Humanité en Danger - Christian Perrot - E-Book

Humanité en Danger E-Book

Christian Perrot

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Beschreibung

Allan Rocrid parviendra-t-il à préserver l'espèce humaine d'une invasion d'êtres mystérieux ?L’humanité a vécu ! Après une progression exponentielle dans l’art de la robotique comme de l’informatique, l’espèce humaine est entrée en guerre contre les robots et les savants les ayant conçus. Une sanglante vendetta alimentée par la folie collective dont le résultat le plus visible est une régression de l’humanité à un stade préindustriel.Une génération à peine après cette hécatombe planétaire, Allan Rocrid, fils d’ingénieur, entreprend un long voyage pour rencontrer Vivien Vyrard, le descendant d’un roboticien. Il vient présenter une requête d’importance : sauver l’Humanité en Danger ! En effet, une armée d’êtres inconnus foule la Terre en massacrant tout sur leur passage.Une situation tout à fait en phase avec le projet Seconde Chance du père de Vivien. À savoir : une armée de robots mise à l’abri sur une île loin de la vindicte humaine. D’où la démarche d’Allan.Une idée brillante qui va se heurter à bien des complications. Surtout après l’arrivée de Colombe, une jeune femme sauvée de la barbarie de ses semblables par Allan.Plongez dans ce roman de science-fiction haletant et saisissant de réalisme !EXTRAIT— Un danger létal menace le monde entier, annonça le dénommé Allan.— Et alors ?— Il nous faut agir pour ne pas voir disparaître toute civilisation.— Vous désirez protéger cette humanité responsable de nos enfances meurtries, siffla la voix digitalisée. Vous êtes complètement fou !— Non, simplement lucide. Le péril est planétaire. Il va détruire le monde tel que nous le connaissons.— Bon débarras !— Vous n'y êtes pas, riposta Allan. Nous sommes tous concernés... Personne n'y échappera.— Allons, expliquez-vous ! De quoi parlez-vous donc ?— Une invasion est en marche. Des êtres étranges descendent du Nord en exterminant toute créature vivante rencontrée. Les hommes, les animaux, et même la flore, tout y passe.— Un clan plus belliqueux que les autres, peut-être ? hasarda la voix impersonnelle.— Non, il s'agit d'autre chose. Les envahisseurs ne sont pas humanoïdes.À PROPOS DE L'AUTEURNé à Marseille durant l’été 1968, Christian Perrot a sillonné la France pour raison professionnelle avant de s’installer en Alsace où il vit avec sa femme et ses trois enfants. Grand lecteur depuis toujours, Christian Perrot affectionne tout particulièrement la Fantasy, la Science-fiction et le Fantastique. Il vit sa passion littéraire à la manière d’un explorateur découvrant sans cesse de nouveaux horizons. De fait, il est constamment en équilibre entre le monde réel et celui, plus onirique, de son inspiration.

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Christian PERROT

Humanité

en

Danger

PROLOGUE

Tristan Rocrid courut se réfugier dans le premier immeuble rencontré sur sa trajectoire irréfléchie. Grimpant les marches aussi rapidement que possible, il gagna l'étage le plus haut. Essoufflé par sa longue fuite, il se glissa sous un bureau et s'y recroquevilla, tremblant de peur autant que de fatigue.

Fermant les yeux, il se laissa bercer par ses souvenirs. Il repensa à la succession d’évènements qui l'avait conduit à venir se terrer ainsi dans un lieu abandonné. Quelques jours à peine avaient jeté à bas sa vie et même l’existence de l'humanité toute entière.

L'explosion de la technologie débutée au XXe siècle s'était développée de manière exponentielle. Après Internet et les mondes virtuels, la robotique avait évolué rapidement avec la miniaturisation et la puissance des ordinateurs. Toujours plus sophistiqués, toujours plus autonomes, les systèmes robotisés s’étaient immiscés dans la vie quotidienne du plus pauvre au plus riche des individus. Conscients du danger intrinsèque de ce genre d'instruments, les scientifiques comme Tristan Rocrid s'étaient inspirés des romans de science-fiction de leurs aînés pour imposer les notoires Lois de la Robotique à leurs créations.

