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Haut-Empire romain E-Book

Encyclopaedia Universalis

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Pendant plusieurs siècles, l'Empire romain a assuré la paix et l'unité du monde méditerranéen et façonné dans ses provinces la majeure partie de l'Europe. Les Romains n'avaient certes pas que des qualités et leur domination résulte partout de l'emploi judicieux de la force. Mais, une fois établie, cette domination s'est maintenue grâce à la diffusion...

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Veröffentlichungsjahr: 2015

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ISBN : 9782852297623

© Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.

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Haut-Empire romain

Introduction

Pendant plusieurs siècles, l’Empire romain a assuré la paix et l’unité du monde méditerranéen et façonné dans ses provinces la majeure partie de l’Europe. Les Romains n’avaient certes pas que des qualités et leur domination résulte partout de l’emploi judicieux de la force. Mais, une fois établie, cette domination s’est maintenue grâce à la diffusion d’une civilisation en partie héritée des Grecs, et par la participation des élites indigènes au gouvernement et à l’administration. Le droit romain a fait progresser le respect de la personne humaine et des contrats qui sont à la base de toute société. La concession de plus en plus large du droit de cité, pratiquement obtenu en 212 (édit de Caracalla) par tous les habitants de l’Empire, a permis à des millions d’individus d’accéder à une même forme de civilisation. À partir du IIIe siècle, le monde romain a subi l’assaut des Barbares venus de l’Europe du Nord et de l’Asie, et pour leur résister s’est donné une structure bureaucratique, militaire et « totalitaire », ce qui n’a pas empêché le brillant renouveau du IVe siècle, qui vit également triompher le christianisme. Après la séparation survenue entre l’Orient et l’Occident en 395, de nouvelles invasions allaient ruiner et morceler en royaumes barbares l’Occident, tandis que l’empire d’Orient poursuivait une longue carrière : l’Empire byzantin, à bien des égards héritier de l’Empire romain, devait durer jusqu’au milieu du XVe siècle.

1. Auguste et son temps

• L’organisation du régime

À la fin de la période troublée du second triumvirat, qui fait suite à la mort de César en 44 avant J.-C., Octave, son fils adoptif et son héritier, fut en 31 vainqueur d’Antoine et de Cléopâtre à la bataille d’Actium. De 31 à 27, il conserva les pouvoirs extraordinaires du triumvirat et prépara lentement la stabilisation du régime nouveau dont il fut le fondateur : le principat. Le destin tragique de César avait appris à Octave que le monde désirait un roi et que la monarchie était odieuse aux Romains.

