Histoire du véritable Gribouille - George Sand - E-Book

Histoire du véritable Gribouille E-Book

George Sand

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Beschreibung

Dans son oeuvre 'Histoire du véritable Gribouille', George Sand explore le thème de l'identité et de l'acceptation de soi à travers l'histoire touchante du personnage principal, Gribouille. L'écriture de Sand est empreinte de sensibilité et d'empathie, offrant une profonde réflexion sur les nuances de l'âme humaine. Ce conte moral captivant s'inscrit dans le courant du romantisme français du XIXe siècle, mettant en lumière les luttes intérieures et les quêtes d'authenticité de l'individu. L'histoire est racontée avec une délicatesse et une poésie qui captiveront les lecteurs de tous âges. George Sand, de son vrai nom Amantine Lucile Aurore Dupin, était une écrivaine française réputée pour ses romans engagés et son exploration des thèmes sociaux et psychologiques. Son empathie envers les personnages marginaux et sa vision humaniste transparaissent dans 'Histoire du véritable Gribouille', témoignant de sa profonde compréhension de la nature humaine. Je recommande vivement 'Histoire du véritable Gribouille' à ceux qui cherchent une lecture enrichissante et émouvante, relevant à la fois de la littérature classique et de la réflexion sur l'individu. Ce conte intemporel de George Sand résonne avec force encore aujourd'hui, invitant les lecteurs à méditer sur la quête d'identité et d'acceptation de soi.

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George Sand

Histoire du véritable Gribouille

 
EAN 8596547439257
DigiCat, 2022 Contact: [email protected]

Table des matières

PREMIÈRE PARTIE.
SECONDE PARTIE.
MAISON BLANCHARD ET C IE ,
NOUVELLES PUBLICATIONS.

PREMIÈRE PARTIE.

Table des matières

COMMENT GRIBOUILLE SE JETA DANS LA RIVIÈRE PAR CRAINTE DE SE MOUILLER.

Il y avait une fois un père et une mère qui avaient un fils. Le fils s'appelait Gribouille, la mère s'appelait Brigoule et le père Bredouille. Le père et la mère avaient six autres enfants, trois garçons et trois filles, ce qui faisait sept, en comptant Gribouille qui était le plus petit.

Le père Bredouille était garde-chasse du roi de ce pays-là, ce qui le mettait bien à son aise. Il avait une jolie maison au beau milieu de la forêt, avec un joli jardin dans une jolie clairière, au bord d'un joli ruisseau qui passait tout au travers du bois. Il avait le droit de chasser, de pêcher, de couper des arbres pour se chauffer, de cultiver un bon morceau de terre, et encore avait-il de l'argent du roi, tous les ans, pour garder sa chasse et soigner sa faisanderie; mais le méchant homme ne se trouvait pas encore assez riche, et il ne faisait que voler et rançonner les voyageurs, vendre le gibier du roi, et envoyer en prison les pauvres gens qui venaient ramasser trois brins de bois mort, tandis qu'il laissait les riches, qui le payaient bien, chasser dans les forêts royales tout leur soûl. Le roi, qui était vieux et qui ne chassait plus guère, n'y voyait que du feu.

La mère Brigoule n'était pas tout à fait aussi mauvaise que son mari, et elle n'était pas non plus beaucoup meilleure: elle aimait l'argent, et, quand son mari avait fait quelque chose de mal pour en avoir, elle ne le grondait point, tandis qu'elle l'eût volontiers battu quand il faisait des coquineries en pure perte.

Les six enfants aînés de Bredouille et de Brigoule, élevés dans des habitudes de pillage et de dureté, étaient d'assez mauvais garnements. Leurs parents les aimaient beaucoup et leur trouvaient beaucoup d'esprit, parce qu'ils étaient devenus chipeurs et menteurs aussitôt qu'ils avaient su marcher et parler. Il n'y avait que le petit Gribouille qui fût maltraité et rebuté, parce qu'il était trop simple et trop poltron, à ce qu'on disait, pour faire comme les autres.

