissances sans passer par la pensée rationnelle et analytique ?
On les attribue généralement à une certaine expérience qui permet d’associer une situation à un modèle dont l’issue est connue. Mais ne sont-elles pas surtout un pressentiment généré par notre subconscient qui souhaite nous proposer une suggestion qu’on sait pertinente ?
Quant à nos sensations régulières de « déjà vue » et aux prémonitions moins fréquentes, ne seraient-elles pas la preuve qu’on peut avoir accès à des informations venant d’un futur qui n’existe pas encore ?
Lorsqu’on nous raconte de telles expériences, il est facile d’invoquer le hasard pour les expliquer. Mais lorsqu’on les vit, la réalité devient vite suffisamment persuasive pour se convaincre d’avoir été guidé jusqu’à ce présent qui n’était qu’un futur sans autres alternatives.
Le récit qui va suivre va nous montrer comment l’héroïne va faire évoluer sa perception des faits majeurs qui ont structuré l’histoire de sa vie. Ce qui a d’abord été perçu comme étant le fruit du hasard ne fut ensuite que des concours de circonstances plutôt chanceux. Puis elle alla jusqu’à tolérer l’idée qu’elle pouvait être aidée pour atteindre ses objectifs. Et enfin, elle se persuadera qu’un avenir lui était imposé par le destin.
Nous l’accompagnerons dans les mutations qui s’imposeront à sa perception des faits sans entrer en conflit avec son libre arbitre.
Ses pensées deviendront les nôtres et inévitablement on s’interrogera pour tenter de savoir si nos vies ne seraient pas elles aussi soumises au même fatalisme.
Nous la suivrons aussi lorsqu’elle découvrira de nouvelles aptitudes que l’évolution n’a pas encore mises en place sur notre planète. Nous tenterons de cerner ses interrogations et ses circonspections en imaginant les répercussions qu’une telle forme de communication généralisée pourrait entraîner sur les différents organismes qui peuplent notre monde.
Tout en étant une fiction, nos pensées chercheront à explorer ce dont notre esprit est encore incapable de décrire. Dans ce voyage aux confins des limbes de nos âmes, peut-être pourrons-nous percevoir la réalité de ce qui pourrait être et de ce qui pourrait s’imposer à nos existences présentes et futures.
Nos véritables travaux de recherches biologiques s’enclenchèrent dès les premières semaines de janvier. Mes activités me mirent très rapidement en contact avec des faits les plus irrationnels qu’ils soient, au point qu’ils transformèrent ma vie en l’emmenant sur des chemins que nul n’aurait imaginés, même dans des rêves les plus fous.
Tout commença par la découverte de ce qui était probablement les organismes les plus vieux apparus sur notre planète. Elle fut suivie par une autre découverte qui nous posa de nombreuses difficultés avant d’accepter de se montrer. Mais elle finit tout de même par se dévoiler en nous apportant tout un cortège d’incohérences qui ne collait pas vraiment avec les connaissances que nous prenions auparavant pour acquises.
Puis, il y eut l’accident qui m’imposa une expérience hors du commun.
Avec le recul, je dois constater que malgré les souffrances provoquées, ce fut cette étape qui marqua le réel début de ma nouvelle vie, en m’apportant l’origine des pistes qui allaient nous donner de nombreuses réponses aux questions qu’on pouvait se poser.
Ce fut ensuite le tour de la manifestation des premières séquelles de ma contamination qui s’accompagnèrent du long apprentissage qu’elles allaient imposer à mon corps et aux conditions de vie qui étaient maintenant les miennes.
Plus le temps passait, plus la différence avec les miens semblait un obstacle pour rester moi-même, du moins c’était comme cela que je voyais les choses.
Le quotidien apportait son lot de singularité que j’acceptais contrainte et forcée, mais qu’il me fallait dissimuler pour ne pas faire apparaître les aptitudes qui naissaient en moi.
En fait, ma principale crainte était qu’on me transforme en rat de laboratoire pour d’autres scientifiques auxquels je me voyais inévitablement confiée.
Et pour finir, il y eut l’apprentissage de ses aptitudes qui m’étaient accordées et qui allaient tout changer. Je voyais mes nouveaux pouvoirs comme le Graal et en même temps la damnation de l’humanité. Mais j’étais la seule héritière de cette Pierre philosophale qui n’obéissait qu’à moi, à moins que ce soit elle qui s’était emparée du contrôle de mon âme.
J’étais en train de devenir ce qu’aucun Homme n’avait encore jamais imaginé pouvoir être, pourtant je m’employais pour demeurer ordinaire même si parfois je m’autorisais quelques exceptions.
Le lundi qui suivit le réveillon du jour de l’an était le dernier jour de repos avant la reprise de notre vie quotidienne sur la base.
En me présentant à la cantine, je fis le constat que les horaires avaient déjà repris leurs rythmes habituels, en proposant simultanément les trois repas possibles. C’était le premier signal du retour à nos vies décalées.
Chacun semblait vouloir commencer à reprendre ses marques.
Ils avaient même été nombreux à regagner leurs chambres et à s’exclure de toutes activités pour se remettre dans leur rythme des cycles de sommeil.
Ivana quant à elle m’avait abandonnée. Elle n’était réapparue qu’en fin d’après-midi.
Elle s’était laissé aller au-delà de ce qu’elle estimait raisonnable. Mais Gaëtan lui avait déjà pardonné en lui disant qu’on ne changeait d’année qu’un jour par an.
L’accord qu’ils avaient passé entre eux semblait être une parfaite réussite, et la nouvelle année qui commençait se présentait pour eux avec bien plus d’espoir que la précédente n’avait terminé.
Pour ma part, moi aussi, je voyais débuter cette nouvelle année avec enthousiasme, puisque prochainement, nous allions enfin avoir accès aux zones qui pouvaient contenir les reliques les plus anciennes du passer dont on m’avait confié la récolte et l’étude. L’approche de ce début d’aboutissement me rendait impatiente et me donnait une motivation insatiable.
Ce dernier jour de repos passa assez rapidement. L’essentiel de mon temps fut consacré à téléphoner à ma famille et à mes proches pour leur souhaiter une bonne et heureuse année.
Le reste de cette journée fut plutôt inexistant pour moi, comme pour la plupart d’entre nous. Et lorsque l’heure arriva, je regagnai ma chambre avec l’ambition de repartir dès le lendemain vers des journées plus productives que celles des derniers jours.
Après une bonne nuit, je repris facilement mon train-train quotidien avant de rejoindre notre réunion du début de semaine, même si nous étions déjà mardi.
J’étais consciente de faire partie des privilégiés qui avaient eu la chance de ne pas avoir eu à décaler mes habitudes ou à me soucier de trouver un lit pour dormir.
Tous ceux qui devaient être présents à notre séance arrivèrent à l’heure pour que nous commencions à planifier l’organisation des activités qui nous attendaient.
En ce qui me concerne, il avait été décidé qu’en début d’après-midi, j’allais devoir accompagner Damien pour l’assister afin d’évaluer l’avancement de tous nos tunnels. Et qu’en fonction de ce qu’on trouverait, j’allais devoir l’aider à placer les sondes nécessaires pour lancer une seconde détection depuis notre nouvelle zone d’accès. Histoire de nous constituer une base de données complémentaires à notre première exploration, qui s’était montrée insuffisamment exploitable sur le secteur, compte tenu des épaisses couches minéralisées qui avaient parasité la qualité de ce que nous pouvions repérer depuis la surface.
