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Le recueil d'essais "Intentions" d'Oscar Wilde, publié en 1891, explore la notion d'art et de morale avec une profondeur intellectuelle remarquable. À travers quatre essais, Wilde aborde des thèmes tels que l'art pour l'art, la beauté et l'amour avec un style mordant et audacieux, caractéristique de son écriture. L'œuvre s'inscrit dans le mouvement décadent de la fin du XIXe siècle, une période où les artistes cherchaient à remettre en question les normes esthétiques et morales. Wilde s'illustre par une prose riche et orné, mélangeant l'érudition et l'ironie, ce qui rend ses arguments à la fois percutants et nuancés. Oscar Wilde, figure emblématique du théâtre et de la littérature anglaise, a toujours été en quête d'une esthétique polyvalente qui célèbre la beauté. Son parcours, marqué par un brio intellectuel et des controverses personnelles, notamment son emprisonnement en raison de son orientation sexuelle, a indéniablement façonné sa vision artistique. "Intentions" se veut, en ce sens, à la fois une réflexion sur sa propre résilience et un plaidoyer en faveur de la liberté d'expression artistique. Je recommande vivement "Intentions" à quiconque s'intéresse à la critique littéraire et à la philosophie de l'art. Ce recueil offre non seulement une incursion fascinante dans la pensée waldienne, mais révèle également des réflexions intemporelles sur la place de l'art dans la société, le tout agrémenté de la verve unique de Wilde. Dans cette édition enrichie, nous avons soigneusement créé une valeur ajoutée pour votre expérience de lecture : - Une Introduction approfondie décrit les caractéristiques unifiantes, les thèmes ou les évolutions stylistiques de ces œuvres sélectionnées. - La Biographie de l'auteur met en lumière les jalons personnels et les influences littéraires qui marquent l'ensemble de son œuvre. - Une section dédiée au Contexte historique situe les œuvres dans leur époque, évoquant courants sociaux, tendances culturelles и événements clés qui ont influencé leur création. - Un court Synopsis (Sélection) offre un aperçu accessible des textes inclus, aidant le lecteur à comprendre les intrigues et les idées principales sans révéler les retournements cruciaux. - Une Analyse unifiée étudie les motifs récurrents et les marques stylistiques à travers la collection, tout en soulignant les forces propres à chaque texte. - Des questions de réflexion vous invitent à approfondir le message global de l'auteur, à établir des liens entre les différentes œuvres et à les replacer dans des contextes modernes. - Enfin, nos Citations mémorables soigneusement choisies synthétisent les lignes et points critiques, servant de repères pour les thèmes centraux de la collection.
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Veröffentlichungsjahr: 2020
Intentions, publié pour la première fois en 1891, rassemble les textes critiques majeurs d’Oscar Wilde en un volume cohérent. Cette édition réunit une préface, Le Déclin du Mensonge, Plume, Crayon, Poison, Le Critique Artiste (en deux parties) et La Vérité des Masques. L’ensemble propose un parcours continu dans la pensée esthétique de l’auteur, depuis la défense provocatrice de l’artifice jusqu’aux réflexions sur le théâtre. En regroupant ces pièces selon leur ordre canonique, la collection offre un accès organisé à une œuvre qui se déploie par fragments dialogués et essais, et dont la portée dépasse le seul contexte victorien pour toucher à des débats toujours actuels.
La présente réunion n’est ni un roman-feuilleton ni une somme poétique, mais un corpus d’essais et de dialogues critiques. On y trouve des textes théoriques, une étude biographique, une méditation dramaturgique et une ouverture programmatique. Ce choix met en avant la prose d’idées de Wilde, distincte de ses pièces et de ses fictions, et montre comment il façonne, par la conversation et la réflexion, une poétique de l’art. Le lecteur rencontrera des formes variées mais convergentes: dialogue spéculatif, portrait critique, note érudite. Ensemble, elles composent un panorama de la critique à la fin du XIXe siècle, éclairé par l’esprit singulier de l’auteur.
L’objectif de cette collection est de permettre une lecture d’ensemble, là où les textes furent d’abord conçus séparément avant leur réunion en volume. En suivant le fil que tissent ces pièces, on voit apparaître une architecture intellectuelle: un art de l’argument paradoxal, une éthique de la forme et une défense de la liberté imaginative. L’unité ne tient pas à une intrigue, mais à un réseau d’idées où se répondent l’artifice, la critique, le masque, la scène. Ainsi, Intentions n’offre pas seulement des positions isolées: elle déploie une méthode, une voix et une manière d’habiter le débat esthétique moderne.
La préface qui ouvre le volume annonce la visée du recueil: préciser ce que l’on entend par art, par style et par critique, et orienter la lecture vers les tensions que Wilde mettra en jeu. Elle situe d’emblée la discussion dans une perspective où l’autonomie de l’art, la primauté de l’imagination et la valeur du regard critique occupent le premier plan. Loin de constituer un seuil purement protocolaire, cette ouverture établit le ton de l’ensemble, en invitant à considérer les pages suivantes comme un laboratoire d’idées, un espace où la pensée s’exerce avec élégance et rigueur, sans renoncer à la provocation intellectuelle.
Le Déclin du Mensonge adopte la forme du dialogue pour défendre la supériorité de l’artifice sur l’imitation littérale du réel. À travers une conversation enlevée, l’essai propose la thèse selon laquelle l’art crée ses propres lois et transforme la réalité plutôt que de la reproduire. La plaisanterie et le paradoxe servent ici une stratégie sérieuse: déconcerter les certitudes du réalisme et de l’objectivité prétendue. Le texte n’énonce pas un système clos; il met en scène une manière de penser, où l’esprit, affranchi de l’obligation du factuel, explore librement les conditions d’un style et la responsabilité esthétique du créateur.
Plume, Crayon, Poison est un portrait critique d’un artiste et homme de lettres dont la vie trouble interroge les rapports entre talent, conduite et jugement public. En retraçant une figure bien réelle, l’essai examine la manière dont l’esthétique se heurte aux catégories morales et comment l’œuvre subsiste au-delà du scandale. La composition alterne notices, analyses et touches ironiques, et montre la virtuosité de Wilde dans l’art du profil intellectuel. La question n’est pas de prononcer un verdict, mais d’observer comment la sensibilité artistique peut s’exprimer à travers des existences contradictoires et comment la critique construit, elle aussi, un personnage.
