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Les aventures d'Adlan sont terminées. Découvrez à présent celles de sa demi-soeur Kyneth, la plus grande sorcière de tous les temps. Trigger warning: comporte du contenu sexuellement violent
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Seitenzahl: 976
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Avertissement : à l'apparition de chaque nouveau personnage, merci de consulter sa fiche associée en fin d'ouvrage (annexe 3)
La lecture préalable d'« Adlan » n'est pas indispensable même si préférable
1: WHYVERNN
MOINS QUINZE MILLIARDS D'ANNÉES
MOINS HUIT MILLIARDS D'ANNÉES
MOINS CINQ MILLIARDS D'ANNÉES
MOINS UN MILLIARD D'ANNÉES
MOINS SEPT CENTS MILLIONS D'ANNÉES
MOINS DEUX CENT CINQUANTE MILLIONS D'ANNÉES
MOINS DEUX CENT QUARANTE MILLIONS D'ANNÉES
2: KYNETH
MOINS DEUX CENT QUARANTE MILLIONS D'ANNÉES
AN MOINS 108280
AN MOINS 56784
AN MOINS 2305
AN MOINS 1907
AN 113
AN 183
3: YSIS
AN ?
AN 203
AN 224
AN 345
AN 495
4: ADLAN
AN 702
AN 705
AN 706
AN 722
AN 725
AN 726
AN 736
AN 742
AN 832
5: LAONY
AN 915
AN 983
AN 999
AN 1013
6: SANRS
AN 1050
AN 1064
AN 1245
AN 3038
AN 3114
AN 14013
AN 14018
7: LA FIN DES TEMPS
AN 39815
AN 49045
AN 49785
ANNEXE 1: LA DISPARITION D'ANFREDRI
ANNEXE 2: CHRONOLOGIE
ANNEXE 3: PERSONNAGES
ANNEXE 4: GALERIE
L'AUTEUR
Le Big Bang. La naissance d'un nouveau cosmos. Qu'il y avait-il auparavant ? Bien malin serait celui qui pourrait le dire. La seule certitude était que ce nouvel univers lui, était bien réel. Mais trop jeune, trop inconstant, trop désordonné, pour pouvoir déjà y abriter une quelconque vie. Et pourtant...
À ce moment-là, l'immensité infinie du ciel était encore vierge de toute étoile, la seule lumière illuminant une partie de la voute céleste trouvait son origine dans d'immenses tourbillons de gaz colorés, abritant en leur sein les premiers éléments constitutifs de ce monde nouveau-né. Et pourtant...
Et pourtant, pour celui ou celle qui aurait eu la possibilité de se trouver ici à ce moment-là, quelque part en plein milieu de cet infini encore inexploré, il aurait pu remarquer quelque chose d'insolite et inattendu. Une petite sphère d'énergie rougeoyante qui aurait pu tenir dans la paume de la main, immobile et légèrement inquiétante. Cette " chose ", bien qu'encore dépourvue de toute capacité de penser, n'en demeurait pas moins vivante. Elle resta en l'état durant quelques milliards d'années supplémentaires, durant lesquels elle emmagasina une partie de l'énergie physique et psychique, des connaissances, du mana, qui émergèrent peu à peu non seulement dans la présente dimension, mais également dans un certain nombre d'autres. L'Univers n'était en effet pas infini, quand bien même il pouvait parfois s'étendre sur des distances inconcevables aux yeux d'un mortel. En revanche, chacune de ses parties se trouvait être subdivisée en une innombrable quantité d'espaces différents ; chacun obéissait aux mêmes lois naturelles, mais pouvait abriter des mondes, des créatures, des paysages profondément dissemblables... Ou au contraire, exactement identiques !
La perle écarlate, désormais consciente d'elle-même et de ses pouvoirs pratiquement illimités, finit par s'éveiller et prit alors une apparence humanoïde, en se métamorphosant en un être de grande taille dépassant allègrement les deux mètres de hauteur, élégamment musclé et pourvu de deux longues ailes aux écailles de dragon. Entièrement nu, sa peau était rouge vif, et il arborait une très longue chevelure noire comme le jais, anarchique et ébouriffée, qui lui atteignait quasiment le niveau des genoux. Deux canines dépassaient légèrement de sa bouche, et ses oreilles étaient pointues, longues et allongées. Lentement et calmement, il ouvrit alors les yeux. Ceux-ci brillaient comme un métal précieux, mais leur iris étiré en longueur était semblable à celui d'un fauve. Bien qu'apparemment serein et posé, son regard indiquait également une certaine dangerosité, même si bien peu d'individus pourvus d'intelligence auraient pu avoir l'occasion de le contempler, la galaxie étant encore trop récente pour que ce que l'on pourrait nommer des civilisations aient déjà pu voir le jour et s'épanouir.
Il contempla ses mains un moment, puis réfléchit. Qu'allait-il faire à présent ? L'éternité tout seul, c'est long. Cette entité – il ne pouvait recevoir le terme d'homme – voyagea alors à travers le cosmos, mais se rendit vite compte qu'il pouvait aller beaucoup plus vite en créant des portails interdimensionnels, qui pouvaient le conduire à n'importe quel point du multivers. Ses premières tentatives, hasardeuses, le conduisirent sur des planètes totalement impropres à la vie, brûlantes avec des volcans en fusion ou au contraire où il régnait un froid glacial, des mondes où il pouvait pleuvoir des diamants ou du plomb fondu... Que lui importait ? Il était indestructible. Définitivement, absolument, et rigoureusement invincible. Ni les températures extrêmes, ni les gaz empoisonnés, ni les pressions des profondeurs, ni quoi que ce soit de tranchant ne pouvait entamer sa peau, et il n'avait bien entendu pas davantage besoin de respirer. Rien, absolument rien dans tout l'univers n'aurait pu lui causer le moindre dommage. Seule la magie pouvait l'atteindre, or à cette époque il était sans doute le seul être capable de s'en servir. En fait, il n'existait pas une seule et unique forme de sorcellerie, même si toutes faisaient appel au mana de l'invocateur et des forces environnantes, mais il avait passé les huit milliards d'années précédentes à les observer, les analyser, les comprendre, et pour un certain nombre d'entre elles les maîtriser voire carrément les absorber. Il lui faudrait néanmoins encore très longtemps avant d'être capable de toutes les connaître et les utiliser. Toujours est-il qu'un beau jour, il débarqua sur un monde pourvu de végétaux et d'animaux. L'un d'eux ressemblait à une sorte de gigantesque serpent volant, dont le cri aurait pu ressembler à quelque chose comme " vivaan ". Il s'agit du premier son émis par un être vivant qu'il eut l'occasion d'entendre, aussi en fit-il son nom : désormais, il s'appelerait Whyvernn (prononcer Vivernn). Puis il s'attaqua au monstre ailé qu'il décapita d'un seul coup... et en ressentit un immense plaisir. Pour la première fois, il se mit à sourire.
Whyvernn poursuivit son exploration des différents mondes, lorsqu'un jour lui vint une étrange idée. Non pas que la solitude lui pesât, mais tel un enfant curieux et joueur, il était toujours partant pour tenter de nouvelles expériences, et désira alors créer un peuple à son image, en tous cas jusqu'à un certain point. N'ayant encore jamais croisé d'autre être humanoïde et intelligent – et pour cause, il ne devait probablement pas encore en exister beaucoup dans l'univers – il fut bien forcé de se prendre comme modèle. Mais avant cela, il avait besoin d'un lieu pour pouvoir tranquillement se livrer à ses expérimentations, car elles lui demanderaient certainement enormément de temps et d'énergie, et il désirait ne pas être dérangé. Il partit à la recherche d'une dimension pouvant lui convenir, mais à chaque fois quelque chose n'allait pas. Aussi, pourquoi ne pas la fabriquer lui-même elle aussi ? Cela lui demanda des efforts considérables, néanmoins au bout de plusieurs centaines de millénaires – une broutille pour lui – il parvint à ses fins, et donna naissance à un monde certes exigu comparé à la plupart de ceux qu'il connaissait, mais largement suffisant pour ce qu'il avait à faire. De vastes plaines grisâtres, parsemées de cavernes plus ou moins réduites, avec occasionnellement ici ou là quelque maigre végétation... Le tout était surplombé d'un immense ciel profondément ténébreux aussi noir que sa chevelure, laissant toutefois transparaître par endroits une pâle lumière mauve. Cela n'était pas des plus folichons, et sûrement pas un endroit où on aurait souhaité aller passer ses vacances, mais tel n'était pas le but non plus. Quant au nom, faute de mieux, il le nomma Pandémonium.