J’allais inévitablement me retrouver seule avec lui, et je redoutais un peu cette rencontre avec mon partenaire du réveillon de Noël. Car je connaissais ses sentiments, et je craignais qu’il ne puisse accepter l’existence et la dissociation de mes deux identités, aussi facilement que les autres.
De toute façon, je n’avais pas le choix, ce moment devait inévitablement arriver, alors autant qu’il se présente le plus rapidement possible, afin qu’on puisse s’en débarrasser au plus vite.
À la fin de la réunion, on s’était donné rendez-vous au réfectoire, sans qu’il semble affecté par le fait de m’avoir adressé la parole. C’était un bon début, son regard ne semblait pas avoir vu Pandora, et ses pensées ne paraissaient être motivées que par notre travail. Je sentis avec soulagement que l’épreuve qui nous attendait ne serait peut-être pas aussi difficile que celle de mes craintes.
Damien nous avait ensuite quittés pour préparer son matériel, et moi, je m’étais rapprochée de Sven pour commencer à mettre au point une série de prélèvements pour tenter de récolter quelques informations pour commencer à positionner avec plus de précisions des datations sur les secteurs que nous allions pouvoir étudier.
À l’heure convenue, j’avais rejoint le réfectoire pour attendre Damien qui était arrivé juste après moi.
Nous avions mangé comme nous aurions pu le faire quelques semaines auparavant.
Puis, après le repas, on était allé jusqu’à son local pour récupérer le matériel qui selon lui allait nous être nécessaire.
Après être passé par le vestiaire, on avait pris possession d’une motoneige qui nous avait conduits jusqu’à l’extrémité du tunnel que j’étais impatiente d’explorer.
Nous y avions entrepris de faire des relevés topographiques en positionnant quelques repères dans les parois. On avait commencé par l’endroit où il s’était arrêté plusieurs jours avant, et on avait progressé jusqu’à l’endroit où était maintenant immobilisée la foreuse.
Après avoir fait quelques calculs, Damien semblait satisfait de la progression qu’il constatait. Elle était conforme à ses estimations. Il conclut en m’annonçant que l’avancement qu’il avait enregistré allait pouvoir nous permettre de procéder à la détection que nous souhaitions réaliser.
On s’était alors mis à déballer le matériel nécessaire pour placer les sondes aux emplacements qu’il désignait avec une rigueur tout aussi pointilleuse que nous avions pu le faire la première fois.
L’opération nous prit plusieurs heures, puis il lança la détection qui se passa sans incident.
Je n’étais pas d’une grande utilité, mais je me sentais au cœur de l’action.
Une fois les enregistrements terminés, en quelques minutes, on récupéra notre matériel et on plia bagage pour rejoindre le site du tunnel dans la roche.
En arrivant devant l’entrée du porche de pierre, un va-et-vient incessant d’hommes et de matériels me fit presque oublier où nous étions. Pourtant, nos mesures ne constatèrent qu’une progression d’une petite vingtaine de mètres. Il fallait dire que contrairement au tunnel dans la glace, les travaux de ce site avaient été arrêtés pour accorder aux ouvriers la semaine de repos qu’ils avaient eux aussi bien méritée.
Notre passage au milieu de cette fourmilière d’ouvriers en plein travail fut assez court. Dès nos mesures prises, on débarrassa les lieux pour ne pas les déranger davantage.
De retour à la base, ma mission d’assistante se poursuivit jusqu’au rangement du matériel dans le bureau de Damien.
Lorsqu’il me libéra de son service, il s’autorisa alors à exprimer quelques pensées n’ayant plus aucun rapport avec le travail commun que nous avions.
DAMIEN : Je n’ai pas l’intention de t’importuner avec ce que je souhaite dire, mais je ne peux pas te laisser partir sans te confier certaines choses, car j’ai besoin que tu connaisses le fond des pensées qui sont les miennes.
J’éprouve toujours le même plaisir à travailler avec toi, et je te rassure tout de suite, à aucun instant cet après-midi, j’ai imaginé me trouver être en présence de Pandora. Car le plaisir que j’ai à être en ta compagnie n’a rien à voir avec celui qu’elle m’a offert.
Pour autant, je me dois de la remercier pour la magnifique nuit de Noël qu’elle m’a offerte.
Mais surtout, je te remercie d’avoir accepté de me faire un tel cadeau sans avoir considéré que mes sentiments puissent être un obstacle à ce genre de relations.
Sache que je suis lucide sur ce qui s’est passé entre nous, et sur ce que je peux attendre de toi.
Je suis parfaitement conscient de n’avoir été qu’un privilégié qui ne peut en espérer davantage.
Pour finir, je n’ai qu’un seul regret. C’est de n’avoir appris qui était Pandora, qu’après avoir eu l’honneur de ses faveurs, qui n’auraient probablement pas eu la même saveur si sur l’instant, j’avais su qui elle était. J’aurais peut-être pu les apprécier davantage, et les vivre avec plus d’intensité.
ELPHIA : Ce petit plus que tu sembles regretter est justement ce qui m’est impossible de t’offrir.
Pandora a une liberté qui n’est pas la mienne. Elle n’existe que pour assurer la mission que Jean-Marc a confiée à chacune des femmes de cette base.
Mais je t’assure, ça a été avec délice qu’elle s’est employée à la réaliser lorsqu’elle a reconnu celui qui se cachait derrière le masque du loup craintif que tu étais.
Alors accepte le plaisir que nous avons partagé, sans vouloir lui donner une dimension que je ne t’accorderai jamais.
DAMIEN : Tu as certainement raison. Il est peut-être plus facile pour moi d’accepter aujourd’hui la réalité des faits, sans avoir eu l’occasion d’en vivre l’illusion.
Allez, maintenant sauve-toi vite et laisse-moi à mon travail, car les résultats ne vont pas tomber tout seuls.
Je l’avais quitté en m’attribuant une part de responsabilité dans la tristesse que je percevais en lui.
Pourtant, je ne regrettais aucun de mes actes.
Il venait de m’avouer une certaine consolation qu’il avait eue à partager notre intimité cette nuit-là.
Tout comme il convenait aussi qu’il avait eu un grand plaisir à passer son après-midi avec moi.
Si Pandora n’allait probablement pas renouveler l’occasion de lui offrir ses faveurs, j’étais malgré tout heureuse de pouvoir continuer à lui accorder ma présence sans le moindre remords. Et ce, grâce à l’honnêteté que nous avions eue l’un envers l’autre, car il était maintenant certain qu’aucun malentendu ne subsisterait entre nous.
La suite de la journée se passa sans qu’il se produise quoi que ce soit de notable.
Le jour suivant, seules des choses ordinaires se présentèrent à moi. Je passai le plus claire de mon temps en compagnie de l’Éoentélodon, sans toutefois lui trouver la moindre particularité de notoire.