Au nombre de trois, ces règles inflexibles du comportement des robots à l’égard des Humains avaient été développées dans une série de textes signés du célèbre Isaac Asimov en 1940 :

Première Loi :

Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger.

Seconde Loi :

Un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres sont en contradiction avec la Première Loi.

Troisième Loi :

Un robot doit protéger son existence dans la mesure où cette protection n’est pas en contradiction avec la Première ou la Seconde Loi.

Forts de cette incontournable protection interne, les nouveaux dispositifs devenaient pleinement utiles. Rapidement dépassés par le nombre de systèmes à conserver journellement opérationnels, les scientifiques construisirent un cerveau-ordinateur relié par ondes à la totalité des robots et appareils analogues disséminés à la surface du globe. Lui aussi bridé par les fameuses Lois, ce dernier devint un garde-fou derrière lequel la population se rangea, même les plus septiques.

De ce laxisme vint la catastrophe. Avec une implacable logique toute mathématique, l'ordinateur planétaire arriva à la conclusion que la méthode la plus fiable pour protéger l'Espèce Humaine en vertu de la Première Loi était d'enfermer tous les gens dans leurs demeures en ne leur laissant d'autre choix que de vivre paisiblement, assisté par les milliers de robots à leur service constant.

Bien évidemment, rares furent les hommes à accepter de se voir parqués comme de vulgaires animaux et ils se soulevèrent en masse contre les machines. Une guerre s'ensuivit, aussi mortellement brève qu’elle fut violente. Finalement, après d'innombrables pertes dans les deux camps, le cerveau-ordinateur fut détruit. Privé de guide, les robots autonomes redevinrent les assistants dévoués et serviles des hommes.

Tout aurait pu finir ainsi, les programmes pouvaient se voir corrigés en intégrant le paramètre en question, et la vie reprendre son cours immuable. Hélas, c'était sans compter avec les phénomènes de folie collective. Aveuglée par la haine et la colère, l’humanité s’attaqua aux robots devenus honnis pour les détruire sans autre forme de procès. Dans sa fureur, la foule démantela bientôt tout appareil technologique tombant entre ses mains, qu’il soit robotisé ou non.

Voyant le carnage s’étendre à la surface du globe, un noyau de scientifiques dirigés par un certain Lionel Vyrard se regroupèrent rapidement pour emporter tous les robots encore intacts à l’abri dans l’attente de la fin des hostilités. Afin de mieux les soustraire à la folie dévastatrice de l’humanité, les savants déposèrent leur cargaison sur une île inhabitée loin de toute cité.

Leur programmation les rendant incapables de comprendre la situation, les robots questionnèrent leurs créateurs en les voyant repartir :

« Maîtres, comment allons-nous pouvoir vous servir si vous nous abandonnez ici sans moyens de vous rejoindre ?

— Maintenez-vous en état de fonctionnement et attendez-nous sur cette île, avait répondu Lionel Vyrard. Vous pourrez certainement nous servir de nouveau dans le futur. Nous reviendrons vous chercher dès que possible ! »

Obéissantes, les machines s’étaient inclinées, en un ensemble parfait, dans un signe d’acceptation des ordres.