Le Critique Artiste, en deux volets, développe la thèse centrale du recueil: la critique est une création à part entière. Par le dialogue, la première partie explore la lecture comme acte inventif, la subjectivité comme instrument heuristique, la culture comme conversation continue. Les arguments s’élèvent contre la passivité descriptive et en faveur d’un jugement informé, nuancé et personnel. Wilde y pratique un art de l’échange où l’objection suscite le raffinement de l’idée, et où la civilité du ton n’exclut pas la vigueur. Cette dramaturgie intellectuelle confère au raisonnement la vivacité d’une scène.
La seconde partie de Le Critique Artiste approfondit ces propositions et en mesure les implications pour la littérature et les arts. La critique y apparaît comme un mode de vie de l’esprit, qui sélectionne, interprète et stylise. L’écrit devient prolongement de la conversation, la bibliothèque un théâtre de voix. L’argumentation progresse par antithèses fécondes, non pour trancher dogmatiquement, mais pour intensifier l’attention du lecteur. En scellant cette diptyque, la collection fixe l’un de ses nœuds: penser l’œuvre par la lecture, comprendre la création par l’interprétation, reconnaître dans la réception une forme d’invention.
La Vérité des Masques propose une réflexion sur le costume de scène et la puissance de l’illusion théâtrale. À partir d’exemples empruntés au répertoire, l’essai considère la valeur expressive de la précision historique et celle de l’effet artistique. Il ne s’agit pas d’archéologie, mais d’esthétique appliquée: comment l’apparence sert-elle l’intelligence d’un texte et la perception du public? En examinant la matérialité du théâtre, Wilde élargit son enquête: la vérité scénique n’est pas une copie du passé, mais un dispositif de présence, où le masque révèle, par la forme, ce que le réalisme brut masquerait.
L’unité de ce volume tient à des thèmes en réseau: l’artifice contre l’imitation, la critique comme art, la scène comme lieu de vérité feinte, le portrait comme construction. À chaque étape, Wilde défend l’autonomie de la forme sans nier la complexité du réel; il préfère l’intensité du style à la platitude du constat. Les dialogues et essais se répondent, multiplient les angles, déplacent les lignes. L’argument paradoxal, loin d’être un jeu gratuit, devient méthode: en renversant les évidences, il ouvre l’espace d’une liberté de jugement qui demeure l’horizon du livre.
La signature stylistique est reconnaissable: tournures incisives, pointes aphoristiques, ironie tempérée par la clarté, élégance de la période. Le dialogue fournit l’outil idéal à cette poétique, car il fait de la pensée un échange, non un monologue doctrinal. L’essai, lui, accueille la digression contrôlée, l’exemple probant, la notation vive. Le résultat est une prose de haute tenue, apte à séduire par le brillant et à convaincre par la précision. Cette combinaison de légèreté et de densité explique la survivance de ces textes, qui continuent d’alimenter la réflexion esthétique sans date d’expiration.
L’importance durable d’Intentions tient à la place qu’elle occupe dans l’histoire des idées esthétiques et de la critique moderne. En affirmant la dignité créatrice de l’interprétation et en revendiquant la primauté de l’imagination, le volume a contribué à remodeler l’horizon de lecture de la littérature et des arts. Les débats qu’il formule — sur l’autonomie, la forme, la réception — ont nourri la pensée critique bien au-delà de la fin du XIXe siècle. Sa vitalité tient aussi à son art de la nuance, qui préfère l’incitation à la thèse péremptoire et rend ces pages disponibles à des lecteurs d’époques et de sensibilités différentes.•u00a0Le présent regroupement propose enfin un cadre de lecture qui honore la logique interne du volume. En donnant à voir l’ensemble des essais qui composent Intentions — une préface, deux dialogues, un portrait critique et une note dramaturgique — il restitue la progression de la pensée de Wilde et la cohérence de son esthétique. On y lit un plaidoyer pour une littérature qui invente, pour une critique qui crée, pour un théâtre qui révèle par l’illusion. À ce titre, cette collection s’adresse à quiconque souhaite comprendre comment l’art pense, et comment penser à la hauteur de l’art.
Oscar Wilde (1854–1900) fut l’un des écrivains les plus marquants de la fin du XIXe siècle, figure centrale de l’esthétisme et de la décadence. Romancier, dramaturge, essayiste, il laissa une œuvre où le paradoxe et l’esprit servent une réflexion aiguë sur la nature de l’art. Ses pièces majeures, comme The Importance of Being Earnest, et son roman The Picture of Dorian Gray, côtoient des essais critiques d’une rare cohérence. La collection ici rassemblée — Préface, Le Déclin du Mensonge, Plume, Crayon, Poison, Le Critique Artiste (en deux parties) et La Vérité des Masques — condense son credo esthétique et son art du dialogue polémique.
Ces textes, composés surtout à la fin des années 1880 et publiés ensemble dans Intentions au début des années 1890, définissent le rôle de l’artiste, du critique et du public face à l’œuvre. La Préface de Dorian Gray, aphoristique, énonce des principes devenus emblématiques. Le Déclin du Mensonge revendique l’artifice contre l’imitation servile du réel. Le Critique Artiste soutient la créativité de la critique; Plume, Crayon, Poison trouble les frontières entre éthique et esthétique; La Vérité des Masques interroge l’histoire du costume théâtral. À travers eux, Wilde lie style, morale et scène publique, faisant de l’art une manière d’être au monde.
Né à Dublin, Wilde reçut une formation classique de haut niveau, d’abord à Trinity College, puis à Magdalen College, Oxford. Il y assimila le grec ancien, l’histoire de l’art et la critique esthétique alors en plein renouvellement. Les enseignements de John Ruskin, qui liait art, travail et société, et l’influence déterminante de Walter Pater, qui prônait un hédonisme de la perception, structurèrent ses positions. Chez Wilde, ces courants parfois opposés se résolvent dans un style paradoxal, où l’intensité de la sensation et la construction de la forme priment. Sa maîtrise des dialogues brillants trouve là ses racines, tout comme son goût pour l’aphorisme.
À ces fondations britanniques s’ajoutent la fréquentation de la poésie française et du symbolisme, l’admiration pour Baudelaire, et une attention soutenue aux traditions théâtrales. La Vérité des Masques témoigne d’un intérêt érudit pour le Shakespeare de la scène, pour le vêtement comme pensée visuelle. L’affinité de Wilde pour la mise en scène de soi — dandyisme, jeu des masques — informe la Préface de Dorian Gray autant que Le Déclin du Mensonge. Il y oppose à l’objectivité réaliste une imagination souveraine, nourrie par la peinture, la rhétorique classique et des sociabilités littéraires cosmopolites des années 1880–1890.