Cependant, jeudi matin, alors que je prenais mon petit déjeuner, Sven s’installa à ma table pour m’annoncer qu’il avait les premiers résultats concernant ce que je lui avais demandé.
On avait pris le temps de manger avant d’aller jusqu’à son bureau où il m’exposa le fruit de son travail.
Il commença par m’annoncer que les glaces à l’endroit où nous étions arrivés étaient plus anciennes qu’il ne l’avait imaginé. Les datations qu’il avait réalisées étaient incontestables même si elles n’étaient pas encore très précises.
Selon les prélèvements qu’il avait réalisés, la zone où nous étions était constituée d’une glace âgée d’au moins 3,25 milliards d’années, mais nous devions nous attendre qu’en affinant ses recherches, il finisse par nous annoncer des datations encore plus anciennes.
C’était une très mauvaise nouvelle pour moi, car elle était bien antérieure à ce qui était admis pour l’apparition de la vie en dehors des océans, et cela signifiait pour moi que nous n’allions rien trouver à étudier dans ou au-dessous de cette glace.
Cette désillusion m’accablait, je voyais à nouveau s’éloigner le jour où j’allais enfin avoir mes premiers spécimens à étudier. Mais d’un autre côté, il me restait l’espoir de dénicher dans des couches plus hautes des traces de vies particulièrement anciennes.
Mes recherches s’annonçaient plus délicates que je l’avais pensé, mais aussi encore plus vastes que je n’aurai pu l’espérer.
Ne pouvant me lancer dans l’immédiat vers l’étude de ce qui avait vécu, je m’étais alors donné pour mission d’étudier la composition de l’atmosphère de notre planète au cours des millénaires auxquels nous avions accès. Nous allions disposer d’une gamme d’échantillons d’air pouvant nous révéler presque toute l’histoire de notre atmosphère terrestre.
Cela représentait des connaissances dignes d’intérêt pour de nombreux scientifiques sur notre planète.
Ce n’était pas ma spécialité, mais il fallait bien que je me donne des objectifs à atteindre en attendant de pouvoir tomber sur mes premières traces de vie.
Pour cela, j’avais demandé à Sven de me montrer comment il procédait pour récupérer ses échantillons de glace sans les corrompre. J’allais ensuite demander à Auriane de m’initier à la réalisation des datations et aux analyses gazeuses qui seraient nécessaires.
Le tout me permettrait de réaliser ce travail en toute autonomie, afin d’occuper mon temps au moins jusqu’à ce que je finisse par trouver mieux à faire.
L’après-midi, j’avais joué à l’apprentie en compagnie de Sven, qui en tuteur expérimenté, m’avait initiée à sa technique bien rodée qu’il utilisait depuis des années pour récolter les échantillons de glace qui étaient étudiés sur la base. Nous n’étions pas partis bien loin, on avait fait nos prélèvements dans les galeries environnantes de la base.
Le lendemain, j’étais allée embêter Auriane pour qu’elle me fasse des démonstrations d’abord pour tenter de m’apporter la maîtrise du fonctionnement du spectromètre de masse afin de dater mes échantillons, et ensuite pour me familiariser avec les méthodologies délicates concernant l’extraction et l’analyse des bulles gazeuses, prisonnières des prélèvements que j’avais réalisés la veille.
Malgré la complexité des procédés, à la fin de la journée, je m’étais sentie apte à renouveler les exercices seule.
Puis à l’heure habituelle, je m’étais rendue à notre réunion hebdomadaire, sans avoir l’intention d’y exposer quoi que ce soit.
La semaine ne s’était pas passée comme je l’avais souhaitée. J’allais devoir réorganiser notre stratégie de forage, mais je devais attendre les résultats de Damien qui allaient probablement pouvoir nous donner quelques indices pour nous orienter vers les directions les plus judicieuses.
En fait, je préférais attendre d’avoir établi un plan d’action plus précis avant de commencer à informer notre communauté sur l’avancement de nos recherches.
Notre assemblée ne fut qu’une formalité où rien d’important ne fut annoncé.
Cependant, en fin de réunion, Jean-Marc demanda à me parler à l’écart des autres.
JEAN-MARC : J’ai eu la confirmation que GENOTYQUE FRANCE vient de nous verser la totalité du financement qui avait été convenu.
On m’a aussi informé qu’on recevrait prochainement un container pour leur expédier le plus rapidement possible l’Éoentélodon.
Alors je voulais savoir si cela ne te posait pas des problèmes et si tu avais eu le temps d’étudier tout ce que tu voulais avant d’avoir à nous en séparer.
ELPHIA : Afin de ne pas mettre en péril les futurs travaux de GENOTYQUE FRANCE, je ne me suis pas permis de réaliser la moindre étude invasive.
J’ai toutefois réalisé quelques prélèvements, et les imageries que nous avons obtenues m’ont permis d’affiner certaines de mes données.
Le tout devrait être suffisant pour monter le dossier qu’on attend de moi sur cet animal.
Alors s’ils veulent le récupérer, je n’y vois aucun inconvénient.
Toutefois, lundi dernier, j’ai parlé à Jean-Raymond, et il ne m’a pas informée de tout ça !
Je suis très surprise. Ça m’étonnerait qu’il en soit au courant lui-même.
Autant de précipitation me donne l’impression qu’il y a quelque chose de louche là-dessous.
JEAN-MARC : Nous ne pouvons que respecter nos engagements.
Mais rappelle J-R pour tenter d’en savoir plus sur la soudaineté de leur demande.
Après m’avoir confié cette nouvelle mission, il partit presque aussitôt parler à Allan avant qu’il ne parte. Et quant à moi, j’avais quitté l’amphi en compagnie de Bernard pour nous diriger jusqu’à la salle de gym afin de m’y épuiser physiquement pour pouvoir trouver plus facilement le sommeil.
Tout en faisant mes exercices, je l’avais informé du fait que nous ne récolterions rien, là où je lui avais demandé de faire passer nos tunnels.
Je lui avais aussi dit qu’il serait toutefois nécessaire de positionner malgré tout plusieurs sites d’exploration, ne serait-ce que pour confirmer l’absence de toutes formes de vie en de tels lieux à cette époque, et que j’attendais les résultats de Damien pour définir vers où nous allions ensuite creuser.
Qu’en attendant, il devait continuer en direction de la zone la plus ancienne, pour qu’on puisse la dater et en analyser les bulles d’atmosphère qu’elle renfermait.
Il n’avait pas été contrariant. Il m’avait juste dit qu’il en avait encore pour une semaine avant d’arriver au bout de ce qui avait été convenu, et qu’il serait alors tant de lui fournir mes nouvelles directives.
Mes efforts devenant plus difficiles, j’avais fini par ne plus pouvoir discuter. Et une fois arrivée au bout de mes exercices, je n’eus plus que le courage de prendre une douche et de rejoindre mon lit.
Le week-end qui suivit fut plutôt studieux.
Samedi matin, tout de suite après le petit déjeuner, j’avais pris le chemin du puits du sud pour réaliser quelques prélèvements, et dès mon retour, je procédai à leurs analyses.
Mes résultats concernant la datation étaient semblables à ceux de Sven, et ceux concernant l’analyse gazeuse avaient une constance certaine au niveau des composants et des proportions trouvés.
