Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
On ne saurait exagérer l'importance de la date de 1648 dans l'histoire de l'Allemagne. Non que les traités de Westphalie, en dépit d'une légende tenace, aient instauré un « nouvel ordre européen » : ils sont avant tout un règlement des questions allemandes à l'issue de la longue période quelque 130 ans de luttes religieuses et politiques qui s...
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 122
Veröffentlichungsjahr: 2015
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Universalis, une gamme complète de resssources numériques pour la recherche documentaire et l’enseignement.
ISBN : 9782852297708
© Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.
Photo de couverture : © Manczurov/Shutterstock
Retrouvez notre catalogue sur www.boutique.universalis.fr
Pour tout problème relatif aux ebooks Universalis, merci de nous contacter directement sur notre site internet :http://www.universalis.fr/assistance/espace-contact/contact
La collection des Grands Articles rassemble, dans tous les domaines du savoir, des articles : · écrits par des spécialistes reconnus ; · édités selon les critères professionnels les plus exigeants.
Afin de consulter dans les meilleures conditions cet ouvrage, nous vous conseillons d'utiliser, parmi les polices de caractères que propose votre tablette ou votre liseuse, une fonte adaptée aux ouvrages de référence. À défaut, vous risquez de voir certains caractères spéciaux remplacés par des carrés vides (□).
On ne saurait exagérer l’importance de la date de 1648 dans l’histoire de l’Allemagne. Non que les traités de Westphalie, en dépit d’une légende tenace, aient instauré un « nouvel ordre européen » : ils sont avant tout un règlement des questions allemandes à l’issue de la longue période – quelque 130 ans – de luttes religieuses et politiques qui séparent l’Allemagne médiévale de l’Allemagne moderne. (Maximilien Ier, mort en 1519, a tous les caractères d’un souverain du Moyen Âge.) Ces traités règlent à la fois les « satisfactions » territoriales accordées à certains princes allemands (Bavière, Brandebourg) ou étrangers (France, Suède), le statut des Églises en Allemagne et l’organisation intérieure de l’empire. La « garantie » franco-suédoise (que remplacera en fait, après le congrès de Teschen de 1779, une garantie franco-russe) est dirigée moins contre l’Allemagne que contre les ambitions de l’Empereur, d’autant plus à craindre qu’une présomption d’hérédité est en train de s’établir en faveur de la dynastie des Habsbourg.
Allemagne, 1648. Le morcellement de l'Empire germanique après les traités de Westphalie (1648).
Les trois siècles qui englobent l’histoire de l’Allemagne moderne ont connu trois formes de Reich, séparées par des interrègnes de durée très inégale.
Au Ier Reich, qui se dissout en 1806, fait suite une longue période au cours de laquelle le lien destiné à unir les pays germaniques n’arrive pas à se définir. Tour à tour sont essayées une solution napoléonienne : la Confédération du Rhin (1806), une solution autrichienne : la Confédération germanique (1815), une solution prussienne : la Confédération de l’Allemagne du Nord (1867). Celle-ci aboutit, après la guerre franco-allemande, à la fondation, en 1871, du IIe Reich, celui de Bismarck : un empire fédéral sous la direction du roi de Prusse qui prend le titre d’empereur. La défaite de 1918 inaugure – bien que l’appellation Deutsches Reich soit officiellement conservée par la Constitution de 1919 – un nouvel interrègne, la République de Weimar. Celle-ci s’effondre en 1933 sous les coups du parti national-socialiste dont le chef, Adolf Hitler, prétend fonder pour mille ans un IIIe Reich. Il durera en fait douze ans, ayant entraîné le pays dans la plus grande catastrophe de son histoire. L’Allemagne contemporaine offre des traits qui, un demi-siècle après la défaite, présentent avec celle qui l’a précédée plus de différences que de ressemblances.
On se rappelle que l’Empire comprend quelque 350 États – mais est-ce bien le mot qui convient pour les villes libres, les évêchés, les abbayes, les seigneuries minuscules ? – représentés par la Diète de Ratisbonne. À sa tête, un empereur désigné par huit (neuf en 1692) Électeurs, laïcs et ecclésiastiques, protestants et catholiques. Pendant toute cette période, les empereurs appartiennent – sauf une exception – à la dynastie des Habsbourg : Léopold Ier (1658-1705), dont le règne marque la naissance de l’État autrichien ; Joseph Ier (1705-1711), qui prend une part active à la guerre de Succession d’Espagne ; Charles VI (1711-1740), l’auteur de la pragmatique sanction de 1713 ; Charles VII de Bavière (1742-1745) ; François Ier (1745-1765), dont Marie-Thérèse inspire la politique ; Joseph II (1765-1790), type du despote éclairé, qui abolit le servage et impose l’allemand comme langue officielle ; Léopold II (1790-1792) ; François II (1792-1806), qui entra en guerre contre la France de la Révolution.