N'ayant jamais non plus entendu parler de reproduction, il décida donc d'utiliser la magie pour donner naissance à une toute nouvelle race nonsexuée pourvue de capacités de raisonnement, et en sus invulnérables comme lui. Ses premiers essais furent peu concluants, et il vaut mieux ne pas nous attarder ici sur ces derniers afin d'éviter les cauchemars. Mais enfin, Whyvernn finit par atteindre son objectif ! Il donna naissance à un premier individu disposant d'un corps semblable au sien, bien que légèrement plus frêle et plus petit, mais à la peau argentée et aux longs cheveux blonds et lisses, une apparence presque angélique. Cet être ne disposait d'aucun organe reproducteur ; le démon rouge en possédait certes un, mais n'avait jusqu'alors jamais compris son utilité, aussi estima t-il inutile d'en pourvoir sa création. C'est d'ailleurs à cette occasion, par un pur hasard, qu'il remarqua qu'il pouvait intégralement rétracter ses ailes dans son dos. Poursuivant sur sa lancée, il créa donc un certain nombre d'autres créatures sur le même modèle. Au bout d'un certain temps, il disposait désormais d'un royaume pouvu d'environ cinquante mille sujets. Dans un premier temps, ceux-ci lui obéirent sans discuter, et une véritable ébauche de civilisation fit son apparition. Immortels comme leur créateur, ils consacraient également beaucoup de temps à l'apprentissage de la magie, malheureusement quelque chose avait échappé à Whyvernn...
Quelques dizaines de millénaires plus tard, alors qu'il revenait fier et satisfait d'un monde qu'il venait de mettre en pièces, le maître des lieux eut une fort désagréable surprise : ses sujets l'avaient trahi. Péchant certainement par excès d'orgueil et imbus de leur pouvoir, ils avaient pensé se croire alors assez puissants afin, grâce à leurs magies combinées, de pouvoir renverser le Roi et s'en débarasser. Dire que Whyvernn prit très mal la chose aurait été un euphémisme. Une terrible bataille s'engagea, qui ne fut pas des plus simples pour le Grand Écarlate (par la suite, Whyvernn se donnera un certain nombre de surnoms plus ou moins pompeux). Bien entendu, au un contre un, aucun problème ne se posait, mais il devait faire face à cinquante mille adversaires à la fois. Et comme, à son instar, ils étaient insensibles aux attaques physiques, il devait utiliser la sorcellerie pour en venir à bout, et sa réserve de mana n'était pas inépuisable, même si sans commune mesure avec celle de ses assaillants. Néanmoins, au terme d'un combat acharné qui dura plusieurs jours (seulement... Ce qui en dit long sur la puissance de Whyvernn), tout était fini. Tous ses démons, sans la moindre exception, avaient été anéantis, et le Pandémonium n'était plus qu'un immense charnier, une accumulation de cavadres à perte de vue, pour ceux qui n'avaient pas été purement désintégrés. Mais quel gâchis ! Tous ces millénaires partis en fumée pour un tel résultat ! Le Roi, désormais sans royaume ni sujets, cogita un certain temps se demandant où il avait bien pu commettre une erreur. L'idée d'un peuple qui lui soit devoué ne l'avait pas quitté, et il comptait bien recommencer dans le futur, mais ce serait pour plus tard. Pour l'heure il fallait nettoyer le Pandémonium, et il fit disparaître jusqu'au dernier corps, ainsi que tous les bâtiments qui auraient pu lui rappeler l'existence de ce beau ratage.
Après avoir accompli sa pénible tâche, il se dit qu'il ne voulait plus rien avoir à faire ici, mais ne désirait tout de même pas abandonner et encore moins détruire la dimension qu'il avait mis tant de temps à créer. En revanche, il pouvait l'aggrandir... De même que l'Univers était subdivisé en d'innombrables dimensions, chacune d'elles pouvait elle-même être séparée en ce qui portait le nom de Plans. Si la création d'une nouvelle dimension nécessitait des connaissances magiques et une énergie absolument considérables, réservées aux divinités les plus surpuissantes, et encore la superficie de ces nouveaux lieux se révélait être extrêmement réduite (le Pandémonium ne s'étendait à ce moment-là que sur une cinquantaine de millions d'hectares), donner naissance à un nouveau Plan se trouvait être moins gourmand en ressources, même si là encore seuls des quasi-dieux pouvaient en être capables. Whyvernn construisit alors une nouvelle zone, largement plus étroite et n'excédant pas le millier de kilomètres carrés, mais foncièrement différente dans sa structure. Tout d'abord, l'intégralité du territoire était entouré de roches, comme une immense caverne de taille démesurée, et ce jusqu'au plafond, haut de plusieurs centaines de mètres. Mais l'obscurité n'y régnait pas pour autant, puisqu'en effet brillait en permanence une sorte de lumière surnaturelle douce et tamisée, faisant ainsi baigner la grotte dans un état ni tout à fait diurne ni tout à fait nocturne. La température y était également très agréable, même si sans importance pour le démon. Le sol lui, se divisait en deux parties distinctes, à savoir une immense plaine rocheuse vide de toute construction naturelle ou artificielle, et au loin à l'ouest un bois pourvu d'un lac en son sein. Bien entendu, elle se trouvait alors absente de toute forme de vie, son créateur excepté, mais ce dernier aurait le temps d'y penser plus tard.
Whyvernn repartit alors pour une certaine période à la découverte d'autres mondes, en quête de savoir et de nouvelles conquêtes. Un jour, après qu'il eut visité une étrange planète composée de diamant vibrant, il décida de réintégrer ses pénates. Or, probablement à moitié concentré sur sa tâche lorsqu'il ouvrit le vortex, le Roi bascula par erreur dans un espace-temps alternatif. Il ne s'en rendit pas compte de suite, car autour de lui tout semblait être identique au Pandémonium qu'il connaissait. Mais ce n'était pas " son " Pandémonium. Néanmoins, il finit par vite ressentir quelque chose d'à la fois étrange et indéfinissable dans l'atmosphère. Jetant quelques coups d'œil tout autour de lui, rien ne paraissait avoir fondamentalement changé, les rocs et autres formations de granit ne différaient pas de ceux qu'il avait façonnés, au caillou près... Soudain, une forte voix retentit sur sa droite !
— Qui es-tu ??!!
L'intonation ressemblait à la sienne, grave, suave, et légèrement gutturale, mais dans une tonalité différente. Whyvernn se retourna immédiatement, et face à ce qu'il vit en resta muet de stupeur. Devant lui se tenait son exacte réplique, de taille et gabarit identique et toute aussi nue que lui, mais en version féminine ! Le problème étant qu'il n'avait encore jamais eu l'occasion de contempler de silhouette de femme humanoïde, ne connaissant que les animaux de type reptilien ; il était persuadé que tous les êtres ayant atteint un certain stade évolutif étaient comme lui uniquement de sexe masculin.
— Tu es... ?
— Je m'appelle Dhynernn, et tu te trouves ici dans mon royaume ! Qui diable es-tu ? Réponds si tu ne veux pas que je t'explose la cervelle !
Rarement, pour ne pas dire jamais, qui que ce soit s'était permis de se montrer aussi brutal à l'égard du souverain du Pandémonium. Enfin, de l'autre Pandémonium.
— Mon nom c'est Whyvernn ! Et j'aimerais bien comprendre ce qui se passe ici !
