Je t’offrirai une étoile pour faire un vœu - Antoine Zapata - E-Book

Je t’offrirai une étoile pour faire un vœu E-Book

Antoine Zapata

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Beschreibung

« Je pensais et repensais aux paroles dites par mon père lorsque j’étais enfant, ces mots d’encouragement, ces notes écrites, son visage aux réverbérations sépulcrales qui pouvaient laisser envisager un avenir ronflant, adossé au mur de Garcia Lorca. Mon esprit apparaissait alors, enseveli par le plaisir imaginaire d’une réalité non encore décrite. »


À PROPOS DE L'AUTEUR

Amateur d’astronomie et de science-fiction, Antoine Zapata nous offre, avec cet ouvrage, le fruit de plusieurs années passées à écrire des récits riches de ses passions. Je t’offrirai une étoile pour faire un vœu – L’étoffe de Sū P-Cha est son premier livre publié.

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Seitenzahl: 432

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Antoine Zapata

Je t’offrirai une étoile

pour faire un vœu

L’étoffe de Sū P-Cha

Roman

© Lys Bleu Éditions – Antoine Zapata

ISBN :979-10-422-0534-8

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Avant-propos

Supertramp, voilà un nom qui pourrait évoquer bien de choses pour vous.

Pour moi, un groupe légendaire qui a révolutionné le courant musical en rock graduel, un style inimitable qui restera gravé dans mon cœur à jamais et pour toujours. Des mélodies fabuleuses, des mouvements limpides, des rythmes aux fréquences changeantes, mais surtout, des harmonies vocales étincelantes, bref, je suis un vrai fan.

Mais… comment un groupe d’une telle popularité, d’un tel prestige, a pu être présent dans ce roman ?

Nous étions en 2004, j’avais une idée en tête, écrire une histoire fabuleuse sur des explorateurs de l’espace cherchant une planète aux pouvoirs magiques, capable d’exaucer tous les vœux. Evidemment, mes enfants et moi-même étions ces explorateurs.

Afin d’élaborer ce voyage, nous possédions un magnétophone à cassettes, qui nous permettait d’enregistrer, au fur et à mesure, le déroulé de l’histoire.

Pour donner de l’élan à ce récit, je voulais quelque chose d’extraordinaire, quelque chose qui propulserait notre projet vers les étoiles, et c’est à cet instant précis, qu’une musique me parvint d’une manière instantanée : Dreamer.

Dès lors, nous pouvions commencer notre quête aux allures de rêveries enfantines.

Waiting so long [J’attends depuis si longtemps]

J’étais encore dans mes pensées, je progressais lentement sur des chemins intérieurs. Je me demandais si j’allais y arriver, si j’allais atteindre mon objectif.

Toutes ces années à écrire, sans aucun résultat. Tous ces mots, ces phrases, ces variations qui donnaient un sens à ma vie, allaient-elles enfin rejoindre les lieux sacrés dédiés aux écrivains ? Je ne le savais pas.

Je pensais et repensais aux paroles dites par mon père lorsque j’étais enfant, ces mots d’encouragement, ces notes écrites, son visage aux réverbérations sépulcrales qui pouvaient laisser envisager un avenir ronflant, adossé au mur de Garcia Lorca. Mon esprit apparaissait alors enseveli par le plaisir imaginaire d’une réalité non encore décrite.

Je remémorais mon parcours, celui-là même qui me donnait tant d’insatisfaction.

Aux rencontres qui auraient pu être cruciales, aux déceptions, aux vaines promesses. Aux frémissements sucrés, dénués de tout sentiment. J’attendais depuis si longtemps. J’aurais voulu croire qu’il fut une image quelque part, cheminant confusément, immobile, jaillissant de l’obscurité et réveillant en moi, l’esprit conquérant. Mais encore une fois, rien ne se passa.

Mais l’heure était au renouveau. Je devais me ressaisir, oublier les mauvais choix, et reprendre mes vieilles habitudes. Écrire. De toute façon, je ne savais rien faire d’autre. Alors, pourquoi s’en faire ?

J’avais des idées, de bonnes idées, de très bonnes idées, maintenant restait à les mettre en forme. Mes enfants seraient en première ligne. Oui, je l’avais décidé ainsi. Ils joueraient un rôle essentiel, primordial. Par quoi allais-je commencer ?

Comme dirait Shakespeare, là était la question.

Je regardais l’écran de mon ordinateur et sentais comme une impatience monter en moi. Je caressais mon clavier, mais hélas, rien ne venait. Puis, soudain, mon index montra le chemin. Il était temps.

La douceur des mots évoquait un état engageant, discret, conditionné. Le terrain semblait propice à une histoire atypique, voire surnaturelle.

À ce stade, j’ignorais complètement la teneur du parcours. Puis, je pensais à mon fils, à cette envie d’aller vers des contrées lointaines. Je levais mes yeux, comme pour essayer de suivre une idée passagère ; le magnétisme bouleversant d’une vision fit jaillir un contenu débordant d’énergie. Il s’agissait d’une nébuleuse, source de nouvelles étoiles. Je ne le savais pas encore, mais de ce chaos, allait émerger le début d’une belle aventure.

Les spires de poussière sombre qui encerclaient ce cœur flamboyant faisaient ressortir les teintes bleues, contrastant nettement avec la faible lueur rouge orangé qu’arboraient les filaments de poussière cosmique. J’étais envoûté.

À ce moment précis, le doute me submergea, allais-je avoir ce que je désirais ?

Je regardais les photos de mes enfants en souriant, la forme de leurs visages agissait en moi en une sorte d’assemblage aux substances divines. J’étreignais l’envie soudaine de conquérir l’espace vernissé qui semblait suivre un filet noctulescent. Le message était devant moi.

Je redressais mon dos, prenait une inspiration et juste à cet instant, ma fille posa son visage sur mon bras et dit :

— Qu’est-ce que t’écris, papa ? Et comment ils font tes doigts pour deviner où sont les lettres ? Ils ont des yeux ? Eh ben, moi j’en ai pas sur mes doigts. Hi ! Hi !

Je regardais ma fille avec tendresse et répondais :

— Tu sais que je suis un magicien et mes doigts savent où aller… Et si tu me laisses un peu de temps, je pourrais commencer cette histoire.

Elle recula d’un pas, essuya son nez avec le dos de sa main et ajouta :

— Et j’y serais dans cette histoire ? Hi ! Hi !

— Oui, dis-je en lui faisant un large sourire.

— Et Gabriel aussi ? demanda-t-elle en remontant ses joues.

— Oui, répondis-je en lui caressant ses cheveux.

— Et minette ?

— Oui, continuai-je en soupirant, bon, maintenant il faut aller jouer, ma chérie.

À cet instant précis, je me sentais libre, libre de commencer et d’explorer ce monde que je ne connaissais pas encore.

Chapitre 1

Oloron St Marie,

24 décembre 2004

La soirée que nous venions de passer était une soirée mémorable, chargée de rires, de chants et de merveilleuses folies entrecoupées d’espiègleries enfantines.

La période de Noël était en soi, un évènement que nous attendions avec impatience chaque année. À minuit, comme d’accoutumer, nous guettions la venue du Père Noël pour procéder à la distribution de cadeaux.

