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Rien ne va plus à l'Ecole Hospitalière de Psychothérapies et d'Analyses Développées depuis qu'une grève a éclaté et que la presse s'en est mêlée. Alors que le directeur Jean-Cédric Lemarchand devient la cible de toutes les attaques, il reçoit des messages menaçants. Mais qui pourrait ainsi chercher à lui nuire ? Et pour quelle raison ? De rebondissement en rebondissement, il se sent de plus en plus seul, jusqu'au moment où un mystérieux personnage décide de l'aider tout en gardant l'anonymat. La tension monte encore d'un cran quand la prochaine rentrée universitaire est menacée. Les événements s'enchaînent à un rythme haletant jusqu'au jour où la vérité éclate enfin à la surprise générale !
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Seitenzahl: 268
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Chapitre 1 - A "La patte d'oie"
Chapitre 2 - L'inauguration
Chapitre 3 - Le déjeuner de rentrée
Chapitre 4 - La grève à Nantes
Chapitre 5 - La préparation du conseil de discipline
Chapitre 6 - Clémentine contre-attaque
Chapitre 8 - Le conseil de discipline
Chapitre 9 - Le calme avant la tempête
Chapitre 10 - L'accusation
Chapitre 11 - Le directeur dans la tourmente
Chapitre 12 - Les médias s'en mêlent
Chapitre 13 - L'accident
Chapitre 14 - Ouverture d'une enquête
Chapitre 15 - Convocation à la gendarmerie
Chapitre 16 - Les retrouvailles
Chapitre 17 - La restitution
Chapitre 18 - L'arrestation
Chapitre 19 - La liberté retrouvée
Chapitre 20 - Epilogue
« Tant que vous n’avez pas rendu l’inconscient conscient, il dirigera votre vie et vous appellerez cela le destin. »
Carl Gustav Jung
Après cette journée de finalisation des derniers préparatifs de l’inauguration de la nouvelle École qui aura lieu le lendemain, les jeunes composant le comité d’accueil pour la cérémonie officielle se retrouvent au bar « La patte d’oie ». Autant dire qu'en ce vendredi soir de début juin, les conversations vont bon train. La présence des étudiants venus de Nantes et de Lille rassure les plus jeunes qui se destinent à devenir des professionnels de la psychologie. Ces rencontres avec les plus anciens, parrains pour un week-end, permettent de créer des liens et d'échanger librement sur les atouts de l’École Hospitalière de Psychothérapies et d'Analyses Développées. Si certains affichent une grande confiance même s’ils ne savent pas bien ce qu’ils vont trouver, d’autres semblent plutôt réservés quant aux attendus de ce cursus exigeant. Mais tous espèrent trouver de bonnes raisons de s'investir et bénéficier de réelles perspectives de réussite professionnelle.
— Je ne sais pas qui a vu « Avatar et la fuite de l’eau », demande Dylan ; Mais j’avoue que ce film m’a un peu gavé ! J’avais l’impression d’être en cours quand ils disaient « Le chemin de l'eau n'a ni début ni fin. L'eau relie toutes les choses, la vie à la mort, l'obscurité à la lumière ». Franchement, je réentendais les explications sur la place de l’Homme dans le monde, la dimension cosmique de chaque être humain... blablabla, et blablabla. Au final, j’ai trouvé qu’il y avait des longueurs.
— Je ne sais pas si on a vu le même film, mais si tu parles de « La voie de l’eau », moi j'ai trouvé qu'il était super, reprend Jérémy.
— Je suis d’accord, on parle de plein de choses. Moi, j’ai été marquée par la femme « chamane ». Ça pose la question de savoir quelle est la plus puissante, la médecine chimique ou la médecine douce ? complète Johanna.
— Tu as raison, rajoute Jérémy. Finalement, toutes les questions que pose le film renvoient aux fondements des civilisations qui considèrent l'Homme dans ses trois dimensions : le corps, l'âme et l'esprit. Soigner, c'est prendre en compte toutes ces dimensions.
— Mais tu parles de quoi ? demande sa voisine Macha qui va faire sa rentrée à Strasbourg.
— Ben, tout simplement de la vie intérieure, du conscient et de l'inconscient... Si tu as vu « La voie de l’eau », accoste rapidement sinon tu vas ramer en première année !
— Euh... Tu peux pas essayer d'être plus clair ? répond-elle très interrogative.