Le Déclin du Mensonge, dialogue enlevé, soutient que la nature imite l’art plus que l’inverse et que l’invention stylistique surpasse la copie du réel. Wilde y déploie une stratégie du paradoxe, destinée à déstabiliser les certitudes morales et critiques. Publié d’abord en revue puis repris dans Intentions, l’essai fut perçu comme une provocation contre le réalisme dominant. Mais derrière l’ironie se profile une poétique précise: affranchir l’artiste de l’utilité sociale immédiate, revendiquer l’artifice, exalter la forme. Cette thèse irrigue sa dramaturgie ultérieure et confère à l’ensemble de la collection une unité doctrinale.
Le Critique Artiste, en deux parties, met en scène un débat d’idées où le critique apparaît comme un créateur à part entière. En multipliant les renversements, Wilde élève l’acte de lire, commenter et juger au rang d’invention esthétique. La forme dialoguée lui permet d’incorporer des voix adverses sans renoncer à la fermeté d’un programme: la critique n’est pas un tribunal, mais un laboratoire de styles. Cet essai a influencé les conceptions modernes de l’interprétation, en affirmant la productivité du regard critique, proposition décisive pour l’histoire de la théorie littéraire et artistique.
Plume, Crayon, Poison adopte la forme d’un portrait critique d’un artiste criminel pour examiner, sans complaisance ni moralisme simpliste, les articulations entre beauté, duplicité et responsabilité. En rappelant un cas célèbre du XIXe siècle, Wilde montre comment la même main peut produire un art raffiné et perpétrer des actes répréhensibles. L’essai ne célèbre pas le crime; il le pense comme un fait qui embarrasse la critique morale lorsqu’elle prétend juger l’œuvre par la vie. Ce déplacement, d’une audace calculée, clarifie le refus de Wilde de réduire l’art à un document éthique.
La Vérité des Masques explore l’histoire du costume shakespearien et, plus largement, la relation entre matérialité scénique et interprétation. L’exactitude vestimentaire n’est pas, pour Wilde, une fin en soi; elle participe d’une vision du théâtre comme art total où le détail visuel porte l’idée. La réflexion anticipe des préoccupations de metteurs en scène ultérieurs et éclaire les propres pratiques théâtrales de Wilde. En contrepoint, la Préface de Dorian Gray condense sa pensée en propositions mémorables sur l’autonomie de l’art. Ensemble, ces textes fixent la signature de Wilde: esprit, forme, et primat du style sur la documentation brute.
Les convictions esthétiques de Wilde s’énoncent avec constance dans la collection: l’art n’est pas tenu de refléter la vie ordinaire; il invente des formes qui, parfois, reconfigurent notre perception du réel. Le Déclin du Mensonge défend l’imagination comme faculté créatrice, tandis que Le Critique Artiste légitime la subjectivité du lecteur comme acte de création. La Vérité des Masques fait de la scène un lieu d’idées visibles. La Préface de Dorian Gray, enfin, refuse le didactisme. Ce faisceau de positions fonde un anti-réalisme programmatique et une éthique de la distance, où le masque révèle plus qu’il ne dissimule.
Au-delà du champ strict de la littérature, Wilde a occupé la scène publique comme conférencier et chroniqueur, plaidant pour les arts décoratifs et la dignité du goût, bien avant la synthèse d’Intentions. Ses comédies et sa prose ont nourri des débats sur la censure et la moralité, notamment autour de Dorian Gray, dont la Préface répond aux attaques par une défense de l’autonomie artistique. Par ailleurs, son essai The Soul of Man under Socialism, largement reconnu, rattache l’individualisme esthétique à une critique des morales utilitaires. Dans tous les cas, l’œuvre insiste sur la liberté de l’artiste et du spectateur.
La seconde moitié des années 1890 est marquée par le triomphe des comédies et par une crise personnelle et judiciaire culminant en 1895, suivie d’une incarcération d’environ deux ans. L’expérience carcérale nourrit De Profundis et The Ballad of Reading Gaol, textes tardifs largement reconnus, où s’approfondit la réflexion sur souffrance, responsabilité et langage. Après sa libération, Wilde vit principalement en France et meurt à Paris en 1900. Les thèmes travaillés dans la collection — masque, artifice, critique créatrice — prennent alors une dimension existentielle, sans renier la primauté de la forme et de l’esprit.
L’influence de Wilde demeure considérable. Ses comédies restent des repères du théâtre de langue anglaise et son roman conserve une aura emblématique. Les essais de la collection, souvent lus en dialogue avec Intentions, irriguent la théorie moderne: la créativité de la critique, l’autonomie de l’art, la valeur de l’artifice résonnent chez des esthéticiens, metteurs en scène et critiques du XXe siècle et au-delà. La Préface de Dorian Gray est régulièrement anthologisée; Le Déclin du Mensonge et Le Critique Artiste alimentent encore les débats sur réalisme et interprétation. La postérité voit en Wilde un styliste majeur et un penseur de la forme.
Publiée à Londres en 1891, Intentions réunit des essais qu’Oscar Wilde avait d’abord fait paraître dans des périodiques des années 1880, puis remaniés. L’ensemble appartient au climat fin-de-siècle du Royaume-Uni victorien tardif, marqué par l’essor de la presse, la consolidation impériale et des querelles esthétiques vives. Né à Dublin en 1854 et installé à Londres, Wilde y forge une poétique de l’autonomie de l’art, souvent sous forme dialoguée. La collection commente de manière oblique les débats contemporains sur réalisme, critique, théâtre et histoire, tout en inscrivant l’auteur dans la transition entre l’ère victorienne et les sensibilités modernistes naissantes.
La préface de la collection remplit une fonction d’orientation et de positionnement. Dans la culture imprimée victorienne, la préface était un espace stratégique pour cadrer les intentions et négocier les attentes d’un public composite, instruit par les revues autant que par les salons. Le ton aphoristique et paradoxal de Wilde s’y confirme, héritier d’une tradition d’esprit moraliste tout en la détournant vers l’esthétique. Le livre se présente ainsi comme une intervention méthodique dans les controverses du moment, proposant des dialogues modelés pour le lecteur de périodiques, habitué au croisement de philosophie légère, de critique d’art et de chronique culturelle.
