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Julien, un homme prospère vivant en région parisienne, décide soudainement de remettre en question sa vie. Insatisfait de sa situation actuelle, il entame un voyage spirituel vers une existence d'ascète dans un petit village de Bretagne.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Pascal Connen trouve du plaisir dans l’écriture, une passion qu’il chérit depuis son adolescence. Pour lui, écrire est un moyen de voyager, rêver et explorer différentes identités ; ce qu’il préfère à la parole pour sa capacité à la réflexion approfondie.
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Seitenzahl: 140
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Pascal Connen
Julien
Le druide du marais
Roman
© Lys Bleu Éditions – Pascal Connen
ISBN : 979-10-422-0696-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Julien, pour la 3e fois consécutive en 1 mois, se retrouvait en réunion, avec la moitié du staff commercial de sa société. Julien, 49 ans, était directeur des ventes d’une des branches de chez « Numéris one », entreprise spécialisée dans la vente et le suivi de systèmes de sauvegardes numériques, toujours plus performants pour des clients toujours plus exigeants. Il était dans cette salle de réunion équipée des dernières technologies plus innovantes les unes que les autres, mais n’écoutait plus ses collègues ni son grand patron, le très estimable Monsieur Moreau venu du siège pour débiter les mêmes informations inutiles que le mois dernier. Son cerveau refusait d’être là, Julien avait beau résister, il luttait, tentait de revenir dans la partie, mais ça ne marchait plus, il s’était mis sans le vouloir en veille. Bien sûr, il répondait si on lui posait une question, agissait à un bon mot du chef suprême, mais il était en pilote automatique. À la fin de la réunion, Julien regarda ses collaborateurs sans comprendre, avec l’étrange sensation de les rencontrer pour la première fois, mais que faisait-il là ? À la fin de la séance, l’un de ses homologues vînt à lui pour avoir son avis sur cet échange, Julien se contentât de le regarder d’un air absent et retourna dans son bureau sans lui répondre, la réunion finie il était temps pour Julien de quitter son bureau et de retourner vers son refuge, son chez lui.
Une fois passé avec succès la barrière de corail (je veux parler de la grande couronne parisienne) pour affronter le grand large à bord de son frêle navire (un espace Renault de société), il fila à toute allure en direction de son deuxième port d’attache, sa maison. Arrivé à bon port malgré une tempête de klaxons et de bras d’honneurs, il se mit à quai. Julien habitait dans la charmante commune de Saint-jean-Aux Bois située dans la forêt de Compiègne, village d’environ cent soixante habitants surnommés les « solitaires » dû à cet endroit isolé. Il jeta un dernier coup d’œil dans son rétroviseur sur son look : les dents du « cadre commercial » étaient bien blanches et bien aiguisées, le regard était profond, et le sourire « Colgate ».
Même chez lui, Juien ne pouvait s’empêcher de jouer à quelqu’un qu’il n’était pas. En toute circonstance, il devait se montrer à la hauteur pour continuer à ne pas décevoir ni inquiéter son entourage.
Julien était marié à Sophie, cela faisait maintenant vingt-trois ans. Sophie était opticienne, elle possédait un magasin d’optique rue Clerc dans le 5e arrondissement, échoppe qu’elle avait eue en héritage de ses parents eux aussi opticiens. À eux deux avaient des revenus suffisamment conséquents pour pouvoir vivre dans ce havre de paix en toute quiétude. Ils avaient trois enfants, deux filles et un garçon : Anne-Claire, vingt-sept ans, Marie-Astrid vingt-trois ans et Jean Heudes seize ans, Sophie trouvait que les prénoms composés étaient davantage en adéquation avec leur niveau de vie et de leur statut social. (Dans ces milieux bourgeois, les prénoms composés compensent souvent une particule qu’ils n’ont pas eu la chance d’avoir à la naissance.) Anne claire finissait des études de vétérinaire à bordeaux, Marie-Astrid avait intégré en alternance une grande école de commerce réputée de Strasbourg, et le petit dernier venait de rentrer pensionnaire dans le prestigieux lycée Henri IV de Paris. Les enfants partis, ils s’étaient réinventé une vie. Se retrouver tous les deux toute la semaine dans cette très grande bâtisse du 19e siècle, composée de six chambres, dont une suite parentale, et de deux salles de bains, n’était pas forcément chose aisée. Combler le manque affectif dû au départ de leurs enfants leur demandait beaucoup d’efforts, il fallait trouver de nouveaux sujets de conversation, être plus à l’écoute de l’autre. Ils faisaient partie d’une certaine élite assez bourgeoise, mais n’avaient quand même pas les moyens d’avoir des gens de maison. Bien entendu, une femme de ménage était présente trois fois par semaine et un jardinier venait une fois par mois, mais à eux deux ne pouvait pas assouvir ce sentiment de vide ressenti dans cette demeure aux hauts plafonds. Le dernier arrivé dans la famille était Atila, un berger allemand de six mois adopté pour garder la maison en leur absence.