Il avait pourtant une petite figure fort gentille, et il aimait à se tenir proprement. Il ne déchirait point ses habits, il ne salissait point ses mains, et il ne faisait jamais de mal, ni aux autres ni à lui-même. Il avait même toutes sortes de petites inventions qui le faisaient passer pour simple, et qui, dans le fait, étaient d'un enfant bien avisé. Par exemple, s'il avait grand chaud, il se retenait de boire, parce qu'il avait expérimenté que plus on boit, plus on a soif. S'il avait grand'faim et qu'un pauvre lui vînt demander son pain, il le lui donnait vitement, se disant à part soi: Je sens ce qu'on souffre quand on a faim, et ne dois point le laisser endurer aux autres.

C'est Gribouille qui, des premiers, imagina de se frotter les pieds et les mains avec de la neige pour n'avoir point d'engelures. C'est lui qui donnait les jouets qu'il aimait le plus aux enfants qu'il aimait le moins, et, quand on lui demandait pourquoi il agissait ainsi, il répondait que c'était pour venir à bout d'aimer ces mauvais camarades, parce qu'il avait découvert qu'on s'attache à ceux qu'on a obligés.

Avait-il envie de dormir dans le jour, il se secouait pour se réveiller, afin de mieux dormir la nuit suivante. Avait-il peur, il chantait pour donner la peur à ceux qui la lui avaient donnée. Avait-il envie de s'amuser, il retardait jusqu'à ce qu'il eût fini son travail, afin de s'amuser d'un meilleur cœur après avoir fait sa tâche. Enfin il entendait à sa manière le moyen d'être sage et content; mais, comme ses parents l'entendaient tout autrement, il était moqué et rebuté pour ses meilleures idées. Sa mère le fouettait souvent, et son père le repoussait chaque fois que l'enfant venait pour le caresser.

—Va-t'en de là, imbécile, lui disait ce brutal de père, tu ne seras jamais bon à rien.

Ses frères et sœurs, le voyant haï, se mirent à le mépriser, et ils le faisaient enrager, ce que Gribouille supportait avec beaucoup de douceur, mais non pas sans chagrin: car bien souvent il s'en allait seul par la forêt pour pleurer sans être vu et pour demander au ciel le moyen d'être aimé de ses parents autant qu'il les aimait lui-même.

Il y avait dans cette forêt un certain chêne que Gribouille aimait particulièrement: c'était un grand arbre très-vieux, creux en dedans, et tout entouré de belles feuilles de lierre et de petites mousses les plus fraîches du monde. L'endroit était assez éloigné de la maison de Bredouille et s'appelait le carrefour Bourdon. On ne se souvenait plus dans le pays pourquoi on avait donné ce nom à cet endroit-là. On pensait que c'était un riche seigneur, nommé Bourdon, qui avait planté le chêne, et on n'en savait pas davantage. On n'y allait presque jamais, parce qu'il était tout entouré de pierres et de ronces qu'on avait de la peine à traverser. Mais il y avait là du gazon superbe, tout rempli de fleurs, et une petite fontaine qui s'en allait, en courant et en sautillant sur la mousse, se perdre dans les rochers environnants.

Un jour que Gribouille, plus maltraité et plus triste que de coutume, était allé gémir tout seul au pied du chêne, il se sentit piqué au bras, et, regardant, il vit un gros bourdon qui ne bougeait et qui avait l'air de le narguer. Gribouille le prit par les ailes, et le posant sur sa main:

—Pourquoi me fais-tu du mal, à moi qui ne t'en faisais point? lui dit-il. Les bêtes sont donc aussi méchantes que les hommes? Au reste, c'est tout naturel, puisqu'elles sont bêtes, et ce serait aux hommes de leur donner un meilleur exemple. Allons, va-t'en, et sois heureux; je ne te tuerai point, car tu m'as pris pour ton ennemi, et je ne le suis pas. Ta mort ne guérirait pas la piqûre que tu m'as faite.

Le bourdon, au lieu de répondre, se mit à faire le gros dos dans la petite main de Gribouille et à passer ses pattes sur son nez et sur ses ailes, comme un bourdon qui se trouve bien et qui oublie les sottises qu'il vient de faire.—Tu n'as guère de repentir, lui dit Gribouille, et encore moins de reconnaissance. Je suis fâché pour toi de ton mauvais cœur, car tu es un beau bourdon, je n'en saurais disconvenir: tu es le plus gros que j'aie jamais vu, et tu as une robe noire tirant sur le violet qui n'est pas gaie, mais qui ressemble au manteau du roi. Peut-être que tu es quelque grand personnage parmi les bourdons, c'est pour cela que tu piques si fort.