Pour l’occasion, mes enfants étaient dans leurs chambres attendant l’évènement.

Après un long moment de préparation, je m’approchais du couloir et m’écriais d’une voix emplie d’enthousiasme :

— Le Père Noël est passé ! Le Père Noël est passé !

À l’image d’une tornade, mes enfants s’élancèrent en direction du salon.

J’avais l’impression d’assister à un concours de vitesse, où celui qui arriverait le premier gagnerait tous les présents.

Sacha fut la première à se jeter sous le sapin, au risque de tout faire tomber. Elle repoussa les guirlandes qui obstruaient le passage, saisit le cadeau et s’écria en postillonnant :

— C’est pour toi Gabriel… il y a ton prénom ! Hi ! Hi ! Hi !

À ce moment précis, son visage était recouvert de traces collantes, aux couleurs improbables, de bonbons acidulés. Ces grosses joues remontèrent d’un seul coup, en obligeant ses yeux à se refermer. De son côté, Gabriel fléchit ses jambes comme le ferait une sauterelle, saisit le paquet à pleine main et dit d’une voix ardente :

— Euh… C’est ce que je voulais, un microscope ! Super ! Hi ! Hi !

Il fit un clin d’œil à sa sœur, me sourit, se leva et commença à courir derrière une mouche pour essayer de l’attraper et l’examiner de plus près.

Sacha, à quatre pattes, tête basse, continuait à fouiller. On aurait dit, un lapin creusant un terrier. Soudainement, elle leva sa tête, prit un bonbon en chocolat qui était accroché au sapin et l’avala d’un seul coup. Son visage à cet instant exprimait l’impatience et la gaieté. Elle regarda son frère du coin de l’œil et dit en crachotant :

— Et… y’en a encore un autre ! dit-elle en lui jetant un bonbon sur la tête.

Juste à cet instant, le visage de Gabriel s’éclaircit en faisant ressortir le contour de son front. Sa minceur naturelle offrait une apparence souple et légère. Il s’accroupit en remontant son pyjama jusqu’aux genoux et répondit :

— Super ! s’exclama-t-il, un ordinateur ! Hi ! Hi ! Je vais pouvoir rentrer en contact avec les extra-terrestres ! Hi ! Hi ! Avec le Capitaine Kirk, Spock… et Stephen Hawking ! Hi ! Hi ! Et Einstein… Et le Capitaine Flam… Bon, là… Euh… je ne sais pas trop. On verra. Hi ! Hi !

Sacha essuya ses mains sur ses fesses, regarda son frère avec de grands yeux emplis d’admiration, mais ne s’attarda pas à lui répondre et préféra continuer à déchirer un paquet immense se trouvant sur le côté. Elle s’arrêta d’un coup et hurla :

— Une poupée géante ! Ouaiii ! Hi ! Hi ! Je vais l’appeler Lola. Elle se leva, la dévisagea longuement et dit d’une voix de surprise : tu as vu papa, eh ben, elle est aussi grande que moi.

Je regardais ma fille avec des yeux doux chargés d’un amour intense ; à ce moment précis, je la trouvais extrêmement belle. Cette façon de rire, de sourire, de dire des choses décousues me faisait perdre le sens des réalités. C’est là que je répondis :

— Le Père Noël savait que tu serais contente, dis-je en lui caressant ses cheveux bruns, il a vu aussi, que tu avais beaucoup grandi.

Sacha tira sa robe blanche vers le bas, exécuta une pointe sur ses pieds, puis fit un cercle comme le ferait une danseuse et ajouta en riant :

— Ouaiii… J’ai trop grandi. Hi ! Hi ! Et… je suis trop belle avec ma robe.

Sur le visage de mes enfants se lisait l’emballement, mêlé d’une allégresse infinie. Je trouvais ce moment particulièrement touchant.

À mon tour, je pris un paquet où était écrit mon prénom, avec une certaine impatience, je défaisais le papier.

— Waouh ! m’écriai-je, c’est le dernier album de Supertramp ! Sans attendre, j’ouvrais le compact disque et l’insérais dans mon ordinateur. Je levais les bras et m’exclamais : écoutez cette musique, elle est géniale !

Je fermais les yeux et bougeais en me balançant de droite à gauche.

Mes enfants me regardaient en riant et dansant constamment. Après quelques longues minutes, Gabriel se pencha vers l’avant et ajouta en montrant du doigt :

— Et c’est quoi ce paquet papa ?

Je rouvrais mes yeux, tendais le cou et au rythme de la musique, je répondais en secouant la tête :

— Ben… ouvre-le.

Il bougea ses bras rapidement, les tendit et d’un coup sec, déchira le papier. Il me regarda, regarda sa petite sœur et d’une voix pressée, s’exclama :

— À ouai… un micro avec un magnétophone ! Hi ! Hi ! Hi ! Il monta sur la table du salon et s’écria : Allo ! Allo ! Ici la Lune, Hi ! Hi ! Je suis un cosmonaute… euh… Le chanteur de Supertramp ! La, la, la…

Sacha grimpa à son tour, poussa son frère du coude, prit le micro et ajouta avec une voix pleine de vie :

— Ici la Lune… euh… Hi ! Hi ! Y’a plein d’étoiles autour et une pizza géante ! Hi ! Hi ! Avec des olives, de la tomate, des anchois… euh… du sel, du poivre… Hi ! Hi !

Je regardais mes enfants comme un peintre disposé à commencer une œuvre ; un artiste empreint d’une sensibilité heureuse et ne souffrant d’aucun vertige.

Sous la lumière du salon, j’imaginais déjà un prélude contenu, stylisant une requête profonde. À cet instant précis, je me dis à moi-même qu’il y avait sûrement quelque chose à faire avec tout ceci. Enregistrer une chanson, une pièce de théâtre, faire de la poésie, des scènes amusantes, que savais-je, avec mes enfants, tout était possible.

Je fermais mes yeux à nouveau et profitais de ce moment pour bouger au rythme de « Easy does it[Vas-y cool !] ».

Était-ce un signe du destin ? Une coïncidence ? Toujours est-il, que j’étais en phase avec les paroles de cette chanson, j’étais le seul capable de scénariser les rêves qui étaient en moi, le seul à pouvoir faire vivre le souffle du vent.

Au même moment, mes enfants continuaient à s’amuser avec le micro en laissant derrière tous les autres jouets. Il était une heure du matin, lorsque je décidais de les envoyer au lit.

— Allez ! Au dodo ! m’exclamai-je d’une voix enrouée, demain vous aurez tout le temps pour jouer. En plus, vous êtes en vacances !

Gabriel remonta d’un seul coup son pyjama bleu ; son corps longiligne, faisait penser aux sculptures de Giacometti, une silhouette mince, évoquant des figures lointaines, presque cachées. Il leva ses bras et commença à les agiter comme le ferait une libellule au printemps. Puis, il courut en direction de sa chambre. À le voir faire, on aurait dit qu’elle se trouvait à un kilomètre de distance.

Sacha, plus sage, prit sa poupée Lola par la main et la dirigea dans sa belle demeure. Oui, la chambre de Sacha ressemblait à une maison de poupée, tout y était : rideaux à fleurs, posters de princesse, lustre de cristal… Elle retira le voile de son lit en baldaquin, plia la couette rose et coucha sa poupée à ses côtés.