Que fut l’Empire de ces Habsbourg ? Quelque 900 000 km2, de Kiel à Trente, de Nancy à Vienne, d’Aix-la-Chapelle à Breslau. Mais il faut en défalquer ce que l’on commence, au XVIIIe siècle, à appeler l’Autriche, autrement dit les possessions héréditaires des Habsbourg : couronne de saint Venceslas (Bohême, Moravie, Silésie jusqu’au milieu du XVIIIe siècle) et domaines proprement autrichiens (Autriche, Tyrol, Styrie, Carinthie, Carniole) – ainsi que les provinces qui font peut-être partie du Saint Empire romain, mais non pas germanique : Pays-Bas espagnols puis (1714) autrichiens, Lorraine (jusqu’en 1738), Franche-Comté (jusqu’en 1678). Il faut y ajouter, par contre, les possessions prussiennes situées hors des limites de l’Empire : Prusse dès avant 1648, territoires arrachés à la Pologne en 1772, 1793 et 1795. Circonscrite de la sorte, l’Allemagne constitue un ensemble d’environ 500 000 km2. Les frontières de l’Empire varient peu de 1648 à 1803. Les cessions entament l’Ouest, au profit de la France : Alsace (1648), Franche-Comté (1678), Lorraine (1738). C’est hors de l’Empire que s’accroissent la Prusse et l’Autriche, aux dépens de la Pologne et de la Turquie. En passant des Habsbourg aux Hohenzollern, la Silésie ne quitte pas l’Empire.
L’espace ainsi délimité présente un aspect assez différent de celui auquel nous sommes accoutumés, notamment par la faiblesse de l’occupation du sol. Les solitudes abondent : landes, tourbières et marécages de l’Allemagne du Nord-Ouest, « sablonnières » du Brandebourg et de Poméranie, trouées de lacs, semées de bois de pins et de bouleaux, épaisses forêts de l’Allemagne moyenne (Spessart, plateaux de Rhénanie et de Hesse, Juras souabe et franconien). Les cours d’eau jouent souvent le rôle de zones de répulsion. C’est vrai des fleuves de l’Allemagne de l’Est avec leurs forêts inondées, Spreewald et Oderbruch, et aussi du Rhin supérieur de Bâle à Mannheim, inextricable fourré d’aulnes et de roseaux où divaguent les bras d’un fleuve encore sauvage. Seules sont cultivées, outre quelques taches de « colonisation » dans le Nord et l’Est, les campagnes de l’Ouest et du Sud-Ouest, certaines régions privilégiées comme la Goldene Aue de Thuringe, quelques vallées : Neckar, Main, Elbe moyen, Rhin depuis Worms jusqu’à l’entrée en Hollande. Une exception toutefois concernant les hauteurs : à la solitude forestière du Wald s’oppose le Berg, la montagne riche en minerais d’argent, d’étain, de plomb, de cuivre, de fer, qu’exploite une population de mineurs habiles et recherchés dans toute l’Europe.
Un espace qui a peu changé depuis le XIIIe siècle et que – après la réparation des ruines de la guerre de Trente Ans – la révolution agricole n’atteindra guère qu’à la fin du XVIIIe siècle.