Le serveur les interrompt pour prendre leur commande quand Clémentine étudiante nantaise en troisième année arrive. D’un geste brusque, elle retire sa veste qui, en la posant sur la banquette, renverse le verre du client voisin de la table des jeunes.
— Oh, excusez-moi... s’exclame-t-elle toute confuse.
— Ne vous inquiétez pas, mon verre était presque vide.
— Pour me faire pardonner, est-ce que je peux vous offrir un autre verre ?
— Dans ce cas, je prendrai bien un jus d'orange puisque vous me le proposez gentiment.
Le serveur revient quelques minutes plus tard tandis que les jeunes sont repartis dans des échanges animés :
— Ça me fait penser à ce que nous a dit un prof l’an dernier. Il nous a sorti un truc de "ouf" comme quoi un certain Ambroise Paré aurait dit « Je soigne le corps et Dieu le guérit » car « la vie trouve toujours son chemin » !?! avance Dylan.
— Oui... J'entends encore la réplique dans « Jurassic Park », répond Erwann.
— T'es sûr ? Mais c'était qui cet Ambroise dans le film ?
— Oh, ne me dis pas que « Jurassic Park » t'a aussi gavé ?
— Non, mais je ne vois toujours pas...
— Tu as raison, parfois c'est mieux de ne pas trop voir ses limites... Mais sache que si tu connaissais Ambroise, tu serais paré pour l'avenir...
— Arrête ! Tu commences à me saouler avec tes sousentendus... réagit Dylan.
— Ok, d'ailleurs les blagues les plus courtes sont souvent les meilleures... conclut Erwann en souriant.
— Alors, si on joue au jeu des citations à replacer dans les exams, il y en a une que j'aime beaucoup d'un certain écrivain et médecin endocrinologue dont vous devez trouver le nom avant de finir votre verre : « En moins d’un an, nous recyclons 98% de toute la matière de notre corps.
L’humain n’est pas que matière, il est aussi énergie et on ne doit pas négliger les incidences invisibles. » Et juste un peu après, il dit qu’on ne peut pas plus expliquer Dieu que la physique quantique puisque les deux sont invisibles, reprend Jérémy.
— Mais ça n’arrête pas ! dit Manassé en soufflant. Ça promet… !!
— Deepak Chopra ! répond discrètement le vieux monsieur en se tournant vers l'étudiante la plus proche.
Johanna se lève alors spontanément et s'écrie sans retenue comme un enfant fier de connaître la réponse :
— Deepak Chopra !
— Wouah... Tu caches bien ton jeu. Si je comprends bien, t'es une bête de science ! réagit Dylan admiratif.
— Que veux-tu ? J'aime bien surprendre parfois...
— Et t'en as d'autres comme ça des domaines insoupçonnés ?
— À toi de les découvrir...
— Bon ! C'est noté ! Et comment s'appelle le bouquin où t'as pioché cette citation ?
— Pour ça, il faut demander à monsieur. C'est lui qui m'a soufflé le nom, répond Johanna en pivotant vers lui tout en se rasseyant.
— Ah... Je comprends mieux maintenant, lâche Dylan quelque peu désappointé.
— Je vois que vous êtes connaisseur, écrivain ou médecin, reprend Jérémy. Recevez, Monsieur, les félicitations de notre humble assemblée.
— Vous êtes gentils mais je ne mérite en rien vos félicitations et je vous prie de m'excuser pour m'être immiscé dans votre échange de tout à l'heure sur la notion de vie intérieure. D'ailleurs, si je puis me permettre de compléter et dans la mesure où vous affectionnez les citations, Carl Gustav Jung disait sur le sujet qu’en réalité, ce n’est pas par l’extérieur que l’on se construit mais bien par l’intérieur.
— C’est bien vrai ce que vous dites, car depuis que je vais voir un psy, il paraît que j'ai changé d'apparence ! En tous cas, c'est ce que dit ma mère quand je la vois, rajoute Erwan.
— Faut dire qu'avec ton look d'avant, il était temps de faire quelque chose ! surenchérit Clémentine.
Alors que les jeunes éclatent de rire, Erwann réagit :
— Attends ! J'en ai une qui n'est pas mal non plus. Irénée de Lyon, quant à lui, a dit dès le deuxième siècle, « Dieu s’est fait homme pour que l’homme se fasse Dieu ».