Il était 21 h 05 à sa Rolex, il y avait de la lumière au 1er étage, sa femme venait sans doute juste de rentrer.
Ce soir là, comme tous les autres soirs de la semaine depuis plusieurs mois, Julien allait devoir affronter sa femme. Sophie, femme ambitieuse et déterminée, soucieuse des convenances et des apparences, avait mal accepté que l’un des collègues de son époux, Victor, de 8 ans plus jeune que lui, avait accédé à un poste de directeur général à la barbe de son mari. Elle reprochait à Julien son manque d’effort et son manque d’ambition. Le salaire qui allait avec cette promotion leur aurait permis d’acquérir un terrain mitoyen du leur, pour construire la piscine de ses rêves et un court de tennis. Julien s’était senti humilié, lui qui se forçait à rester dans la course depuis des années, pour garder cette image de conquérant aux yeux de son entourage, avait dû ravaler son amour propre et avait bien compris qu’aux yeux de Sophie, il n’était plus le mari brillant qu’elle pensait avoir épousé. Leur relation depuis le départ des enfants du nid familial avait pris au fil du temps, une tournure différente des premières années de mariage. Les petits défauts de l’un et de l’autre devenaient des contraintes insupportables, bref leur idylle se transformait en une forme de cohabitation tacite, ils étaient devenus de simples colocataires. Quand il revenait chez lui, Julien n’éprouvait plus qu’une sorte de parenthèse entre deux périodes de boulot.
Quand Jean-Heudes revenait le Week-end à la maison, Julien et Sophie faisaient un effort « d’amour » pour ne pas perturber davantage leur rejeton, déjà bien tourmenté par son adolescence.
Comme à chaque fois qu’il rentrait, le premier geste qu’il faisait était d’aller embrasser sa femme sur la joue, « le french Kiss » avait disparu depuis longtemps. Sophie comme à l’accoutumée lui retourna comme signe d’affection un sourire, mais un peu forcé. Un point de non-retour était arrivé dans leur relation. Ils avaient tout pour être heureux. La santé était bonne, leurs deux filles faisaient des études brillantes, le troisième un peu moins, ils possédaient deux bons jobs, une maison magnifique, mais voilà, la routine avait finie par avoir raison de leur amour. Entre eux restait quand même un peu de tendresse, de l’empathie, mais rien de plus. Évidemment, leur vie sexuelle n’était plus qu’un lointain et bon souvenir.
À la vue de sa femme, qui comme d’habitude était en train de dîner sans l’attendre en regardant les infos de France 2 présentées par Delahousse, il eut pour la première fois le même ressenti qu’à la réunion, pourquoi était-il là ? Il prit conscience que plus rien dans sa vie ne lui apportait du bonheur, que ses attitudes n’étaient pas sincères, ses envies étaient fausses et que son existence ressemblait à un triste Vaudeville mal écrit. Il n’avait aucun projet à la fois sur le plan familial et professionnel, il se sentait vide, faisait-il une dépression ? Était-il proche du burn-out ? Très à la mode à ce moment. Tout ce qu’il savait, c’est qu’il ne pouvait pas continuer comme ça. Est-ce que tous les couples au bout d’un certain nombre d’années finissaient de cette façon ?
Julien se prit un morceau de jambon, de fromage et une petite bière et alla se poser dans le patio qu’ils venaient de faire bâtir deux mois auparavant. En dix minutes, son repas frugal fut terminé, il n’avait plus faim et prit le chemin de sa chambre.