Combien d’hommes vivent sur cet espace ? Les évaluations sont malaisées. On considère qu’entre 1620 et 1650 la population de l’Empire (non de l’Allemagne) est tombée de 20 à 7 millions. Elle serait remontée à 10 millions vers 1700 pour retrouver le chiffre de 20 millions vers 1750 et atteindre 28 millions en 1790 ; lenteur de la reprise donc, due avant tout aux années creuses du milieu du XVIIe siècle, les régions les plus touchées étant, en Allemagne du Nord, le Brandebourg, la Poméranie, le Mecklembourg et la Silésie, dans l’Allemagne moyenne le pays de Magdebourg, la Thuringe et la Hesse, dans le Sud-Ouest la plaine rhénane, plus particulièrement le Palatinat. À l’influence de ce creux démographique il faut ajouter, pour l’Allemagne du Nord, la malaria (la peste a disparu avec la guerre de Trente Ans). Déjà faible par elle-même, cette population est très inégalement répartie. Il y a contraste entre l’Est où, vers 1650, la densité est inférieure à 5, et l’Ouest où elle atteint 15 à 20, parfois 30 en Rhénanie et au pied des Alpes, rejoignant ainsi le noyau dense qui, d’Amsterdam à Messine, forme la dorsale démographique de l’Europe. La croissance par quoi se marque le XVIIIe siècle affecte donc surtout l’Est et le Nord – l’Allemagne « coloniale » – dont certaines provinces doublent ou même triplent entre 1700 et 1800 : la Silésie s’accroît de 100 p. 100, la Prusse orientale de 132 p. 100, la Poméranie de 316 p. 100.
Pas d’opposition tranchée entre villes et campagnes ; ou plutôt, celle-ci est de nature juridique, non humaine et économique. La densité dans la maison urbaine est la même que dans la maison rurale. Des citadins franchissent les remparts pour se rendre dans les faubourgs où ils cultivent champs, jardins ou vignobles. L’Allemagne est un pays de villes nombreuses, mais petites. Seule Vienne atteint, vers 1700, les 100 000 habitants. À la même époque, Hambourg en compte 60 000, Breslau et Königsberg 40 000, Lübeck et Cologne 30 000, Augsbourg et Magdebourg 25 000, Dresde 20 000 (63 000 en 1756, chiffre qui, après les destructions de la guerre de Sept Ans, ne sera retrouvé que vers 1830). En Prusse, Berlin est une exception : de 6 000 habitants en 1648, la ville passe à 20 000 en 1680, à 58 000 en 1688 par l’absorption de cinq communes périphériques, à 100 000 en 1786. Mais les villes ne se distinguent pas seulement par leur population plus ou moins forte : aux vieilles cités impériales s’opposent les nouvelles résidences princières. Toutefois, la distinction recouvre surtout un contenu social différent, et c’est en examinant la société qu’on saisira mieux la véritable nature de cette opposition.
La société allemande des XVIIe et XVIIIe siècles est essentiellement une société d’ordres (Stände), de statuts où les privilèges correspondent à des fonctions beaucoup plus qu’à des classes, au sens moderne du mot.
Par suite de la division en plusieurs confessions et de l’émiettement territorial, les clergés ne constituent pas, en Allemagne, un ordre aussi solidement organisé qu’en France. Les Églises protestantes sont établies sur la base des possessions des princes luthériens ou calvinistes. Le principe Cujus regio, ejus religio souffre peu d’exceptions, la plus notable étant celle des électeurs de Saxe, devenus catholiques à la fin du XVIIe siècle pour occuper le trône de Pologne, mais dont les sujets restent fidèles à l’enseignement de Luther. En Prusse les Hohenzollern, calvinistes, règnent sur une majorité de luthériens. Quant au catholicisme, il dispose d’un clergé nombreux et riche, qui ne se confine pas dans son rôle religieux. Des archevêques et des évêques, des abbés de monastères sont princes d’Empire et joignent à l’autorité spirituelle un pouvoir temporel de même nature que celui des princes laïcs. C’est le cas des archevêques-électeurs de Cologne, Trèves et Mayence, des évêques de Spire, de Würzburg ou de Münster, des abbés de Maria Laach en Rhénanie ou de Sankt-Blasien en Forêt-Noire. Ils embellissent leurs abbayes ou leurs résidences épiscopales ; ainsi, Würzburg compte au nombre des chefs-d’œuvre de l’art baroque. Surtout, ils s’appliquent à gouverner leurs domaines d’une façon rationnelle : il y a en Allemagne, comme dans la France du XVIIIe siècle, des prélats administrateurs plus soucieux de résultats matériels que de perfectionnement spirituel. Selon le mot de l’abbé de Pradt : « Princes-évêques, ils tiennent, dans leurs habitudes, plus du prince que de l’évêque. » Beaucoup sont des adeptes du joséphisme dont l’un d’entre eux est, sous le pseudonyme de Justinus Febronius, l’initiateur : Nicolas de Hontheim, coadjuteur de l’archevêque de Trèves. C’est son esprit qui inspire la Punctation d’Ems de 1786, document rédigé par les trois archevêques-électeurs et le prince-évêque de Salzbourg à l’occasion de la création d’une nonciature apostolique à Munich, pour opposer les droits des évêques aux « prétentions » des papes et revendiquer une indépendance quasi totale : doctrine dont le caractère excessif rencontre, d’ailleurs, l’hostilité de la majorité des évêques allemands.