Étrangement, au lieu de commencer à se battre, tous deux se mirent à discuter, chacun ayant l'air tout aussi surpris et décontenancé que son vis-à-vis. S'asseyant sur un rocher peu élevé, ils tentèrent de découvrir ce qui avait pu se passer, et en tirèrent finalement la conclusion d'un univers négatif, ou parallèle, et par conséquent d'un second soi-même. Ils décidèrent alors de se raconter, de partager leurs expériences, leurs connaissances, ce qu'ils avaient pu découvrir sur certaines formes de magie... et il leur arrivait aussi de combattre l'un contre l'autre dans des rixes purement physiques, qui auraient envoyé au cimetière n'importe qui d'autre, mais sûrement pas ces deux-là dont l'invulnérabilité les protégeait de tout mauvais coup. Lors de l'un de ses affrontements, Whyvernn se retrouva violemment cloué au sol sous sa partenaire. Ils ressentirent alors une sensation tout à fait nouvelle mais qui les poussa à se rapprocher, irrésistiblement attirés l'un à l'autre... Et ils découvrirent alors tout naturellement le concept de sexualité. À ce moment-là, il s'agissait probablement d'une nouveauté dans l'univers ! Il n'empêche qu'instinctivement ils surent parfaitement ce qu'il y avait à faire, et comment le faire. Et comprirent enfin à quoi pouvaient bien servir les organes dont ils étaient pourvus entre les jambes. Dans ce domaine, ils apprirent quasiment tout l'un de l'autre, mais ce qui était aux limites de l'inconcevable, c'est que Whyvernn se retrouvait souvent dessous, psychologiquement parlant. Dhynernn le dominait, de toute son existence il s'agirait sans doute de sa seule partenaire qui pourrait prétendre à un tel exploit ! Whyvernn était un dominateur, un être qui agissait selon son unique désir, et aussi agréable qu'ait pu être cette incroyable découverte du sexe et de ses plaisirs, il ne prenait pas d'un très bon œil le fait de se retrouver à la merci de son double féminin. Toujours est-il qu'ils ne firent quasiment que cela durant des années, sans jamais se lasser.
Puis vint le moment où le Roi manifesta le souhait de retourner dans sa dimension, et proposa alors à son alter-ego de l'accompagner. Celle-ci trouva l'idée extrêmement intéressante, et accepta avec enthousiasme. Néanmoins, à peine débarquée dans le " vrai " Pandémonium (NDLA :
l'autre est vrai aussi, mais enfin vous comprenez ce que je veux dire ), Dhynernn sentit de suite une différence fondamentale.
— Why... Whyvernn, je ne me sens pas spécialement à l'aise ici...
L'énergie ambiante se trouvait être plus que favorable au Roi, alors qu'au contraire elle affaiblissait Dhynernn ! Le démon sourit, puis il l'attaqua.
Son double se défendit comme elle le put, mais malheureusement Whyvernn était plus fort qu'elle. Eussent-ils été dans " son " Pandémonium que le rapport de force aurait été plus égal mais là... Et il ne lui laisserait clairement pas l'opportunité de fuir. En concentrant une partie de son mana dans ses poings indestructibles, brisant la protection naturelle de la démone, il réussit à rapidement transpercer son adversaire au niveau du thorax. Se sachant désormais condamnée, elle lui demanda :
— Pourquoi ? Pourquoi fais-tu ça ? Je veux comprendre... Son meurtrier lui répondit d'un air imperturbable.
— Nous sommes plus ou moins de même puissance. Pour l'instant. Un jour ou l'autre, tu pourrais me surpasser et vouloir te débarasser de moi, et tu es l'une des rares qui pourrait en être effectivement capable. Je me contente de prendre les devants, si tu es vraiment mon équivalent, ne me dis pas que tu n'y as jamais songé.
Dhynernn laissa éclater un léger rire nerveux, puis ôta le bras de Whyvernn de son corps, recula de quelques pas, et murmura à mi-voix.
— Nous ne sommes peut-être pas si semblables que cela finalement... Rassemblant les dernières forces qui lui restaient, elle cria.
— Je te jure qu'un jour, d'une manière ou d'une autre, tu le regretteras !
— TAIS-TOI !!
Le démon décocha une boule d'énergie flamboyante qui alla frapper sa victime de plein fouet, cette dernière se consumma rapidement, et finit par perdre le peu d'énergie vitale qui circulait encore en elle.
Un rival potentiel, tout du moins l'avait-il envisagé comme tel, avait été éliminé. À ce stade, il n'est pas inutile de nous attarder sur une poignée d'autres êtres divins ou quasi-divins. En effet, Whyvernn n'était pas le seul du genre dans le multivers. Leur origine pouvait être multiple, certains étant effectivement nés ex-nihilo comme lui, bien qu'éventuellement plus tard dans l'histoire du cosmos, tandis que d'autres apparaîtraient plus tard créés par les hommes. Explication : certains mortels, lorsqu'ils atteindraient le niveau d'intelligence et de spiritualité recquis pour croire en des dieux, se mettraient à vénérer des divinités inexistantes. Or, au fil des générations, avec toujours de plus en plus de croyants et de prières, le nombre et la force de ces dernières cumulées à la puissance des esprits des croyants donna effectivement vie à des entités surnaturelles surpuissantes dans certaines dimensions. Mais ce serait plus tardivement, et il ne s'agit pas de celles dont nous désirons parler. En fait, nous allons nous attarder sur deux d'entre elles.
La première se nommait Kalt, le dieu de la Mort. Mais ne vous méprenez pas sur son titre ! Kalt est un être neutre, dont le seul but est de veiller à ce qu'il règne un certain équilibre entre le nombre des vivants et celui des trépassés, tout du moins au niveau des créatures intelligentes. N'ayant que faire des notions de Bien ou de Mal, si la balance penche trop d'un côté ou de l'autre, il devra alors intervenir pour la rétablir. Lorsqu'il s'incarne sous forme humaine, Kalt à l'apparence d'un homme d'une soixantaine d'années assez grand, au visage impassible, aux cheveux noirs courts et légèrement bouclés, avec un œil d'un bleu clair profond et l'autre rouge comme le sang, toujours revêtu d'un large manteau lui aussi couleur de ténèbres, et tenant une large faux à la main. N'ayant aucun véritable rôle à jouer durant les premiers milliards d'années – l'univers étant alors vierge de toute vie évoluée – on voit néanmoins très vite que plus tard l'existence de Whyvernn pourrait se révéler être un problème, le souverain du Pandémonium étant responsable de génocides de planètes entières, et ne semblant pas s'en préoccuper. Mais si Kalt était bien une des déités les plus puissantes du multivers, au un contre un face à Whyvernn, il ne pourrait remporter le combat. Et son élimination provoquerait un chaos sans nom, car si Kalt mourrait (un comble pour le dieu de la Mort), alors le concept même de mort disparaîtrait, et tous les individus pourvus d'une âme ne pourraient plus décéder ! Les différents mondes habités se retrouveraient vite surpeuplés et invivables, et Whyvernn lui-même en avait bien conscience. Aussi, plusieurs solutions de secours furent-elles mises en place.
Premièrement, Kalt et le maître du Pandémonium signèrent une sorte de pacte de non-agression contenant deux clauses principales : Whyvernn s'engageait à ne pas annihiler plus d'un certain nombre de mondes habités sur une durée définie, en échange de quoi toutes les âmes des créatures supprimées directement de sa main lui reviendraient, et il pourrait en disposer comme bon lui semblerait, notamment pour ses expériences de sorcellerie. C'était triste pour ces malheureux, mais que représentaient même quelques milliards de sacrifiés face à la presque infinité des âmes de l'univers ?