Soutenu par l’armée et des ralliés de tous bords, « républicains » et « césariens », chevaliers et sénateurs, il décida, avec une grande habileté politique, de conserver pour lui un pouvoir quasi absolu, mais qui était fondé sur le cumul de plusieurs magistratures civiles héritées du passé républicain de Rome. Tel fut l’objet de la séance du Sénat (janv. 27) où la res publica, restaurée par ses soins, fut solennellement rendue au Sénat et au peuple. En fait un partage s’effectua : le Sénat conservait l’administration de quelques provinces dégarnies de troupes et confiait à Octave, qui reçut peu après le titre d’Auguste, les provinces frontières, ce qui lui laissait le commandement des armées. Depuis 31, il gérait le consulat sans interruption, ce qui était une monstruosité institutionnelle ; depuis 43, il possédait l’imperium, et, depuis 30, la plupart des droits des tribuns (puissance tribunicienne). Le nom d’Augustus soulignait en lui ce qu’il y avait de sacré et de divin, et conférait à ses décisions et à ses avis une « majoration » singulière (l’auctoritas), quoique sans fondement institutionnel. En 23, il abandonne le consulat (occasionnellement revêtu par la suite en 5 et en 2 av. J.-C.), mais reçoit la puissance tribunicienne complète et à vie, qui devint la base civile de son pouvoir, et un imperium proconsulaire majus (plus grand que celui des proconsuls des provinces sénatoriales). En 19, il reçoit temporairement le pouvoir consulaire, l’initiative des lois et certains pouvoirs des censeurs. En 12 avant J.-C., il est élu régulièrement grand pontife, et reçoit, en 2 avant J.-C., le titre de Père de la patrie, qui place sous sa protection et sa clientèle l’ensemble du peuple romain. Son pouvoir reposait ainsi sur l’armée, grâce à son imperium, sur le cumul de plusieurs puissances civiles, la puissance des tribuns lui donnant le pouvoir de s’opposer à l’action de tout autre magistrat, et sur la direction de la religion de l’État par le grand pontificat. Dans son testament politique qui relate aussi ses grandes actions (Res gestae), il affirme fièrement qu’il n’a revêtu aucune magistrature de façon illégale ou à vie, qu’il en a refusé plusieurs qu’on lui offrait (dictature, censure) et qu’il n’a pas eu plus de pouvoirs que les autres magistrats ses collègues. Mais la réunion de plusieurs pouvoirs exercés sans en avoir le titre, comme ces « missions » que le Sénat et le peuple lui confièrent (cura morum, cura annonae), l’appui de l’armée, le prestige religieux de son auctoritas lui valaient une situation hors de pair ; il était le « premier », le princeps, et ce nom resta au régime qu’il avait établi : le principat. Il avait en outre dans de nombreux domaines une « puissance de fait » que les arguties juridiques ne parviennent pas à expliquer. Sans doute reçut-il du peuple ou du Sénat plusieurs autorisations exceptionnelles, dont il fit grand usage : il intervient dans l’élection des magistrats (droit de recommandation), peut faire entrer au Sénat qui il veut (adlection), nomme à tous les échelons des fonctionnaires qui sont ses « délégués » (légats de légion, légats propréteurs dans les provinces qui lui sont réservées), dirige la diplomatie et la politique extérieure (normalement le droit de guerre et de paix appartenait au peuple romain seul) et dispose enfin de moyens financiers considérables, grâce à sa fortune personnelle, héritée en partie de César, aux revenus de l’Égypte, son domaine privé, et à certains impôts qui alimentent les caisses impériales, l’aerarium militaire, et les fisci de ses provinces. Son rôle s’explique enfin par des considérations d’ordre politique : sorti en vainqueur de la guerre civile (31 av. J.-C., Actium), il reste le chef des « populaires » mais, dans le même temps, il abolit les « partis ». En outre, il rassemble toutes les forces de la société autour de son nom, devenant le patron d’innombrables clients. De plus, il utilise l’iconographie et la littérature (Virgile, Horace) à des fins idéologiques : lettres et arts sont mis au service de sa propagande qui diffuse surtout de manière plus ou moins ouverte le culte impérial ; le prince apparaît en fils de divus (César), et fait honorer son Génie (sorte d’ange gardien) ainsi que son Numen (volonté agissante), voire sa propre personne, associée ou non à la déesse Rome. Ce régime, taillé à sa juste mesure et juridiquement ambigu, souffrait d’une faiblesse : le princeps, étant en théorie un magistrat investi par le peuple et le Sénat, ne pouvait transmettre son pouvoir à un héritier naturel, comme dans une monarchie ouvertement avouée. Aussi Auguste eut-il besoin de beaucoup d’astuces et de précautions pour désigner aux yeux de tous son successeur, choisi au sein de sa famille, sans pouvoir éviter le recours à l’investiture sénatoriale. Après avoir perdu successivement tous ses héritiers directs (ses petits-fils notamment, Caius et Julius César), il associa à l’Empire son beau-fils, Tibère, qui lui succéda sans difficulté, mais non sans de savantes et laborieuses démarches.

• La politique et les réformes d’Auguste

Le régime venait à son heure, car, après les grandes conquêtes républicaines et les guerres civiles du dernier siècle avant J.-C., le monde romain avait besoin d’une profonde réorganisation. Auguste eut à subir le contrecoup des récentes luttes politiques, une opposition sénatoriale, des émeutes populaires, dues à l’inquiétude ou à la famine, et même des conjurations « républicaines » (Cinna, 4-5 apr. J.-C.). Mais il ne se départit jamais de sa prudence, usa tour à tour de sévérité et de clémence, et eut la chance de vivre longtemps, malgré une santé peu solide.