— Hop, hop hop… Arrête d'en rajouter une couche à chaque fois, s’exclame Manassé. Ça devient lourd !
— Lourd, je ne sais pas, rajoute Erwan, mais haut perché, ça c’est sûr !
— Fumisterie ! rajoute Clémentine encore un peu agacée.
Comme si l’Homme pouvait devenir Dieu… Un peu de réalisme, que diable !
— Que celui dont le nom vient d'être prononcé quitte aussitôt la table ! déclame Jérémy.
— Eh ! Tu délires ou quoi ?!? Ce n'est qu'une expression ! répond Manassé.
— Ah, voilà qui me rassure, moi un simple mortel. Il ne me reste plus qu'à découvrir le Graal et mon bonheur sera éternel...
— C'est bon, on a compris... Reviens sur terre maintenant.
— Pourquoi donc ? On est si bien là-haut ! J'ai même cru un instant que j'étais devenu Dieu.
— Ne rêve pas trop quand même !
— Bon ! La chute est brutale mais je veux bien reprendre ma tunique de peau et ma condition d'Homme. Ce rôle m'allait pourtant comme un gant, vous ne trouvez pas ?
— Tout à fait, avec un peu de modestie, tu serais parfait !
Comme pour souligner la fin d'un acte, les jeunes applaudissent la prestation.
— Ceci dit, l'aventure n'est pas terminée... relance Jérémy.
— Comment ça ? demande Macha.
— L'Homme doit maintenant cheminer en descendant dans ses profondeurs pour magnifier le germe divin qui a été déposé au plus intime de lui-même. C’est là que débute le chemin, celui qui mène au bonheur en révélant à chacun la part de divin qu'il renferme en lui...
— Bon, on peut baisser le rideau maintenant ou il va encore falloir se farcir un autre acte ?
— Je m'incline... et pour un bis, vous savez où me trouver...
— Ça t'arrive souvent de partir en vrille comme ça ?
— Quand le public est de qualité, j'avoue, c'est stimulant et en plus, c'est s'il y a intérêt ou non...
— C'est pas psycho que tu aurais dû faire, mais théâtre !
— Bon, puisque c'est l'entracte, moi je vous laisse à vos délires ! s'exclame Macha aussitôt suivie par Manassé.
Alors que chacun commence à s'éclipser au fur et à mesure, il ne reste bientôt plus que le vieux monsieur, seul devant son verre vide et ses pensées. Prenant conscience que tous les étudiants sont partis, il se lève, récupère sa veste et quitte "La patte d'oie" en se rappelant les bons souvenirs du temps où il était jeune lui aussi.
La manchette des Dernières Nouvelles d'Alsace du 7 juin 2022 en a fait son article principal : « Strasbourg : La rentrée universitaire de l’année 2022 sera marquée par l’ouverture d’une nouvelle antenne de l’École Hospitalière de Psychothérapies et d'Analyses Développées qui s’implante à Strasbourg dans le quartier de la Meinau. Cette école d’excellence accueillera soixante nouveaux bacheliers sur les trois cents candidatures reçues. Belle opportunité pour ceux qui souhaitent s’investir dans le domaine de la psychologie. L’inauguration organisée le 11 juin et ouverte à tous permettra de découvrir les lieux et l’équipe enseignante. À ne pas manquer ! » « Nous mettons à leur disposition beaucoup de moyens et en conséquence, nous attendons beaucoup de nos étudiants », a déclaré Christophe Le Goff, le président du Conseil d’administration, au journaliste.
Le seuil minimal d’étudiants postulant pour la première année ayant été atteint, tout le processus a été enclenché en vue de cette nouvelle structure : dépôt des statuts constitutifs, validation en cohérence pédagogique avec le rectorat, demandes de subventions, validation de la commission de sécurité… L’École, dont la notoriété des professeurs et des intervenants en sciences humaines est reconnue par tous, ne cache pas son souhait d’ouvrir d'autres antennes pour répondre à la demande grandissante des étudiants qui s'intéressent à la psychologie. Après Nantes et Lille, cette nouvelle implantation régionale s’inscrit dans la dynamique déjà amorcée et aujourd’hui, il revient à Strasbourg de relever ce beau défi. Il est à noter que tout cela n'a pu être rendu possible que grâce à la grande implication des cadres de l'École. Il faut dire que, malgré un contexte économique et social difficile depuis la crise du covid, Frédérique Bergamote a su mobiliser tous les acteurs et partenaires. À 56 ans, sa silhouette imposante dégage une énergie contagieuse qui lui donne l'air toujours jeune. Ses lunettes, posées négligemment sur la tête, lui confèrent un aspect intellectuel et décontracté à la fois.