Ce compliment, que Gribouille fit en souriant, quoique le pauvre enfant eût encore la larme à l'œil, parut agréable au bourdon, car il se mit à frétiller des ailes. Il se releva sur ses pattes, et tout d'un coup, faisant entendre un chant sourd et grave, comme celui d'une contre-basse, il prit sa volée et disparut.

Gribouille, qui souffrait de sa piqûre, mais qui n'était pas si simple qu'il ne connût les propriétés des herbes de la forêt, cueillit diverses feuilles, et, après avoir bien lavé son bras dans le ruisseau, y appliqua ce baume et puis s'endormit.

Pendant son premier sommeil, il lui sembla entendre une musique singulière: c'était comme des grosses voix de chantres de cathédrale, qui sortaient de dessous terre et qui disaient en chœur:

Bourdonnons, bourdonnons,Notre roi s'avance.

Et le ruisselet, qui fuyait sur les rochers, semblait dire d'une voix claire aux fleurettes de ses rives:

Frissonnons, frissonnons,L'ennemi s'avance.

Et les grosses souches du chêne avaient l'air de se tordre et de ramper sur l'herbe comme des couleuvres. Les pervenches et les marguerites, comme si le vent les eût secouées, tournoyaient sur leurs tiges comme des folles; les grandes fourmis noires, qui aiment à butiner dans l'écorce, descendaient le long du chêne et se dressaient tout étonnées sur leur derrière; les grillons sortaient du fond de leurs trous et mettaient le nez à la fenêtre. Enfin, le feuillage et les roseaux tremblaient et sifflaient si fort, que le pauvre Gribouille fut réveillé en sursaut par tout ce tapage.

Mais qui fut bien étonné? ce fut Gribouille, quand il vit devant lui un grand et gros monsieur tout habillé de noir, à l'ancienne mode, qui le regardait avec des yeux tout ronds, et qui lui parla ainsi d'une grosse voix ronflante et en grasseyant beaucoup:

—Tu m'as rendu un service que je n'oublierai jamais. Va, petit enfant, demande-moi ce que tu voudras, je veux te l'accorder.

—Hélas! monsieur, répondit Gribouille tout transi de peur, ce que j'aurais à vous demander, vous ne pourrez pas faire que cela soit. Je ne suis pas aimé de mes parents et je voudrais l'être.

—Il est vrai que la chose n'est point facile, répondit le monsieur habillé de noir; mais je ferai toujours quelque chose pour toi. Tu as beaucoup de bonté, je le sais, je veux que tu aies beaucoup d'esprit.

—Ah! monsieur, s'écria Gribouille, si, pour avoir de l'esprit, il faut que je devienne méchant, ne m'en donnez point. J'aime mieux rester bête et conserver ma bonté.

—Et que veux-tu faire de ta bonté parmi les méchants? reprit le gros monsieur d'une voix plus sombre encore et en roulant ses yeux, ardents comme braise.

—Hélas! monsieur, je ne sais que vous répondre, dit Gribouille de plus en plus effrayé; je n'ai point d'esprit pour vous parler, mais je n'ai jamais fait de mal à personne: ne me donnez pas l'envie et le pouvoir d'en faire.

—Allons, vous êtes un sot, repartit le monsieur noir. Je vous laisse, je n'ai pas le temps de vous persuader; mais nous nous reverrons, et, si vous avez quelque chose à me demander, souvenez-vous que je n'ai rien à vous refuser.

—Vous êtes bien bon, monsieur, répondit Gribouille, dont les dents claquaient de peur. Mais aussitôt le monsieur se retourna, et son grand habit de velours noir, étant frappé par le soleil, devint gros bleu d'abord et puis d'un violet magnifique; sa barbe se hérissa, son manteau s'enfla; il fit entendre un rugissement sourd plus affreux que celui d'un lion, et, s'élevant lourdement de terre, il disparut à travers les branches du chêne.