— Bonne nuit Lola, dit-elle en lui caressant les cheveux, fais de beaux rêves.

Puis elle s’allongea au côté de sa nouvelle amie et ferma ses yeux.

À ce moment précis, j’étais assez fatigué. Je m’assis lourdement sur le canapé, pris les écouteurs qui se trouvaient à mes côtés, les plaçais sur mes oreilles et branchais le lecteur de disque. Je fermais mes paupières.

« C’est le bon, me dis-je à moi-même. Superbe chanson. C’est le bon. C’est trop bon ! Comment j’aimerais discuter avec eux, avec ce groupe, avec ces chanteurs, les voir pour de vrai. J’adore Supertramp. »

Cette chanson reprenait l’histoire d’un jeune homme qui ne savait rien faire d’autre que de jouer de la musique, composer des chansons, se demandant chaque jour ce que la société voulait bien faire de lui.

Il ne comprenait pas pourquoi on ne le laissait pas tranquille, il ne comprenait pas pourquoi le monde qui l’entourait était contre lui. Son cœur était si bon, si joyeux, si doux, que seule la poésie pouvait l’atteindre.

C’est à ce moment, que je m’endormais en laissant la voix de Roger Hodgson envahir mon âme.

Dans mon sommeil, je pouvais voir les galaxies lointaines, les étoiles, les planètes en grand nombre. Je pouvais toucher du bout de mes doigts les contours brillants d’une étoile filante. Je flottais littéralement, dans cet univers féérique à l’image d’une plume dans le vent. La Terre au loin, laissait entrevoir des reflets chatoyants, une déclinaison de couleurs qui me laissait ravi. J’étais heureux.

Au petit matin

25 décembre 2004

J’ouvrais les yeux lentement, j’étais encore dans mon rêve. Les étoiles sur le plafond poussiéreux semblaient escorter une araignée plaintive, je souriais.

Le salon, où je me trouvais, me paraissait exceptionnellement petit, je tendais le bras inconsciemment, mes doigts gourds essayaient tant bien que mal de toucher le mur d’en face. À cet instant précis, je me sentais calme et détendu, mon corps tout entier profitait de l’occasion pour s’étirer à l’image d’un chat au petit jour.

« Sacré rêve, me dis-je à moi-même. P’tain… si je pouvais aller dans l’espace, ça serait le top. Comment ça doit être beau en vrai. »

Je me redressais lentement, me levais et m’étirais encore une fois.

J’avançais un peu, revenais sur mes pas et m’asseyais de nouveau sur le canapé.

Je repensais à ce rêve, ces images toutes aussi belles les unes que les autres, à ce groupe, à cette voix magnifique, à cette musique.

Au bout de quelques minutes, je regardais tout autour de moi en écarquillant les yeux. On aurait dit que je me trouvais face à un champ de bataille.

Il y avait des papiers partout, des jouets, des bonbons, des gâteaux… Tout ceci, était le signe évident d’une vie terrestre, d’une vie dont mes enfants avaient le secret.

Au moment même, où je décidais de ranger ce capharnaüm, mon regard fut attiré par le lecteur de cassettes.

« Mm… Et si, j’inventais une histoire avec mes enfants, me dis-je intérieurement. Une histoire sur les étoiles, quelque chose de féérique, de surnaturel. Ils pourraient être, par exemple, des explorateurs voguant dans l’espace, à la recherche d’une planète. Une planète qui pourrait exaucer tous les vœux. Je redressais mon cou et d’une expression de surprise, j’ajoutais : À oui, ça serait pas mal ça ! »

Aussi loin que je pouvais me rappeler, j’avais toujours envisagé la lumière de l’infini comme seul point de repère. Un tumulte grandissant, voguant dans un silence profond.

Je m’étais toujours laissé porter par le cœur reconnaissant de l’absolu, en me laissant imprégner par l’ineffable murmure du silence, cette joie éternelle aux reflets changeants, figeant mon âme en arc-en-ciel. C’est alors que je ne voyais et ne pensais qu’à mes enfants, mes étoiles, mon objectif à atteindre.

Ils brillaient totalement et intensément dans mon cœur. Je me surprenais à sourire, puis à pleurer, non pas de tristesse, mais bien au contraire, d’une allégresse sans pareil, indéfinissable. Un amour qui ne trouvait pas de mot pour exprimer ce qu’il ressentait. À ce moment-là, mes larmes se métamorphosaient en une sorte de monde secret où vivaient des êtres souriants et joyeux. Ce monde-là était celui de mes enfants. Un monde où tout était possible.

C’est à instant que je commençais à réfléchir sur la construction de mon projet, de notre projet. Je voulais tout prévoir, tout calculer, tout mesurer. Enfin, si cela était possible. J’étais impatient de le mettre sur pieds. Mais avant, il me manquait le plus important : Sacha et Gabriel.

Sans attendre, j’avançais à pas feutrés, en direction de la chambre de mon fils dans l’intention de le réveiller. Je poussais la porte et là, qu’elle ne fut ma surprise de voir Sacha sur son lit.

— Mais… vous êtes réveillés ?! m’exclamai-je en riant.

Ma fille, déjà habillée, se mit à genoux.

— Ouiii ! s’écria Sacha, je suis venu voir Gabriel pour aller jouer.

Gabriel poussa sa petite sœur sur le côté et répondit :

— Alors, dit-il en se frottant les yeux, elle m’a réveillé, alors, que je faisais un rêve… euh… où j’étais Superman ! Hi ! Hi ! Elle fait tout le temps pareil… elle est un peu… euh… voilà.

— Non, c’est même pas vrai ! s’écria Sacha. C’est Superman qui est venu me réveiller… quand je dormais avec Lola. Hi ! Hi ! Et toi, tu dormais sur le canapé et tu ne l’as même pas vu.

Je levais mes bras en signe de paix et je dis ceci :

— Bon… Bon, aujourd’hui est un grand jour ! m’exclamai-je en augmentant les traits de mon visage. Nous allons bientôt quitter notre maison pour aller très loin, là-haut vers le ciel. Je remontais le pantalon de mon pyjama en imitant le Capitaine Kirk et continuais : Êtes-vous prêts à faire ce grand voyage avec moi ?

Les enfants ouvrirent les yeux en grand, se levèrent d’un coup et commencèrent une danse faisant penser aux Indiens d’Amérique. Ils se jetèrent littéralement sur moi. Ils semblaient être fous de joie.

— Ouuuuiiiii !

— Ouuuuiiiii !

Gabriel expira profondément et déjà essayait de savoir où je voulais aller.

Ses yeux exprimaient la curiosité, mais aussi une certaine inquiétude. Je pouvais lire sur son visage la responsabilité qu’il s’imposait vis-à-vis de sa petite sœur Sacha. Allait-elle pouvoir résister au voyage ? Comment pourrait-il la protéger si l’on se faisait agresser ? Il s’approcha de moi et me dit en chuchotant :

— Sacha vient avec nous, papa ? Non, parce qu’elle est petite.