Deuxièmement, Kalt donna naissance à deux enfants, une fille répondant au nom d'Océanne et un fils se prénommant Ghys. Chacun des deux avait pour mission de seconder leur père dans sa tâche, et si ni le garçon ni la fille ne disposaient de la puissance démesurée de leur géniteur, à eux trois leurs forces combinées pouvaient espérer permettre de tenir tête à Whyvernn, au cas où... Et s'attaquer à l'un ou l'autre revenait bien évidemment à provoquer Kalt. Ghys et Océanne étaient tous d'eux d'une beauté à couper le souffle, particulièrement le premier, dont la manière même de se mouvoir lui donnait un aspect quasi féerique, sans compter sa très belle voix suave. Arborant une chevelure noire, celle du garçon était tressée à l'arrière en une très longue natte, tandis que celle de la fille était détachée, mais comme cette dernière était en permanence revêtue d'une robe à capuche noire, peu avaient eu l'occasion de l'admirer. Son frère lui, portait une sorte de tenue de soirée, noire elle aussi, mais avec une chemise blanche. Pour terminer, ils possédaient le même regard peu ordinaire que celui de leur père.
Enfin, le dieu de la Mort disposait d'un allié quasiment omnipotent, répondant tout simplement au nom de... Dieu, avec un D majuscule. D'une certaine manière, on pouvait dire qu'il " travaillait " en collaboration avec Kalt. Enfin, il ou elle, Dieu étant un être hermaphrodite, au visage androgyne et à la poitrine féminine, mais pourvu d'un phallus (inutilisé). Se la coulant douce durant plusieurs milliards d'années, c'est seulement une fois les premières âmes ayant pris vie qu'il se mit à pleinement endosser son rôle. Également surnommé le Grand Administrateur, il passe le plus clair de son temps à accueillir les esprits des défunts pour les envoyer ou au Paradis ou au Purgatoire. Il n'existe pas d'Enfer, Dieu étant le premier a trouver stupide qu'on puisse faire souffrir qui que ce soit pour l'éternité, cela n'a aucun sens. Mais il se trouvait que parallèlement, sa puissance pure, ses pouvoirs, égalaient plus ou moins ceux de Whyvernn. Une confrontation opposant donc ce dernier à une alliance entre Kalt, sa progéniture et Dieu, ne tournerait certainement pas à l'avantage du Grand Rouge. Pour le moment du moins.
L'univers avait désormais vu se développer tout un tas de formes de vie évoluées et intelligentes. Lors de ses pérégrinations, Whyvernn tomba à plusieurs reprises sur d'insignifiantes et chétives créatures vivant en tribus pourvues d'un minimum d'organisation, bien différentes de tous les animaux dont il avait pu croiser la route jusque là. Il en massacra certaines par pur plaisir, se fit adorer en tant que divinité par d'autres, mais il se lassa très vite. Ces mortels ne présentaient aucun réel intérêt à ses yeux, que faire en effet d'individus si fragiles pouvant mourir à la moindre occasion et pour des futilités ! La faim ? La maladie ? Une blessure ? Quelle perte de temps ! Et surtout, leur durée de vie se révélait être bien trop courte ! L'existence entière d'un humain, de sa naissance à sa mort, ne représentait pour lui que l'équivalent d'un battement de cils... Cela n'était pas fait pour assouvir sa soif de pouvoir et de domination. Car déjà, d'autres êtres surpuissants avaient vu le jour, et il comptait bien au mieux les diriger, au pire carrément les anéantir un jour ou l'autre. Finalement il eut une idée : pourquoi ne pas créer luimême un peuple à son image, qui pourrait le vénérer, sans réitérer les erreurs du passé ? Whyvernn mit alors à profit une partie des connaissances et de la puissance qu'il avait emmagasinées depuis déjà presque quinze milliards d'années. Mais auparavant, il avait une tâche à accomplir : donner naissance à une demeure digne de ce nom.
Utilisant la presque totalité du mur est de la gigantesque grotte du Pandémonium, il y bâtit un immense château directement incrusté à même la roche, en en dépassant à moitié telle une singulière excroissance. Ainsi, si toutes les salles de ce nouveau palais situées dans la partie émergée furent construites " normalement ", les autres elles se trouvaient être édifiées directement dans la pierre, même si aménagées de manière à les rendre accessibles et pratiquables. Mais qu'il s'agisse de pièces standard ou établies à même le granit, les sols furent recouverts d'un dallage uniforme et, tout comme les murs, baignaient dans des teintes allant du rouge pourpre au noir profond, aux mêmes couleurs que leur créateur donc (le fait que de base, la caverne ait été elle aussi vermeil arrangeait bien les choses). Whyvernn agença ensuite une salle du trône aux dimensions impressionantes, qui servirait principalement aux audiences et aux banquets. Il élabora également deux bibilothèques où seraient entreposés les ouvrages qu'il pourrait ramener de ses conquêtes, ceux qui seraient écrits de sa main ou par certains de ses sujets, et toute la paperasse administrative liée au royaume ; la seconde serait cachée au sous-sol et lui serait exclusivement réservée, détenant les livres à ne pas mettre entre toutes les mains, comme certains grimoires renfermant le secret de sortilèges interdits, ou tout simplement sa collection de revues cochonnes. Une vaste salle du trésor renfermerait elle tous les autres artefacts, bijoux, œuvres d'art, dont il serait susceptible de s'emparer. Enfin, la citadelle fut pourvue d'un nombre ahurissant de chambres à coucher, certaines richement décorées de meubles, draperies, ou bibelots divers. Une seule servirait au repos, un certain nombres aux serviteurs permanents, quant aux autres... inutile de préciser davantage. Enfin, un petit jardin à ciel ouvert fut ajouté pour la forme, après tout le ciel restait le plafond d'une caverne.
Si une armée d'ouvriers humains avait dû se charger d'un tel œuvre, il leur aurait fallu plusieurs siècles pour pouvoir abattre tant de travail, et sans même parler de la décoration intérieure ! Le Roi lui, grâce à sa magie, n'eut besoin que d'une poignée de mois. Il contempla sa réalisation, très satisfait, il fallait reconnaître qu'elle en imposait. Certainement plus étendue qu'aucune autre construction jamais entreprise par des mortels – plusieurs jours étaient nécessaires si on désirait visiter toutes les pièces – elle avait également un aspect un peu dur et sinistre, et le fait qu'elle paraisse comme sortie de la roche lui prodiguait un côté semi-naturel plutôt déstabilisant. Whyvernn contempla ensuite toute la plaine en contrebas qui faisait face à sa demeure : c'est ici que ses futurs démons vivraient, dans de luxueux manoirs individuels. Il consentirait à bâtir les premiers, mais laisserait ensuite la première génération s'occuper des suivants.
Le moment n'était pas encore venu, il fallait vraiment que le démon écarlate mette tous les atouts de son côté, en planifiant ce qui pourrait arriver lors des millions d'années à venir, bien évidemment il avait largement eu le temps d'y penser et savait à peu près exactement ce qu'il voulait. Tout d'abord, encore aggrandir le Pandémonium en lui adjoignant des Plans supplémentaires. Le tout premier endroit qu'il avait fabriqué, à l'abandon depuis longtemps, était peuplé de créatures ratées, de monstres plus ou moins difformes mais tous profondément stupides, et il les laissa à leur sort ; par commodité, il leur donna l'appelation de démons-bêtes. Le Plan supérieur où il avait aménagé son palais ne devait accueillir que les démons d'élite, ceux qu'il créerait en dernier lieu fort d'un maximum d'expérience, il fallait donc une autre zone réservée à tous ceux qui ne corresponderaient pas à ces critères, mais également un endroit pour que les soldats de son armée puissent s'entraîner, sans compter au moins encore un autre où il pourrait tranquillement s'occuper des âmes qu'il avait recupérées et qui pour l'heure dormaient patiemment dans une léthargie éternelle dans une autre dimension dont il disposait à gré.