Jean-Cédric Lemarchand, directeur de l’ensemble des trois établissements et nommé par le Conseil d’administration, est très sensible à la notion d’épanouissement de chacun dans son parcours personnel et ses projets professionnels. Il aime à travailler avec un administrateur, architecte de son état, pour étudier les opportunités de nouveaux sites. C'est ainsi qu'après l’École de Nantes, premier établissement créé en 2016, il avait œuvré à l’ouverture de l’unité lilloise qu'il gère avec son adjointe Virginie Poisson depuis 2019 avec bienveillance, souplesse et exigence. Bien que basé à Lille, il rayonne également, de par sa fonction, entre les différents établissements, toujours en lien avec la responsable du site de Nantes, Capucine Lafleur et de Philippe Cortot, responsable de la nouvelle antenne strasbourgeoise. C'est pourquoi, aujourd'hui est un grand jour !
L’équipe pédagogique et administrative s’est installée dans les locaux d’une ancienne école primaire sur l’avenue de Normandie et donc facilement accessible par bus et tram. L’ensemble est composé d'un corps principal constitué de deux bâtiments de deux étages reliés par une véranda servant de hall ainsi que deux annexes contigües et perpendiculaires au corps principal. L'une d'entre elles a été transformée en grande salle de conférence. Quant à l'autre, elle accueille les services administratifs, un centre de documentation et d'animation pédagogique.
L’intérieur est décoré avec le même soin de part et d’autre du grand escalier central qui dessert toutes les salles lumineuses et au milieu duquel trône un ascenseur tout neuf. L’alternance de couleurs dans les classes, les salles et les bureaux esquisse un tableau propice à favoriser l'harmonie sans oublier la réflexion, y compris dans les espaces de toilettes. La sérénité passe aussi par là ! Quelques tilleuls offrent dans la cour un espace ombragé pendant les beaux jours tout comme la bordure arborée de l’avenue.
Ce bel ensemble rénové avec goût et pertinence est maintenant prêt pour accueillir les soixante étudiants de première année. Mais pour cette inauguration, beaucoup de monde est attendu : les officiels politiques, des universitaires et représentants du rectorat, les administrateurs du groupe, certains chefs d’entreprises et mécènes, le nouveau corps professoral, les étudiants et quelques familles, sans oublier des étudiants de Nantes et de Lille qui ont accepté de faire le déplacement en minibus affrétés par la direction au départ de chaque ville. Alors que maintenant, en ce milieu de matinée, les discours s'enchaînent dans la salle de conférence où chacun dans son domaine y vante les atouts de l'École, la qualité du personnel, les programmes, les grandes échéances de l’année et les perspectives d'un taux de réussite élevé à l'examen pour les étudiants assidus dans leur travail.
Pendant ce temps, bravant tous les interdits, Dylan et Johanna s'éclipsent à la recherche d'un coin plus tranquille. Arrivant dans une salle, Dylan commence à caresser Johanna. Puis l'embrassant goulûment, il la renverse sur une table où Johanna finit allongée prête à s'offrir à lui. Enfin aux portes de l'extase, il libère la pression venue du plus profond de lui-même...