L’arrière-plan doctrinal d’Intentions est l’esthétisme, nourri par la lecture de Walter Pater et l’adage « l’art pour l’art ». Le mouvement s’était affirmé en Angleterre face aux attentes utilitaires et morales. Le procès en diffamation intenté par James McNeill Whistler à John Ruskin (1878) cristallisa l’opposition entre une critique moralisante et la revendication de l’autonomie artistique. La sociabilité des expositions (Grosvenor Gallery, ouverte en 1877), l’héritage préraphaélite et l’essor des arts décoratifs chez William Morris posèrent un cadre au débat. Wilde, critique, conférencier et dandy, y développe une rhétorique où le style et la forme prévalent sur l’édification morale.
La fin du XIXe siècle britannique connaît une urbanisation accélérée, une alphabétisation étendue et une presse massifiée. Le « New Journalism », associé notamment à W. T. Stead, transforme dès les années 1880 les modes d’écriture publique, entre enquête, sensationnalisme et éditorialisme. La figure du critique s’y professionnalise, tandis que la culture de la célébrité s’installe. Parallèlement, l’Empire britannique se dilate, suscitant confiance économique et anxiétés morales. Cette conjoncture confère aux essais de Wilde un rôle polémique précis: déplacer l’autorité culturelle du registre moral et documentariste vers la primauté de la fiction, du style et de l’invention formelle.
Les sciences naturelles et sociales, portées par l’autorité du darwinisme depuis les années 1860, renforcent alors l’attrait pour l’observation, la causalité et les faits. En littérature et théâtre, des courants réaliste et naturaliste, nourris de positivisme, privilégient la représentation précise des milieux et des déterminismes. En France, Émile Zola devient le nom le plus visible de cette orientation; en Angleterre, la critique acclimate ces modèles, parfois en les moraliser. Intentions répond à cette atmosphère en rappelant, par des paradoxes volontaires, que l’art n’est pas une branche des sciences morales ni une annexe de la statistique sociale.
Le Déclin du Mensonge prend pour cible la croyance dans la vérité factuelle comme fin ultime de l’art. En recourant au dialogue, forme classique de l’essai victorien mondain, Wilde met en scène l’idée que « la nature imite l’art » plutôt que l’inverse. Le contexte technologique n’est pas indifférent: la photographie, largement diffusée depuis le milieu du siècle, et les reportages illustrés renforcent l’idéal de l’exactitude. La thèse de l’essai, volontairement provocatrice, oppose à ce culte de la preuve la souveraineté de l’invention, rappelant que les styles et les conventions artistiques façonnent notre perception de la réalité sociale et sensible.
Le théâtre victorien tardif, particulièrement à Londres, offre un laboratoire de ces tensions entre exactitude et imagination. Sous la direction d’Henry Irving, le Lyceum Theatre (à partir de la fin des années 1870) et les performances d’Ellen Terry popularisent une scène attentive au détail visuel et au tableau historique. Costumes « archéologiques » et décors fastueux deviennent des arguments d’autorité. La Vérité des Masques intervient dans ce débat en soutenant l’importance déterminante du costume pour l’illusion dramatique, tout en rappelant, de manière ironique, que la « vérité » scénique est une construction esthétique et non une simple récupération d’objets ou de coupes datées.
Au plan érudit, la seconde moitié du siècle connaît une « industrie » shakespearienne: sociétés savantes, nouvelles éditions, études philologiques. La New Shakspere Society (années 1870-1890) illustre cette historicisation minutieuse des textes et des scènes. Parallèlement, la censure théâtrale exercée par le Lord Chamberlain oblige à négocier entre innovation et convenances. La Vérité des Masques se greffe à ces pratiques en plaidant pour une précision de costume qui n’a de sens qu’au service de l’art. L’essai met ainsi en perspective la vogue de l’authenticité, en la resituant dans l’économie esthétique du jeu, de la convention et de l’illusion.
Le Critique Artiste s’inscrit dans une histoire britannique de la critique allant d’Addison et Johnson à Matthew Arnold. Celui-ci, dans les années 1860, avait défini une fonction civilisatrice de la critique. Or la fin du siècle voit se multiplier périodiques et rubriques spécialisées, où la critique tend à juger, classer et moraliser. Wilde retourne le problème: la critique n’est pas un tribunal mais un acte créateur, une forme d’invention de valeurs. La prospérité de la presse et l’éducation élargie forment le terreau de ce repositionnement, qui transforme l’autorité critique en performance intellectuelle comparable à l’art lui-même.
La forme en deux volets dialogués du Critique Artiste reflète une sociabilité cosmopolite, où circulent idées et traductions entre Londres et Paris. Les débats français autour de Baudelaire, Gautier et, plus tard, du symbolisme (années 1880) proposent un modèle d’autonomie poétique que l’essai adapte au contexte anglais. L’interlocution, située dans un intérieur, mime la conversation cultivée des salons et des clubs. Elle neutralise l’invective polémique en la convertissant en paradoxes polis. Ce dispositif, rendu célèbre par la presse de qualité, permet d’affirmer la créativité de la critique sans rompre avec la politesse publique victorienne.
Plume, Crayon, Poison traite du cas de Thomas Griffiths Wainewright (1794-1847), écrivain et artiste anglais, soupçonné d’empoisonnements mais condamné pour faux et transporté en Tasmanie. La fascination victorienne pour le crime, entretenue par le feuilleton et la chronique judiciaire, fournit un arrière-plan essentiel. L’essor de la police métropolitaine depuis 1829, les prémices de la criminologie (par exemple, la diffusion en Europe des thèses de Cesare Lombroso à partir des années 1870) et les affaires très médiatisées des années 1880 accrurent la curiosité publique. L’essai exploite cette curiosité afin d’examiner, par contraste, l’indépendance du jugement esthétique vis-à-vis de la conduite privée.
En reconstituant la figure de Wainewright, Wilde croise l’histoire du goût et celle de la moralité. Les décennies 1880-1890 voient triompher une culture de collectionneurs, de ventes aux enchères et de galeries, où la valeur artistique circule comme marchandise. Parallèlement, le souvenir du conflit Ruskin-Whistler demeure un point de référence sur la responsabilité éthique de l’artiste. Plume, Crayon, Poison ne fait pas l’apologie du crime; il élabore un paradoxe où l’acuité du regard esthétique peut coexister, problématiquement, avec une vie répréhensible. Cette tension éclaire les débats victoriens sur la séparation — ou non — entre art et caractère.
La trajectoire biographique de Wilde, Irlandais à Londres, ajoute un relief politique discret. Sa mère, Jane Wilde, poétesse nationaliste connue sous le nom de Speranza, incarna la génération de 1848 en Irlande. À partir des années 1880, les projets de Home Rule ravivent les discussions sur identité, autorité et loi. Sans traiter de front la question irlandaise, Intentions assume une position d’outsider lettré dans la capitale impériale. Cette posture contribue à l’ironie vigilante des essais, où l’autorité culturelle dominante est mise à distance, et où la souveraineté de la forme artistique fait contrepoids aux injonctions morales et aux orthodoxies politiques.