Il fronça les sourcils, sauta sur place et se mit à courir de long en large comme si, lui-même était poursuivi par des êtres invisibles. À cet instant, un rire soudain jaillit du fond de ma gorge. J’agrippais, de toutes mes forces, mon petit garçon et lui fit un gros câlin. Sacha qui ne voulait pas rester derrière vint pour recevoir la part du butin.

— Et moi ? demanda-t-elle. Papa et moi ?!

— Oui ! Toi aussi, viens. Je t’aime ma petite. Suivez-moi ! dis-je comme le ferait un chef de troupe. Venez avec moi sur le canapé.

Le salon était disposé de telle manière qu’il était facile de voir chaque partie de la pièce. Les murs ornés de papier peint, aux fleurs immenses, laissaient entendre qu’il s’agissait d’une vieille maison.

Je m’asseyais en tailleur sur le divan rouge et redressais mon dos.

Les enfants à leur tour, s’installèrent cérémonieusement auprès de moi. Je pouvais sentir dans leurs comportements, une certaine appréhension, comme s’ils étaient en présence de leurs maîtres d’école. Ils me souriaient sans relâche. De temps à autre, ils éclataient de rire en mettant leurs mains devant la bouche et reprenaient leurs sérieux en se donnant des coups de coude.

Je prenais le micro à pleine main et le branchais au magnétophone. Je redressais mes épaules et commençais à parler comme un journaliste :

— Bien ! m’écriai-je en souriant, nous allons faire un grand voyage vers les étoiles et je voudrai savoir ce que l’on doit amener. Car nous partons pour très longtemps. Je fixais les enfants d’une manière réjouie et continuais : tout d’abord, dis-je en regardant Sacha dans les yeux, quel âge avez-vous ?

Sacha recula sur le canapé tant la surprise était grande, elle se demandait pourquoi je la vouvoyais, pourquoi je lui posais cette question, alors que je connaissais déjà la réponse. Elle écarquilla ses yeux, coiffa ses cheveux, ouvrit la bouche pour répondre et juste à cet instant précis, Gabriel répondit à sa place, sur un ton cérémonieux :

— Huit ans et cinq ans.

Je tournais mon visage face à lui et ajoutais d’une voix emplie de bienveillance :

— Laisse répondre ta petite sœur, sinon, on ne va pas y arriver. Je me retournais de nouveau en direction de ma fille et lui dis : bien… que doit-on amener pour ce voyage ?

Sacha grossit ses joues comme si je lui avais posé une question extrêmement compliquée, entrouvrit sa bouche et laissa échapper sa langue. Puis, elle croisa ses mains sur ses genoux et attendit quelques instants.

À ce moment, les enfants se regardèrent longuement en grossissant leurs yeux comme de gros ballons en fronçant les sourcils. À cet instant, voyant que sa petite sœur ne savait pas répondre, Gabriel répliqua en se tenant droit :

— Pour faire un voyage dans les étoiles ? répéta-t-il comme pour s’assurer d’avoir bien compris la question.

Je m’amusais déjà de connaître sa réponse, j’avais envie de rire.

— Oui, répondis-je en le fixant droit dans les yeux. Pour faire un voyage dans les étoiles.

Il se leva et continua à l’image de quelqu’un qui savait réellement où il allait, ses bras battaient l’air à l’identique d’un colibri :

— Il ouvrit sa main et commença à compter sur ses doigts : un vaisseau spatial, euh, une fusée… Hi ! Hi !

J’approchais le micro de ma bouche pour bien me faire entendre :

— Et quoi d’autre ?

Il se gratta la tête, leva les yeux vers le haut et ajouta :

— De la nourriture…

Du haut de ces cinq ans, Sacha à ces derniers mots, leva les yeux vers le plafond, en expirant profondément. La nourriture semblait être un élément important qui ne devait être, sous aucun prétexte, mis de côté. Elle fit un grand sourire et attendit avec impatience la suite des explications. J’approchais le micro de ma bouche et continuais :

— Et qu’est-ce que l’on amène comme nourriture ? demandai-je en grandissant mes yeux.

Je pouvais sentir dans l’expression générale de ma fille, une envie pressante de répondre à la place de son frère. Elle savait déjà et d’une manière certaine, ce qu’il fallait ne pas oublier. Elle leva le doigt pour répondre, mais Gabriel, comme dans ses habitudes, lui abaissa le bras d’un seul coup.

— Tout ce qu’il faut pour bien manger ! Il fixa sa sœur d’un air hautain, comme s’il s’agit d’une épreuve qu’il ne fallait pas rater.

Je repoussais Gabriel en arrière, de façon qu’il ne se mette pas devant sa petite sœur et répondais :

— Oui, mais quoi ? insistai-je. Qu’est-ce que l’on amène ? Car là où l’on va, c’est très, très loin.

Gabriel s’assit d’un seul coup et répondit en comptant sur ses doigts :

— Beaucoup d’oignons, beaucoup de persils, euh… beaucoup de salade, beaucoup de tomates, beaucoup de noix, beaucoup de noisettes, euh… beaucoup de fruits, beaucoup de yaourts, beaucoup de fromage, beaucoup de café au lait, beaucoup de chocolat au lait… Hi ! Hi !

Sacha me fixa d’une expression désespérée, se leva d’un seul coup et courut pour aller chercher sa poupée. À son retour, elle s’assit et plaça Lola à ses côtés. Après l’avoir habillée, elle ajouta presque sans y croire :

— … Et des céréales et du Nutella et du pain avec du beurre, euh… de la confiture, des bonbons, euh… ? Hi ! Hi !

Je lui caressais le visage et lui fis un bisou sur la joue, puis je continuais sur le même ton :

— Et bien dis donc, ça fait beaucoup de choses tout ça… Et comme habits, qu’est-ce qu’on amène ?

Gabriel continua, presque en ne respirant pas :

— Beaucoup d’habits, beaucoup de débardeurs, de tee-shirts, euh… Hi ! Hi !

Je fixais mon garçon dans les yeux et ajoutais d’une voix amicale :

— Oui, euh, ha ! ha ! Tu dis beaucoup, beaucoup, beaucoup… ça fait beaucoup de choses, là. Bon, qu’est-ce que j’allais dire : on va très loin et… Juste où j’allais continuer mes explications, Gabriel se leva d’un seul coup, tendit ses bras et commença à battre l’air comme s’il désirait s’envoler. Puis, il se mit à courir dans tous les sens. Viens ici ! m’exclamai-je en riant. Viens là, je n’ai pas fini ! Gabriel s’assit en bousculant sa sœur. Bon… on va très loin et sur la route si on rencontre des méchants, qu’est-ce qu’on fait ?

Sacha fixa son frère avec de grands yeux ronds en ne sachant pas quoi répondre, puis elle se mit à rire comme pour s’excuser. Gabriel arriva à son secours et répliqua sans aucune hésitation :

— Ben on met des missiles sur le vaisseau et on commence à tirer.

À cet instant précis, j’aurais souhaité que mon fils me propose autre chose qu’une alternative militaire, j’aurais voulu qu’il imagine quelque chose de fantastique, de magique, d’étrange, dont les enfants ont le secret. Mais, il n’en fit rien. Il se comporta comme un homme responsable voulant à tout prix faire régner l’ordre.