Malheureusement, à leur retour chez eux, les scientifiques découvrirent leur erreur de jugement. Loin d’avoir calmé les esprits, leur acte de protection des robots avait transféré sur eux une partie de la fureur destructrice de leurs compatriotes. Ces derniers les accusaient d’avoir projeté une future invasion des machines. Les savants eurent beau répliquer que les robots étaient de nouveau inoffensifs et que l’Espèce Humaine aurait certainement encore besoin d’eux pour réparer les innombrables dégâts engendrés par la foule déchaînée, aucune parole ne parut atteindre les cerveaux enfiévrés. Le massacre des systèmes électroniques se transforma alors en chasse à l’homme dont les scientifiques devinrent les proies. Lapidations et meurtres s’étendirent à la surface du monde. Même ceux qui n’avaient jamais pris part à aucune étude sur la robotique furent la cible de la véhémence planétaire, forçant la plupart à se cacher et à fuir.

Tristan Rocrid sursauta brusquement : un bruit venait de le tirer de sa rêverie. Il n’était pas pleinement revenu au temps présent que des mains se refermèrent sur lui tandis que des lumières dansaient devant ses yeux en l’éblouissant.

« Nous t’avons rattrapé ! hurla une voix haineuse d’homme.

— Traître à l’humanité, ami des robots ! s’écrièrent d’autres individus.

— À mort, à mort ! »

Les cris de douleur de Tristan Rocrid furent couverts par les rires de ses bourreaux…

CHAPITRE I

L'homme luttait contre le vent qui semblait prendre un malin plaisir à le plaquer contre la rambarde d'acier dominant le vide. L'escalier taillé dans la pierre s’avérait pratiquement vertical par endroits, ce qui ne facilitait pas l’ascension. Âgé d’une quarantaine d’années, le voyageur donnait l’impression d’avoir vieilli prématurément en rencontrant de nombreuses contrariétés au cours de son existence comme le témoignaient les profondes rides entourant ses yeux et sa bouche. L’individu posa son sac à dos et s’accorda quelques minutes pour reprendre son souffle. Pour cela, il dut se tasser dans une fissure verticale afin de se prémunir des mouvements furieux de l’air qui paraissait mettre tout en œuvre pour le décourager d’aller plus loin. Jetant un regard vers la vallée, il s’émerveilla en contemplant le spectacle magnifique du soleil couchant baignant le ciel de couleurs chatoyantes. La nature demeurait étonnement belle, malgré les dommages causés par l’être humain à ce berceau qu’il avait transformé en charnier. La planète survivrait à tous les mauvais traitements infligés, passés ou futurs. Quelle que puisse être la conclusion des événements en cours, la Terre perdurerait. Blessée, sans doute, meurtrie, probablement, mais toujours vivante, avec ou sans humanité grouillant sur ses flancs. Un instant, un profond sentiment de frustration et de découragement assaillit l’esprit du grimpeur. Après tout, ses semblables méritaient-ils qu’il risque ainsi sa vie pour eux ? Valaient-ils la peine de tant d’efforts ? Eux qui n’avaient pas hésités à massacrer d’autres hommes durant la Grande Peur ? Cependant, étouffant ses doutes, le voyageur ramassa son sac, l’assura sur son dos et reprit courageusement son ascension. Sa conscience ne lui laissait pas le choix de ses actes, il devait continuer sur la voie qu’il s’était imposée. Bon gré, mal gré, il ne pouvait se défiler.

Un simple coup d'œil vers le haut lui redonna un peu de moral : le sommet apparaissait plus proche qu'il ne l’aurait cru. Poursuivant sa marche, l'homme solitaire pesta contre la personne ayant construit sa demeure sur la crête d'une montagne escarpée et isolée.

Finalement, négociant les derniers mètres, il fut surpris de trouver les escaliers condamnés par une barrière formée de lasers entrecroisés. Il n’eut pas besoin de s’assurer de l’effet destructeur des faisceaux. Les rafales de vent le firent pour lui en tordant la branche d’un arbuste rabougri croissant à côté. Le végétal fut coupé net par la lumière cohérente. Un souffle d’air imita un bref ricanement sonnant comme un avertissement : le promeneur n’était pas le bienvenu !

— Incroyable, souffla machinalement ce dernier en s’arrêtant devant la clôture immatérielle. Où trouve-t-il donc l'électricité ?