Système impérial romain. Dans le cadre du régime mis en place par Auguste à la toute fin du Ier siècle avant J.-C., l'empereur occupe une place centrale et prééminente. Les institutions de la République, Sénat et comices, bien que maintenues, jouent désormais un rôle de simples auxiliaires du prince. Cette concentration des pouvoirs permet cependant la création d'une administration centralisée et unifiée. Adaptée au gouvernement d'un Empire vaste et hétérogène, ce régime ne sera vraiment réformé qu'à partir de la fin du IIIe siècle, notamment avec l'instauration de la tétrarchie par l'empereur Dioclétien en 293.

Son  entourage  l’aida  puissamment, Agrippa dans le domaine militaire et l’équipement matériel (routes, recensements, cadastre), Mécène en politique intérieure (ralliement des intellectuels). Peu à peu se forma autour de lui un personnel d’hommes nouveaux, chevaliers, militaires, notables des villes italiennes, sénateurs ralliés, souvent dans l’espoir d’obtenir des postes importants. S’il veilla au bien-être du peuple de Rome par un ravitaillement ponctuel et des distributions, il eut en général une politique conservatrice, hostile aux esclaves et aux affranchissements, favorable à l’ordre moral et à la famille (lois contre le célibat et les mauvaises mœurs). Il a créé des colonies (en Narbonnaise, en Espagne, en Asie Mineure) et élevé le statut de nombreuses cités. En fait, sa monarchie favorisa les classes supérieures, qui furent réorganisées pour le service de l’État. L’ordre sénatorial fut strictement contrôlé, ouvert aux riches (cens de un million de sesterces) et surtout à ses partisans, destiné aux magistratures et aux postes élevés. L’ordre équestre, riche de ses biens fonciers et de son activité dans les affaires, fut entièrement mis à sa discrétion (cens de 400 000 sesterces et brevet officiel, le « cheval public »), et devint peu à peu la pépinière d’une administration qui ne cessait de se développer. Les provinces sénatoriales furent gouvernées par des proconsuls, tirés au sort pour un an, assistés de questeurs pour l’administration financière, cependant qu’un procurateur équestre veillait aux intérêts du prince (mines, carrières, domaines impériaux, impôts spéciaux). Les provinces impériales furent confiées à des délégués (légats d’Auguste propréteurs), également sénateurs, mais nommés pour trois ans en moyenne et révocables, assistés de légats et de procurateurs chargés de toute l’administration financière, car dans ces provinces tous les revenus allaient au fiscus impérial. À Rome, l’administration centrale fut, dans ses hauts postes, recrutée parmi les sénateurs (préfet de la Ville, commissions collégiales ou curatèles des eaux, des bâtiments, etc.) et les chevaliers (préfectures du prétoire, de l’annone, des vigiles), et, dans les postes inférieurs, peuplée des affranchis du prince, voire de ses esclaves, ce qui tendait à confondre l’administration de l’État et la Maison privée de l’empereur. Dans l’ensemble et malgré des abus inévitables, le monde romain fut désormais administré et non plus exploité brutalement, et les provinciaux en conçurent un sincère attachement pour le régime impérial. L’Italie demeura libre et sous-administrée par les magistrats des municipes autonomes, contrôlés faiblement par les magistrats de Rome, tandis qu’à l’inverse l’Égypte, métairie privée de l’empereur, était soustraite à toute ingérence sénatoriale et exploitée pour le prince par un personnel exclusivement équestre (préfet d’Égypte). Ces réformes, la nouvelle administration et l’entretien de l’armée et de 200 000 plébéiens de la capitale, considérés comme économiquement faibles, coûtaient cher : Auguste eut à ses débuts de larges facilités, grâce aux dépouilles de ses ennemis et aux richesses de l’Égypte, mais connut dans ses dernières années une sévère déflation, car il avait énormément dépensé, construit et distribué.

