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L'histoire moderne de l'Iran, vieil empire multiethnique, devenu au fil du XXe siècle (sous la dynastie pahlavi puis sous la République islamique) un État-nation centralisé, présente quelques constantes remarquables. Les relations de domination puis de rejet des puissances ...
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Seitenzahl: 97
Veröffentlichungsjahr: 2015
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L’histoire moderne de l’Iran, vieil empire multiethnique, devenu au fil du XXe siècle (sous la dynastie pahlavi puis sous la République islamique) un État-nation centralisé, présente quelques constantes remarquables.
Les relations de domination puis de rejet des puissances étrangères ont rythmé les étapes de l’évolution de ce pays, fier de sa singularité et de son indépendance et qui n’a jamais été colonisé. La domination de la Grande-Bretagne et de la Russie, dès la seconde moitié du XIXe siècle, a entraîné des mouvements de protestation puis, au début du XXe siècle, une révolution constitutionnelle (1905-1911) originale. C’est encore contre la Grande-Bretagne et sa mainmise sur les richesses pétrolières que la population se révolta sous l’égide de Mossadegh, alors Premier ministre, au début des années 1950 ; les Américains ayant pris le relais des Britanniques, ils devinrent la cible de ces protestations qui atteignirent leur paroxysme lors de la révolution de 1979.
Une seconde constante de l’histoire politique de l’Iran est la place singulière qu’y tient le clergé shi’ite, force traditionnelle de cristallisation des mécontentements et volontiers contestataire des pouvoirs établis, pour des raisons doctrinales propres à ce courant de l’islam. La revendication de la gestion directe des affaires politiques, sous la forme du velāyat-e faghih (« la souveraineté du docte »), est cependant une innovation de la République islamique et de son promoteur, l’ayatollah Khomeyni, innovation qui a profondément bouleversé le paysage politique régional et international.
Une troisième constante, depuis plus d’un siècle, est le balancement entre soubresauts démocratiques et autoritarisme brutal, que traduit, dans le langage quotidien, l’opposition entre mellat (le peuple et ses aspirations) et dowlat (le gouvernement et ses pratiques). À de courts moments de liberté d’opinion et d’expression (révolution constitutionnelle, mossadeghisme, premiers mois de la révolution de 1978-1979) ont régulièrement succédé coups d’État ou répression.
Encerclé, au début du XXIe siècle, par deux pays occupés et en guerre (l’Irak et l’Afghanistan), l’Iran demeure la grande puissance de la région, assurée de la stabilité de ses frontières, exerçant une forte influence sur les pays d’Asie centrale qui faisaient autrefois partie de son empire et sur un « croissant shi’ite » qui s’étend du golfe au Liban en passant par l’Irak. Mais, depuis les événements révolutionnaires, l’Iran tend aussi à s’ériger en référence centrale pour le monde musulman, voire en puissance mondiale, orchestrant un front du refus, position affirmée avec plus ou moins de véhémence selon les conjonctures électorales et internationales.
Christian BROMBERGER
La situation géographique de l’Iran entre le Proche-Orient et l’Inde d’une part, entre l’océan Indien et la Russie d’autre part a valu à ce pays, à partir de la fin du XVIIIe siècle – qui voit l’avènement de la dynastie des Qadjar (1794-1925) et l’établissement de la capitale à Téhéran – d’être l’un des théâtres de la rivalité anglo-russe ; les Russes souhaitaient, à travers l’Iran, atteindre le golfe Persique et l’océan Indien et tourner l’Empire ottoman, les Anglais entendaient protéger la route des Indes et interdire la réalisation des visées de l’empire tsariste. En outre, depuis 1795, des problèmes frontaliers opposaient la Russie à l’Iran : la Géorgie en était l’enjeu ; en 1813, les Russes finirent par obtenir cette province ainsi que le Daghestan et, en 1828, par le traité de Torkamantchaï, les Iraniens durent aussi céder les districts arméniens d’Erevan et de Nakhitchevan. Par la suite, les Russes soutinrent à plusieurs reprises les Iraniens contre les Anglais, notamment à propos des affaires d’Afghanistan qui trouvèrent leur conclusion avec le traité anglo-iranien de 1857.
