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Quel destin social pour le foisonnement d’idées dont les enfants emplissent l’école ? Comment se positionnent des élèves de primaire face à des sujets socio-philosophiques ? Et si les salles de classe se transformaient en creusets de sagesse populaire… En immersion au cœur de dix débats philosophiques, laissez les mots de jeunes rafraîchir vos croyances, chatouiller vos zygomatiques ou impacter vos idéaux. Le professeur n’est jamais loin et partage ses réflexions comme éventuels éclairages pédagogiques.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Professeur et directeur d’école publique, Thomas Miani a transité de l’éducation populaire vers l’éducation nationale, chevillé à l’idée chimérique d’un changement de paradigme par l’intérieur. La réalité de terrain et les enfants lui ont mis un peu de plomb dans la tête. Incorrigible, il ambitionne aujourd’hui de le transformer en or, convaincu que les mots d’enfants peuvent agir comme pierre philosophale. Sa plume cherche avec lui la formule alchimique permettant d’articuler le chaos des idéaux et débats.
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Seitenzahl: 104
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Thomas Miani
Idéaux et débats
Essai
© Lys Bleu Éditions – Thomas Miani
ISBN : 979-10-377-6692-2
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.
Thomas Miani est trop modeste. Un peu candide aussi et c’est tout à son honneur… J’ai moi-même souvent pratiqué la candeur calculée car c’est une arme efficace pour désarçonner l’adversaire : « Vraiment, vous croyez qu’il y a des enfants incapables d’apprendre ? Alors que voulez-vous en faire ? On pourrait peut-être les détecter avant la naissance ? » Et Thomas pourrait dire : « Vraiment, vous croyez que les enfants sont incapables de réfléchir, de s’intéresser aux questions anthropologiques et philosophiques qui préoccupent les adultes ? Vous pensez qu’ils sont assignés à l’infantile, condamnés à répéter ce que disent leurs parents et ce que rabâche la publicité ? Vous êtes convaincus qu’ils ne peuvent tenir une discussion sérieuse, s’écouter, argumenter, chercher ensemble, changer d’avis et progresser ? Alors, il faudrait peut-être les laisser patauger dans leurs babillages infantiles, renoncer à leur proposer de s’exhausser au-dessus de leurs préjugés et de leurs caprices, les laisser se disputer dans la cour en attendant qu’ils grandissent tout seuls ? D’ailleurs, c’est bien connu : jusqu’à ce que les enfants sachent parler, il n’est pas nécessaire de leur parler… C’est même complètement inutile ! »
Et, bien sûr, à celles et ceux qui ne seraient pas convaincus par cet argumentaire à contre-sens, Thomas devrait faire lire les textes de cet ouvrage. Gageons que ces sceptiques le soupçonneraient alors d’avoir enjolivé les choses et réécrit lui-même les propos de ses élèves. Il faudrait donc que Thomas leur ouvre la porte de sa classe pour qu’ils jugent par eux-mêmes de ce qui s’y passe vraiment… Eh bien, justement, Thomas m’a fait cet honneur : j’ai pu le voir à l’œuvre devant ses élèves, j’ai pu parler avec ses élèves devant lui mais aussi sans lui. Et je peux témoigner que tout ce que rapporte cet ouvrage est rigoureusement exact. Ses élèves sont bien capables de réfléchir et de s’engager dans un débat construit sur des sujets difficiles !
Mais, attention ! Contrairement à ce que la modestie de Thomas laisse entendre, ses élèves ne sont pas spontanément capables de parler et de raisonner ainsi. Spontanément et comme tous les enfants, ils reproduisent des clichés et s’opposent sans s’écouter. Spontanément, un débat, c’est la pagaille, un moment de pseudo-liberté qui peut, à chaque instant, laisser place à des explosions de violence. Spontanément, dans une classe, il ne se passe rien d’intéressant !
Pour que des élèves s’expriment clairement, se respectent et discutent sereinement il faut, d’abord, un maître ou une maîtresse qui incarne la promesse scolaire : « Ici, tout le monde a sa place, nul ne peut être écarté des activités communes et le savoir peut être partagé par toutes et tous ». Il faut aussi des règles et des rituels, proposés et réfléchis, par chacun et chacune individuellement, comme par le groupe tout entier. Il faut, tout à la fois, une vraie confiance et une réelle exigence afin que chaque élève se sente capable de s’investir et aidé à donner le meilleur de lui-même. Il faut des activités quotidiennes qui responsabilisent toutes et tous et des évaluations positives qui permettent de se voir progresser. Il faut, enfin, que les débats soient préparés et animés par un enseignant vigilant qui suscite et régule les prises de paroles, qui aide à la reformulation, qui fait rebondir le débat… et sait y mettre fin aussi. Bref, il faut de la pédagogie !