Quelques minutes plus tard, le temps d’une pause entre deux interventions, Christophe Le Goff se retire discrètement du groupe des officiels pour faire un tour rapide des locaux avant la visite guidée de l'établissement par petits groupes. Surpris de voir au fond du couloir deux jeunes quitter une classe en courant, il se rend dans la pièce et ne cache pas son agacement devant la salle non rangée ! Frédérique Bergamote avait pourtant assuré qu’elle aurait sollicité plusieurs jeunes pour l’aider dans ce travail de vérification. Mais visiblement tout ne s’est pas passé comme attendu car, dans cette salle, les tables ne sont pas bien organisées et elles ne forment ni des îlots précis, ni des rangées destinées aux cours magistraux, encore moins des dispositions accueillantes permettant de recevoir des groupes travaillant sur les études de cas et il y a des papiers qui jonchent le sol. Il y a même une feuille collée sur le tableau. À y regarder de plus près, Christophe le Goff découvre une feuille A3 avec une phrase écrite en grand : « Qui connaît les cinquante nuances de Earl Grey ? », le tout entouré de dessins maladroits représentant des cœurs, des lettres et une formule mathématique. Considérant que cela ne présente aucun intérêt, il prend la feuille, la plie en quatre et la glisse dans sa poche. Après avoir fini son tour, il rejoint la salle de conférence pour assister à la dernière intervention de la matinée. Débutent alors les visites guidées et animées par des étudiants ou membres du personnel afin de permettre à chacun de découvrir au mieux les espaces de travail et lieux de vie. L’ambiance y est conviviale et Christophe Le Goff va au devant des uns et des autres pour recueillir les impressions pendant que Jean-Cédric Lemarchand continue d’échanger avec les officiels en vue de renforcer les partenariats.
Pour rendre fonctionnelle cette nouvelle antenne, il a fallu redéployer en amont les compétences et promouvoir certains salariés. C’est ainsi que deux collaboratrices nantaises ont vu leurs responsabilités évoluer de façon substantielle à savoir Sylvie Le Bourg, nommée responsable administrative et financière, ainsi que Frédérique Bergamote, responsable des ressources humaines et de la communication. Dans le même temps, Philippe Cortot, informaticien sur l'antenne de Lille, devient responsable du site de Strasbourg. À la différence de ses deux autres collègues qui resteront basées à Nantes, lui devra déménager durant l'été pour être sur place dès la rentrée. Leurs compétences dans chaque domaine, leur grande implication et leur connaissance de l’organisation, du fonctionnement et l’histoire de l’École les préparaient naturellement à ces évolutions consensuelles. De plus, Frédérique Bergamote s’est vu confier la responsabilité de la création d'un nouveau site internet en collaboration avec les responsables des trois antennes. L’usage des espaces numériques de travail a été généralisé depuis quelques années, et surtout depuis la crise du covid lorsque la seule solution passait par le distanciel, ils sont utilisés au quotidien dans les modules et participent à la mise en place de situations d'apprentissages favorisant l'autonomie et le travail collaboratif des étudiants.
Vers 13h00, au moment du cocktail après les visites, les convives se retrouvent dans la cour ensoleillée, le traiteur s’étant installé à l’ombre des arbres. Les conversations vont bon train et les nouveaux promus échangent en vue de la future rentrée.
— Tu te rends compte que maintenant nous avons un job qui nous amènera à souvent traverser la France ! s’exclame Sylvie. C’est génial mais bonjour la logistique ! Comment tu vas faire ? Au fait, François va te suivre ou pas ?
— Oh, tu sais, comme il est libraire itinérant, ça ne le dérange pas trop, répond Frédérique. Il circule constamment et partout en France alors, quand j’aurais trouvé mes marques, nous nous fixerons dans la région strasbourgeoise ou nantaise. Pour le moment, on n’envisage pas de déménager puisque je suis bien à Nantes.
— Vous êtes cool tous les deux, c’est trop bien… Pour ma part, Sébastien aime bien bouger et une partie de sa famille est dans l’Est ; Alors, s'il faut déménager, ça ne devrait pas être trop compliqué, d'autant plus que les enfants sont grands maintenant. Au fait, vous êtes toujours accros au karaoké toi et François ?
— Alors, comme ça, t'aimes bien chanter ? demande Philippe qui vient de les rejoindre avec un verre pour chacune d'elle.
— Eh oui, j’ai découvert ça la première fois dans un gîte avec un ami, il y a un peu plus de quatre ans. Et quasiment un an après, alors que je passais une bonne soirée dans un bar, j’ai sursauté quand l’animateur a annoncé d’une voix forte « Et voici Frédéric François ! ».
— Attends, l’animateur savait que vous étiez ensemble ? demande Philippe.
— Mais non, d'abord on n’était pas ensemble à ce moment là, et puis il parlait du chanteur, tu connais quand même, non ?! précise Frédérique.