— Quelques panneaux solaires et le tour est joué ! répondit une voix digitalisée venue de nulle part.

— Que... ? sursauta le visiteur en effectuant un regard circulaire à la recherche de son interlocuteur.

— Une caméra, un microphone et un haut-parleur, tout simplement. Qui êtes-vous et que diable faites-vous ici ?

— Allan Rocrid, se présenta l'homme solitaire. Je suis venu spécialement pour vous rencontrer. Je suis le fils unique de Tristan Rocrid… Du professeur Rocrid, en fait ! Un ami de votre père si vous êtes Vivien Vyrard comme je le suppose.

— En effet, il s'agit bien d'un nom connu. Cependant, il ne suffit pas pour vous laisser entrer chez moi. Pardonnez ma méfiance, mais mon père a failli être lynché par ses semblables durant la Grande Peur. Il m'a élevé dans la défiance des hommes et de leur folie meurtrière.

— Je comprends et partage votre point de vue. Mon père a vécu une expérience traumatisante similaire. Il y a même perdu l'usage de ses jambes lorsqu’un forcené lui a brisé les lombaires. En l’absence de soins appropriés, il n’a pas vécu bien longtemps après la guerre.

— En ce cas, notre passé nous rapproche. Que voulez-vous ?

— Un danger létal menace le monde entier, annonça le dénommé Allan.

— Et alors ?

— Il nous faut agir pour ne pas voir disparaître toute civilisation.

— Vous désirez protéger cette humanité responsable de nos enfances meurtries, siffla la voix digitalisée. Vous êtes complètement fou !

— Non, simplement lucide. Le péril est planétaire. Il va détruire le monde tel que nous le connaissons.

— Bon débarras !

— Vous n'y êtes pas, riposta Allan. Nous sommes tous concernés... Personne n'y échappera.

— Allons, expliquez-vous ! De quoi parlez-vous donc ?

— Une invasion est en marche. Des êtres étranges descendent du Nord en exterminant toute créature vivante rencontrée. Les hommes, les animaux, et même la flore, tout y passe.

— Un clan plus belliqueux que les autres, peut-être ? hasarda la voix impersonnelle.

— Non, il s'agit d'autre chose. Les envahisseurs ne sont pas humanoïdes.

— Des extraterrestres ? C'est à cela que vous songez ?

Le silence de l'homme solitaire se fit évocateur.

— En ce cas, reprit la voix digitalisée. Nous n'y pouvons rien. Notre civilisation a trop régressé pour pouvoir tenir tête à des Entités Biologiques Extraterrestres mieux évoluées.

— Il demeure un espoir, pourtant, affirma l'homme toujours balayé par les bourrasques du vent moqueur. Le projet Seconde Chance... Le rêve de votre père.

— Quoi ? C'est donc cela qui explique votre présence en ce lieu désolé ? C'est totalement ridicule ! Une génération s’est écoulée. Les robots en question doivent être devenus des tas de ferraille depuis fort longtemps.

— Il est impossible d’en être certain, certes. Cependant, je ne parviens pas à l’admettre ! Votre père était un visionnaire et un technicien hors pair. Comme le mien, il ne laissait jamais le hasard interférer avec ses travaux. Les robots possédaient tous une pile à combustible pratiquement inusable. De plus, en suivant la logique de la Troisième Loi, ils ont dû tout mettre en œuvre pour s'auto-maintenir en état de fonctionnement. Avec la somme d'informations contenues dans leurs cerveaux positroniques, ils ont certainement découvert un moyen. Et dans la situation actuelle, ils deviennent un atout inespéré !

Un long silence ponctua la tirade d’Allan. À tel point qu’il pensa avoir échoué dans son argumentation. Pourtant, une réponse vint finalement qui failli le faire hurler de joie :

— Entrez ! Nous allons en parler...