— Et quel genre de missile ? demandai-je avec grande curiosité.

Mon fils me regarda d’un air désabusé, il ne comprenait pas pourquoi je posais ce genre de question. Il me fixa en bougeant ses mains dans tous les sens et dit :

— Ben… des mitraillettes, des missiles triple feux, euh, missile tout seul, euh, bazooka… fléchettes, frondes… Hi ! Hi !

À ce moment-là, je commençais à sourire, j’avais presque les larmes aux yeux.

Je préférais déjà cette façon de voir les choses, du tout et du n’importe quoi. J’aimais mes enfants pour ce qu’ils étaient : des enfants. Et pour rien au monde, j’aurais voulu que cela soit autrement. Cette naïveté, cette pureté, que j’avais perdues depuis bien longtemps et que je retrouvais à chaque fois qu’ils étaient devant moi. À cet instant, j’étais le plus heureux des papas.

— … Et avec ça, continuai-je, on va pouvoir gagner contre des extra-terrestres si on en rencontre ?

Voyant que je n’étais pas tout à fait satisfait de sa réponse, Gabriel continua sur la lancée :

— Il y aura aussi des grenades, des bombes, euh, dynamites, des canons…

Sacha me regarda d’une expression de surprise, de fierté aussi, car son grand frère savait beaucoup de choses, elle me sourit comme pour me dire de continuer.

— Bien, dis-je, ça c’est pour le voyage et donc…

Gabriel me coupa la parole pour ajouter à ses propositions d’autres éléments :

— Un poisson, un chien, une télévision…

Je posais ma main sur son épaule comme pour lui faire comprendre de calmer ses ardeurs, je lui caressais affectueusement les cheveux et lui demandais :

— Et la télévision… tu crois qu’elle va être utile ?

Il haussa les épaules en levant le front, il semblait que j’avais dit une grosse bêtise. Il tourna son visage en direction de sa sœur et répondit d’une voix qui laissait peu de place à l’improvisation :

— Ben oui… pour pas qu’on s’ennuie. Hi ! Hi !

Je m’approchais de lui et continuais sur un ton d’amusement :

— Depuis la Terre ?

Gabriel répondit sans aucune hésitation :

— Ben, oui. Hi ! Hi !

Je levais les yeux au plafond en riant, la bouche grande ouverte.

— … Ah ouais ! Ha ! Ha ! Et qu’est-ce qu’on va voir depuis la Terre ?

Il secoua ses bras à plusieurs reprises, se leva et s’assit aussitôt pour répondre :

— On va brancher la télé jusqu’à la prise de la maison et on pourra voir les informations.

Je comprenais pourquoi il répondait ceci, car en fait, après le dîner, le premier réflexe que j’avais était de regarder les informations pour connaître l’état de notre pays. Mais cela ne pouvait pas expliquer comment allaient-ils pouvoir regarder la télévision depuis la Terre. J’attendais donc avec impatience des éclaircissements.

— Bien, dis-je en me frottant les yeux, tout ceci est le commencement…

Juste à cet instant, au moment même où j’allais poursuivre mon idée, Sacha nous quitta rapidement pour aller aux toilettes. Comme elle ne voulait pas perdre une seule miette de ce que l’on disait, elle cria du bout du couloir :

— Attendez-moi !

Je profitais de l’occasion pour réfléchir à la suite à donner à cette histoire, je me demandais où je voulais aller, ce que je voulais dire, ce que je voulais faire, je ne le savais pas encore. Gabriel me regardait sans rien dire, lui aussi était dans son monde. Après quelques minutes, la chasse d’eau se déclencha et Gabriel ajouta d’un air amusé :

— Mademoiselle arrive… elle se lave les mains.

Je me levais, m’avançais vers Sacha et lui demandais d’une voix douce :

— Alors, ma petite… tu veux venir aux étoiles avec nous ?

Elle s’assit au côté de son frère en levant sa robe blanche avec des fleurs jaunes et répondit d’une voix de joie intense :

— Oui ! Elle se tourna face à sa poupée et demanda : et toi aussi tu veux venir avec nous ? Hi ! Hi ! Elle tourna son visage face au mien et ajouta : Tu as vu papa, Lola vient aussi !

— Pfff… Lola, dit Gabriel sur un ton désabusé, il manquait plus que ça. Hi ! Hi ! euh… Il n’y aura pas de place pour quatre…

Il fit une grimace pour confirmer ce qu’il disait. Sacha fronça les sourcils et répondit :

— Si, il y a de la place !

— Non, il n’y en a pas, rétorqua Gabriel, en étant sûr de lui.

— Siii ! s’exclama-t-elle d’une voix de révolte.

— Non, insista Gabriel.

À ce moment-là, Sacha me regarda et s’écria presque en pleurant :

— Papa ! Gabriel dit qu’il n’y aura pas de place pour Lola !

À ce moment, j’avais envie de rire, la gorge nouée, je dis :

— Arrêtez tous les deux ! m’exclamai-je en m’asseyant, Gabriel cesse de faire râler ta sœur ! Je reprenais le micro, allumais le magnétophone et demandais ceci :

— Et qu’est-ce qu’on va voir dans les étoiles ?

Sacha posa ses coudes sur les genoux, regarda Lola et commença à réfléchir :

— … Euh, euh, euh… On va voir des étoiles filantes.

Je lui caressais le haut de son crâne avec le plat de la main et poursuivais d’une voix suave :

— Et qu’est-ce qu’il y a dans les étoiles filantes ?

Elle me sourit et laissa apparaître une bouche édentée.

— Je ne sais pas.

Je fis un clin d’œil à son frère et continuais :

— Et bien, essaie de savoir dis-je en souriant… qu’est-ce qu’il peut y avoir dans l’étoile filante ?

Elle respira profondément, je sentais bien qu’elle essayait de répondre à ma question, ses yeux allaient et venaient dans tous les sens.

— Euh… Elle est brillante et toute jaune, dit-elle en soupirant.

Je lui fis un baiser sur la joue et demandais :

— Toute jaune et brillante ? Et elle va où l’étoile filante ?

Sacha prit son souffle et répondit d’une expression désabusée :

— Euh, je ne sais pas. Peut-être qu’elle va voir le Père Noël ?

Je lui lançais un sourire en coin et répondais sans attendre :

— Oui, tu dis le Père Noël, parce qu’on est en décembre, mais en été, où elle va ?

Sacha fixa son frère comme si elle attendait de l’aide de sa part, puis tira sa robe vers le bas et dit :

— En Soleil et puis la nuit, elle se transforme en Lune.

Je trouvais que ma fille avait beaucoup d’imagination, cette façon de voir les choses me plaisait beaucoup. Je répondais ceci :

— L’étoile filante se transforme en Soleil et le Soleil se transforme en Lune ? Et pour quoi faire ?

Sacha regarda Gabriel, comme si elle voulait lui prouver qu’elle savait beaucoup de choses aussi. Elle poursuivit sur un ton hésitant :

— Le Soleil se couche et l’étoile filante est dans le ciel, très, très loin dans le ciel.

Je levais ma main comme pour lui montrer la trajectoire.

— Et nous si on y va, on va en direction de l’étoile filante ?