— Ah, oui… de nom, mais ce n’est pas un tout jeune, dismoi…
— Ce n’est pas le problème, c'était une soirée karaoké… J’ai vu un homme séduisant s’avancer et chanter la chanson « Viens te perdre dans mes bras ». En fait, on se connaissait déjà un peu à force de fréquenter le même bar et puis un jour, il m'a invité à chanter la même chanson, mais en duo cette fois-là. Et je me souviens encore de toutes les paroles : « Je ne te dirai pas Je t'aime, c'est tellement dit dans les poèmes... ». Autant te dire que les paroles m'ont fait craquer... C’est comme ça que notre histoire a commencé.
— Et le public, il a préféré quelle version ? Celle du chanteur ou celle de Frédérique François ? complète Philippe en riant.
— Si ça te fait rigoler, tant mieux pour toi ! rajoute Frédérique en haussant les épaules. Tout ça pour dire qu’on est bien ensemble, une fois chez lui, une fois chez moi, chacun chez soi ! Car ni lui ni moi ne voulons étouffer sous les contraintes d'une vie de couple bien rangée et monotone. C'est sans doute parce qu'il a vécu quelque chose de difficile il y a cinq ans et que de mon côté, je me remets à peine de mon divorce.
— Je ne savais pas que tu étais à ce point une femme moderne.
— Tu sais, on ne choisit pas toujours de l'être... dit-elle avec une pointe de nostalgie dans la voix.
Qu'il est déjà loin ce temps où elle s'est sentie redevenir une femme amoureuse dans ce gîte... Mais les trois nuits avec cet amant ne s'effaceront jamais dans sa mémoire, même si leur histoire s’est arrêtée, à son grand regret. « Ainsi va la vie… se dit-elle. Si seulement, ce bel amant était capable de prendre de la distance face à sa femme... En fait, elle est comme une tour qui soi-disant protège son roi, mais qui en fait, l’emprisonne ! Et elle oublie juste que le petit pion qui est en face progresse laborieusement sur l’échiquier pour un jour devenir une reine afin de récupérer le roi ! Mais pour le moment, on n’en est pas là ! »
— Oh, oh, Frédérique, t'es toujours avec nous ? demande soudain Sylvie.
— Hein, euh, oui… quoi ?
— Quand t'es dans tes pensées, c’est juste impressionnant, renchérit Philippe.
— Allez, je prendrais bien quelques toasts, pas vous ? répond Frédérique en secouant la tête comme pour se défaire d’une idée prégnante.
***
L’après-midi étant consacré aux conférences, aux ateliers et aux tables rondes, chacun évolue librement d'une salle à une autre en fonction de ses préférences. Trois thèmes ont été retenus : le rôle du psychologue dans l'anticipation des risques psychosociaux liés au développement du télétravail, le maintien de l’employabilité des salariés dans une organisation et le management par l'humain. La couleur est annoncée ! Amener les jeunes à s'approprier les enjeux de demain dans le commerce, le management et la gestion tout en veillant à ce que leur motivation ne s'émousse pas durant les trois années menant à la licence... Et le défi est de taille car les notions d’efforts et de persévérance ont été bien malmenées pendant les années covid...
Au terme de la journée, les uns et les autres s’échappent avec la sensation d’avoir participé à un moment privilégié et ressourçant.
Le jour se lève à peine en ce lundi matin de septembre. Jean-Cédric est sur le départ pour une nouvelle journée de travail. C'est un homme élégant, arborant un sourire étincelant qui lui donne l'air toujours jeune malgré ses soixante quatre printemps. Ses cheveux poivre et sel lui confèrent un charme irrésistible qui emporte les regards. Indifférent à la mode, il ne supporte pas le jean qu'il assimile à un pantalon d'uniforme sorti d'une malle oubliée par le temps. Aimant s'habiller avec soin et porter la cravate, il travaille son image jusque dans les moindres détails. Mais pour le moment, Garance son épouse, est déjà prête et l'attend dans la voiture. Depuis trois ans, ils se sont installés dans une maison de caractère à Bouvines, non loin de Lille. Après quelques kilomètres, ils traversent la campagne emplie de cette lumière rasante si caractéristique des régions septentrionales de la France. Les rayons du soleil semblent découper des strates tamisant les couleurs et dessinant des reliefs imaginaires chers au « plat pays » de Jacques Brel. Aujourd’hui, alors qu’ils longent le bois de la Noyelle, ils voient un chevreuil traverser la route :
— Wouah… Magnifique ! dit Garance. Etre si près d’une métropole en étant si proche de la nature, quel bonheur d'être là !