Alors, admirez tout à la fois, dans ce livre, les propos des enfants et la pédagogie du maître, car les uns ne vont pas sans l’autre. Et voyez comment l’École peut aider les élèves à apprendre à lire, écrire, compter… mais aussi à grandir en intelligence et à devenir des citoyens capables de faire vivre une démocratie authentique. Tout est possible pour qui veut faire acte de pédagogie et s’en donne les moyens.
Philippe Meirieu
Professeur honoraire en sciences de l’éducation
Bernard, mon maître de CM1, était à mes yeux le meilleur maître au monde, gardien d’une année salutaire et sensée dans mon parcours éducatif. Rien que ça. Il l’est resté toutes ces années, même si mon professeur de systémie aura fait renaître durant ma période universitaire l’enthousiasme et le plaisir d’apprendre. Deux professeurs stimulants, agréables et mémorables pour presque vingt ans passés dans le système éducatif.
Très jeune déjà, ce constat amer venait alimenter ma défiance pour l’École et le sentiment de laisser mes capacités et mes idées s’effriter sous les coups silencieux, ou bien réels, portés par la machine éducative française.
Alors quoi ? Représentation biaisée, fécondée par un profil en marge des attentes de la nation ? Réelle défaillance à tous les niveaux d’une Éducation nationale pensée par des théoriciens sur orbite et subie par des enseignants asthéniques ?
Cet ouvrage me l’a rappelé, la vérité est partout et nulle part à la fois et ce questionnement binaire, un peu bidon admettons-le, n’avait finalement que très peu d’intérêt.
Je ne vais pas raconter ma vie ici. Tout ce qu’il y a à savoir c’est que j’ai choisi en 2014 de devenir Professeur des écoles et rejoindre l’Éducation nationale pour faire ma part. Je voulais, un peu naïvement, changer les choses de l’intérieur, proposer aux enfants ce que je porte de convictions en matière d’enseignement. Je souhaitais être pour mes élèves ce que Bernard avait été pour moi. Subjective, voire affective à souhait, cette motivation pourrait sembler inopportune et incompatible avec la notion de fonctionnariat mais elle reste pour moi une impulsion nécessaire qui peut enrichir les temps d’apprentissage.
Je voulais tout ça, et j’ai surtout appris à nuancer mes opinions et troquer mes certitudes pour l’expérience de la classe et de la direction d’école.
D’une certaine façon, l’entrée dans le métier m’a rappelé la découverte de la parentalité et comme nombre d’idées et principes revendiqués volent en éclat lorsque l’on se confronte au réel. Et pourtant, le vécu vint tout en même temps confirmer la teinte générale que je souhaitais donner à cet engagement. J’ai rencontré les obstacles auxquels je m’attendais, n’y ai pas toujours répondu comme je prétendais pouvoir le faire auparavant. J’ai découvert d’autres écueils, parfois insoupçonnés, et effleuré la complexité du système.
Et puis j’ai eu envie d’écrire un livre en lien avec mon métier, mon quotidien, les enfants et l’école, mais l’idée de promettre une méthode pédagogique innovante et prosélyte ne m’attirait pas tellement. Je n’ai par ailleurs ni l’expérience ni l’expertise pour dresser une analyse du système éducatif français et proposer des pistes de réflexion ou de progression. Sans compter que le mammouth en question souffre de rhumatismes et d’un certain embonpoint. J’ai tâtonné jusqu’à trouver le contexte favorable qui m’a aidé à transformer l’intention en action.
À Dieulefit dans la Drôme, notre école publique accueille une centaine d’élèves répartis dans quatre classes. Une sympathique équipe y officie et, sans nous réclamer d’un modèle pédagogique de référence, nous avons opté pour une posture qui nous est propre. Non pas qu’elle soit exclusive ou savamment élaborée mais simplement parce que nous sommes nous, maintenant et à cet endroit.
Toutes sortes de projets, ambitieux ou furtifs, viennent rythmer la vie de notre école et servent les apprentissages tout en éveillant l’intérêt des enfants. Quelquefois, ça fonctionne, quelquefois moins mais dans l’ensemble les enfants sont plutôt contents de venir chaque jour et c’est un bon indicateur pour nous.