Au final, le Pandémonium fut partagé en sept Plans, enfin six en réalité, car le Troisième ne serait créé qu'un milliard d'années plus tard (*lire « Adlan »), aussi par commodité avons-nous mis au point la hiérarchie suivante, en partant du haut vers le bas, chaque nouveau pallier disposant d'une superficie de plus en plus étendue au fur et à mesure que l'on descend :
-le Premier Plan, domaine réservé de Whyvernn et des démons majeurs
-le Deuxième Plan, destiné à l'entraînement des militaires. Principalement composé de plaines rocheuses et de quelques forêts, il a la chance de bénéficier d'un ciel bleu en journée, et d'alterner le jour et la nuit. Soumis aux aléas climatiques, il permet ainsi aux recrues de pouvoir se familiariser avec tous types d'environnements auxquels elles pourraient avoir à être confrontés.
-le Troisième Plan, qui servira bien plus tard (celui evoqué plus haut)
-le Quatrième Plan, exclusivement pour le Roi, où il pourra entreposer les esprits capturés. L'ambiance n'y est franchement pas engageante ! D'immenses territoires sans relief, grisâtres et sans vie, enrobés en permanence d'un profond brouillard inquiétant... Les âmes des trépassés errent en ces lieux, privées de toute volonté, et leur seul but est de servir de matière première pour les expériences du souverain. Ce dernier y édifia par ailleurs une forteresse aux murs de métal, afin de pouvoir se livrer à ses travaux à l'intérieur.
-le Cinquième Plan est très particulier ! Très semblable à un monde terrien, il est composé de prés, de montagnes, de lacs, de forêts... et lui aussi possède un ciel azuré. Aucun démon n'est appelé à y résider, en revanche il est peuplé de dragons ! Et par dragons, nous entendons des créatures intelligentes, douées de parole, et étant capables de maîtriser la magie. Certains d'entre eux serviront de montures pour les militaires, sachant qu'en temps normal ils vivent paisiblement au sein de leur monde, dans lequel ils évoluent en toute quiétude.
-le Sixième Plan sera celui des démons mineurs, mais pas uniquement. Si au niveau du décor il est à l'image du Premier Plan, à savoir des plaines et des bois à l'intérieur d'une caverne, cette dernière plus large que personne dans l'univers n'en a probablement jamais connu, il sera occupé par les démons de seconde zone, baptisés pour l'occasion démons mineurs, afin de clairement les distinguer de leurs homologues nobles. Mais en plus, Whyvernn a pour intention d'y introduire, de gré ou de force, d'autres êtres issus de divers mondes afin de procéder à un immense brassage ethnique qui pourrait se révéler intéressant. La quasitotalité des soldats du Deuxième Plan seront issus du Sixième.
-le Septième Plan, celui des origines, désormais occupé par les démonsbêtes, ainsi que les créations de Whyvernn les plus ratées mais viables. Qu'elles se débrouillent ensuite par elles-mêmes pour survivre ou se reproduire, il ne s'agit désormais que d'une sorte de " dimensionpoubelle ", dans laquelle le Roi n'a plus rien à faire et ne veut plus entendre parler.
Il fut enfin temps de s'atteler à la fabrication des premiers sujets. Whyernn procéda à de nombreux essais, donnant parfois des résultats extrêmement différents, mais la plupart du temps dignes d'intérêt. Étant hors de question que de simples démons mineurs puissent bénéficier de l'invulnérabilité, sans compter que cela nécessiterait beaucoup plus de temps et d'énergie, ils disposeraient certes de la jeunesse éternelle pour la plupart, mais pas davantage. Ces tous jeunes vassaux bâtirent peu à peu leur propre ville, qui ne manquerait pas de prendre des proportions gigantesques dans les millénaires qui suivraient, la population ne cessant de croître au fil des années.
Assez bizarrement, ce ne fut que tardivement que le Roi découvrit une autre manière bien particulière de créer un démon, mais d'un genre assez spécial. Nommés logiquement démons-objets, ces êtres à part nécessitaient l'utilisation d'une matière quelconque, peu importe qu'il s'agisse d'un produit manufacturé, d'origine minérale, végétale, ou autre, et le démon ainsi né prenait la propriété de l'objet dont il avait été tiré. Par exemple, s'il provenait d'une braise, il était capable de contrôler le feu, etc. Mais deux propriétés les distinguaient spécifiquement des autres membres de leur race : d'une part, si leur créateur mourrait, ils disparaissaient instantanément avec lui, d'autre part ils étaient d'une loyauté et fidélité totales à ce dernier, et ne pouvaient le trahir même s'ils le désiraient. Ce type de démon était par ailleurs stérile, quoi que parfaitement actif sexuellement, certains n'étant d'ailleurs créés que dans ce but. Cela dit, et cela n'était clairement pas incompatible, la plupart d'entre eux jouaient avant tout un rôle de domestique, de serviteur, pour ne pas dire d'esclave. Aucun démon-objet n'était autorisé à vivre seul, étant toujours sous les ordres et le bon vouloir de son maître.
Très intrigué, Whyvernn eut un jour une idée assez spéciale. Serait-il possible, et si oui que se passerait-il, s'il tentait de donner naissance à un démon-objet à partir d'un être vivant ? Il réalisait bien que les aptitudes en sorcellerie ainsi que la quantité de mana nécessaires seraient démesurées, aussi dans un premier temps préféra t-il se concentrer sur des animaux qu'il avait ramenés d'une autre dimension. Le souverain se retrouvait désormais avec à sa disposition : un hamster, un canari, deux chats, une louve, et un ours. Ah non pardon, on oublie le canari, lors d'un moment d'inattention, un des deux félins s'est empressé de le manger... Emporté par sa colère, le démon désintégra le matou imprudent, ce qui fit fuir le second dont il perdit la trace. Plus qu'un hamster, une louve, et un ours. Cela se révéla plus difficile qu'il ne le pensait. Le hamster ne survécut pas à l'opération. Le Roi crut un instant être parvenu à ses fins avec l'ours, mais si un démon fut bel et bien entièrement créé, il ne manifesta aucune réaction, son corps était viable mais dépourvu de tout esprit. À moitié découragé mais en même temps plutôt confiant, chaque nouvelle tentative ayant mieux réussi que la précédente, il prit cette fois un maximum de précautions lorsque vint le tour du canidé.
Après une longue incantation, il put voir la louve se métamorphoser en démone, correspondant totalement à ce qu'il attendait, une belle jeune femme à la peau albinos et aux courbes parfaites, arborant une longue chevelure grisâtre en bataille. Assurémment, il pourrait " s'amuser " avec elle... Ou pas. À quatre pattes, le visage tourné vers le sol, elle n'avait pas encore prononcé un mot.
— Je te nomme Gamia ! Je suis Whyvernn, ton maître. Tu me comprends ?
La dite-Gamia releva le visage. Ses yeux étaient dorés mais semblaient manifester une certaine indifférence. Whyvernn réitéra sa question.
— Aouh, répondit-elle.
Aïe. Le démon écarlate dut vite se rendre à l'évidence. Certes, elle semblait saisir le sens de ses paroles, mais était incapable d'utiliser le même langage, ayant gardé celui du loup. Après plusieurs autres tentatives et un peu dépité, son créateur décida d'abandonner pour cette fois. Il avait dû dépenser une quantité phénoménale de mana, et pour quel résultat ? Désormais, il se contenterait de démons-objets classiques, mais que faire de Gamia, qui ne lui était d'aucune utilité ? Il ne voulait pas s'en débarasser, mais ne pouvait pas non plus lui accorder une quelconque indépendance. Aussi décida t-il finalement de la relâcher dans la forêt du Premier Plan, où elle pourrait mener une existence au calme dans la nature. Mais il était grand temps à présent d'enfin passer au stade final : la création des démons majeurs.
Il fallait les occuper, les empêcher de penser à se retourner contre lui. Il trouva très vite ce qui pourrait les maintenir en laisse... le sexe. En les rendant accrocs à la chose, comme quelque part lui aussi l'était plus ou moins devenu bien qu'à un moindre niveau, les hommes et les femmes du Pandémonium passeraient leur temps à se monter dessus et non seulement il aurait la paix, mais pourrait même en profiter lui aussi.