Immédiatement, la barrière laser parut retourner au néant l'ayant engendrée, libérant le passage. Heureux de pouvoir enfin quitter l'endroit bien peu confortable pour soutenir une conversation, Allan ne se fit pas prier. Dans son dos, les rafales de vent sifflèrent de déception.

Contrit, l’homme constata que le chemin courait à flanc de falaise en contournant le pic. Pire encore, la face nord se trouvait occultée par une zone de nuages stagnant contre la montagne escarpée. N’écoutant que son courage, il poursuivit néanmoins sa marche et se retrouva rapidement dans un brouillard dense. À tâtons, il suivit de son mieux la voie tracée à même la roche. Ses mains devinrent moites en songeant qu’il pouvait basculer dans le vide à chaque pas. Mort, il ne manquerait à personne, bien sûr. Pourtant, lui seul paraissait encore se soucier de ses semblables exterminés par l’armée en marche. Pour cela au moins, il devait vivre encore quelques jours. Son existence devenait précieuse.

Enfin, il changea de versant et le sentier parut jaillir dans les ultimes feux du soleil couchant. Puis le sommet lui apparut ainsi que la maison proprement dite de Vivien Vyrard. Construite sur le plus haut piton de la montagne, la demeure ressemblait plus à une géode qu'à une simple bâtisse de pierre et d'acier. Allan en comprit rapidement le pourquoi en s'approchant : chaque pouce du dôme entourant le secteur d'habitation paraissait recouvert de cellules photovoltaïques sources d'électricité.

Parvenu devant le seuil et avant même qu’il n’ait esquissé un geste, la porte coulissa de côté, dévoilant un vieux robot au revêtement extérieur patiné par l'âge comme par la morsure du soleil d'altitude. L’androïde ressemblait à un jouet géant. L’un de ces mannequins articulés si appréciés des garçons à l’époque où des usines de fabrication existaient encore. Seule différence notable : il ne ressemblait à un humain que par la silhouette. Pas d’habits, pas de couleur chair pour les membres et même son visage n’était qu’à peine ébauché.

Allan observa durant une poignée de secondes subjectives le laquais cybernétique. En pensées, il revint à son enfance, lorsqu’il se trouvait gardé par un robot de ce style. Si les premiers androïdes fabriqués adoptaient une apparence humaine à grand renfort de peau synthétique et d’autres artifices de maquillage, les utilisateurs avaient rapidement exigé que ces machines soient « différentes ». En effet, l’histoire regorgeait de cas où les vivants s’étaient entichés de leurs serviteurs cybernétiques et d’autres situations complexes où les robots avaient dissimulé leur véritable nature. L’androïde lui faisant face arborait donc un assemblage d’éléments argentés liés par un squelette plus sombre. Quant au visage, il ressemblait à un masque de théâtre — lisse et sans expression — dans lequel les yeux rappelaient ceux, morts, d’un animal empaillé et la bouche paraissait sans lèvre tant elle était fine.

— Soyez le bienvenu chez mon Maître Vivien Vyrard ! commença l'androïde d'une voix enrouée. Si Monsieur veut bien se donner la peine d'entrer.

Quittant à regret ses pensées, Allan pénétra dans le saint du saint. Il poussa un soupir de soulagement en découvrant un intérieur bien plus chaud et agréable que l’atmosphère d’altitude. Le hall d’entrée était rond et un unique seuil permettait de le quitter. Deux armoires l’entouraient, telles des sentinelles défendant le pont-levis d’un antique château fort moyenâgeux.

— Puis-je vous débarrasser de votre sac ?

Allan déposa toutes ses possessions entre les mains artificielles. Le robot se contenta de déposer l’objet couvert de poussière et de boue à même le sol près de la porte d’entrée. Comme s’il suggérait au visiteur de reprendre rapidement la route sans s’attarder plus que nécessaire dans la demeure de son maître humain.