Sacha sourit et répondit en tendant le bras :

— Oui, nous on peut aller avec le traîneau du Père Noël, le Père Noël sera là et les rennes aussi et les lutins aussi.

Je désignais le sapin de Noël en exposition devant la cheminée et répondais sur un ton joyeux :

— Oui… ça, c’est bon parce qu’on est en décembre, mais en été comment on fait ?

Juste à cet instant, une lumière aveuglante jaillit du mur qui était en face de nous, je levais mes bras comme si je voulais me protéger de quelque chose. Les enfants me fixèrent d’une expression d’étonnement, puis croyant que je faisais le pitre, commencèrent à rire. Je me levais d’un seul coup et dis ceci : Vous avez vu !? haletai-je d’une voix qui pourrait exprimer un sentiment de crainte. Je montrais du doigt l’endroit exact. Vous avez vu ?

Gabriel se leva à son tour, examina le mur et répondit :

— Quoi papa ?

L’expression générale de mon garçon s’apparentait à celle d’un petit chien fuyant les coups de bâtons, je pouvais ressentir la peur. Je m’approchais de la tapisserie et répétais d’une voix tremblante :

— … Là… Il y a une lumière blanche qui a jailli du mur… de là ! Vous ne l’avez pas vu ? C’est quoi cette affaire ?! Je m’approchais encore plus, palpais l’endroit exact du flux lumineux et m’écriais : c’est quoi ce bordel ?!

Sacha s’approcha à son tour, posa sa main contre le mur et dit d’une voix d’intrigue :

— C’est peut-être l’étoile filante qui est passée par là…

Je me tournais rapidement face à elle, en faisant une grimace.

Cette réflexion, qui n’était pas forcément dénuée de sens, me laissait quelque instant silencieux. Nous étions en train d’inventer une histoire venue tout droit des étoiles et voilà qu’une lumière aveuglante, juste à cet instant précis, venait de se poser sur le mur. Non, bien évidemment, tout cela était impossible.

Je décidais de m’asseoir de nouveau et tant bien que mal essayais de reprendre mon calme.

Mes enfants me regardaient d’un air apeuré, ils ne savaient pas trop si j’étais en train de jouer, ou bien, si je disais la vérité. Gabriel me questionna à nouveau :

— … Tu as vu une lumière papa ? demanda-t-il en levant les bras. Mais où ?

Que fallait-il répondre à un enfant de huit ans ? Dire la vérité en prenant le risque de créer un conflit intérieur pouvant le mener aux sources d’un questionnement sans fin, ou bien mentir en le privant peut-être d’une expérience qu’il ne vivra plus jamais ? Je ne savais pas quoi faire.

Je restais quelques instants silencieux et amorçais lentement une explication pouvant tenir la route :

— Euh… Je suis tellement impliqué, investi par cette histoire que j’arrive à voir des trucs bizarres… Si ça se trouve, il va falloir que je prenne rendez-vous avec l’ophtalmo… Je me retournais en figeant mon visage et continuais : Bon, dis-je, ce n’est pas grave, reprenons. En fait, je ne savais plus où j’en étais, cette lumière m’avait réellement perturbé. Je pivotais la tête en direction de Sacha et ajoutais ceci : dis-moi, où on en était ? Ma petite me fixait d’une expression se rapprochant au sentiment d’inquiétude, je pouvais lire dans ses yeux cette angoisse. Elle contemplait le mur comme si elle venait de voir un monstre. J’approchais ma main de ses cheveux et répétais ma demande : dis-moi, où on en était ?

Elle me regarda enfin, et dit d’une voix fluette :

— En été ? Ben, le Soleil se couche et la Lune, elle est là, dit-elle d’un air étonné. Puis, elle fixa le mur à nouveau et ajouta : tu crois que la lumière va ressortir ?

À mon tour, je fixais la tapisserie et continuais :

— Je n’en sais rien Sacha, c’est peut-être moi qui ai un problème avec mes yeux… ou bien, j’ai rêvé… Allez, allez… on se réveille ! D’accord, dis-je, nous on va là où il y a les étoiles, là où il est fait noir, alors, tu sais ce que l’on va y voir ?

Sacha coiffa ses cheveux en arrière et tout en continuant de regarder le mur dit ceci :

— Oui, on va y voir une étoile… Peut-être, enfin, euh, je ne sais pas.

Ma petite fille était perdue dans ses pensées et j’étais le seul responsable. J’avais du mal à la faire revenir… sur Terre.

— Sacha, nous avons besoin de toi, continuais-je, tu es là pour ça, alors, aide-nous, dis-nous ce que l’on va y voir ?

Elle se balança sur le côté, comme pour se donner du courage et répondit en tirant ses sourcils vers le haut :

— Des cailloux ? dit-elle en interrogeant son frère.

— Oui et qu’est-ce qu’ils font les cailloux ?

Elle fléchit d’un coup sa tête et, fixant le mur, répondit :

— Ils font du mal au Soleil.

Parfois, je me demandais ce qu’avaient les enfants dans leurs têtes pour penser de cette manière, peut-être, sans que je le sache, abusaient-ils de substances hallucinogènes, provoquant des réactions complètement incertaines. Ne sachant pas répondre, je décidais d’enchaîner.

— Ils font du mal au Soleil les cailloux ? Et pourquoi ?

— Parce que… euh… parce que… euh…

Sacha semblait avoir perdu le fil de l’histoire, de mon côté, j’apportais un nouvel élément en disant ceci :

— Bien, vous êtes dans l’espace et vous conduisez le vaisseau.

Gabriel me regarda fixement, comme s’il savait déjà ce que j’allais dire, sourit et ajouta :

— Et qu’est-ce que c’est comme question ?

À cet instant, je me rendais compte qu’aucun de nous étions concentrés, j’essayais de me ressaisir.

— Il n’y a pas de question, du moins une toute petite, vous êtes dans le vaisseau spatial et qu’est-ce que vous faites ?

Gabriel tira vers lui sa petite sœur, en faisant semblant de conduire l’engin spatial :

— On est en train de trouver le chemin, dit-il, sûr de lui, pour aller à l’autre système solaire… Hi ! Hi !

Juste à ce moment, la lumière jaillit de nouveau, cette fois, je ne faisais aucune remarque, aucun commentaire. Je restais calme. Je me levais lentement, avançais près de la source lumineuse et d’une manière naturelle, je posais le bout de mes doigts sur la paroi. Puis, en regardant Sacha du coin de l’œil, je dis ceci :

— Tu peux parler toi aussi.

Gabriel reprit la main et continua sur le même ton :

— Pour aller sur une planète dans un autre système solaire pour voir ce qu’il y a là-bas.

À ces derniers mots, je tournais ma tête en direction de ma main et la retirais aussitôt. Mon visage à ce moment-là, exprimait un mélange de sentiment allant de l’étonnement à la peur intense. En effet, je venais de découvrir que mes doigts se trouvaient à l’intérieur de la paroi. Mes enfants, heureusement, à ce moment précis, ne me regardaient pas. Je décidais de m’écarter du mur et d’écouter Sacha qui avait levé le doigt depuis un certain moment :

— Alors moi, je vois… euh…

Malgré mon inquiétude, j’essayais de l’aider en ajoutant ceci :

— Qu’est-ce qu’il y a autour de toi, qu’est-ce que tu vois ?