— C’est pour ça que j’aime bien prendre cette petite route ! Quand on est sur la route principale, tout va trop vite et on finit par ne plus rien voir... comme dans le monde actuel d’ailleurs !
— Je suis bien d'accord avec toi car notre société ne nous laisse plus le temps de respirer ! Et c'est bien dommage car respirer, c'est sentir en soi le besoin de souffler quand vient le moment d'ouvrir son esprit aux chemins inspirants.
— Te voilà bien philosophe ce matin !
— Je dirais plutôt imprégnée de spirituel car je parlais du chemin intérieur...
— Eh bien, il va falloir débroussailler avant, si tu ne veux pas finir dans le fossé !
— C'est vrai, et c'est pourquoi, il faut commencer par dépasser les schémas sclérosants imposés par nos propres peurs. C'est à nous de nous responsabiliser pour chercher des solutions apaisantes et de ne pas attendre que tout vienne de l'extérieur. C'est là qu'est le vrai changement.
— Euh... En parlant de changement, tu as pensé à prévenir Anne-Claire de refaire sa carte d'identité périmée ?
— Tout à fait ! Je me suis même permise de dire à ta fille chérie que tu l'embrassais aussi...
— C'est gentil, c'est tout toi, la délicatesse personnifiée...
— Merci pour le compliment, mais avant que tu essaies de changer de sujet une nouvelle fois, je voulais terminer en disant que quand les choses ne vont pas bien, c'est souvent parce qu'on préfère les subir plutôt que chercher en soi la force de les surmonter...
— Oui, ma Garoune...
— Ne te sens pas obligé de jouer le petit garçon obéissant, je t'aime comme tu es avec tes limites et tes qualités !
— Et est-ce que tu m'aimerais davantage si je n'avais que des qualités ?
— Je ne sais pas... car c'est bien parce que tu as les deux que tu restes profondément humain.
— Bon, alors si je comprends bien, il ne faut pas que je change de trop ?
— À toi de voir... Pose-toi les bonnes questions ! Les réponses sont en toi...
— D'accord, dès que j'ai cinq minutes devant moi, je te promets d'y réfléchir...
— Oh, si c'est comme pour le store de la cuisine qui doit être réparé depuis six mois, il y a des promesses qui n'engagent pas beaucoup... n'est-ce pas mon chéri ! répond Garance avec un grand sourire.
— Un homme sait toujours ce qu'il doit faire ; Ce n'est pas la peine de le lui rappeler tous les six mois.
— Bon, alors je patienterai le temps qu'il faut... En attendant que je puisse à nouveau regarder la nature par cette fenêtre de la cuisine, je suis ravie de contempler la campagne qui défile sous nos yeux quand on part travailler ensemble.
— Moi aussi, Garounette.
— Ça fait partie des petits bonheurs du quotidien qui rendent la vie plus belle. Mais si c'était tous les jours, peutêtre qu'on finirait par ne plus les apprécier à leur juste valeur... C'est pourquoi, j'aime bien prendre le bus pour aller au lycée quand tu ne peux pas m'emmener.
— Et grâce aux transports en commun, cela nous permet de n'avoir qu'une seule voiture. Et ça, c'est du grand luxe !
Tout le contraire d'il y a trente ans, tu te rends compte du changement ?
— C'est vrai. C'est tout l'art de la politique : Faire passer pour un progrès social la remise en cause des avancées sociales d'autrefois. D'ailleurs, tout est question de vocabulaire ! Critiquer au nom de l'égalité l'existence d'un privilège pour certains, c'est normal ! Mais vouloir remettre en cause un acquis social pour d'autres, ça c'est mal !
Pourtant, quand on réfléchit bien, un acquis social, ce n'est rien d'autre qu'un privilège défendu par une corporation ou une majorité de personnes.
— C'est juste ! Mais dit comme ça, ta diplomatie légendaire risque d'être écornée. Et quand on dirige trois sites de l'École Hospitalière de Psychothérapies et d'Analyses Développées, il vaut mieux avoir le bon lexique pour chaque situation, tu ne crois pas ?
— Oui, bien sûr... Ceci dit, je ne suis pas tout seul à la manœuvre. Virginie Poisson, mon adjointe de Lille, m'est vraiment d'une aide précieuse et tout contribue à la sérénité du climat social, y compris l'emplacement de l'École à proximité de la gare. Je reconnais que j'ai de la chance...