Pour l’année scolaire 2020-2021, nous avons pensé une thématique annuelle, développé et rédigé un projet pédagogique parlant de Rencontres en contes. Plutôt que d’en faire une synthèse fastidieuse, je préfère vous le présenter à travers son introduction :
Il était une fois, dans la lointaine contrée du Juncher, une académie d’enfants et professeurs vivant paisiblement à l’écart des remous de leur nation. Seulement, aussi reculée fût-elle, leur province ne put échapper aux troubles et incertitudes grandissants dans le vaste monde. Des rumeurs, plus que des présages, prirent la forme d’alertes et la vie fut transformée jusque dans les régions les plus isolées.
L’académie dut fermer ses portes et les enfants furent séparés durant plusieurs mois. Une nouvelle ère s’était ouverte et de nombreuses préoccupations, parfois inextricables, prirent possession du quotidien. Leurs grondements devinrent envahissants, l’inquiétude une nouvelle norme et, peu à peu, les esprits s’assombrirent.
C’est pourquoi, bien décidés à faire fleurir ce qui le pouvait encore, les enfants du Juncher et leurs professeurs décidèrent d’insuffler à nouveau un peu d’enchantement au monde, espérant le faire rayonner en eux et même au-delà. La tâche serait ardue, à n’en pas douter, mais cette petite communauté était vaillante et inventive. Ils décidèrent donc de partir à la découverte des contes que la culture pouvait leur offrir, désireux d’y trouver matière à s’entendre, s’enrichir et se produire. Sans oublier de rêver. Encore un peu.
L’histoire ne dit pas s’ils y parvinrent… Elle reste à écrire.
Parmi les objectifs visés, l’expression et la compréhension orale y tenaient une place importante et c’est, entre autres, l’objet de cet ouvrage. Les contes peuvent aussi être vecteurs de causeries, amenant les enfants à nous dire ce qu’ils pensent et ce qu’ils vivent de sujets rarement abordés. Prendre la parole devant le groupe pour affirmer ses opinions, écouter et comprendre les points de vue des autres enfants, oser se remettre en question, autant de situations qui, je l’espère, aident à grandir.
Rien de tel que l’instant qui succède au quart d’heure de lecture en début d’après-midi pour redémarrer en causant un moment. J’ai donc sélectionné des contes à offrir en lecture pour engager la discussion et poser la question que j’avais préparée. D’autres fois, la question me venait à l’esprit durant la lecture d’un conte ou à la suite d’une situation rencontrée dans la journée. Je décidais donc de la poser aux enfants.
Chaque thématique que vous trouverez dans ce recueil est introduite par un petit laïus pédagogique pour planter le décor, les intentions du professeur, les questions qu’il se pose. Et aussi quelques lignes de simple plaisir à écrire des choses. Ensuite, vous entrerez directement et sans ménagement dans l’univers des enfants dont j’ai capté les mots en direct durant les temps de débat afin de garantir une retranscription des plus fidèles. Ils vous sont livrés ici bruts, comme moyen de vous proposer une immersion dans la salle de classe.
Je ne saurai me féliciter d’avoir engagé une démarche progressiste de développement des compétences en expression orale. Aucune évaluation diagnostique, formative ou sommative n’a été conduite dans le cadre de ce petit projet. Nous ne pourrons nous délecter d’un tableau de données qui ferait apparaître le temps de parole et la fréquence des interventions de chaque élève. C’est un peu dommage pour la recherche, mais l’intention initiale réside en un autre espace.
Je peux simplement dire à l’issue de cette expérience que certains enfants sont d’une gourmandise absolue quand il s’agit de partager (ou déclamer !) leurs idées. D’autres n’interviennent que ponctuellement, de manière sentie et pondérée. Et puis on peut aussi décider d’écouter, simplement, de manière plus ou moins attentive si l’on n’est pas occupé à danser avec les feuilles dans le vent.
Les contes portent leur part de culture et même si leur étude s’avère toujours imparfaite, parfois hâtive, elle fournit des échantillons qui peuvent être mis en perspective avec des œuvres complémentaires. Le débat devient un nouvel espace culturel, même si le prof pense toujours un peu à la séquence de conjugaison qu’il faudrait terminer. L’élite académique ne fleurit pas ici (encore que, on ne sait jamais…) mais on découvre tout de même d’autres réalités, d’autres façons de s’exprimer, d’autres idées comme manière de s’enrichir.