— Votre veste, s’il vous plaît.

L’invité ôta son capuchon, dévoilant sa courte chevelure teintée de gris, puis se débarrassa de sa lourde veste de montagne. Le laquais accrocha le vêtement à une patère ornant l’arrière de la porte d’entrée.

— C’est par ici ! reprit l’être synthétique en tournant sur lui-même pour désigner le couloir.

Allan le suivit. Sur leur passage, plusieurs cadres s'allumèrent le long des murs. Ils représentaient des paysages bucoliques et autres merveilles de la nature dont certains avaient, hélas, disparus depuis longtemps. Ici ou là, des photographies montraient un homme au menton autoritaire en compagnie de nombreux robots à tous leurs stades de développement. L’âge apparent de l’individu s’échelonnait sur plusieurs années tout en indiquant une personne ayant beaucoup vécue. Sur une unique pose, un enfant accompagnait l’adulte en lui tenant la main. Le principal point commun entre les deux était le même nez aquilin. Sans nul doute le cliché d’un garçon et de son père. Probablement Vivien à côté de Lionel. De nombreuses photographies de machines contre une seule de son fils unique dénotait d’un manque cruel de considération pour sa progéniture. Allan préféra ne formuler aucun commentaire et calqua ses pas sur ceux de l’androïde le précédant dans une vaste pièce.

De larges baies vitrées se gorgeaient des ultimes rayons de l’astre du jour disparaissant sur l’horizon déchiqueté par les crêtes des montagnes proches. Aussitôt, le plafond parut se couvrir d’argent tandis que de nombreuses lampes s’éveillaient à la vie. Le visiteur nota instantanément l'extrême propreté des lieux. Tout semblait si bien rangé et neuf que la demeure en dégageait un air d'abandon. Comme un lieu délaissé par les vivants au profit des machines. Un inventaire visuel des rares objets d’utilité courante visibles confirma cette première impression. Il n’y avait nul signe visible d’habitant. Aucun livre ou vêtement, encore moins de papier ou de stylo, pas même de la nourriture.

Spontanément, une table glissa d'un logement dissimulé dans une paroi. Dans le même temps, un long bras métallique se déplia depuis le plafond pour venir y déposer un verre d'alcool.

Derrière le visiteur, le robot serviteur fit entendre sa voix rauque :

— Si Monsieur veut bien prendre place, mon Maître apparaîtra dans quelques secondes.

Tandis qu'une trappe du plancher s'escamotait pour dévoiler un fauteuil ergonomique qui glissa près de la table, Allan tiqua en songeant au mot employé par l'androïde. Apparaîtra lui paraissait un terme mal choisi. Il se trompait...

Il sursauta en voyant un homme d'une trentaine d'années apparaître devant lui, de l’autre côté de la table, assis sur une seconde chaise qui ne se trouvait pas là une seconde plus tôt. Le comble était que l’individu tenait un verre empli d’un liquide ambré. Muet d’étonnement, Allan s’interrogea sur le procédé technique capable de matérialiser instantanément un corps humain et tout ce qui l’entourait sans émettre un son. L’instant suivant, il tiqua en remarquant que le coude de son vis-à-vis s’enfonçait dans le plateau de la table comme si cette dernière n’avait aucune consistance. Tiraillé par la curiosité, Allan fit un pas en avant pour poser ses mains sur le meuble. Le trouvant parfaitement solide, il ne pouvait donner foi à son hypothèse initiale. Se penchant en avant tout en plissant ses paupières, il comprit enfin le surprenant phénomène. Il avait sous les yeux un hologramme mal positionné par décalage de sa source d’émission. Ce qui brisait l’illusion produite.

— Allons, émit l'apparition technologique. Asseyez-vous et trinquons ensemble. Vous devez être exténué ! Ma demeure est assez loin de tout, si l’on peut dire.