L’armée avait été réduite à une trentaine de légions et, avec les corps auxiliaires, devait compter entre 250 000 et 300 000 hommes, qui percevaient des soldes et servaient de vingt à vingt-cinq ans, comme des soldats de métier. En outre, les vétérans recevaient à leur congé des terres, achetées par l’empereur, puis à la fin du règne une prime en espèces, puisée dans une caisse spécialement créée à cet effet, l’aerarium militaire, qu’alimentait un nouvel impôt, impopulaire, sur les successions des citoyens romains, le vingtième des successions (vicesima hereditatium). En Italie et à Rome étaient réparties les neuf cohortes prétoriennes, et à Rome même le préfet de la Ville disposait de trois cohortes urbaines et celui des vigiles de sept cohortes. La politique extérieure fut également coûteuse. Auguste acheva la pacification de l’Espagne du Nord-Ouest (pays des Cantabres et des Astures), obtint des Parthes la restitution des aigles de Crassus, annexa en Asie Mineure la Galatie et en Palestine la Judée, et maintint les autres États tampons qui protégeaient la frontière de l’Euphrate. L’armée atteignit le cours du Danube et l’on créa les provinces de Mésie, de Pannonie, et, dans les Alpes conquises par Tibère et Drusus, le Norique, la Rétie et les Alpes maritimes (monument de La Turbie). La lutte contre les Germains fut longue et dure, et s’y illustrèrent encore Drusus et Tibère, puis Germanicus. Après de multiples campagnes qui conduisirent l’armée jusqu’à la Weser et à l’Elbe même, le soulèvement d’Arminius aboutit, en 9 après J.-C., à la catastrophe de Varus, qui perdit trois légions dans la forêt de Teutoburg. La Germanie fut abandonnée par Tibère en 17 et son nom donné à deux secteurs de la rive gauche du Rhin, qui redevint la frontière de l’Empire.

• Le siècle d’Auguste

La postérité, sensible à cette œuvre de restauration et de paix, et aussi aux échos d’une propagande bien orchestrée, a assimilé ce long règne à un « siècle », comme ce sera le cas plus tard pour Louis XIV. Personnellement indifférent et surtout superstitieux, Auguste rendit vie aux rites traditionnels, parfois négligés à la fin de la République, plaça l’État sous la protection d’Apollon, de Mars et de la Triade capitoline, et, pour d’évidentes raisons politiques, laissa se développer le culte impérial.

La vie intellectuelle, qu’il favorisa pour rehausser l’éclat de son œuvre et recueillir la louange des élites cultivées, bénéficia des efforts de l’âge précédent, du goût des grands – détournés de la politique – pour les plaisirs de l’esprit et de la présence de grands écrivains de la latinité. Virgile et Horace avaient commencé à écrire avant son triomphe, mais, tout en préservant leur fierté, se mirent à son service dans leurs œuvres (Énéide, Art poétique). Tite-Live fut l’historien de la grandeur romaine, comme Virgile en était le poète, et justifia dans sa longue histoire (Ab Urbe condita) la conquête du monde par un peuple grave et religieux. D’autres écrivains, Tibulle, Properce, ont des accents plus personnels, sous une forme savante héritée des modèles alexandrins, et Ovide, poète expert en science religieuse, paya de son exil ses rapports avec des milieux d’opposants et aussi le fait de n’être pas dans la ligne voulue par Auguste vieillissant que choquaient ses poèmes érotiques. L’art augustéen réalise pour la première fois la synthèse de la gravité romaine et des techniques grecques, et une inspiration officielle assure l’unité de la production. L’architecture est riche et soignée (forum d’Auguste, temple de Mars Vengeur, arcs dits de triomphe, théâtre de Marcellus), la décoration est composite (reliefs historiques sur des cartons mythologiques hellénistiques). Les portraits d’Auguste et de la famille impériale sont souvent froids, mais la frise de l’Ara Pacisà Rome est un chef-d’œuvre de dignité, de noblesse et parfois d’humour. Dans les provinces (Narbonnaise et Espagne surtout), des artistes venus de la cour confèrent aux créations locales (arcs dits de triomphe, temples, fontaines monumentales de Nîmes et de Glanum) une évidente unité d’inspiration et de facture.

