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Extrait : "Ran, plan,... plan, plan, plan ! fit la chambrée debout en demi-cercle, autour d'un troupier à genoux, dont la tête reposait sur les cuisses d'un camarade, et elle se tut. - Attention : Sauvageot, dit le caporal Verdier, un grand blond à barbe rousse. La main du troupier, largement ouverte sur ses reins, eut un léger tremblement ; on devait déjà lui avoir administré de solides claques..."
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Seitenzahl: 34
Veröffentlichungsjahr: 2015
EAN : 9782335049961
©Ligaran 2015
« Ran, plan,… plan, plan, plan ! fit la chambrée debout en demi-cercle, autour d’un troupier à genoux, dont la tête reposait sur les cuisses d’un camarade, et elle se tut.
– Attention ! Sauvageot, dit le caporal Verdier, un grand blond à barbe rousse.
La main du troupier, largement ouverte sur ses reins, eut un léger tremblement ; on devait déjà lui avoir administré de solides claques. Et comme il attendait, très anxieux, un soldat qui entrait fendit le groupe, leva le poing avec tranquillité, le laissa retomber. Un coup sec retentit.
– Aïe !… Sacré nom de nom,… s’il y a du bon sens ! bredouilla Sauvageot furieux.
On éclata de rire. « Ce Sauvageot ! quel mollasson !… Gueuler comme ça pour un méchant revers de tampon !… Ah ! fantassin de malheur ! Non, il n’était pas possible de rencontrer une pareille andouille… Chacun son tour, d’ailleurs ; se gênait-il pour taper sur les autres, lui ?… Alors, quoi ? Gare la couverte !… Les mains de Sauvageot, des mains ?… jamais de la vie, des pelles à four ! »
Sauvageot s’était relevé. L’œil navré, les moustaches pendantes, un reste de colère sur les joues, il paraissait considérablement stupide.
– Voyons, quel est le Prussien qui t’a poivré la pince ? finit par demander le caporal Verdier.
– C’est Faguelin.
En chœur, la chambrée poussa un hurlement de joie, se répétant : « Faguelin ! Faguelin ! »
Quelqu’un cria : « Ohé ! Faguelin !… As-tu vu Faguelin ? »
Maintenant le regard ahuri de Sauvageot se promenait sur toutes les figures. Plusieurs fois déjà, au milieu du tapage, il avait murmuré : « Comment ! ce n’est pas Faguelin ? »
Et il renouvelait sa question, lorsqu’on le rejeta entre les genoux du camarade béatement occupé à sourire sur le bout d’un châlit.
– Attention ! cria de nouveau Verdier, que ton postérieur ouvre l’œil ! »
Cette fois, un long et maigre soldat s’approcha. Il avait quitté un de ses godillots, et marchait dans une vareuse trop large, en boitant, un pied nu, la bouche sournoise. Il levait son godillot, des mains de tous côtés l’encourageaient, mais brusquement le caporal Verdier cria :
– Fixe !
Il venait d’apercevoir le lieutenant de semaine dans l’embrasure de la porte, et derrière lui, les longues moustaches frisées du sergent-major en tournée de service. Les hommes s’étaient précipités au pied des lits, et ils attendaient, la mine sérieuse. On entendait grésiller la chandelle en train de se consumer sous le plafond, à un des angles de la planche à pain. Sa longue flamme jaune inondait de lueurs dansantes et affadies les murs blanchis à la chaux, les piles d’effets bien pliés au-dessus de la grande étagère en sapin, les sacs de toile goudronnée dont quelques-uns traînaient sur des lits, pareils à des bêtes éventrées. Calés dans leur râtelier, les fusils alignés dormaient dans une ombre trouble, sans un éclair.
– Verdier, vous pouvez commencer l’appel, dit le lieutenant.
C’était un jeune homme pâle, presque imberbe, avec des bottes qui lui montaient aux genoux. Quand il avança vers le milieu de la chambre, son sabre contre ses mollets, produisit un cliquetis clair.
– Pruvost ! cria le caporal.
–… sent, répondit Pruvost.
– Lefèvre !
– Présent.
– Gaillardin !
–… sent ! »
L’appel continua. Aussitôt nommés, les hommes répondaient, et dans le calme de la pièce, la dissemblance des voix était très sensible.
– Joliot ! cria Verdier… Joliot ! répéta-t-il.
Personne ne broncha. Joliot était absent. Le lieutenant demanda :
– Personne ne l’a vu ?… On ne sait pas où il est ?
La chambrée se taisant, il se tourna vers le sergent-major.
– Marquez Joliot manquant.
Puis, quand le petit bruit aigre du crayon sur le papier eut cessé, au moment de sortir, le lieutenant se retourna.
– Les Prussiens sont à vingt lieues d’ici, annonça-t-il ; le commandant de place compte que chacun fera son devoir.
On ne crut point à la nouvelle. Alors, au milieu du silence froid qui l’accueillit, l’extinction des feux éclata bruyamment dans la cour de la caserne. Depuis l’invasion, elle avait lieu à huit heures et demie. Ce fut comme un avertissement sonore et tranquille qui parla d’abord. Deux notes se répétèrent trois fois, continuées par une phrase mélancolique, saisissante. Le clairon les avait chantées aux longues soirées d’août, maintenant elles appartenaient à l’obscurité hâve des crépuscules de l’automne. L’avertissement recommença, puis la même phrase triste, et elle s’éteignit en gémissant.