Chaque spécimen demanderait à Whyvernn une énergie considérable, aussi celui-ci jugea t-il bon de n'en fabriquer tout au plus que quelques centaines, tout comme il l'avait fait pour les démons mineurs, et à qui il demanderait ensuite de donner jour à une descendance, comme il en était coutume dans les sociétés des mortels. Il ne fut pas peu fier du résultat. En l'espace d'une poignée de millions d'années, le Premier Plan atteignit un nombre raisonnable de dix mille individus, chacun vivant somptueusement dans, selon les tailles et le désir du propriétaire, son propre manoir ou plus modestement hôtel particulier, parfois en compagnie de membres de sa famille, et quasi systématiquement toujours avec quelques démons-objets. Quelques-uns toutefois, préféraient établir leur demeure à l'écart, dans l'une des nombreuses petites grottes enclavées dans le mur nord. Pour le Roi, c'était assez, il désirait une élite pour ses sujets, mais la place commençait à manquer, et il était hors de question de se développer au-delà d'un certain point, ne serait-ce que pour sa propre sécurité. Si pris individuellement aucun ne pouvait représenter de menace sérieuse, un trop grand nombre ligué contre lui aurait clairement pu lui poser des problèmes. Ce n'est pas parce qu'ils seraient obnubilés par les plaisirs charnels qu'ils n'auraient pas une vie à côté non plus, il s'agissait juste de limiter les risques. Contrairement à ses premières créations, les démons majeurs disposaient virtuellement d'une progression illimitée quant à la connaissance de la sorcellerie. Aussi s'ensuit-il un strict contrôle des naissances, mais qui ne fut pas bien difficile à mettre en place, et ce pour deux raisons. D'une part, vers la fin de leur adolescence, on enseignait à tous les démons des deux sexes un sort contraceptif permanent, évitant ainsi tout accident. Pour pouvoir enfanter, il se révélait indispensable que les deux partenaires brisent le sort de manière volontaire. D'autre part, la plupart des démons ne désiraient pas spécialement de descendance, ou alors un seul enfant au pire. Et sur des millions et des millions d'années, cela rendait la croissance du peuple quasi-nulle ! Les démons possèdant un frère ou une sœur étaient déjà rares, et ceux en ayant deux ou plus devaient se compter sur les doigts des deux mains. La première génération avait été obligée de " produire " beaucoup, mais il s'agissait d'un ordre de leur souverain, et aucunement d'une volonté personnelle. Étant pour une majorité de nature méfiante et égocentrique, ils ne désiraient pas spécialement d'enfant, qui aurait pu empiéter sur leur qualité de vie, voire désirer les supprimer un jour.
Leur apparence était de base identique pour tous : tous très beaux sans exception, de peau totalement blanc albinos mais avec des reflets colorés de différentes teintes, de longues oreilles pointues et des canines légèrement proéminentes, un regard et des chevelures de toutes les couleurs possibles et imaginables, et des corps imberbes et parfaits (avec des formes particulièrement généreuses pour les démones...). En revanche, si tous étaient d'une corpulence plutôt svelte, on voyait très peu de disparités de taille, l'écrasante majorité des hommes mesurant entre un mètre soixante-dix et un mètre quatre-vingt, et celle des femmes cinq centimètres de moins en moyenne. Bien sûr, on trouvait quelques exceptions, mais la taille moyenne se révélait être d'une incroyable constance. Et les démones se moquaient éperdumment de la grandeur de leur partenaire, qu'il soit plus petit ou plus grand qu'elles, quelle importance ? Une fois dans un lit, aucune différence ! Une extravagance tout juste bonne pour des humains stupides.
Un nouveau démon conçu " naturellement " ne demandait que trois à quatre mois de grossesse à sa mère, puis une fois venu au monde il était généralement pris en charge par des démons-objets jusque vers l'âge de quatorze ans, après quoi l'un ou l'autre, voire les deux, parent terminait son éducation. Sa croissance physique et mentale s'achevait vers l'âge de vingt ans, et il était considéré comme un démon à part entière le jour de son vingtième anniversaire. Les démons continuaient à fêter ce jour spécial même après, mais il fallait trouver des astuces pour les bougies sur le gâteau lorsqu'on était âgé de plusieurs millénaires ou millions d'années. Libre au nouvel adulte ensuite de rester dans le giron du domaine familial ou d'aller prendre demeure autre part dans la cité. À l'instar de Whyvernn, tous les individus bénéficiaient de la jeunesse éternelle, incluant une peau d'une incroyable douceur, et étaient totalement insensibles aux dégâts d'origine non-magique, y compris poisons ou maladies. Ce qui ne les empêchait pas en même temps, bien que certains trouveraient peut-être la chose paradoxale, de posséder des sens exacerbés. Ils appréciaient boire et manger comme la plupart des mortels, et si goût et odorat étaient à peine plus développés que pour ces derniers, leur vue était excellente, leur ouïe largement supérieure, et leur sens du toucher ultra-sensible, ce qui expliquait aussi un tel amour pour la sexualité. On pourrait carrément parler d'addiction à ce niveau. Si là encore on trouvait des disparités, quasiment tous les démons ne pensaient qu'à la bagatelle une bonne partie de leur temps.
Nous avons parlé de nourriture juste avant, mais il va de soi qu'ils n'en avaient nul besoin pour vivre, c'était uniquement pour le plaisir gustatif. Physiologiquement parlant, même s'ils disposaient d'une apparence quasi humaine, une partie de leur constitution, de leur organisme, restait d'origine magique, et ils étaient par exemple dépourvus d'estomac ou d'intestins (leur anus ayant une utilité purement sexuelle). Les aliments absorbés disparaissaient instantanément une fois avalés. Quant au sommeil, le cas était un peu différent. Là encore, de base, aucun démon n'éprouvait un besoin impérieux de dormir, toutefois beaucoup s'y adonnaient par pur plaisir, un peu à l'image d'une petite sieste à l'ombre d'un arbre un beau jour d'été. En revanche, un démon blessé ou affaibli, par exemple suite à une joute magique, devra obligatoirement se reposer afin de guérir et reprendre des forces. Le souci, c'est que durant ce laps de temps, il se retrouve totalement à la merci de n'importe quel ennemi. Whyvernn n'était pas une exception, et la plupart des démons avaient établi dans leur manoir au moins une chambre cachée à laquelle ils pouvaient avoir recours le cas échéant. Enfin, si lors de leur venue au monde tous ne naissaient pas avec la même quantité de mana, avec un long travail n'importe qui pouvait prétendre à devenir un sorcier de haut rang. Pour terminer, précisons qu'il existait également une classe un peu à part de démons vampires, qui avaient été créés par accident. Contrairement aux leurs, il devaient de temps à autre absorber un peu de sang pour pouvoir continuer à vivre. Mais peu importait l'origine de celui-ci, n'importe quel animal de n'importe quelle planète faisait l'affaire, cela n'était donc pas spécialement un problème. Ils souffraient également d'un regrettable point faible : leur corps était vulnérable au feu (mais pour le reste, ils bénéficiaient de la même invulnérabilité que leurs congénères).
À première vue, de tels avantages laisseraient rêveur et beaucoup auraient bien aimé pouvoir leur ressembler, néanmoins il ne fallait pas sous-estimer un gros inconvénient. Un énorme inconvénient. Whyvernn et ses démons, peu importe leur rang, étaient dépourvus d'âme.
La plupart des êtres intelligents dans l'Univers étaient composés de trois formes : un corps, un esprit, et une âme. Certains se sont débarassés de leur enveloppe physique, mais ont conservé les deux autres. Concrètement, cela veut dire que s'il meurt, un démon disparaîtra à jamais dans le néant. Il n'aura droit à aucun au-delà de quelque genre que ce soit, ni de réincarnation, ni quoi que ce soit d'autre qui pourrait s'en rapprocher. Non, il est mort et définitivement mort, à jamais. Sur ce point, et sur ce point seulement, les démons étaient inférieurs aux mortels. On comprendra dans ces conditions qu'ils puissent parfois se révéler un minimum paranoïaques, et que celui ou celle qui envisagerait de s'attaquer à plus fort que lui, à commencer par son souverain, y réfléchirait à deux fois avant de prendre un tel risque ! Tant qu'ils restaient tranquilles en bonne entente les uns avec les autres, même si cela ne devait être que de la politesse de façade, ils ne risquaient pas grand-chose, mais tous savaient que leur décès indiquait pour eux une fin définitive.