J’étais plutôt satisfaite, car l’initiation de mes mentors avait été à la hauteur.
Je me sentais maintenant prête à renouveler ce genre de travail, cette fois-ci sur les prochains secteurs de glace que nous coloniserons.
Je n’avais finalement attaché de l’importance aux résultats des analyses faites qu’après avoir eu enfin confiance dans les chiffres que j’avais obtenus.
Nous étions très loin des composants de l’atmosphère de notre époque, mais cela ne m’étonna pas.
J’étais consciente qu’en ces temps reculés, l’atmosphère de notre terre était très différente de celle que nous respirons aujourd’hui, et il était même normal qu’elle soit incompatible avec nos formes actuelles de vie.
Les composants essentiels étaient de l’azote gazeux (N2), du dioxyde de carbone (CO2), de l’hydrogène (H2). Il y avait aussi beaucoup de sulfure d’hydrogène (H2S) et d’ammoniac (NH3) qui étaient le fruit de millénaires d’activités volcaniques.
Ce qui était le plus surprenant dans les résultats obtenus, c’était la faible proportion du méthane (CH4) qui selon ce qu’on croyait savoir aurait dû être beaucoup plus importante. Mais surtout, je fus surprise par les traces non négligeables d’oxygène (O2) bien plus significatives que celles qu’on imaginait pour l’époque.
Cela signifiait de manière incontestable que la vie était déjà en action quelque part sur notre planète, puisqu’elle avait déjà diffusé la présence de ce gaz dans l’atmosphère qui ne pouvait être que le fruit des réactions de la photosynthèse, et qui allait permettre à l’évolution d’élaborer d’autres formes de vie, dont la nôtre qui n’aurait pu exister sans cette première transformation de notre environnement réalisée par les pionniers du monde du vivant.
Le lendemain, je m’étais consacrée sans compter à notre Éoentélodon qui nous serait bientôt enlevé. Je ne voulais surtout rien avoir à regretter, et encore moins avoir un jour à constater que j’étais passée à côté de quelque chose d’important.
En milieu de matinée, je m’étais toutefois déconnectée de mes observations pour appeler au téléphone Jean-Raymond.
ELPHIA : Je n’avais pas l’intention de t’importuner aussi rapidement après mon appel de la semaine dernière, mais je ne m’attendais pas à ce que m’a rapporté Jean-Marc vendredi soir.
J’espère ne pas trop te déranger !
J-R : Tu ne tombes pas tout à fait au bon moment. Avec Méline, on s’était accordé une petite grâce-matinée, et tu nous as stoppés dans notre élan !
Mais qu’a bien pu te dire Jean-Marc, qui nécessite que tu m’appelles ?
ELPHIA : En fait, je suis surprise par la soudaineté des directives qui nous ont été données, et étonnée par le fait que tu n’en aies pas parlé la semaine dernière.
La totalité du financement concernant notre accord nous est parvenue ces derniers jours, et on devrait prochainement recevoir un container pour vous renvoyer le plus rapidement possible l’Éoentélodon.
J-R : Qu’est-ce que c’est que cette histoire, je ne suis au courant de rien.
Comment avons-nous pu réunir une telle somme pour finir de vous payer ?
Et comment est-il possible qu’on ait pu le faire sans mon accord ?
On peut dire que tu me la coupes.
Je comprends que tu sois étonnée, mais dis-toi bien que je le suis bien plus que toi !
Je suis désolé, mais je n’ai pas d’explication à te donner, il va falloir que j’en obtienne d’abord.
Ce ne peut être qu’un coup d’Orlane. Je ne sais pas si tu es au courant, mais nos relations se sont beaucoup détériorées depuis mon petit séjour chez vous.
Laisse-moi un peu de temps, je promets de te rappeler, dès que je saurai de quoi il en retourne.
Nous n’avions rien dit de plus.
Je venais de gâcher sa grasse matinée, mais je ne regrettais pas de l’avoir informé.
J’étais ensuite repartie vers mes travaux.
J’y passai le reste de la journée à scruter les images de mon spécimen sans faire la moindre découverte, mais aussi sans que J-R ne me rappelle.
À notre réunion du lundi matin, je ne pus que rapporter son étonnement et dire que nous devions encore attendre pour en savoir plus.
Lorsque Damien prit la parole, ce fut encore pour nous apprendre que les choses ne se passaient pas comme nous les avions envisagées.
Il n’arrivait quasiment à rien en analysant notre dernière détection.
Même les anciennes cibles n’apparaissent pas, il y avait beaucoup trop de nappes minéralisées qui perturbaient notre nouvelle écholocalisation.
Les seules choses qui étaient exploitables, c’était l’apparition du relief du sol des zones proches où nous étions arrivés, et le positionnement des premiers plafonds qui nous perturbaient.
Il m’avait mis ses résultats sur le serveur en s’excusant de n’avoir pu faire mieux.
Je lui avais répondu que c’était déjà pas mal, qu’on allait commencer par exploiter cette zone, et que dès qu’on atteindrait d’autres secteurs, je l’accompagnerais pour réaliser de nouvelles détections. Et qu’on réaliserait autant d’étapes qu’il nous serait nécessaire pour couvrir toutes nos zones de recherches.
Que pour l’instant, il m’apportait déjà ce qui m’était indispensable.
Mais que j’allais devoir commencer par étudier ses données afin de prendre les prochaines décisions.
De retour à mon bureau, j’étais tout de suite allée sur son application pour naviguer avec le pointeur de ma souris dans la zone qui nous était maintenant clairement dévoilée.
Le paysage était très chaotique, avec des rochers presque partout. J’étais plutôt contente de réaliser la visite des lieux depuis mon écran, car sur le terrain, cette même opération aurait été plus laborieuse.
Je parcourus pendant des heures de long en large le secteur sans éprouver la moindre fatigue.
Pourtant, je ne trouvais que peu d’endroits que j’estimais propices au positionnement de mes sites d’exploration. Seules deux zones me semblaient adaptées.
L’une était au niveau d’un point sans trop de dénivellation où apparaissait un sol plat partiellement dégarni de rochers en surface.
Et l’autre se trouvait au niveau de ce qui était probablement le lit d’un torrent qui devait parcourir le secteur à l’époque.
Après en avoir positionné leurs emplacements, j’étais allée jusqu’au premier plafond qui perturbait notre détection. Par endroit, il y avait même des rochers parmi une couche plus ou moins épaisse qui faisait comme un voile sur ce qui était derrière.
Il ne servait effectivement à rien de tenter de se déplacer au-delà de la deuxième nappe qui faisait obstacle à notre détection.
Mon exploration se poursuivit en me rendant vers la zone où les glaces devaient être les plus anciennes.
Le paysage n’y était pas net du tout, et par endroit, il était même indéfini, mais il était toutefois possible de s’y déplacer avec une visibilité comparable à celle d’un jour de grand brouillard.
Mon premier parcours m’amena jusqu’à une corniche accrochée à un versant abrupt du grand cirque. Je m’étais retrouvée sur un étroit plateau qui dominait cette plaine de l’époque.