La rivalité et l’influence des deux grandes puissances ne firent dès lors que s’amplifier ; à tour de rôle, Anglais et Russes obtinrent des concessions extraordinaires qui mirent pratiquement entre leurs mains toutes les ressources de l’Iran ; la plus spectaculaire fut le contrôle par les Anglais de la recherche et de l’exploitation des pétroles en Iran du Sud (1901) et la création de l’Anglo-Persian Oil Company (1909) ; à l’Imperial Bank of Persia (anglaise) s’opposait la Banque d’escompte de la Perse (russe) ; à cela s’ajoutaient la domination politique des Anglais sur le sud du pays, celle des Russes sur le Nord.
Après avoir paru favorable à des réformes, Naser od-din shah (1848-1896) se montra de plus en plus indifférent aux problèmes de ses sujets, accentua le caractère absolutiste de son pouvoir et laissa les puissances étrangères mettre la main sur l’économie du pays, attitude qui fut encore plus celle de son successeur, Mouzaffar od-din shah (1896-1907). Cette politique provoqua le mécontentement des tenants des traditions religieuses et sociales, dont les oulémas étaient les chefs, et des partisans de réformes profondes, qui ne constituaient cependant qu’une minorité. La conjonction des mécontents aboutit à la révolution de 1906, dont le résultat fut l’instauration d’un régime parlementaire (oct. 1906) et la promulgation d’une Constitution (oct. 1907) ; mais le nouveau shah, Mohammad Ali, rétablit le régime absolutiste (juin 1908) : des révoltes éclatèrent alors en de nombreux points du pays, particulièrement à Ispahan où le chef de l’importante tribu des Bakhtiyaris conduisait le mouvement : le 13 juillet 1909 le shah fut déposé et remplacé par son fils, Ahmad, âgé de douze ans, qui devait être le dernier souverain de la dynastie qadjari (1909-1925). Profitant de la situation politique trouble, Anglais, Russes et Allemands travaillèrent à accroître leur influence, notamment les Allemands, apparus à la fin du XIXe siècle et qui, avec les Turcs, essayèrent de s’imposer durant la Première Guerre mondiale ; leur défaite en Occident entraîna leur échec en Iran, et le changement de régime en Russie laissa les mains libres aux Anglais.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la situation de l’Iran était proche de l’anarchie : dans le sud du pays, les Anglais avaient étendu leur contrôle et pensaient pouvoir imposer leur autorité au gouvernement de Téhéran grâce au traité du 9 août 1919 qui visait à instituer leur protectorat sur l’ensemble de l’Iran, en profitant du retrait des troupes soviétiques. Mais cette action anglaise se heurta à l’opposition des Persans, des Américains et des Français ; les provinces d’Azerbaïdjan et du Ghilan se révoltèrent, et cette dernière se proclama même, en mai 1920, république soviétique du Ghilan. Finalement, le traité ne fut pas ratifié.
Cependant les Anglais obtinrent que les officiers russes de la division « cosaque » cèdent la place à des officiers persans ; il est probable qu’alors la diplomatie anglaise cherchait à instaurer en Perse un nouveau gouvernement, appuyé sur l’armée, et dont elle contrôlerait l’action, directement ou indirectement. De fait, de nombreux incidents éclatèrent dans la région de Téhéran au cours de l’automne et de l’hiver 1920-1921 ; des tentatives de complots eurent lieu, mais sans résultat, jusqu’à ce que l’une d’elles, dirigée par Seyyed Ziya ed-Din et soutenue par le colonel Reza khan, de la division « cosaque », réussisse à s’imposer à Téhéran le 20 février 1921 et prenne en main le pouvoir. Le shah nomma aussitôt Seyyed Ziya ed-Din Tabatabaï Premier ministre tandis que Reza khan devenait ministre de la Guerre.