Le changement des rôles sociaux, notamment la remise en cause partielle des « sphères séparées » de genre, constitue un autre contexte. Le débat « ibsénite » sur le théâtre d’idées gagne Londres à la fin des années 1880, alimentant des discussions sur le mariage, l’individualité et la liberté. Les dialogues de Wilde, souvent campés dans un intérieur mondain, convoquent ce cadre de conversation mixte, cultivée et performative. La visibilité d’actrices comme Ellen Terry et la place croissante des lectrices dans le public de la presse de qualité intensifient l’attention portée à la parole critique, conçue comme une pratique sociale autant qu’esthétique.
La matérialité de la culture imprimée conditionne fortement la genèse d’Intentions. Les essais furent d’abord publiés, au fil des années 1880 et 1890 naissants, dans des revues telles que The Nineteenth Century, le Fortnightly Review ou des périodiques spécialisés en art et théâtre, avant d’être rassemblés en volume en 1891 par Osgood, McIlvaine and Co. La mise en page élégante, l’accessibilité des bibliothèques de prêt et la diffusion ferroviaire des livres élargissent leur lectorat. Les progrès de l’illustration et de la typographie, conjugués à l’économie des magazines, installent le dialogue en genre prisé et immédiatement reconnaissable.
L’accueil des thèses d’Intentions s’inscrit dans la longue querelle victorienne sur la « moralité » de l’art. L’année précédente, Le Portrait de Dorian Gray (paru d’abord en 1890) avait suscité des polémiques sur l’« influence » de l’esthétique. Sans revenir sur le roman, la collection consolide la position de Wilde en faveur de l’autonomie artistique. Les critiques, sensibles à l’esprit mais parfois rétifs aux paradoxes, discutent alors la portée publique de ces idées. Dans une Grande-Bretagne traversée par des campagnes de tempérance et de « pureté sociale », les essais apparaissent comme une défense rigoureuse — et provocatrice — de la liberté esthétique.
La Vérité des Masques propose, au-delà de la question du costume, une réflexion sur l’archéologie du théâtre et le statut de l’illusion. Les tentatives de « reconstitution » historique sur scène s’accompagnent d’études érudites et d’une marchandisation d’accessoires « authentiques ». L’essai souligne que l’exactitude n’est pas une fin autonome: elle doit être subordonnée à la logique esthétique du drame. Cette position n’ignore pas les progrès des savoirs historiques; elle les réinscrit dans une hiérarchie des fins où le sentiment de la forme, et non la simple accumulation d’indices, définit la réussite scénique et la puissance d’émotion collective.
Texte liminaire qui annonce une défense de l’art affranchi de la morale et du document. Wilde y installe un ton paradoxal et ironique, promettant des dialogues et essais où l’aphorisme sert à renverser les idées reçues sur vérité, nature et critique.
Dialogue où deux interlocuteurs soutiennent que l’invention artistique dépérit sous le règne du réalisme et du factuel. L’essai proclame la primauté de l’imagination, soutient que la vie imite l’art autant que l’inverse, et revendique la stylisation contre la copie. Le ton est joueur et provocateur, multipliant les paradoxes pour revaloriser la fiction.
Portrait critique d’un artiste-écrivain criminel, où la virtuosité esthétique côtoie l’empoisonnement et la duplicité. Wilde y sonde la séduction de l’amoralité, interroge la séparation entre valeur artistique et conduite morale, et lit les œuvres comme indices d’une sensibilité aiguë. Le texte mêle biographie, enquête et esthétisme, avec une ironie sombre.
Long dialogue en deux volets qui érige la critique en art autonome, aussi créatrice que l’objet qu’elle commente. Les interlocuteurs défendent une critique subjective, imaginative et introspective, capable de révéler des potentialités de l’œuvre plutôt que d’en livrer un simple verdict. Le style est celui de la conversation brillante et dialectique, où l’aphorisme devient instrument de pensée.
Essai sur le théâtre et le costume, qui montre comment les apparences scéniques façonnent la perception de la vérité dramatique. Wilde y revendique la précision visuelle et l’artifice comme voies d’accès à l’authenticité esthétique, tout en soulignant la mobilité des principes critiques. Le ton est érudit et théâtral, conjuguant exemples concrets et goût du paradoxe.
De part en part, se dessinent l’autonomie de l’art, la suprématie de l’imagination et le primat de l’artifice sur le document. La forme dialoguée et l’usage systématique du paradoxe permettent d’ébranler le réalisme moral et d’élever la critique au rang de création. L’ensemble compose un manifeste étincelant où l’esprit sert une vision cohérente de l’esthétique.
Je blâme également et ceux qui prennent parti de louer l'homme, et ceux qui le prennent de le blâmer, et ceux qui le prennent de se divertir; et je ne puis approuver que ceux qui cherchent en gémissant.
PASCAL.
En son «De Profundis», harmonieux et dernier sanglot du très pur artiste que fut Wilde, une page semble tenir toutes, concentrées pour un aveu suprême, l'âme et la passion de son auteur.
«Cette Vie Nouvelle—mon amour de Dante me fait lui donner ce nom, parfois—n'est, bien entendu, nullement une nouvelle vie, mais simplement, par voie de développement et d'évolution, la continuation de ma vie antérieure. Je me souviens d'avoir dit, étant à Oxford, à un de mes amis, comme nous flânions dans les allées étroites, hantées d'oiseaux, de Magdalen, un matin de l'année précédant celle où je pris mon degré, que je voulais manger du fruit de tous les arbres du jardin du monde et que j'allais sortir dans le monde avec cette passion dans mon âme. Et ainsi, en vérité, j'allais, ainsi je vécus. Ma seule erreur fut de me confiner si exclusivement aux arbres de ce qui me parut le côté ensoleillé du jardin, et d'éviter l'autre côté à cause de son ombre et de sa mélancolie. L'insuccès, la honte, la pauvreté, la tristesse, le désespoir, la souffrance, même les larmes, les mots brisés qui viennent, dans la douleur, aux lèvres, le remords qui fait marcher sur des épines, la conscience qui condamne, l'abaissement de soi-même qui punit, la misère qui met des cendres sur sa tête, l'angoisse qui choisit un sac pour son vêtement et met du fiel dans son breuvage:—c'était, tout cela, des choses dont j'avais peur. Et comme j'avais résolu de n'en connaître aucune, j'ai été forcé de les goûter toutes, chacune à son tour, de m'en nourrir, de n'avoir, en vérité, pour toute une saison, pas d'autre nourriture.»[1]
Et, plus loin, il dit avoir voulu marcher droit vers l'ombre et, tout enveloppé d'elle, la bouche pleine de la cendre des fruits mauvais qu'il y goûta, il dit que cette saveur et ce parfum de mort sont le complément nécessaire des saveurs et des vivants parfums de sa vie antérieure.