— Un vaisseau spatial… Hi ! Hi ! s’exclama Gabriel en riant.

Je tournais mon visage en direction de mon fils et lui dis ceci :

— N’embête pas ta sœur pendant qu’elle répond.

Sacha continua en lui tirant la langue :

— Il y a la Terre… le Soleil. Son visage s’éclaircit comme si ce qu’elle avait dit était d’une importance capitale. Ouaiii !

— Vénus, ajouta Gabriel.

Mes yeux allaient et venaient sans relâche, je me demandais ce qu’il pouvait y avoir derrière le mur ? Je me demandais comment ceci pouvait exister ? Il fallait que je comprenne. Je décidais de m’approcher encore une fois de la tapisserie et d’essayer de l’examiner de plus près.

— Et de quelle couleur est la Terre ? demandais-je en essayant, malgré mes craintes, de me calmer.

— Elle est bleue et blanche et orange ! s’écria Sacha en riant.

Gabriel se leva d’un seul coup, s’approcha de moi et comme s’il se doutait de quelque chose, répondit d’une expression solennelle :

— Elle est bleue, blanche, marron et verte.

À ce moment même, je frôlais le mur comme si je voulais retirer de la poussière, puis, tapais dessus, à l’image de quelqu’un qui désirait marquer un rythme.

— OK, dis-je, bien, là, vous êtes en train de conduire le vaisseau, imaginez… imaginez que vous êtes dans l’espace, ça fait combien de temps que vous êtes partis ?

Alors que mes enfants commençaient à se chamailler pour je ne sais quelle raison, je profitais de l’occasion pour palper le mur d’une manière plus nette. Sur un point précis, au niveau de mes hanches, ma main s’enfonça comme aspirée dans un pot de miel. Je la retirais aussitôt pris de panique.

— Le premier janvier… dit Gabriel.

Je regardais mon fils sans comprendre, à ces derniers mots, je ne savais pas de quoi il parlait, ni même à quoi il faisait référence. Mes pensées étaient ailleurs. Mes yeux s’arrondirent comme quelqu’un qui cherchait désespérément son chemin.

— Le premier janvier, répéta Sacha, en imitant son frère.

Qu’avaient-ils à répéter ce mot ? Ce mois ? Décidément, je ne savais pas où ils voulaient en venir. Ma seule préoccupation était de comprendre ce qu’il y avait derrière ce mur.

— Le premier janvier deux mille un, ajouta Gabriel avec grande ferveur… euh… ça fait… trois ans ! Hi ! Hi !

D’un seul coup, je venais de saisir leurs réponses, j’en étais presque soulagé. Je m’écartais légèrement du mur et questionnais en riant :

— Et… quand est-ce que vous comptez revenir ?

Sacha se leva rapidement, défroissa sa robe, se colla à moi et répondit en criant :

— Avant minuit ! Pour les cadeaux ! Hi ! Hi !

— … Mais non… Hi ! Hi ! Hi ! Le premier janvier deux mille neuf, dit Gabriel en levant les yeux au plafond.

C’est justement à cet instant, que les choses commencèrent réellement à prendre forme. Alors que Gabriel essayait de me faire saisir ce qu’il venait de dire, sans m’en apercevoir, je passais de l’autre côté du mur.

— … P’tain ! C’est quoi ce bordel ?! m’exclamai-je la voix emplie de terreur. Mon Dieu, je suis où ? Alors que je commençais à pleurer, tant la situation était incompréhensible, je continuais à regarder mes enfants et moi-même en train de parler. Il me semblait que j’allais devenir fou. Au secours ! m’écriai-je en frappant le mur. Au secours ! À cet instant, de là où je me trouvais, je pouvais entendre la réponse que l’autre moi donnait à mon fils.

— Et là, ça fait longtemps que vous conduisez le navire ? demandais-je en clignant des yeux.

À cet instant précis, je me sentais particulièrement étrange, je ne savais pas expliquer cette sensation. Tout me paraissait confus, flou, comme si je me trouvais dans un lieu inconnu. Mes pensées étaient réunies en grappes piteuses, traversées d’innombrables théories et toutes dépourvues de sens. Que m’arrivait-il ?

Ce qui était en train de se passer était, pour ainsi dire, inimaginable. Je ne pouvais être, évidemment pas, dans deux lieux à la fois. Le don d’ubiquité était destiné au seul créateur, à celui qui avait le droit de vie et de mort. À cet instant, une main vint se poser sur mon épaule, je sursautais. Quelle ne fut ma surprise de voir Gabriel habillé en spationaute.

— Papa ! s’exclama-t-il en souriant, on te cherchait partout, où tu étais passé ? Cierkis a fait des bêtises, ajouta-t-il en regardant derrière lui et en chuchotant, elle a appuyé sur le mauvais bouton et on va tout droit sur Munch.

Mon visage s’éclaircit presque à en devenir livide. En prenant mon souffle, j’avançais mon front et, d’une expression d’ahurissement total, je dis :

— Quoi ?! Qui ? m’écriai-je en me frottant la tête. Qu’est-ce que tu racontes ? À ce même moment, je tournais mon visage vers la droite, puis à gauche et m’apercevais que nous étions à l’intérieur de quelque chose qui pourrait ressembler à une navette spatiale ; les étoiles à l’extérieur brillaient de tous les côtés. Mon Dieu ! Où on est ? demandais-je encore une fois, c’est quoi ce bordel ?

C’est alors que Sacha s’approcha de moi en criant :

— C’est Mhekö qui m’a dit d’appuyer sur le bouton ! s’exclama-t-elle d’un air désespéré.

— Mhekö, répétais-je sans comprendre. Mais… qui est Mhekö ?

Ma fille raidit son dos, leva sa main et répliqua :

— Lui ! s’écria Sacha en le désignant du doigt. Lui !

Mon fils me fixa en haussant les épaules et en faisant un mouvement de la tête, hurla ceci :

— Non ! Je t’avais demandé surtout de ne pas appuyer sur le bouton… et tu l’as fait ! Maintenant on est perdu par ta faute !

Alors que les enfants commençaient à se chamailler, je m’approchais de la paroi aux couleurs étranges et regardais au travers. Tout semblait s’enchaîner normalement, j’avais l’impression de regarder une émission télévisée. Mon fils répondait aux questions comme si de rien n’était, à cet inconnu qui me ressemblait trait pour trait. Je n’en revenais pas.

— Quatre ans… Et là, ajouta Gabriel, là on s’arrête que pour dormir, on s’arrête près d’une planète… Il faisait exprès de bouger ses mains comme s’il conduisait une voiture.

Sacha dévisagea son frère avec exaspération :

— Mais, laisse-moi parler ! s’écria-t-elle.

Puis, elle mit une gifle à Gabriel qui la lui rendit aussitôt. En quelques secondes, le salon se convertit en ring de boxe. Je m’interposais avec énergie.

— C’est comme ça que vous faites quand vous voyagez dans l’espace ?