Au niveau de la zone où je me trouvais, seul le bord était défini. Notre investigation n’avait vraisemblablement rien pu détecter de l’arrière-plan de cette plate-forme, probablement parce que nos sondes avaient été placées en contrebas, et que mon promontoire était une face cachée.
Je repris ma visite en partant d’un tout autre endroit, mais il me mena au même plateau indéterminé.
Après plusieurs explorations, je m’aperçus que, quel que soit l’endroit d’où je partais, j’arrivais toujours sur ce même poste d’observation.
Cela m’intrigua. Comment était-il possible que depuis mon ordinateur, je finissais toujours par arriver au même point ?
En fait, même s’il était possible de me déplacer où je voulais avec ma souris, je constatais qu’en réalité, je me laissais influencer par la réalité du relief, comme si j’avais été sur le terrain. Et que même si je ne les avais pas repérées, des lignes plus ou moins nettes guidaient mes parcours.
C’était étrange, et quelque chose me disait que ses lignes très fugaces dans le brouillard de mon écran avaient quelque chose de suspect que j’étais incapable d’expliquer.
Mais il était l’heure d’aller manger, alors je n’avais pas insisté avec cette bizarrerie, et j’avais rejoint le réfectoire.
À la fin du repas, mon téléphone sonna.
J-R : Comme promis, je te rappelle.
Ce n’est pas que je comprenne encore exactement ce qui se passe.
Mais je vais te communiquer les quelques renseignements que j’ai réussi à obtenir.
D’abord, Orlane n’est pas joignable. Il ne répond plus au téléphone, et sa secrétaire a eu comme consigne de refuser de me donner la moindre information.
Toutefois, il est certain que c’est lui qui est derrière tout ça !
Selon le comptable, Orlane aurait versé de ses fonds propres la quasi-totalité des sommes qu’on vous devait sur le compte de la société et aurait personnellement donné l’ordre de vous faire un versement de manière à solder notre dette, tout en demandant de faire le nécessaire pour que notre transaction soit finalisée au plus tard, pour le quinze du mois.
Je ne sais pas d’où il a pu sortir tout cet argent, et je ne comprends pas pourquoi toute cette précipitation. Ce qui est incohérent, c’est que nous ne serons pas prêts à mettre en place nos protocoles d’expérimentation avant plusieurs mois !
Mais ce qui m’inquiète le plus, c’est qu’il a comme par hasard disparu de la circulation, juste à ce moment-là, et qu’il est visiblement décidé de me tenir à l’écart de tout ça.
Jusqu’à présent, il avait toujours été difficile à convaincre, et maintenant, c’est lui qui fonce en avant sans même me prévenir !
ELPHIA : De notre côté, il n’y a rien de gênant.
Je suis même persuadée que Jean-Marc a dû voir l’amélioration de sa trésorerie d’un très bon œil.
J-R : Je ne devrais pas m’en plaindre moi non plus, mais je crains que cet empressement dans cette direction nous cache quelque chose que je n’arrive pas encore à identifier.
Je ne vois toutefois aucun obstacle à ce qu’on finalise nos transactions dans les délais qu’il a fixés.
Et si de votre côté, vous êtes prêts, il n’y a pas non plus de raison pour que nous fassions traîner les choses.
On avait ensuite parlé de ma déception concernant le délai supplémentaire qui m’était à nouveau imposé avant de pouvoir arriver à mes premières reliques des origines de la vie. Mais il ne s’était pas vraiment montré passionné par ce que je lui disais.
Ses pensées n’arrivaient visiblement plus à s’écarter des interrogations créées par Orlane, et devant son manque d’intérêt, on avait fini par raccrocher rapidement.
Le reste de l’après-midi, j’étais retournée à mon bureau pour y reprendre les études de notre spécimen du passé en abandonnant totalement l’étrangeté de mes parcours virtuels du matin.
Je m’étais mise à nouveau à décortiquer les représentations de synthèse de notre Éoentélodon, mais je ne fus pas plus récompensée dans mes travaux que les jours précédents.
Malgré son grand âge, cet animal était vraiment conçu à partir des mêmes composants biologiques que ceux en vigueur dans notre monde actuel.
C’était une déception pour moi. Mais d’un autre côté, c’était probablement aussi un gage de réussite pour les expériences qu’allait tenter J-R.
Jusqu’au jeudi matin, ce fut notre relique qui employa tout mon temps. Mais ce jour-là, lorsqu’on reçut le container pour l’expédier, ce fait marqua la fin de mon acharnement improductif pour passer à l’étape suivante, car nous avions reçu l’ordre de faire le nécessaire pour assurer notre livraison au plus vite.
Sans attendre, avec Erwan, on avait conditionné notre précieux colis tout en nous assurant du bon fonctionnement des dispositifs autonomes de refroidissement et de la parfaite étanchéité du sarcophage qu’on nous avait fourni. Et le soir même, on avait été prêt pour son expédition.
De bonne heure le lendemain matin, j’avais été appelée à l’héliport pour superviser son départ et en à peine dix minutes, notre Éoentélodon avait pris son envol.
Je venais de perdre notre première découverte, mais elle ne me manquerait probablement pas, puisque je ne l’avais quasiment pas approchée depuis que nous l’avions totalement scannée avec Auriane.
Après son décollage, je m’étais chargée d’informer J-R du départ effectif de son colis.
Au cours de notre discussion, j’avais ressenti chez lui une forme d’inquiétude encore plus pesante qu’à notre précédent entretien.
Il fallait dire qu’il n’avait toujours pas réussi à joindre Orlane et qu’il continuait à s’interroger sur les raisons qui avaient pu précipiter les événements. En clair, il était encore sans le moindre indice pouvant clarifier la situation.
On avait fini par conclure que l’animal qu’il soit chez nous ou qu’il soit chez eux, ce n’était pas là qu’il pouvait y avoir matière à créer un problème. Alors, pourquoi nous torturer l’esprit pour le moment, il fallait bien qu’un jour cette transaction finisse par être effective.
Après avoir raccroché, je m’étais tout à coup sentie comme délestée d’un gigantesque poids, comme si une première étape de mes missions venait d’arriver à son terme.
Bien entendu, j’allais devoir me mettre à rassembler et à organiser mes notes sur l’Éoentélodon dans un rapport que je serai contrainte de soutenir ultérieurement. J’allais probablement aussi devoir continuer d’étudier les images et les échantillons que nous avions gardés.
Mais maintenant, l’écoulement du temps ne me semblait plus aussi pressant. J’allais pouvoir prendre le temps de faire les choses, et même, cette idée s’imposa comme une nécessité. Il me fallait une rupture avec les journées studieuses que je venais de passer. Le besoin de décrocher du travail qui m’avait accaparé sans relâche depuis plusieurs jours m’envahit, et sans la moindre résistance, je pris le chemin du centre aquatique en comptant bien en abuser une bonne partie de la journée.
Mon relâchement ne s’arrêta pas aux plaisantes heures de relaxation que je m’étais accordées.
Il fut tel qu’en soirée, ce fut Pandora qui prit la relève en se rendant à la salle de jeux.
Lorsque mon avatar poussa la porte et entra, les activités de chacun furent instantanément mises sur pause. Le silence s’imposa et tous les regards se braquèrent sur elle.