Il se trompait.
Il s'était dépassé le jour où il affronta son destin tragique. Il marcha bien, comme il l'affirme, vers le côté noir du jardin, frémissant peut-être, fier quand même.... mais il croyait que le soleil l'y accompagnerait.... c'est-à-dire qu'il ne cesserait de vivre cette Bios theoretikos qu'il tenait pour le seul idéal.
«De la haute tour de la Pensée, nous pouvons regarder l'univers. Calme, étant à lui-même un centre et complet, le critique esthète contemple la vie, et nulle flèche tirée au hasard ne peut pénétrer entre les joints de son armure.»[2]
On sait quelles flèches l'atteignirent, aiguisées par lui et que le monde empoisonna.
«Ni sa nonchalance, ni la colère envieuse ou hypocrite de ses ennemis, ni la cruauté bourgeoise de la réprobation sociale ne sont la cause profonde de ses maux. Ce fut lui-même qui, après un moment d'horrible angoisse, consentit à son supplice, par une sorte de dédain pour la volonté humaine, par une sorte de respect et de curiosité avide pour les jeux de la destinée. Est-ce de la folie, ce besoin de douleur chez un voluptueux et lorsqu'on a connu tous les plaisirs, de courir au-devant des tortures?»[3].
Le voluptueux n'a pas un tel dessein. Il cherche le plaisir et souscrit d'avance aux conditions que lui posera la vie, non pas même pour les lui donner, mais pour en formuler la promesse. Ne voulant pas avouer sa défaite, il dira que le fiel au fond du verre a le goût suave qu'il cherchait. Alors que certains esprits se satisfont des seules fantasmagories de l'intelligence, le voluptueux veut les réaliser. Il se fait dans son cœur un prestigieux mélange de douleur et de joie, de souffrance et d'extase, mais le monde ignore cette alchimie intime et ne jugeant que sur les faits, coupe au même niveau, du même couteau stupide, la belle fleur étrange et l'herbe mauvaise.
On a dit d'un écrivain célèbre qu'il était un spectacle magnifique. Wilde est un douloureux problème. Il semble qu'il échappe à la critique des lettres pour être réservé à la seule analyse des moralistes, de par le paradoxe même que fut cette volonté d'apparence impérieuse: composer sa vie comme une œuvre d'art.
«Sauf ici et là, dans Intentions et dans ses poèmes, la Geôle de Reading, par exemple, il n'a rien mis de son âme dans ses livres; il voulut même, cela est certain, l'effrayante tragédie qui le brisa. De l'abîme où sa chair gémissait, son esprit se levait pour contempler sa misère; il était le spectateur de son agonie.»[4]
Et c'est pour cela qu'il nous émeut à ce point.
Ceux qui chercheraient dans son œuvre l'écho, si faible soit-il, d'un nouveau message, seraient déçus. L'habileté technique en est indéniable, mais la somptuosité en paraît empruntée. Il n'apporte aucun remède et aucun poison. Il ne nous conduit nulle part, mais on voit bien qu'il alla partout. Il n'est point le compagnon, mais il a connu tous les nôtres. Il s'est assis aux pieds des sages de la Grèce, dans les jardins d'Académus, mais l'eurythmie de leurs gestes évoqués l'a séduit plus que la doctrine. Il a suivi Dante en ses périples infernaux, mais ce qu'il nous redit, après l'effrayant voyage, n'est que le rappel extasié d'un décor.
«J'ai mis, disait-il, tout mon génie dans ma vie, je n'ai mis que mon talent dans mes œuvres[1q].» Infidèle à ce principe savamment déduit dans le livre que nous publions: l'âme entière de l'écrivain s'objectivant dans son œuvre, Shakespeare «laissant les impulsions qui s'agitaient si puissamment en lui réaliser leur énergie non sur le plan inférieur de la vie réelle, mais sur le plan imaginatif de l'art», il confondit l'intensité de la passion avec le calme de la beauté. Esprit d'une rare culture, il ne rendit au toucher de l'art que des accords, vibrants peut-être, mais que d'autres avaient créés. Ce fut un splendide, un incomparable écho. Pour sa musique, il la garda; il vécut frénétiquement et causa de façon divine. Or la postérité ne peut nous juger sur les possibilités qui demeurèrent latentes. Quelque nombreux que soient les témoignages, elle ne peut rendre son arrêt que sur les œuvres ou tout au moins sur les matériaux laissés par l'ouvrier. C'est ce qui rend si précaire la gloire des acteurs. Et aussi la gloire des causeurs. Il ne restera de Mallarmé que quelques vers subtils, inférieurs aux poèmes plus clairs et néanmoins plus profonds de son maître incontesté, Baudelaire. Il ne restera de Wilde qu'une œuvre écrite, inférieure à celle causée.
«Il faut bien dire surtout qu'à notre époque le poète de parole est voué toujours à une déchéance, car il ne se trouve pas avec ses pairs, et pour plaire il lui faut descendre. Nulle concession d'homme de théâtre ou de romancier de feuilleton n'est comparable à celle du causeur de profession. Mallarmé fut perdu par son cénacle et combien le fut davantage Wilde par son entourage faussement spirituel, faussement élégant, faussement poétique de mondains. Shérard nous dit d'abord que ses premiers essais de causeur dans les salons de Paris ne furent pas heureux. Chez Victor Hugo il laissa dormir le vieux poète et d'autres aussi. Alors il entreprit d'étonner. Il y réussit. Mais à quel prix! Lui qui fut l'un des poètes les plus sincèrement épris de poésie et d'art, l'un des hommes les plus passionnés, les plus vibrants, les plus sensibles, il passe pour une sorte de poète artificiel. On connaît de lui ses paradoxes étudiés, ses cinq ou six contes qu'il répétait à tous et on a oublié le charmant rêveur qui s'attendrissait sur toutes choses ...