2. Le Ier siècle après J.-C.

• Les Julio-Claudiens

Tibère, fils d’un premier lit de Livie, appartenait à la famille des Claudes ; jusqu’en 68 (mort de Néron), les empereurs ont un arbre généalogique compliqué qui les apparente à Auguste, à César, à Drusus, à Germanicus et même au triumvir Marc Antoine, dont les filles, nées de son mariage avec Octavie, sœur d’Auguste, sont les grand-mères de Caligula et de Néron. Tous les Julio-Claudiens sont donc membres de la famille impériale, patriciens de Rome et fiers de leurs origines. Tibère, âgé de cinquante-six ans, aigri par une longue attente et des difficultés familiales (mariage imposé et désastreux avec la fille d’Auguste, Julie), était un homme remarquable et un excellent général, qui avait fait ses preuves. Son caractère était ombrageux et ses idées politiques contradictoires : descendant de vieilles gentes républicaines, il eût aimé gouverner avec le Sénat et la nobilitas, mais il se heurta à l’incapacité des sénateurs qu’il terrorisa, et à la logique même du principat, qui tendait dans l’intérêt de l’Empire à renforcer le pouvoir monarchique. Il se montra fidèle à la pensée d’Auguste, n’acceptant le pouvoir qu’après une investiture en forme, longuement débattue non sans hypocrisie, respectant ses directives en politique extérieure. Cependant, il se montra encore plus conservateur. Le Sénat reçut des pouvoirs judiciaires et le droit de faire des sénatus-consultes en forme de lois. Au début de son règne, la première place était occupée par Germanicus, qu’il avait dû adopter sur l’ordre d’Auguste (bien que lui-même eût un fils) et qui était son successeur prévu. Mais Tibère le jalousait et Agrippine, sa femme, intriguait avec passion. Il mourut en Orient en 19, ce qui fut une grande perte pour le régime. Tibère fut laissé seul, face aux ambitions de Séjan. Ce chevalier sans scrupules donna un lustre nouveau à la préfecture du prétoire et fit encaserner aux portes de Rome tous les prétoriens, parmi lesquels il avait des appuis sûrs. Il manœuvra habilement pour se rapprocher du trône, se rendit indispensable à Tibère, tout en éliminant par le crime la majeure partie de la famille impériale. C’est lui qui conseilla à l’empereur de se retirer à Capri. Dénoncé finalement par Antonia, la mère de Germanicus, il fut arrêté et aussitôt exécuté, sur une simple lettre de Tibère. Ce dernier sombra alors dans la misanthropie et, dit-on, la débauche ; la terreur régna à Rome, où de nombreux sénateurs furent condamnés par la loi de majesté, à l’instigation de délateurs, mais l’Empire continuait à être fermement administré. Tibère avait ménagé les deniers de l’État ; pourtant il laissa se développer dans les classes supérieures un luxe effréné. Bien que son règne marque probablement l’apogée de la grande propriété latifondiaire privée, une crise de crédit avait, en 33, freiné l’expansion : Tibère dut prendre des mesures contre l’endettement et la spéculation et offrit aux débiteurs acculés des prêts gagés sur leurs biens.

Le règne de son jeune successeur, Caligula (37-41), fils de Germanicus, commença favorablement, car la mort de Tibère avait été accueillie avec joie. Mais bientôt une maladie affecta sa raison, ou peut-être ses instincts réprimés reprirent-ils le dessus. Il se montra violent, cruel et déconcertant, se livra à toutes sortes de fantaisies ruineuses, voulant être considéré comme un dieu, ce qui était prématuré. Son entourage d’affranchis orientaux et égyptiens, légués par sa grand-mère Antonia, le poussa à une autocratie de type lagide, qui suscita des haines. Les conspirations déchaînèrent une fois de plus la terreur. Un dernier complot l’assassina.

Les prétoriens découvrirent dans le palais le frère cadet de Germanicus, l’oncle de Caligula, Claude, tremblant de peur et, fidèles à la maison julio-claudienne, l’acclamèrent empereur malgré ses prières. Il avait échappé aux intrigues de Séjan, car on le tenait pour un faible d’esprit inoffensif. En fait, des défauts extérieurs (tremblements nerveux, bégaiement, tics et frayeurs enfantines) l’avaient desservi. Il était fort instruit, aimait la grammaire, l’histoire et l’étruscologie, et montra sur les besoins de l’Empire et le sens de son évolution des vues raisonnables. Il laissa gouverner des affranchis impériaux, cupides et fourbes, mais travailleurs et compétents. Narcisse, Pallas, qui développèrent les bureaux et la centralisation, créèrent la chancellerie impériale et le fiscus.