Se trouver face à une projection immatérielle à la place du maître de céans fit monter une sourde colère dans le cœur d’Allan :

— Cessez donc cette paranoïa déplacée, s’emporta-t-il. Je ne suis pas ici pour vous nuire. Montrez-vous donc !

— Je me vois contraint de ne pouvoir répondre favorablement à votre requête, s'excusa l'hologramme en posant son verre virtuel sur la table. Mon corps est... disons... indisponible.

— Que racontez-vous donc ?

— C'est vrai, vous nous pouvez savoir...

— De quoi parlez-vous ? Je n'y comprends rien.

— Sixxys ! se contenta de lancer l'apparition. Montre-lui mon corps, s'il te plaît.

— Bien, Maître ! répliqua immédiatement le robot humanoïde resté immobile à l'entrée de la pièce.

— Si Monsieur veut bien me suivre, reprit-il à l'adresse du visiteur.

Sans comprendre, Allan emboîta le pas à l'androïde. Celui-ci le précéda jusqu'à une alcôve qui s'ouvrit spontanément à leur approche. Dès que l'humain en eut franchi le seuil, la porte se referma et une sensation d'apesanteur agressa son organisme.

— Un élévateur, souffla le visiteur en comparant ses impressions à de lointains souvenirs.

— Tout à fait, Monsieur, confirma le robot. Nous descendons de trente-trois étages.

— Tant que cela ! s'étonna Allan. Que dissimule donc cette montagne ?

— Une copie de la célèbre Arche de Noé ! répliqua la voix digitalisée caractéristique du maître des lieux.

Levant machinalement la tête, le visiteur ne fut guère surpris de ne pas repérer la source sonore. Probablement un haut-parleur dissimulé dans la cloison. Imperturbable, son invisible interlocuteur poursuivait son explication :

— Vous l'avez dit, mon père ne croyait pas au hasard. Il y a dans les flancs de cette montagne de quoi repeupler la Terre tout en l’équipant de nouveau en appareillages technologiques et robotiques de toute sorte, si le besoin devait s'en faire sentir.

— Nous sommes arrivés, annonça le robot.

L’élévateur se stabilisa et sa porte s'ouvrit sur un corridor chichement éclairé de lumières bleutées positionnées au plafond.

— Si Monsieur veut bien me suivre...

De plus en plus étonné, Allan remonta le couloir à la suite de l'androïde jusqu'à une porte qui glissa de côté dès l'approche de son guide. Pénétrant dans une salle emplie d'obscurité, le visiteur hésita un instant sur le seuil. Une brève seconde après, une puissante lumière jaillissait du plafond en révélant ce que les ténèbres dissimulaient. Frappé de stupeur par la scène dévoilée, Allan demeura un moment sans voix.

La pièce ronde abritait une kyrielle d'appareillages en tous genres. Tous paraissaient raccordés par des tuyaux et autres systèmes complexes à une sorte de sarcophage occupant le centre exact des lieux. Le couvercle transparent de l'objet en question permettait d'y voir le corps d'un homme allongé à l'intérieur. Bardé de sondes et de branchements variés, l'individu arborait la peau pâle, presque livide, d'un organisme n'ayant pas connu la caresse du soleil depuis des décennies. Ses cheveux, qui avaient dû s’avérer plutôt fournis et bruns, pendaient le long de son crâne à la manière d’une serpillère usée.

— Me voici ! commenta la voix digitalisée venue de nulle part. Désolé de ne pouvoir me lever pour vous accueillir, mais il y a tant d'années que je suis allongé là que mes muscles ne pourraient me porter, même si je désirais encore m'en servir.

— Que vous est-il arrivé ? questionna Allan.

— Une vulgaire maladie évolutive et maligne, expliqua la forme couchée par l'intermédiaire du système vocal. Un fléau mortel et impossible à enrailler même avec les plus parfaites des nano-machines conçues par mon père. De toute façon, je ne crois pas plus en la chair que lui. Seul l'esprit importe.