Le lendemain matin, au petit déjeuner, après la dernière bouchée de son croissant surgelé sans saveur et avalé avec précipitation, Julien prit une grande décision, la nuit lui avait porté conseil. Il décida de poser quinze jours de vacances et de partir seul. En bon petit soldat, il avait le droit à des RTT et à deux jours d’ancienneté qu’il ne prenait jamais, pour une fois il allait agir comme les copains, les prendre. Il en informerait sa femme ce soir, peut-être que cette décision aurait l’avantage de provoquer une discussion, qu’ils auraient dû sans doute avoir depuis quelques mois.
Habituellement, la première étape de la journée professionnelle de Julien était de consulter sa boîte mail et de regarder son planning. Pour une fois, il commença par envoyer un mail à son supérieur pour l’avertir de sa prise de congé. Nous arrivions fin avril, avec les ponts, Julien pouvait poser dix jours et partir pendant quinze jours. Ses vacances commenceront le deux mai. Rien que par ce geste, Julien se sentait mieux, il avait entrepris de prendre une décision rien que pour lui, il n’avait consulté personne avant, ni sa femme ni ses enfants, ni son patron et tant pis si ça en dérangeait certains ou peut-être tant mieux.
Par cette attitude et cette posture, Julien s’était libéré d’une camisole qui le gardait prisonnier depuis longtemps, il avait tout d’un coup l’impression de respirer à nouveau, de redevenir un homme libre de ses choix, de passer du statut d’esclave à celui d’affranchi. Depuis plusieurs années, Julien était devenu spectateur de sa vie, il ne la maîtrisait plus, il était devenu une marionnette aux mains de sa société, de sa femme, là, il venait de couper un fil. À l’image de Pinocchio, il devait continuer à casser ses liens.
Pendant la matinée, Julien apprit deux mauvaises nouvelles, il avait perdu un appel d’offres d’une grande administration, et un de ses commerciaux avait perdu un de ses clients principaux. En temps normal, Julien aurait passé une journée de merde, aurait tout fait pour tenter de récupérer au moins ce gros client. Là, il avait pris ça avec un détachement tellement évident que ses proches collaborateurs ne comprenaient pas son attitude, ils attendaient de lui qu’il se mette en pétard, qu’il allait convoquer le commercial fautif de cet échec, et bien pas du tout. Il appela le responsable de ce compte et au lieu de lui passer un savon comme prévu, le réconforta en lui disant « un de perdu dix de retrouvés ». Au bout du fil le fautif n’en revenait pas, lui qui une heure avant pensait se faire virer, avait au bout de son téléphone un être bienveillant, sympa, détendu…, il finit même par se demander s’ils parlaient du même sujet.
Ce jour-là, Julien fini plus tôt, au lieu de partir du bureau vers 19 h 30 comme tous les soirs, se faisant un point d’honneur à partir après tout le monde, il remballa ses affaires sur le coup des 17 h.
Arrivé chez lui, il se mit à l’aise, enfila un survêtement bleu délavé par le temps, qu’il n’avait pas porté depuis un siècle, et commença à chercher une destination de son choix pour ses vacances. Sa femme n’était pas encore là, il avait tout le loisir de se prendre un petit cigare, un whisky et de s’installer dans le salon.
Où pourrait-il aller ? Il passait en revue ses critères ?
Julien était originaire du sud, ses parents résidaient sur Cannes, donc impossible d’aller dans le secteur sans passer les voir et dans ce cas-là ils n’auraient pas pu comprendre pourquoi il prenait des vacances sans Sophie. Il aurait dû se justifier et mentir pour ne pas les inquiéter, trop de complications à ses yeux, donc c’était non pour le sud.
Les alpes, les dernières vacances qu’ils avaient prises avec leurs enfants étaient à Avoriaz trop de souvenirs, et Julien connaissait bien le secteur, pas vraiment d’endroits à découvrir.
Le Nord, sympa, mais pour son travail, Julien y allait régulièrement.
Une destination lui parue intéressante, la Bretagne, Julien connaissait très peu cette région de France. Avec Sophie, ils avaient eu le loisir de séjourner, il y avait bien longtemps, sur l’île de Bréhat lors d’un Week-end prolongé, mais c’était tout.