Seyyed Ziya ed-Din obtint le 26 février 1921 la conclusion d’un traité soviéto-persan, par lequel les Soviétiques renonçaient aux avantages acquis autrefois par les gouvernements tsaristes, mais en échange se voyaient accorder un droit d’intervention armée en Perse, au cas où leur sécurité serait menacée par une intervention étrangère dans ce pays, et l’interdiction pour les Persans de concéder à des étrangers autres que soviétiques des concessions pétrolières dans les cinq provinces du nord. D’autre part, Seyyed Ziya ed-Din élimina du pouvoir un certain nombre de personnages importants et chercha aussitôt à restaurer l’autorité du gouvernement central. Mais sa politique heurtait trop d’intérêts en place et ne plaisait guère aux Britanniques. Trois mois après sa nomination, Seyyed Ziya ed-Din dut donner sa démission et même quitter le pays. Le shah confia alors la direction du gouvernement à Qaram os-Saltane, ancien gouverneur du Khorasan, qui revint à une politique appuyée sur les groupes traditionnels et abandonna les projets de réforme de son prédécesseur. Cependant Reza khan demeurait à la tête de l’armée et, dans la tâche primordiale de restauration de l’autorité gouvernementale, il joua un rôle prééminent. Des troupes furent envoyées pour éliminer les mouvements rebelles, les insurrections et les troubles en Azerbaïdjan, au Gilan, au Khorasan, et soumettre les Lours, les Qashqays, les Arabes du Sud. Les succès obtenus valurent à Reza khan un grand prestige et une influence croissante, qui n’était pas sans faire penser à l’action de Mustafa Kemal dans la Turquie voisine : le 28 octobre 1923, Reza khan fut nommé Premier ministre et le shah quittait alors le pays pour voyager en Europe.
Reza khan est né en 1878 dans un petit village de montagne proche de la mer Caspienne ; sa famille était de condition modeste et l’on ne sait rien sur sa jeunesse. Il entra dans la division « cosaque » vers 1900, servit à Téhéran, Hamadhan, Kermanshah, et participa aux combats de Téhéran en 1908 et 1911. En 1921, il avait le grade de colonel ; il était réputé pour la fermeté de son caractère, son courage et son esprit de détermination. On a parfois prétendu qu’il avait été assez tôt « protégé » par les Anglais, le général Ironside d’abord, sir Percy Loraine ensuite ; on n’a pas de preuves formelles de cette assertion.
Comme l’avait fait Mustafa Kemal en Turquie, Reza khan envisagea de proclamer la république en Perse en 1924 ; mais il se heurta à l’opposition des milieux traditionnels et conservateurs, en particulier des milieux religieux. Pour manifester son mécontentement et affirmer son prestige, Reza khan résigna son pouvoir au début de 1925 : il fut aussitôt rappelé par des démonstrations populaires, les démarches des militaires et d’un certain nombre de députés ; en février 1925 il regagna Téhéran et obtint du Madjlis (Parlement) des pouvoirs quasi dictatoriaux par 93 voix contre 7. L’obstacle majeur au pouvoir suprême était la dynastie des Qadjar : la monarchie était depuis longtemps le régime de la Perse et Reza khan craignait un changement brutal de système de gouvernement. Le shah ayant annoncé son retour en Iran et ses partisans s’agitant, Reza khan prit les devants et obtint la déposition d’Ahmad shah, son exil et celui des membres de la dynastie des Qadjar. Il fut nommé président du gouvernement provisoire le 31 octobre 1925 et se fit décerner la couronne royale le 12 décembre 1925 ; ainsi fut fondée la nouvelle dynastie des Pahlavi.