— La chance, c'est toi qui te la crées, car quand on est ouvert et bienveillant avec les autres, on favorise forcément la confiance, les relations et les projets. Au fait, en parlant de projet, je me trompe ou tu ne m'as pas confirmé la date du déjeuner de rentrée à Nantes, ça ne devrait pas tarder, non ?
— Hum, tu sens bien les choses venir… Je n'ai pas encore eu le temps de t'en parler mais le déjeuner est bien prévu dans quinze jours.
— Ah, c'est une bonne nouvelle !
— Si c'est aussi bon que la fois dernière, ça promet d'être super.
— Mais arrête de ne penser qu'à manger ! Il y a aussi tous les échanges avec les autres.
— Oui, je ne dis pas le contraire, mais comme j'ai horreur de devoir faire la conversation devant une assiette qui refroidit, je pense d'abord à manger. Que veux-tu, un directeur doit savoir gérer les priorités en toutes circonstances !
— Je vois ça et sur ce plan-là, tu te débrouilles plutôt bien.
Mais en ce qui me concerne, je serai ravie de revoir Christophe Le Goff avec qui j'ai souvent des discussions profondes et spirituelles. Que veux-tu, à chacun sa nourriture ! répond Garance avec ironie.
***
Comme chaque année, tous les membres du Conseil d'administration, les cadres et leur conjoint se retrouvent pour le déjeuner de rentrée. Cette fois-ci, le lieu de rendezvous est fixé au restaurant l’Entrecôte ; Pas de réflexions compliquées et fastidieuses pour choisir à la carte puisque le plat est unique et délicieux. Il faut juste s’armer de patience avant de pouvoir rentrer car, le restaurant ne prenant aucune réservation, la file d'attente peut vite s'allonger avant l'ouverture. Alors que dans la queue, les conversations se multiplient au fur et à mesure qu'arrivent les invités, Christophe Le Goff salue chaleureusement chacun d'entre eux ainsi que son conjoint avec un mot d'accueil personnalisé. Derrière une apparence physique marquée par quelques rondeurs bien portées et une allure un peu bohème, cet homme de soixante dix ans au regard vif irradie une bienveillance naturelle.
— Bonjour Monsieur Le Bourg... Ravi de vous revoir Monsieur Lafleur... Oh, Madame Mouezy, décidément on se voit souvent en ce moment ! Un vrai plaisir… Madame Lemarchand, vous avez pu nous rejoindre, c’est magnifique…
Voyant Frédérique Bergamote seule, Christophe Le Goff s'avance vers elle :
— Alors, aurons-nous la chance cette année de voir votre ami François Dupuis ?
— Eh non, il n’est pas sur la région cette semaine. Et franchement, depuis que j'ai découvert le bonheur d'être libre et autonome, je n'ai pas besoin d'un homme pour me chaperonner, lance-t-elle dans un grand éclat de rire.
— Excusez-moi si je ne ris pas à votre humour particulier, mais je pense qu'on ne choisit pas toujours d'être seul... J'en connais une qui aurait été ravie d'être à mes côtés aujourd'hui si elle n'était pas décédée.
— Euh... Oui, bien sûr... Je ne voulais pas paraître indélicate... Mais elle, elle a eu la chance de vous rencontrer et de vivre le grand amour jusqu'à son dernier souffle, répond Frédérique. Malheureusement, certains hommes n'ont parfois pas conscience de passer à côté du bonheur, rajoute-t-elle en pivotant la tête vers Garance Lemarchand.
Christelle, l’épouse d’Alban Mouezy qui a observé la scène, se retourne vers Sylvie et lui dit :
— Pourquoi dit-elle ça ? Il y a un problème ?
— Ne vous inquiétez pas ! Elle a vécu un divorce difficile et parfois, elle disjoncte en donnant l'impression d'en vouloir à tous les hommes, peut-être en pensant à son ex-mari, son compagnon actuel ou un autre homme... qui sait ?!? Elle reste très discrète sur le sujet.
— Je comprends, répond Christelle, mais dans son cas, ça a l’air plutôt compliqué ! J’espère juste qu’elle trouvera un jour des raisons de s'apaiser... Au fait, qui regardait-elle avec autant d'insistance ?