Je n’en étais même pas gênée, ils ne voyaient tous que Pandora, et ils étaient tous prêts à entrer dans la partie qu’elle était sur le point de leur proposer.
Ils semblaient tous aussi avoir compris les règles du jeu, personne ne tenta de l’accoster, mais chacun la regardait en implorant que son tour vienne.
Le destin se chargea du déroulement de la suite des événements.
Pandora se dirigea jusqu’au bar pour s’y servir un verre, puis elle parcourut la salle à la recherche de sa cible. Elle ne discutait pas longtemps avec les occupants des tables qu’elle abordait.
Cela dura jusqu’à ce qu’elle finisse par s’immobiliser devant la table où Igor jouait seul avec son échiquier.
PANDORA : Ne serait-il pas plus plaisant de faire une partie ensemble ?
IGOR : Je ne sais pas si c’est raisonnable.
Je n’aime pas que les regards se braquent vers moi, et en ta compagnie, nous allons être servis.
De plus, mes yeux ne sont pas capables d’apprécier celle que tu es ce soir.
Je suis probablement le seul à ne pas être capable de te voir différemment de celle que tu es au quotidien. Alors je crains de te contrarier en ne respectant pas le pacte qui nous interdit de t’associer à ton autre personnalité.
Mais d’un autre côté, je ne peux pas non plus refuser l’honneur que tu me fais en venant t’asseoir devant moi.
PANDORA : En ce qui te concerne, le pacte dont tu parles n’a aucune valeur.
Je sais pertinemment que dès ma première apparition, tu savais qui j’étais.
Je ne crains pas non plus ton jugement, car je sais que tu ne regardes pas les gens avec tes yeux, et je suis sûr que contrairement aux autres, le fait que je sois aussi une femme n’influencera jamais ton appréciation de celle que je suis.
J’imaginais que ton problème serait plutôt de savoir si ma proposition concernerait une partie d’échecs, ou alors la partie qu’ils attendent tous de moi !
IGOR : Je ne me suis même pas posé la question.
Habituellement, les femmes ne montrent que peu d’intérêt pour les infirmes !
Alors, il y a bien longtemps que j’ai fait une croix sur ce genre d’expérience.
PANDORA : C’est pour cela que ce soir Elphia te propose une partie d’échecs, et que si cela te tente, Pandora te proposera une revanche plus privée.
Si tu gagnes, ce sera dans ma chambre et si tu perds ce sera dans la tienne, mais tu auras le choix du programme de ce que nous ferons ensemble. Je n’ai pas l’intention de t’imposer quoi que ce soit.
IGOR : Avec de telles propositions, je crains de ne pas être à la hauteur, ni aux échecs, ni à la partie suivante.
ELPHIA : L’issue de la première partie n’aura pas l’importance qu’elle peut avoir en temps normal. Mais pour ma part, je suis persuadée que tu gagneras la deuxième.
De toute façon, comme diraient certains, l’important c’est de participer !
Il s’était alors mis à replacer les pièces en bois sur leurs positions de départ, et nous avions entamé notre partie en faisant complètement abstraction de la déception de toute la population masculine présente dans la salle.
Leurs activités avaient fini par reprendre. Bien entendu, nous restions l’attraction à ne pas manquer. Toutefois, ils avaient gardé une certaine pudeur en nous laissant faire notre partie sans tenter de venir observer de près ce que nous faisions.
Cela tranchait même avec les quelques parties d’échecs que j’avais pu jouer avec Igor. Habituellement, elles attiraient de nombreux observateurs qui passaient fréquemment voir si je n’arrivais pas à mettre en difficulté l’incontesté maître de ce jeu. Mais ce soir, personne n’osait venir s’informer de la tournure que prenait la partie. L’issue du duel ne semblait pas faire partie de leurs préoccupations premières. Toutefois, je les sentais malgré tout très concernés par nos moindres faits et gestes. Comme s’ils attendaient patiemment la fin de la parenthèse que je m’étais accordée avec Igor. Ils pensaient probablement tous que dès la fin de la partie, c’était vers eux que je retournerai pour poursuivre la soirée.
Notre duel fut moins acharné qu’habituellement.
Assez rapidement, Igor fut contraint d’échanger un fou contre un pion, puis il ne put contenir le débordement qui suivit sur son aile droite.
Sans trop insister, il coucha alors son roi d’un air plutôt dépité.
IGOR : Ce soir, tu avais des armes plus convaincantes que les autres jours.
Mais n’imagine pas que je t’ai laissée gagner pour passer le plus rapidement possible à la revanche promise !
ELPHIA : Je dois quand même te faire part d’une certaine déception.
J’avais espéré que même en présence de Pandora, Igor resterait à la hauteur de ses vraies valeurs.
IGOR : Ta tenue suggestive pour les autres n’est nullement la cause de ma défaillance.
Les échecs demandent de la concentration, et tu peux admettre que tes propositions aient pu entamer les facultés d’un homme plutôt délaissé par la gent féminine.
Si je ne te connaissais pas, je pourrais même prendre cette stratégie comme une traîtrise dont sont tout à fait capables les femmes.
ELPHIA : Ce n’est pas si déraisonnable de voir les choses ainsi.
Mais pour ma part, je me contenterai de constater qu’une fois de plus, les hommes sont d’une faiblesse affligeante devant les promesses visuelles ou verbales des faveurs d’une femme.
Ne t’inquiète pas, nous ne nous chamaillerons pas à ce sujet. Car je suis loin d’être une féministe convaincue et ma vision de l’humanité n’a rien de sexiste.
Il faut être réaliste, quotidiennement les hommes comme les femmes font preuve de faiblesses infinies, même si parfois ils ou elles sont capables de prouver leurs grandes valeurs.
En général, ma philosophie optimiste consiste à occulter les faces sombres de nos vies, en ne portant mon attention que vers ce qui peut présenter de la valeur chez les individus de notre espèce.
Ma petite parenthèse sur les hommes n’était qu’une réponse à ton allusion sur la bassesse des femmes, alors oublions là très vite et passons à des choses plus intéressantes.
D’ailleurs, des instants prometteurs s’offrent à nous, alors attachons-nous à les vivre pleinement. Sauvons-nous vite d’ici avant d’avoir à supporter davantage l’insistance des regards qui semblent à nouveau s’être braqués sur nous.
Puisque tu as perdu, je suis prête pour aller visiter ta chambre.
Il s’était alors levé.
J’avais saisi sa main qu’il m’avait tendue, et en un éclair on avait refermé la porte de la salle de jeux en laissant derrière nous, une population médusée par notre fuite qui annonçait la fin de tous leurs espoirs.
On n’avait pas non plus traîné dans les couloirs, et très vide, je m’étais retrouvée seule avec lui dans sa chambre.
Ce qui se passa ensuite entre nous fut bien plus brûlant que tout ce qui m’avait été donné de vivre jusqu’à présent.
Malgré son inexpérience avouée, Igor se montra être un amant comme je n’en avais jamais eu.
Après des moments d’une timidité assumée, on finit par franchir les limites de la pudeur.
Dès les premières minutes de ses instants inavouables, je ressentis avec force la singularité que prenait notre relation.
Tout commença lorsqu’il s’autorisa à laisser courir ses doigts sur ma peau.