Les mots que je venais de prononcer résonnaient dans ma tête d’une manière inhabituelle. Je me sentais étrange. Il me semblait que quelque chose avait pris possession de mon corps. Sacha abaissa son visage et fit une grimace de peine :

— Mais c’est lui qui me tape ! s’écria-t-elle en soupirant.

— Mais tais-toi, purée ! Brailla, Gabriel. Il me regarda et poursuivit son idée : on s’arrête près de la Terre, de Vénus et de Mars.

Je reculais d’un pas et m’écartais de cette paroi qui m’offrait une vision de moi que je ne connaissais pas. Je restais silencieux quelques instants et tout en frémissant, je me retournais en questionnant Gabriel :

— Dis-moi… qu’est-ce que l’on fait ici ?

Gabriel me regardait avec de grands yeux ouverts, l’expression de son visage laissait apparaître un mélange d’étonnement et d’exaspération.

— Ben… On t’a demandé d’explorer une partie de la galaxie A1… tu ne t’en souviens plus ? Il regarda sa petite sœur et poursuivit : Et comme tu voulais que l’on soit ensemble, tu nous as amenés avec toi. Mais, pourquoi cette question ?

Adossé à la paroi, je levais machinalement mes épaules, mon visage exprimait l’ahurissement. À défaut de comprendre le moindre mot, je souriais bêtement. Mes yeux allaient de Gabriel à Sacha sans discontinuer. Au bout de quelques petites minutes, Sacha me tira par le bras :

— Mais pour Munch ce n’est pas moi ! s’exclama-t-elle, les yeux presque fermés.

Je me redressais et fis un grand geste des bras et parlais ainsi :

— Attendez, attendez, attendez… Il faut que je m’assoie. Gabriel va me trouver une chaise… Il fit quelques pas sur le côté, glissa une lame vers le bas et à ce même moment, un genre de tabouret vint se glisser sous mes fesses. Sans chercher à comprendre, je m’assoyais lourdement. Bon, dis-je, je veux que l’on m’explique tout ce bordel, encore une fois, depuis le début. Je saisis la main de mon fils et le regardant avec grande intensité, je continuais : alors, re-explique-moi tout ça, lentement.

Gabriel se mit à rire sans pouvoir s’arrêter, on aurait dit qu’il allait se faire pipi dessus. Puis, il fixa sa sœur et répondit d’une expression de joie :

— Mais… qui est Gabriel ? demanda-t-il en faisant une grimace. Ne me dis pas que tu as oublié comment je m’appelle ? Hé, papa ! Je suis Mhekö ! Hé ! Ho ! Mhekö ! Et pour répondre à ta question : là où tu travailles, on t’a demandé d’explorer la galaxie A1 et tu nous as amenés avec toi. Hi ! Hi ! Hi !

Sacha continua sur le même ton :

— … Tu as même dit, que je pourrais amener Lö-la !

Je reculais mes épaules, de sorte que ma tête avança d’un seul coup :

— Lola ? répétai-je, la poupée de Sacha… Mais elle est de l’autre côté… Je ne comprends rien.

— Papa… moi c’est Cierkis… et non Sacha. Tu vas bien ? Elle fronça les sourcils et ajouta sur un ton de déception : et puis d’abord… qui est Sacha ?

— Non ! rétorqua Mhekö en regardant Cierkis avec sévérité, Lö-la, tu l’avais cachée dans le grand sac qui se trouve dans le sas de sécurité ?!

Je me tournais face à Gabriel et dis :

— Qui c’est, Lola ? demandais-je en me grattant la tête.

À ce même moment, un androïde d’une taille équivalente à celle de Sacha arriva vers nous.

— C’est elle ! s’écria Sacha, c’est mon amie…

Lola était un bio humanoïde, habillée d’une combinaison en dentelle rose, avec des rubans blancs qui descendaient jusqu’à ses genoux. Ces cheveux longs, blonds, bouclés donnaient l’impression de vouloir s’envoler vers le haut. Elle s’approcha de moi et dit d’une voix étonnamment cristalline :

— Bonjour papa, comment vas-tu ce matin ?

En fixant le robot, je manquais de m’étouffer. La clarté du couloir où nous trouvions, lui donnait une apparence inquiétante. Je reculais d’un pas et continuais :

— Bonjour papa ?! répétais-je en l’examinant de près. C’est quoi encore cette histoire ? Je regardais mes enfants avec force et ajoutais ceci : La poupée que j’ai offerte à ma fille, s’appelle bien Lola. Du moins, c’est comme ça que Sacha l’a appelée. Mais, cette poupée, ne parle pas, ne marche pas et ne ressemble pas à une petite fille… Hou là, là !

Mhekö s’approcha de moi en levant son doigt et s’exclama :

— C’est Cierkis qui l’a programmée de cette manière ! Je lui avais dit de ne pas le faire. Mais, comme à chaque fois, elle n’en fait qu’à sa tête… voilà, le résultat.

Un raclement soudain monta de ma gorge, quelque chose qui pouvait s’apparenter à un début d’angine. J’essuyais ma bouche avec le revers de ma main, en essayant d’y voir plus clair. À cet instant précis, je me demandais où j’étais arrivé, pourquoi Gabriel s’acharnait à appeler sa sœur Cierkis.

— Mais… qui est Cierkis ? demandais-je en souriant.

— Mais, papa ! Tu exagères quand même… c’est moi, Cierkis. À cet instant précis, je venais de comprendre ce qui se passait. Mes enfants ne s’appelaient pas comme ceux qui étaient sur Terre, du moins, de l’autre côté de la paroi. Cierkis se tourna face à son frère pour lui répondre : C’n’est même pas vrai ! Hurla-t-elle. Elle avança rapidement dans l’intention de lui mettre une gifle.

Je m’interposais en levant la main :

— Non, mais… ça va bien oui ! Stop ! Vous me fatiguez déjà ! Bien, Gabriel… tu as dit que je travaillais où déjà ?

Mon fils redressa ses épaules, me regarda avec inquiétude et demanda :

— Mais… pourquoi tu m’appelles Gabriel tout le temps, alors que mon prénom est Mhekö ? Il continua sans attendre de réponse : Ben, dans le centre de cybernofréquence de l’aile sud de la galaxie naine C-23.

Plus j’écoutais mon fils et plus je ne comprenais rien à ce qu’il disait et à ce qui était en train de se passer. J’avais l’impression d’être à l’intérieur d’un rêve étrange où les gens et les situations changeaient continuellement. Ma tête commençait à tanguer, à ce rythme j’allais bientôt perdre connaissance.

— Oui, continua Cierkis d’une voix amusée, dans le cybernofréquence.

Je regardais mes enfants d’une expression de fatigue, il me semblait que j’allais d’un moment à l’autre subir une crise d’angoisse. Sur la jointure de mes lèvres apparaissait déjà une écume opaque signe d’une forme de détresse sévère. J’avais l’impression qu’ils me parlaient d’une autre personne.

— Cybernofréquence ! s’exclama Gabriel en maître d’école.

Sacha fit de gros yeux ronds et riposta d’une voix grave :

— C’est ce que j’ai dit : Cybernofréquence !

Gabriel dodelina et continua :

— Oui… mais on n’avait pas bien compris.

Je levais les yeux au plafond en signe de désespoir et continuais :