«Mallarmé a une œuvre très mince, il est vrai, mais qui tout de même existe. Certains vers sont d'une beauté admirable. Wilde n'a rien d'achevé. Son œuvre est très intéressante, parce qu'elle est caractéristique d'un temps; elle a une valeur documentaire, mais elle n'a pas de valeur vraiment littéraire. Dans la Duchesse de Padoue, il imite Hugo et Sardou, dans le Portrait de Dorian Gray, Huysmans. Intentions est le bréviaire du symboliste. Les idées qui s'y trouvent sont dans Mallarmé, dans Villiers de l'Isle-Adam..... Ses poèmes en vers sont inspirés de Swinburne. Ses Poèmes en prose sont ce qu'il y a de plus original dans son œuvre; ils représentent assez la causerie du poète, mais comme ils lui sont inférieurs! Et de fait la causerie est peut-être une forme d'art inférieure à l'écriture. Une pensée fixée est toujours plus belle qu'une pensée ébauchée et la causerie, n'est-ce pas toujours une pensée ébauchée. En tous cas elle est condamnée à périr. Les mots des hommes d'esprit ne leur survivent pas. Citer les mots de Wilde, c'est montrer sous verre une collection de beaux papillons qui ont perdu leur lumière et leur éclat. La causerie n'est pas séparable du geste. Que reste-t-il des causeries des hommes d'esprit célèbres, Scholl, Becque, Barbey d'Aurevilly! Si Chamfort nous a transmis les mots du xviiie siècle, c'est qu'il les a refaits, la plume à la main.»[5]
Cette page de Rebell indique très nettement ce qui fut le charme et la faiblesse de Wilde.
La vie non pas étudiée mais vécue, non pas effleurée des lèvres, mais bue jusqu'à l'ivresse, n'est pas celle de l'artiste parfait et qui doit se survivre. Du moins certains esprits ne sauraient-ils créer sans se cloîtrer et se soumettre à des règles un peu sévères. Wilde, en cette chambre d'hôtel qui devait voir son agonie, se souvint-il, en lisant Balzac à la lumière des bougies, du Maître s'isolant de même et luttant dix-huit heures avec le démon du travail? S'est-il répété cette plainte, que d'aucuns l'entendirent proférer avec tristesse: «Je n'aurais pas dû faire cela ... J'aurais dû mettre du noir sur du blanc, du noir sur du blanc ...»
Il est évident qu'il faut choisir. Le créateur n'a besoin que de peu d'expériences pour analyser la vie, en dissocier les éléments et nous en donner l'essence. Le recul est une condition inéluctable et le renoncement, au moins transitoire, une absolue nécessité. La pensée, pour être libre et féconde, ne va pas sans un certain ascétisme. Il faut bien se résigner à ces lois d'un monde «où l'action n'est pas la sœur du rêve». Ceux qui vivent intensément ne donnent, en leurs essais d'œuvres sincères, que des mensonges sans couleur. Les confessions des passionnés ne sont que les cendres du volcan.
Et Wilde lui-même nous donnera la clef de son erreur et de son mal:
«La vie humaine est la seule chose qui mérite d'être étudiée[2q]. En comparaison d'elle, il n'existe rien qui ait une valeur quelconque. Il est vrai qu'en surveillant la vie dans son curieux creuset de souffrance et de plaisir, on ne peut avoir sur le visage un masque de verre, ni empêcher les vapeurs sulfureuses de troubler le cerveau et de livrer l'imagination enfiévrée à de monstrueuses fantaisies et à des rêves difformes. Il est des poisons si subtils que, pour connaître leurs propriétés, il faut en être intoxiqué. Il est des maladies si étranges qu'il faut les éprouver si l'on cherche à en comprendre la nature. Mais combien grande est la récompense! Combien merveilleux devient tout l'univers! Noter la curieuse, l'âpre logique de la passion et la vie émotionnelle, la vie colorée de l'intellect! Observer le point de leur rencontre et celui de leur séparation, à quel endroit ils sont à l'unisson, à quel autre ils sont en désaccord ... quelle volupté! Qu'importe ce que cela coûte? On ne paye jamais trop cher une sensation!»[6].
Or c'est justement à ce jeu—le mot d'étude est une illusion—que la volonté s'use. Ne rien produire ou n'élaborer que l'artificiel, c'est le dilemme où se voit enfermé celui qui fait de son intelligence un instrument de volupté. C'est pourquoi l'œuvre de Wilde n'est qu'un décor.
«Quand je vis Wilde pour la première fois, il n'avait pas ce renom d'infamie accueilli par tous. Mon sentiment sur lui se modifia plus d'une fois. J'eus d'abord l'enthousiasme qu'éprouvent d'ordinaire les jeunes gens de lettres pour les célébrités littéraires, puis le procès éclata qui me révolta comme une iniquité. Depuis, il me sembla que l'homme du monde faisait tort à l'artiste, que ses œuvres étaient bien légères, que sa vie avait eu peut-être plus d'importance que son œuvre.
«Aujourd'hui, je crois discerner clairement l'homme qu'il fut et qui fut certes extraordinaire. Jamais l'artificiel ne se mêla à un tel point au naturel et à la passion dans un même homme.»[7]
«Il faut que je me dise que je me suis ruiné moi-même et que personne, grand ou petit, ne peut être ruiné que de sa propre main. Je suis prêt à le dire: j'essaie de le dire, encore qu'il se peut qu'on ne le pense pas en ce moment. Je porte sans pitié contre moi-même cette implacable accusation. Si terrible que fût ce que le monde me fit, ce que je me fis à moi-même fut plus terrible encore.
J'étais en rapport symbolique avec l'art et la culture de mon époque. A l'aube de mon âge adulte, je l'avais compris et j'avais, par la suite, forcé mon époque à le comprendre. Peu d'hommes ont, de leur vivant, occupé une position comme la mienne et l'ont autant fait reconnaître. La position d'un homme est habituellement discernée, si elle l'est, par l'historien et le critique, longtemps après que l'homme et son époque ont disparu. Pour moi, ce fut différent. J'en eus le sentiment et je le fis sentir aux autres. Byron fut une figure symbolique, mais en rapport avec la passion et la lassitude passionnelle de son époque. Mon rapport avec mon temps fut plus noble, plus permanent, d'une importance et d'une portée plus grandes.