Whyvernn avait édicté quelques lois, afin de rendre le Pandémonium un minimum vivable et éviter un chaos inapproprié. Oh, il ne fallait pas le considérer comme un gouvernant ayant à cœur la bonne marche du domaine et le bonheur de ses sujets, et puis il ne désirait pas s'enquiquiner dans la rédaction de textes administratifs, des démons affectés à cette tâche s'en chargeraient à sa place ; dans la pratique chacun était plus ou moins libre de faire ce qu'il voulait, y compris d'entrer et sortir à volonté du royaume pour se rendre dans d'autres dimensions. Par ailleurs, même les plus brutaux ou obtus n'en restaient pas moins des êtres raffinés et cultivés, beaucoup ayant une sphère de prédilection pour tel ou tel sujet, certains démons étant même artistes ou inventeurs, d'autres s'étaient également fixé un but, celui de Whyvernn étant un jour de régner sur toutes les dimensions peuplées d'êtres supérieurs, sacrée ambition ! Et même si la majorité aurait pu se définir par des adjectifs comme mégalomane ou égocentrique, incapables de sentiments tel la compassion, l'amour, ou l'amitié (tout au plus une légère affection entre membres d'une même famille), et faisant systématiquement passer son intérêt avant tout, les habitants des lieux comprenaient parfaitement qu'il fallait respecter certaines règles.
La première avait autorité sur toutes les autres : on ne contredit pas le souverain. Quiconque désobéirait sciemment au Roi avec la volonté de lui nuire serait exécuté sur-le-champ, et ne parlons même pas d'une tentative de trahison ou de rébellion... Whyvernn ne le tuerait pas immédiatement mais lui ferait endurer les pires tortures. La deuxième était l'interdiction des duels d'honneur, le Grand Rouge ne voulait pas voir le peuple qui lui avait demandé tant de temps et d'efforts à construire s'entretuer pour des raisons d'ego ! Toutefois, si les deux belligérants allaient régler leurs comptes hors du Pandémonium et qu'un seul en revenait, personne n'irait vérifier, le vainqueur aurait néanmoins intérêt à ne jamais être découvert. Troisièmement, le vol était rigoureusement interdit. Cela pouvait paraître superflu dans le sens où ce qu'un démon désirait, il pouvait toujours le créer par la sorcellerie. Néanmoins, cela n'était pas valable pour certains artefacts magiques ou pièces de collection uniques. Enfin, il était interdit d'avoir des rapports sexuels en public. Le simple fait de le mentionner pourrait sembler incongru dans la plupart des mondes civilisés, mais nous étions dans le Pandémonium ici ! Au début, cela était parfaitement autorisé. Mais il y eut un peu trop de débordements, et on se retrouva vite avec de vastes orgies en pleine rue, encombrant le passage et un peu trop bruyantes ! Il en allait de même dans les couloirs du château royal. Les démons pouvaient batifoler autant qu'ils le désiraient à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, à deux, dix, ou même cinquante si cela leur chantait, mais qu'ils se livrent à leurs ébats chez eux, dans une chambre, ou n'importe quel autre endroit clos ! Ou alors hors du royaume. En revanche, la simple nudité était tolérée mais... Cela passait pour primitif, rustre, grossier, d'autant plus que les démons aimaient à paraître vêtus de splendides habits élaborés avec soin, à une exception près : Whyvernn lui-même. Sans que cela soit non plus systématique, on le voyait régulièrement dans le plus simple appareil, y compris lors d'audiences publiques ou de festins, ou même lorsqu'il se déplaçait dans les rues de la cité dont il était le maître. Ses sujets avaient appris à vivre avec, et il fallait admettre qu'aux yeux de certaines démones, l'admirer ainsi n'avait rien de déplaisant, le membre royal bénéficiant de dimensions plus que généreuses. Toutefois, particulièrement lorsqu'il était en pourparlers avec un représentant d'un autre peuple, il faisait l'effort au minimum de porter une tunique, parfois ajustée d'une longue cape. Quelles que puissent être ses immenses connaissances, le Roi n'en restait pas moins un être plutôt brut de décoffrage, et ne voyait pas spécialement l'intérêt de porter des vêtements. Sa peau était indestructible, alors à quoi bon ? Et quand il désirait qu'une (ou plusieurs) partenaire(s) partage(nt) sa couche, celle(s)-ci n'avai(en)t pas son(leur) mot à dire, alors autant ne pas perdre de temps.
Il nous faut aussi évoquer une poignée de démons occupant un rôle particulier au sein du Premier Plan.
Knesset, le cuisinier royal. En temps normal, ce sont des démonsobjets qui ont pour tâche de faire la cuisine, y compris au château lors des fréquents banquets royaux, toujours fastes, accueillant parfois plus d'une centaine d'invités, et pouvant s'étaler sur plusieurs jours. Or, un jour, un démon majeur comme tant d'autres décida de se mettre aux fourneaux. Éprouvant une passion totale et absolue pour la cuisine sous toutes ses formes, il partit pour un long voyage d'entraînement à travers d'innombrables dimensions, et lorsqu'il revint plusieurs dizaines de millénaires plus tard, il proposa ses services au Roi. Bien que légèrement circonspect dans un premier temps, après tout il n'avait rien à reprocher à ses démons-objets quant à leurs compétences gastronomiques, il lui laissa tout de même sa chance, grand bien lui en prit ! Knesset connaissait et maîtrisait un nombre ahurissant de recettes provenant de tous horizons et tous peuples, certains ayant même déjà disparu au moment où il avait réintégré le Pandémonium, et on peut dire que sorti du domaine sexuel, il était le seul à pouvoir procurer autant de plaisir à son monarque, ainsi qu'à ses autres congénères d'ailleurs, qui vantaient unanimement ses louanges. Whyvernn lui confia alors la direction générale des cuisines royales, un poste que le démon ne manquait pas de souvent rappeler avec fierté. Toutefois, un léger détail le distinguait des autres démons majeurs. Cheveux violets coupés courts, et toujours vêtu d'une tenue de maître queux (attention à ne pas confondre avec Whyvernn, qui lui était maître queue), lors du retour de son périple, il présentait un certain embonpoint, ce qui était tout bonnement incompréhensible, tous les démons sans exception étant censés bénéficier d'un corps svelte inaltérable ! Le Roi lui-même fut incapable d'expliquer un tel prodige, mais laissa les choses en l'état, après tout cela n'avait aucune incidence sur les capacités de Knesset.