Julien avait une fausse image de la Bretagne et un peu négative, il pleuvait tout le temps, c’était gris, les Bretons étaient un peu rustres et têtus, bref, le cliché que tout parisien n’ayant jamais vécu dans cette partie de la France avait.
Mais que voulait-il faire de ses vacances : voir du monde, non, visiter des monuments et autres lieux culturels, pas vraiment, ce qu’il voulait c’était respirer, être en paix, se reposer, lire, s’isoler de toute cette agitation stérile, se couper quelques jours de ce monde un peu fou qui ne l’intéressait plus vraiment.
Julien alla sur Google, tapa « Carte de la Bretagne » et au hasard en fermant les yeux, pointa du doigt un point de la carte et pris l’engagement d’y séjourner.
Il ouvrit les yeux et put voir que l’endroit qu’il avait désigné de son index gauche se nommait « Kergrist Moëlou », commune des Côtes-d’Armor, endroit dont Julien n’avait jamais entendu parler. C’était parfait, c’est justement ça qu’il recherchait, un lieu pas forcément touristique à l’abri de la foule et des nuisances sonores. Julien continua sur son moteur de recherche, chercha Kergrist-Moëlou sur Wikipédia :
« Le nom de la localité est attesté sous les formes ecclesia de Moelou en 1219, vers 1330, parrochia de Moelou en 1350, Moelou en 1368, en 1535 et en 1536, parrochia deMoelou ou de Kergrist en 1483, Moellou en 1591, parrochia de Kergrist-Moelou en 167 020. Les deux noms de Kergrist et Moëlou semblent avoir servi à désigner la paroisse, avant qu’ils ne finissent par être accolés. »
Du breton ker qui signifie « village », de Krist qui signifie « Christ », « village du Christ »21 et Moëlou de moal qui signifie « chauve, butte dénudée »20,21.
Le nom « Kergrist » serait lié à l’implantation au XIIe siècle des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem et d’une maladrerie (des lieux-dits se nomment « L’Hôpital » et « La Madeleine »).
Kergrist-Moëlou : 654 Habitants.
C’était parfait, très peu d’habitants et très peu d’endroits à visiter, autant dire que le site avait l’air d’être calme, très très calme…
Julien entendit les pneus de la BM de Sophie grincer sur les gravillons de l’allée centrale, il était 20 h 45. Il allait laisser Sophie se poser deux minutes et la mettre au courant de son projet, pas la peine de perdre du temps et de réfléchir, simplement lui annoncer son désir de partir seul quelques jours.
Sophie poussa la porte d’entrée, comme à son habitude allât directement dans le salon fumer sa dernière petite cigarette de la journée, ce rituel quasi quotidien, sa coupure entre 2 mondes, sa vie professionnelle et personnelle.
« Sophie, j’ai pris une décision, je vais partir seul en vacances quelques jours, j’ai besoin de faire un petit break, de me retrouver, de me poser dans un endroit tranquille, de réaliser des activités à mon rythme, je crois que cela nous fera du bien à tous les deux ».
« Si tu le dis, pourquoi pas, c’est vrai que cela peut nous faire du bien, je vois bien que depuis quelque temps, nous n’avançons plus dans la même direction et à la même vitesse, moi aussi j’ai besoin de prendre un peu de recul. ».
Julien qui avait eu peur d’entamer cette discussion fut assez surpris de sa tournure. Non seulement Sophie ne lui avait pas demandé dans quel endroit il comptait se rendre, mais en plus, avait l’air presque satisfaite de son départ en solitaire. Il fallait bien l’admettre, leur vie de couple était bien morte et enterrée, il pensa alors que lors de son retour, il serait obligé certainement d’avoir une conversation plus longue et sans doute plus douloureuse avec Sophie.
Julien se coucha, libéré d’un poids. Cette nuit-là, le sommeil de Julien se fit profond et plus réparateur.
Le lendemain matin, après avoir passé une nuit à rêver d’être quelqu’un d’autre, Julien se leva. Là, première déception. Le Brad Pitt qui cette nuit défendait la veuve et l’orphelin au péril de sa vie, celui qui se conduisait en héros se retrouva face à une situation des plus critique : « Où est-ce que j’ai mis ma pantoufle droite ? » Au bout d’une minute ayant passé plusieurs fois sa main droite de long en large sous son lit, il finit par l’agripper, la fugueuse est retrouvée.