Les dieux m'avaient presque tout donné. Mais je me laissai leurrer et m'accordai de longues périodes de repos insensé et sensuel. Je m'amusai à faire le flâneur, le dandy, l'homme à la mode. Je m'entourai de petits caractères et d'esprits mesquins. Je devins le prodigue de mon propre génie et j'éprouvai une joie bizarre à gâcher une éternelle jeunesse. Las d'être dans les hauteurs, je descendis délibérément dans les profondeurs, à la recherche de sensations nouvelles. Ce qu'était pour moi le paradoxe dans la sphère de la pensée, la perversité le fut dans la sphère de la passion. Le désir, à la fin, fut une maladie, ou une folie, ou tous les deux. Je devins insouciant de la vie des autres. Je pris mon plaisir où il me plut, et passai. J'oubliai que chaque menue action quotidienne forme ou déforme le caractère et que, par conséquent, ce qu'on a fait dans le secret du cabinet, on devra, quelque jour, le crier sur les toits. Je cessai d'être le maître de moi-même. Je ne fus plus le capitaine de mon âme et je l'ignorai. Je permis au plaisir de me dominer et j'aboutis à une horrible disgrâce. Il ne me reste plus à présent qu'une chose: l'humilité absolue.»[8].
Cet aveu d'une irrémédiable défaite est émouvant, mais d'autres pages le contredisent et pourraient créer un doute sur sa sincérité. Or Wilde fut toujours sincère pour qui sait lire et comprendre.
«Ce fut certainement un homme extraordinaire, d'une originalité três belle, mais qui s'ingénia à cacher ses dons sous un manteau acheté au magasin des nouveautés conventionnelles et à la mode d'un jour»[9].
Ce qui le perdit fut de se figurer qu'il était possible d'user pour de nobles desseins de tout ce qui s'agite dans l'âme humaine. Chacun de nous, en effet, est un peuple d'êtres mystérieux, d'un groupement éphémère, et qui se déchirent en des révolutions intestines. C'est avec ces soldats qui n'obéissent presque jamais ou désertent et se retournent contre nous, qu'il nous faut soutenir les assauts de mille ennemis. Wilde essaya de les connaître tous. Il les crut capables de se plier à l'instinct, si puissant en lui, qui l'orientait, où qu'il allât, vers la Beauté. Cela dura peut-être assez pour le persuader de sa force et le réveil vint trop tard.
Je me suis interdit d'écrire une biographie.
Je ne connais que l'écrivain, et l'homme est trop vivant encore et si blessé! J'ai la dévotion des plaies, et le plus beau rite de cette dévotion est le geste qui voile. C'est pourquoi je cite volontiers ceux qui négligent les accidents et tâchent à nous découvrir l'âme. Cette méditation sur une âme très belle serait donc inutile si je négligeais les témoignages.
Celui de M. Arthur Symons est un des plus précieux.
Dans son volume récent: «Studies in Prose and Verse», il qualifie Wilde un «poète d'attitudes» et très subtilement l'explique.
Lorsque la Ballade de la Geôle de Reading fut publiée, dit-il, il parut à certains qu'un tel retour et qu'une si brusque connaissance de la réalité était précisément le nécessaire pour mettre en rapport avec la vie et l'art un talent extraordinaire, si éloigné des choses de l'expérience commune, fantastiquement seul dans une région d'abstractions intellectuelles. Dans ce poème où un style formé en d'autres plans semble étonné d'être subitement employé à ces nouveaux desseins, nous voyons une grande imagination théâtrale à qui la pitié et la terreur sont venues en personne et non plus comme des marionnettes dans un jeu. D'après ce point de vue, la vie humaine a toujours été quelque chose joué sur une scène, comédie dans laquelle le rôle d'un sage est de s'asseoir et de rire, mais à laquelle il peut aussi prendre part avec dédain, comme sous le masque du carnaval. Mais l'intelligence impartiale et dédaigneuse pour qui la condition humaine n'a jamais été un fardeau en vient maintenant à l'incapacité de s'asseoir à l'écart et de rire; et derrière tant de masques portés et enlevés, elle a vu peu à peu que rien n'a été désirable dans l'illusion. Ayant vu, comme voit l'artiste, plus loin que la moralité, mais avec un coup d'œil assez partial pour l'oublier en route, l'intelligence en est enfin arrivée à découvrir la moralité avec douleur et au prix d'incalculables détresses. Et maintenant, devenue si récemment familière avec ce qui est digne de pitié et ce qui semble injuste dans l'arrangement des affaires humaines, l'intelligence est naturellement allée aux extrêmes et a accepté d'une part l'humanitarisme, de l'autre le réalisme comme ayant une réelle valeur en matière d'art. Singulier instinct de l'intelligence que cette nécessité de porter les choses à leur plus haut point de développement, à être plus logique que la vie ou l'art, deux choses cependant capricieuses et illogiques, où les conclusions ne découlent pas toujours des prémisses ...
Son intelligence était dramatique et tout l'homme était moins une personnalité qu'une attitude ...
C'est précisément dans ces attitudes qu'il était le plus sincère: elles représentaient ses intentions, elles représentaient la meilleure partie de lui-même, la part inachevée. Ainsi son attitude envers la vie et envers l'art ne fut pas atteinte par sa conduite. Ses fières revendications si parfaitement et essentiellement justes, touchant la place que l'artiste doit occuper dans le monde de la pensée, et la beauté dans le monde matériel, ne sont nullement invalidées par son propre échec à créer la beauté pure et à devenir un artiste honnête. Un talent assez ardent et vivace pour être presque du génie le poussait incessamment à l'action, mais à l'action mentale.
...En se figurant, comme il l'a fait, qu'il est possible de connaître avec beaucoup de soin «la qualité morale de nos moments comme ils passent» pour les régler d'après notre idéal d'une manière plus continue et plus consciente que la plupart n'ont jamais essayé de le faire, il a créé pour lui une foule d'âmes, âmes d'un dessin compliqué, d'une couleur travaillée, tissées en une infinité de petites cellules, chacune la demeure d'un étrange parfum, peut-être d'un poison. Chaque âme avait son propre secret et restait séparée de l'âme qui était partie avant elle et de celle qui devait venir après. Et ce montreur d'âmes ne s'apercevait pas toujours qu'il jonglait avec les choses réelles, car pour lui elles n'étaient guère plus que les balles en verres de couleur jetées en l'air par le jongleur qui les rattrape l'une après l'autre. Car les âmes étaient généralement contentes d'être des jouets; de temps à autre elles prenaient une malicieuse revanche et devenaient si réelles que le jongleur lui-même s'en apercevait. Mais lorsqu'elles devenaient trop réelles, il devait continuer à les lancer en l'air et à les rattraper quoique cependant le jeu eût perdu pour lui de son intérêt. Mais comme il restait toujours maître de lui-même, les assistants, le monde ne voyaient pas la différence[10].