Ensuite, parmi les démons-objets nés de la main du Grand Rouge, deux occupaient une place tout à fait spéciale. La première se nommait Komaria, sans nul doute l'une des femmes les plus grandes que le royaume ait jamais connu, car atteignant limite le mètre quatre-vingtdix. Portant une longue et belle chevelure et des yeux rubis, pratiquement personne parmi les démons n'avait vent de son existence, Gréhone excepté (dont nous reparlerons bien entendu plus tard). Et pour cause. Créée à partir d'un glaive en bronze enchanté – et fabriquer un démon-objet à partir d'un artefact magique demandant un talent considérable, on imagine que Whyvernn tenait à elle – elle en hérita de la froideur et la dureté, et d'ailleurs était totalement sans émotion, le Roi lui-même n'avait jamais véritablement eu l'occasion de pouvoir entendre le son de sa voix, ils communiquaient uniquement par télépathie. Deux tâches principales lui avaient été assignées, en premier lieu, perpétuellement cachée dans l'ombre et protégée par une aura de protection censée la rendre indétectable, elle servait d'espion pour son maître, chargée de lui rapporter tout ce qu'elle aurait pu découvrir au sein du Pandémonium qui aurait pu avoir un quelconque intérêt pour le démon écarlate, notamment lorsque celui-ci s'absentait de son domaine. En second lieu, lorsque Whyvernn désirait se débarasser d'un gêneur et qu'il dédaignait s'en occuper lui-même, il confiait cette mission à Komaria qui exécutait – au propre comme au figuré – le travail le plus discrètement du monde. Enfin, de manière annexe, la démone lui servait également de garde du corps. Certes, il n'en avait théoriquement nul besoin sauf dans un cas spécifique, à savoir lorsqu'après une énorme consommation de mana il éprouvait le besoin de se reposer dans sa chambre dérobée à l'abri des regards. Komaria en connaissait l'emplacement et montait la garde tout le temps nécessaire à ce que son souverain reprenne des forces, quand bien même cela devait perdurer des années. La jeune femme (NDLA: chaque fois que dans cet ouvrage vous lirez " jeune femme " ou " jeune homme " à propos d'un démon, il s'agira bien entendu de comprendre au niveau de l'apparence physique et non de l'âge réel !) se serait immédiatement suicidée si Whyvernn le lui avait demandé. Totalement dépourvue de sentiments, qu'ils soient positifs ou négatifs, elle paraissait parfois plus proche d'une machine que d'un être vivant.
Enfin, nous nous devons de mentionner Wasleh qui, si elle était connue de ses congénères, la plupart d'entre eux n'ont jamais eu l'occasion de la croiser, et de toutes façons ils ne le désiraient pas vraiment... Bien que séduisante avec ses longs cheveux gris et ses proportions parfaites, son regard rouge sang pénétrant pouvait éventuellement en mettre certains mal à l'aise, bien qu'assez nombreux étaient les démons à posséder des yeux de cette teinte, mais le problème n'était pas là. Son bras gauche avait été fabriqué en acier ensorcelé, et pouvait être équipé de tous un tas d'accessoires à l'aspect peu engageant. Whyvernn l'avait envoyée dans le Quatrième Plan, dans sa forteresse de métal, dont il lui avait confié la direction. Plus concrètement, Wasleh devait faire le tri parmi les innombrables âmes des victimes du Roi en fonction de certains critères comme la puissance de leur mana ou la force de la haine qui pouvait les habiter. Elle devait ensuite se livrer à certaines opérations de sorcellerie simple, que son souverain lui avait enseignées afin de ne pas avoir à s'en occuper lui-même. Mais la démone disposait d'un second rôle, celui d'exécutrice des hautes œuvres. Lorsque Whyvernn désirait punir un de ses sujets pour une faute particulièrement grave, mais sans l'éliminer, ou en tous cas pas tout de suite, il le confiait aux bons soins de sa tortionnaire attitrée qui grâce à sa caractéristique physique lui faisait endurer les pires tourments. Elle était particulièrement habile pour l'énucléation et également – si sa victime était de sexe masculin – l'émasculation. Mais une différence fondamentale séparait Komaria et Wasleh. Si la première obéissait aux ordres de manière quasi mécanique et sans la moindre émotion, la seconde elle y prenait un plaisir certain ! Sadique et perverse, elle n'aurait souhaité changé de place pour rien au monde. Ce qui expliquait aussi pourquoi les autres démons ne souhaitaient pas avoir à faire avec elle.
Bien que Whyvernn se méfiât un minimum de la majorité de ses sujets, hormis les démons-objets dont il était l'auteur cela va sans dire, il en existait néanmoins une poignée envers lesquels il manifestait une certaine confiance, ce qui n'allait pas sans leur procurer certains avantages, à commencer hiérarchiques. Parmi certains des plus anciens démons majeurs se trouvait être un couple pour le moins hors du commun. Tous les occupants du Pandémonium ne jouissaient pas du même statut, mais la richesse n'avait rien à voir là-dedans, les habitants n'ayant strictement rien à faire de l'argent, pouvant obtenir tout ce qu'ils désiraient par la magie, y compris les métaux précieux eux-mêmes ! Ils appréciaient certes les artefacts en or ou les bijoux, mais uniquement pour leur valeur esthétique et absolument pas marchande. Par conséquent, peu importait la quantité d'objets possédés ou le faste ostentatoire manifesté. Non, deux autres critères régissaient leur rang : leurs exploits militaires ou leur maîtrise de la sorcellerie. Pour les premiers, deux cas de figure pouvaient exister, ou bien ils avaient accompagné leur Roi lors de ses campagnes de conquête et avaient réussi à brillamment se faire remarquer, ou alors ils étaient partis à l'assaut d'autres territoires pour leur propre compte. Il allait sans dire que Whyvernn l'autorisait uniquement s'il ne s'agissait pas de mondes sur lesquels il avait des vues. Le démon en question restait le vassal de son maître en toutes circonstances, et si ce dernier souhaitait réquisitionner la possession en question, il ne pouvait être désobéi. Il était également possible que le souverain ne désire pas mener l'attaque lui-même, ou bien qu'il confie la direction de l'endroit conquis à un subalterne.
Et donc, un démon avait particulièrement attiré son attention. Réhon, car tel était son nom, était à la fois un stratège hors pair mais aussi un combattant de premier ordre. Si sa maîtrise de la magie se révélait assez médiocre, il maniait le glaive, ainsi que de nombreuses armes différentes telles que les lances ou les haches, comme personne et faisait des merveilles sur le champ de bataille, il avait déjà défait des armées entières à lui seul. À la fois intelligent et raffiné, il s'était montré à de nombreuses reprises plus qu'utile pour son maître, envers qui il avait toujours fait preuve de la plus grande des loyautés, et il s'agissait d'une loyauté sincère. Un jour, il décida de s'unir à Ahzenta qui, si elle n'était pas la plus grande magicienne du royaume, disposait tout de même de capacités supérieures à celles de la plupart de ses congénères. Acceptant l'offre, la démone rejoignit Réhon dans le splendide manoir de ce dernier, situé au beau milieu de la cité surplombée par le château royal, et elle y embellit le vaste jardin d'une roseraie couleur saphir, qui faisait l'admiration de ses voisins. Et là, nous allons devoir digresser afin de traiter d'un aspect fondamental de la société du Premier Plan. Le mariage n'existait pas, uniquement des unions temporaires plus ou moins longues (qu'elles durassent deux ans ou cinq cent millions d'années), entre deux individus pleinement consentants et quel que soit leur sexe d'ailleurs, l'écrasante majorité des démons majeurs étant bisexuels ne serait-ce qu'occasionnellement ; en revanche il semblait n'exister aucun homosexuel exclusif, cela pouvait être l'orientation privilégiée de quelques-uns mais clairement pas absolue. La plupart des individus n'étaient pas spécialement " mauvais ", imbus de leur personne et avant tout focalisés sur leurs désirs ou objectifs personnels oui, et peu leur importait si cela devait se faire au détriment d'autrui, mais n'allaient pas pour autant volontairement tenter de nuire par pur plaisir malsain. Dans ces conditions, l'amour, quel que ce soit le sens qu'on puisse donner à ce mot, ne se voyait que par trop rarement, et était même déconsidéré, un démon qui ressentait une affection profonde à l'égard d'un autre n'aurait jamais osé l'avouer, de peur de devenir la risée de ses pairs. Et en plus, les chances que cela fût reciproque étaient quasi-nulles. En revanche, un respect sincère, ou le fait d'apprécier un peu de temps passé ensemble, là oui cela pouvait arriver. Et c'était le cas entre Réhon et Ahzenta. Toutefois, et c'était un aspect fondamental tant de la psychologie que de la culture des démons majeurs, non seulement ce qu'on appelait sentiment amoureux au sein d'un couple était une incongruité, mais le concept même de fidélité conjugale, ou disons plutôt exclusivité sexuelle, n'avait strictement aucun sens. Une pure invention de mortels, tout juste bonne pour ces êtres inférieurs et