En une fraction de seconde, je perçus une dimension encore jamais ressentie dans ce genre de situation pourtant déjà vécue ultérieurement.
Chacun de ses effleurements était pour moi un délicieux supplice qu’une certaine morale réprouvait, mais que mon corps réclamait avec force.
Dès le départ, j’avais été parfaitement consciente que nos contacts charnels n’auraient rien d’ordinaire. Pour lui, ses doigts étaient aussi ses yeux. Et les panoramas qu’il s’offrait rendaient Elphia mal à l’aise, car elle ne pouvait s’empêcher de se sentir indécemment reluquée bien au-delà de ce qu’elle avait accepté jusqu’à ce jour.
Le moindre des reliefs de mon corps lui était disponible et il ne s’était pas privé pour les contempler avec insistance. Après s’être intéressé aux contours de mon visage, il était bien entendu parti s’approprier les contrées les plus intimes de ma personne.
D’un côté, j’étais envahie par l’impudeur outrancière du voyeurisme que j’autorisais en laissant les doigts de mon partenaire partir en excursion sur mon corps sans aucune réserve.
Cette vision des choses avait installé en moi une certaine forme de honte, mais je m’étais très vite interdit d’en manifester le moindre signe réprobateur. Car ces fameux doigts étaient aussi dotés d’une hyperperception qu’Igor mettait à profit à la perfection.
En fait, je m’étais très vite rendue à l’évidence qu’au moindre frisson qu’il provoquait sur mon corps, même sur des zones pas particulièrement érogènes, son touché en avait la sensation, puisqu’instantanément mon amant prenait un malin plaisir à insister sur la zone réactive en l’effleurant juste ce qu’il fallait, histoire de me rendre encore plus accro à ses doigts experts.
Ce genre d’attouchement subjugua bien entendu Pandora qui ne comptait absolument pas s’en priver. Alors, comme ce soir, c’était elle qui était aux commandes de mon corps, je m’étais laissée aller, et ce fut Elphia qui s’effaça sans se faire prier pour laisser la soirée suivre son cours, sans que je ne perdre une miette de la partie qui se joua jusqu’au bout de la nuit.
De toute façon, il n’aurait pu en être autrement, il était trop tard pour reculer.
En conclusion, dès les premiers instants, Igor avait réussi à enflammer mon corps, tout en le mettant sous son emprise totale. Et lui comme moi avions vécus des moments passionnés que nous ne pouvions regretter.
À mon réveil au petit matin, ce fut Elphia qui émergea en tentant de reprendre possession des événements. Mais une multitude de questions s’imposèrent avant d’esquisser le moindre mouvement.
Devais-je accorder une place autre que celle d’origine à la nuit démentielle que je venais de passer ?
Cette relation incomparable avait-elle un avenir ?
Après avoir goûté à ça, serait-il possible de pouvoir m’en passer ?
Comment pourrais-je encore apprécier de fades relations avec d’autres hommes ?
Et puis aussi, qu’allait devenir le concept de Pandora ?
Il me fallait trancher avant qu’Igor ne se réveille.
Devais-je poursuivre comme avant ou me lancer vers une nouvelle vie dans laquelle il me faudrait faire une certaine place à Igor ?
Tout en étant partagée, ma décision fut celle de la raison. Je ne pouvais laisser la parole à Pandora. Je me devais de redevenir Elphia, quitte à accorder quelques privilèges à mon amant pour ses talents si particuliers.
Dès mon premier mouvement dans son lit, Igor se réveilla, et immédiatement, j’en profitai pour me lever et me rhabiller.
IGOR : Serait-il l’heure de la fin des instants magiques que tu m’as offerts ?
ELPHIA : Cendrillon devait disparaître aux douze coups de minuit, Pandora a une permission plus longue, mais elle non plus ne survit pas au jour suivant.
Quant à Elphia, elle est encore là pour quelques instants, mais elle va devoir s’en aller elle aussi.
IGOR : Si je comprends bien, cela signifie que je vais devoir me contenter de cette courte nuit !
Je suis déçu, mais je ne t’en veux pas. C’était dans le contrat !
Je tiens, malgré tout, à te remercie du plus profond de moi pour t’être intéressée au paria que je suis sans m’avoir donné l’impression d’avoir agi en compassion à mon infirmité.
ELPHIA : Ton infirmité a fait de toi quelqu’un d’incomparable que j’admire dans de nombreux domaines. À ce titre, j’ai bien l’intention de te compter le plus longtemps possible parmi mes amis les plus chers.
IGOR : Ton amitié me touche, mais comme beaucoup sur cette base, j’aurais espéré davantage.
ELPHIA : Pandora ne peut offrir davantage, et Elphia n’est pas prête à se donner à toi comme aux autres ce que vous semblez attendre d’elle.
Cependant, je me dois de te faire l’aveu que mon corps n’oubliera pas très facilement le menu qu’il a dégusté la nuit dernière, et qu’il n’est pas exclu qu’un jour ou l’autre, une occasion te soit offerte pour qu’on remette à nouveau le couvert.
Sans lui donner la possibilité d’exprimer quoi que ce soit, j’avais alors honteusement fui sa chambre pour rejoindre la mienne.
Pandora avait l’habitude de s’exprimer sans tabou, mais là, je m’étais surprise en laissant Elphia ouvrir une brèche dans l’armure qu’elle avait réussi à se ménager jusqu’à présent.
J’en étais toute bouleversée, mais je ne regrettais rien.
Je trouvais même que la fin de l’épisode n’en était que plus prometteuse. Il y aurait une suite, mais nous avions le temps d’en dessiner les contours avant que les choses ne se présentent.
Après avoir rangé ma tenue de Pandora, j’avais repris le cours d’une journée ordinaire d’un week-end sur la base.
Très rapidement, j’avais rejoint Ivana qui m’avait entraînée vers des activités plutôt débordantes.
Les deux jours furent épuisants, mais ils passèrent rapidement, et surtout, ils me permirent de finaliser la rupture entamée avec l’acharnement de mon travail improductif sur notre Éoentélodon qui commençait à me sortir par les yeux.
Lorsque notre réunion du lundi arriva, je repris avec plus d’entrain le chemin de mes nouvelles missions.
Les exposés des différents participants passèrent en ne nous apportant aucune nouvelle information.
Une fois le tour de table terminé, l’assemblée s’était alors dissoute pour que chacun puisse repartir vers les activités respectives qui les réclamaient.
Pour ma part, j’avais poursuivi en formant un comité plus restreint composé seulement de Bernard, de Damien et de moi-même.
Nous nous étions réunis dans mon bureau, où j’avais commencé par leur préciser la localisation des deux placettes que j’estimais propices à la récolte des échantillons qu’on allait analyser.
Bernard avait immédiatement proposé un plan d’intervention qui devait me donner accès au premier site très rapidement, et accès au second environ une semaine plus tard.
C’était avec joie que j’avais accueilli cette nouvelle qui allait enfin pouvoir justifier ma présence en ses lieux.
Ce fut ensuite Damien qui poursuivit la discussion en nous faisant part des derniers éléments concrets qu’il avait recueillis à l’extrémité actuelle de notre tunnel.