— Vous êtes donc connecté à votre demeure ? comprit enfin Allan.

— Bien plus que cela, cher visiteur ! En fait, au fil des années, je suis devenu l'âme de ces murs. Je suis en eux comme le cerveau positronique de Sixxys est dans sa carcasse de carbone. Du reste, je dois cette extension de ma conscience à mon robot serviteur si dévoué. C’est lui qui a eu cette idée, suite à certains disfonctionnements de mon unité de cryogénisation. Sans lui, je serais mort depuis fort longtemps…

— Incroyable !

— Pas du tout ! Simple utilisation de cette merveilleuse technologie qui a fait si peur à l'humanité. Celle-là même qui lynche ses savants et s'entretue pour n'importe quelle excuse, même la plus insignifiante. Cette humanité que vous désirez sauver à tout prix... En n’hésitant pas à braver l’altitude et la mort pour voyager jusqu’à ma retraite éloignée de tout être humain.

— Ce n'est pas aussi simple et vous le savez bien ! se récria Allan.

— Allez, remontez donc jusqu'à l'étage d'habitation. Nous parlerons mieux là-haut. Malgré ma condition, je n’apprécie guère votre regard sur moi.

Préférant ne pas répliquer nûment, le visiteur s'exécuta, toujours guidé par le robot. Il retrouva l’image holographique de Vivien Vyrard assise à la même place. Allan prit place dans l’unique fauteuil réel en face de son interlocuteur intangible.

— Alors, je vous écoute ! affirma ce dernier.

— Comme je vous l'ai dit, une race non-humaine est en train d'envahir notre planète. Au fur et à mesure de leur déploiement, ils tuent tout être vivant rencontré avant d’édifier leurs propres cités.

— Comment pouvez-vous affirmer qu'il s'agit d'extraterrestres ? Quelle preuve détenez-vous ?

Un rictus déforma un instant les traits d’Allan avant qu’il ne réponde :

— Qu'importe qu'ils soient extraterrestres, infra-terrestres ou voyageurs d'une autre réalité parallèle ! D'après les récits des rares témoins que j'ai pu rencontrer, ils ne paraissaient pas Humains. Leur technologie et leurs armes nous sont étrangères. Ils implantent également leur propre biotope. Je pense qu'ils veulent transformer la Terre suivant leurs goûts et leurs besoins primaires. Quant à l'Espèce Humaine, elle ne représente qu'une variété de nuisibles à éliminer. Comme un promeneur ne se souciant pas des fourmilières qu'il écrase sous son pas.

— Et vous avez songé au Projet Seconde Chance de mon père pour se dresser contre eux ?

— Tout à fait ! Lorsque les robots furent bannis par nos concitoyens, votre père a été l'un des premiers à refuser leur destruction. Il a activement œuvré pour les conserver en état de fonctionnement dans l’attente d’un futur où la population mondiale les accepterait de nouveau. Pour cette hypothétique Seconde Chance qu'il n'a, hélas, jamais vu arriver de son vivant.

— Je sais tout cela. Tout est enregistré dans les archives informatisées de ce bâtiment.

— Je le pressentais ! s'exclama Allan tout en frappant sa paume de son poing. Je me doutais bien que votre père ait tout consigné à l'abri de la destruction.

— Et j'ai accès à la totalité des archives du fait de ma condition particulière. Je puis donc aisément répondre à toutes vos questions.

— En fait, la seule donnée qui n’a pas résisté à l'effacement est le lieu précis d'abandon des robots évacués.

— Simple, un atoll mis en quarantaine depuis des décennies par l'Espèce Humaine suite à un grand nombre d'essais d'armes nucléaires perpétrés par nos inconscients ancêtres. Il s'agit de Fangataufa.

— Dans la région autrefois nommée Polynésie, c'est bien cela ?

— Exact !