Il y a en Allemagne deux noblesses. D’abord la vieille noblesse d’Empire – dans la mesure où elle a survécu aux guerres des XVIe et XVIIe siècles. À cette catégorie appartiennent, d’une part les souverains d’États minuscules (Kleinstaaterei), représentés au collège des princes de la Diète, d’autre part les chevaliers qui ne possèdent qu’un château et qui prétendent ne relever que de l’Empereur en qui ils voient leur protecteur naturel (Ritterschaft). Leur situation matérielle est souvent difficile et les conduit à entrer au service de l’Empereur ou même d’un prince plus puissant qu’eux. Ils représentent, en plein âge classique, une survivance de l’Allemagne médiévale. L’autre noblesse, c’est la noblesse de cour, groupée autour des souverains des États qui se constituent peu à peu, dans le Saint Empire finissant. Parfois de fraîche date, elle doit sa richesse – principalement foncière – aux libéralités du prince et mène une vie fastueuse dans ses palais proches de la résidence, dans les châteaux qu’elle se fait construire à l’imitation du style français. Car c’est dans cette noblesse que l’imitation – et même le snobisme – des modes françaises est la plus forte. Ces nouveaux nobles servent, en qualité de courtisans, de diplomates, d’officiers, de hauts fonctionnaires, leurs princes qui, eux aussi, visent à imiter le « roi très chrétien ». Ministres, ils s’efforcent souvent d’appliquer dans l’État les maximes du despotisme éclairé. Il faut, dans l’Allemagne du XVIIIe siècle, tenir compte de cette classe de gens de cour, véritable aristocratie, beaucoup plus méprisante à l’égard de la bourgeoisie que ne l’était la vieille noblesse d’Empire.
Il existe, en Allemagne, une bourgeoisie nombreuse et active. La civilisation urbaine constitue un aspect essentiel de la vie sociale. Mais, de même qu’on a pu distinguer deux sortes de noblesse, on trouve dans l’Empire deux types de villes. Les villes nouvelles, celles qui sont en plein essor et qui représentent l’Allemagne « moderne » ; ce sont les capitales des États, les résidences princières, presque toujours doublées, aux environs, d’un simili-Versailles : Berlin-Charlottenburg, Munich-Nymphenburg, Stuttgart-Ludwigsburg, Mannheim-Schwetzingen, Cassel-Wilhelmshöhe. Certaines de ces capitales sont des créations récentes où l’imagination des urbanistes a pu se donner libre cours : Mannheim la ville-damier, Karlsruhe la ville-éventail. Très différentes, les villes libres, les vieilles cités impériales (Reichsstädte), restent fortement attachées à leurs droits et à leurs libertés. Qu’elles aient obtenu en 1648 une représentation distincte à la Diète donne la mesure de leur force. Nombreuses surtout dans l’Allemagne du Centre et du Sud-Ouest, elles ne se confondent pas avec les capitales et les résidences. Sur les domaines des ducs de Wurtemberg, voici, à côté de Stuttgart et de Ludwigsburg, des villes libres : Aalen, Biberach, Bopfingen, Buchhorn (futur Friedrichshafen), Esslingen, Giengen an der Brenz, Heilbronn, Reutlingen, Rottweil, Schwäbisch Hall, Weil der Stadt. Dans ces villes, le patriciat urbain, qui domine une population d’artisans et de petits commerçants, se montre très jaloux de ses prérogatives et entend se réserver l’administration de la cité : il est caractéristique que l’archevêque-Électeur de Cologne ne réside pas, malgré son titre, dans cette ville, mais à Bonn. Francfort-sur-le-Main, Nuremberg, Augsbourg, Hambourg, Brême, Lübeck sont de véritables républiques marchandes dont la richesse est fondée sur le commerce, maritime ou continental, et sur la banque. Des villes plus modestes ont conservé leurs vieux quartiers à l’intérieur de leurs remparts (Rothenburg ob der Tauber, Dinkelsbühl, Nördlingen), et témoignent encore de l’éclat de cette vie urbaine.
Comme dans toute l’Europe, les