Nous ne l’avions pas vu du week-end, et pour cause.
Contrairement à moi, il n’avait pas chômé durant ces derniers jours, puisqu’en compagnie de Sven, ils avaient réalisé quelques prélèvements glaciaires et géologiques dont ils avaient effectué les analyses.
Leurs résultats les avaient autorisés à tirer quelques conclusions qui affinaient leurs estimations.
Un certain nombre de données maintenant avérées et concordantes permettaient d’évaluer assez précisément l’âge de notre site. Selon ses dires, les glaces étaient d’une époque encore plus reculée que ce qu’ils avaient initialement estimé.
Bien entendu, je n’avais rien compris à toutes ses explications, mais je lui faisais entièrement confiance. La datation qu’il nous annonça était maintenant d’environ 3,8 milliards d’années.
Ça n’améliorait pas mes perspectives de recherche en ces lieux, et d’après nos connaissances actuelles, il était encore plus improbable que je puisse y trouver la moindre forme de vie.
Je m’étais donc résolue à ce que mon travail soit toujours aussi improductif !
Après avoir exprimé le désappointement qui m’accablait, mes deux collaborateurs s’empressèrent bien entendu de tenter de me remonter le moral.
DAMIEN : Si ici la glace est trop vieille, ça veut dire qu’il est fortement probable qu’on puisse en trouver de la plus récente ailleurs qui renfermera tout ce dont tu sembles avoir besoin.
BERNARD : Et sois certaine, on creusera jusqu’à ce qu’on trouve ce que tu cherches.
Leur optimisme ne m’encourageait pas vraiment, mais je ne pouvais pas non plus m’apitoyer indéfiniment sur mon sort, et lorsque Damien me demanda de lui faire confiance pour qu’il réussisse à me détecter des zones plus prometteuses. Je ne pus que cacher mon impatience et mon abattement derrière nos financiers et notamment monsieur Gontrand, qui ne nous autoriserait pas à poursuivre si nous ne lui apportions pas d’ici peu, des résultats probants aux retentissements mondiaux.
DAMIEN : À ce sujet non plus nous n’avons aucune crainte puisque nous savons déjà où les trouver.
Ces cibles doivent faire partie de nos objectifs, mais pas au point d’en oublier d’autres.
BERNARD : De toute façon, nous sommes trop près des deux sites que tu voulais étudier pour les abandonner maintenant.
On va s’en tenir à ces deux objectifs pour l’instant.
Tu as encore une bonne semaine pour imaginer vers où nous creuserons ensuite.
ELPHIA : Compte tenu des informations de Damien, il ne fait aucun doute que nous devons laisser tomber le secteur encore plus ancien. Il devient évident que nous allons devoir mettre le cap vers l’une de nos trois cibles prioritaires.
Mais cela veut aussi dire que je ne vais probablement rien avoir à faire pendant encore plusieurs mois. Je ne sais pas si je vais pouvoir le supporter !
DAMIEN : Quoi qu’il en soit, soit certaine que personne ne te fera le moindre reproche, et que ta simple présence sur la base satisfera beaucoup de monde.
Soit aussi consciente que dans ton cas, ne rien trouver, c’est aussi une façon de pouvoir affirmer avec certitude ce qu’on imaginait.
Mais par expérience, n’écarte pas si vite l’éventualité que tu puisses trouver des éléments intéressants sur les deux sites que tu as à étudier.
Dans la recherche, il faut être ouvert aux idées les plus improbables. Nous avons le devoir de garder l’esprit critique envers les connaissances qui nous semblent acquises.
L’ordre établi a parfois été conclu à partir de concepts erronés, et il faut souvent chercher ailleurs pour pouvoir les remettre en cause.
Cette fois-ci, les arguments avaient été plus convaincants.
Je ne me faisais pourtant aucune illusion sur ce que j’allais pouvoir trouver, mais au moins, ils m’avaient donné des raisons valables de poursuivre mes travaux.
Pour leur montrer que je n’étais pas du genre à jeter l’éponge, j’avais alors dévié la discussion en faisant part à Damien de l’étrangeté de mes constatations lorsque j’avais virtuellement visité le relief des zones glacières les plus anciennes.
Il m’avait alors parlé de coïncidences, en m’expliquant que lui aussi y avait jeté un œil, mais que rien d’aussi déroutant ne l’avait interpellé.
J’avais alors entrepris de lui en faire la démonstration.
Bien avant d’arriver au terme de notre parcours, il interrompit ma progression en soulignant l’incohérence de certaines lignes que je suivais.
Il nous expliqua que par endroit, il était impossible qu’elles soient le fruit d’une forme d’érosion mécanique due à l’eau, à la glace, ou aux vents. Il ne comprenait pas comment il était passé à côté de ces éléments sans les remarquer.
Bernard quant à lui n’arrivait même pas à distinguer ce que nous suivions. Il ne comprenait pas non plus qu’on puisse tenter d’observer quoi que ce soit dans la purée de pois de notre écran.
Lorsque pour la troisième fois, on arriva au même endroit, Damien décida de prendre à son tour les commandes pour réaliser un nouveau parcours. Il m’accusait de formater inconsciemment mes choix directionnels en m’orientant vers là où je voulais arriver.
Mais comme moi, il s’était retrouvé au bord du même promontoire.
Après avoir mûrement réfléchi, il nous délivra ses conclusions.
DAMIEN : Les étrangetés que tu as repérées sont probablement plus déroutantes que tu ne l’imagines.
Je connais parfaitement la cause possible d’une telle forme d’érosion repérable partout sur les reliefs de nos montagnes actuelles.
Mais cette explication n’est pas vraisemblable pour un site vierge de toute transformation depuis aussi longtemps, puisqu’il a été figé en l’état à une époque où en théorie la vie n’existait pas sur toutes les parties émergées de notre planète.
Je suis désolé, mais je n’ai aucune explication rationnelle à te donner, et je crois que nous ne pourrons pas faire l’économie de passer par là-bas pour voir les éléments de plus près de façon à esquisser des réponses potentielles.
Pour ne rien te cacher, une sérieuse intuition me dit que nous devrions y trouver le genre de chose qui pourrait intéresser le fameux monsieur Gontrand qui semble hanter tous les responsables de cette base.
ELPHIA : Serais-tu en train de me dire que ta seule explication possible serait que ses traces soient celles d’organismes vivants ?
DAMIEN : C’est encore plus incohérent que ça !
Les bestioles qui creusent ce genre de sentier doivent avoir un certain poids, et avoir fréquenté le secteur pendant très longtemps pour construire autant de chemins !
ELPHIA : Tu peux oublier cette explication tout de suite.
Qu’on se soit trompé sur l’âge de l’apparition de la vie sur terre, je veux bien l’admettre.
Mais que des organismes pluricellulaires puissent avoir existé à cette époque, c’est totalement impossible.
Tu m’excuseras, mais il serait plus raisonnable que tu révises tes calculs concernant la datation de notre site.
DAMIEN : Mes repaires géologiques sont incontestables, et je suis certain de ne pas m’être trompé. Pour te faire plaisir, je vais reprendre toutes mes analyses et confronter mes conclusions avec les opinions de différents confrères.