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Le musée de la Vie romantique (Paris) a consacré du 4 mars au 15 juin 2008 une exposition à L'Âge d'or du romantisme allemand, aquarelles et dessins à l'époque de Goethe. Dans sa Préface au catalogue, Pierre Rosenberg avoue préférer le sous-titre: Aquarelles et dessin à l'époque de...
À PROPOS DE L’ENCYCLOPAEDIA UNIVERSALIS
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Veröffentlichungsjahr: 2016
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Les grandes expositions sont l’occasion de faire le point sur l’œuvre d’un artiste, sur une démarche esthétique ou sur un moment-clé de l’histoire des cultures. Elles attirent un large public et marquent de leur empreinte l’histoire de la réception des œuvres d’art.
Sur le modèle des fiches de lecture, les fiches exposition d’Encyclopaedia Universalis associent un compte rendu de l’événement avec un article de fond sur le thème central de chaque exposition retenue : - pour connaître et comprendre les œuvres et leur contexte, les apprécier plus finement et pouvoir en parler en connaissance de cause ; - pour se faire son propre jugement sous la conduite de guides à la compétence incontestée.
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Le musée de la Vie romantique (Paris) a consacré du 4 mars au 15 juin 2008 une exposition à L’Âge d’or du romantisme allemand, aquarelles et dessins à l’époque de Goethe. Dans sa Préface au catalogue, Pierre Rosenberg avoue préférer le sous-titre : Aquarelles et dessin à l’époque de Goethe. C’est là une conception bien française. Le romantisme allemand inquiète. A-t-il consommé la rupture avec les Anciens et rendu celle-ci irréversible ? A-t-il créé un « mythe pour notre temps » qui n’aurait cessé d’aveugler l’Europe et engagé son destin sur une voie aventureuse ? On comprend que le patronage de la figure olympienne de Goethe soit rassurant : le poète de Weimar avait trouvé bien avant les surréalistes le point où le passé et l’avenir, l’Orient et l’Occident se confondent, mais on se demandera si cette puissance tutélaire n’a pas plutôt écrasé de son soleil de midi ce qu’avait d’original le romantisme allemand, et tout particulièrement le premier romantisme allemand, celui d’Iéna, qu’on s’accorde à faire débuter en 1798 et à voir s’achever en 1806. Ce sont peut-être en effet les ombres délicates et cette atmosphère de nocturne en plein jour du romantisme allemand, que la lumière zénithale écrase, qui font tout l’intérêt de cet art contemporain d’une époque qui vacille.
Sans qu’il faille y voir un parallélisme rigide, il n’est peut-être pas arbitraire de mettre en regard de ce romantique-là deux préoccupations originales de la philosophie allemande : la question des puissances et celle du concept. Les couleurs formeraient ainsi une échelle des puissances, tandis que le dessin fournirait les linéaments du concept. Et l’aquarelle serait le schème qui ferait le lien entre monde sensible et concept.
À cela s’ajoute que cet art qui passe volontiers pour l’expression plastique d’une douce mystique est souvent un art politique et même politisé. En témoigne La Grande Misère de la patrie (1809) de Philipp Otto Runge qui nous montre une Germania pieds nus portant un enfant nu sur ses épaules, poussant le soc d’une charrue tirée par un angelot pour labourer la terre où repose la patrie morte, ce défunt Saint Empire romain germanique dont Napoléon Ier a dressé en 1806 l’acte de dissolution. Et c’est aux confins de l’extrême mélancolie que se situeChouette au bord d’une tombe, un dessin exécuté par Caspar David Friedrich vers 1834-1837. Politique, cette souffrance de l’artiste ? Oui, elle n’est que le versant individuel d’une catastrophe collective qu’avait figurée le plus connu des tableaux de Friedrich, La Mer de glace, refermée sur le navire Hoffnung (« espoir »), l’espoir défunt étant celui de la Révolution française et le désespoir sans fin celui de l’« exportation » brutale et militaire de l’esprit de 1789 par Napoléon Ier suivie par le rétablissement du pouvoir des princes dans l’Europe de Metternich.
Il est intéressant de mettre le dessin romantique en perspective dans l’histoire du dessin allemand : on y retrouve cette continuité du « trait » incisif, coupant, chirurgical, qui trouve son paradigme chez Dürer. Sans doute faut-il être plus nuancé et distinguer entre le trait mort des Nazaréens – des romantiques néo-classiques pourrait-on dire en usant d’une contradiction dans les termes –, celui de Johann Friedrich Overbeck, Italia et Germania (1815-1828), et le trait d’un Georg Friedrich Kersting, Caspar David Friedrich en randonnée dans le Riesengebirge (1810), animé d’une délicate et imperceptible vibration. Portant un cartable d’écolier au bout de sa canne posée sur l’épaule, le peintre est ici vu de dos ironique et amicale allusion à la prédilection de Friedrich pour les personnages ainsi figés. Procédant de cette manière, Kersting est proche d’un manifeste du romantisme quand on sait l’importance de l’ironie (le dédoublement) et de l’amitié (le lien qui unit abstraitement deux individus que tout sépare) dans le romantisme allemand.
Le dessin « indique tant la distance qui sépare les objets que leur forme singulière », disait Hegel. Mais dans l’art romantique allemand, il est souvent bien plus que cela et saisit promptement la vérité de présence d’un paysage par exemple, comme Carl Blechen dans Arbres et maisons près d’Amalfi, que l’artiste dégraisse de toute l’italianité, dont les Nazaréens se repaissent, et débarrasse de toute la monumentalité latine chère aux Français, pour en saisir, en deux temps, le caractère actuel : les traits rapidement tracés sur le vif, immédiateté de la perception, le lavis ajouté dans l’atelier, restitution de l’intensité lumineuse par la mémoire. Captation de la présence fort éloignée là encore de la nostalgie sous l’empire de laquelle le romantisme allemand est censé se tenir.
Et s’il est encore un aspect du romantisme allemand propre à nous surprendre, c’est la veine satirique. Elle est ici représentée par un étonnant dessin de Daniel Chodowiecki (1726-1801), L’Intérieur de ma cervelle (1781). Le catalogue nous apprend que Chodowiecki s’est inspiré ici d’une eau-forte de William Hogarth, Characters and Caricaturas (1743). Il faudrait ajouter que Daniel Chodowiecki ne le cède en rien par le talent et l’inspiration au maître anglais de la satire grinçante. Autre chose le lie à Hogarth : l’un et l’autre ont attiré l’attention du professor philosophiae extraordinariae que fut Georg Christian Lichtenberg. Celui-ci a fourni des « explications » aux gravures du premier et il a fait de même pour le second. L’Intérieur de ma cervelle montre un agrégat de têtes, de physionomies, qui épouse les circonvolutions du cerveau. Proche de ces images qui piègent celui qui regarde, incapable de voir, en même temps, le chasseur et la forêt, cette œuvre pourrait nous introduire à cette impossibilité moderne dont le romantisme a donné peut-être le hiéroglyphe le plus exact, celle de considérer à la fois la conscience et son objet.
Jean-François POIRIER
Le vaste mouvement de sensibilité et d’idées appelé « romantisme » a embrassé tant de domaines divers (histoire, politique, réforme sociale, philosophie, littérature, musique et arts plastiques) qu’il dépasse tous les efforts de synthèse entrepris pour le saisir dans sa totalité. La variété des romantismes nationaux en divers pays d’Europe recouvre néanmoins quelque unité profonde. Le préromantisme est considéré ici comme partie intégrante de ce puissant ébranlement européen. La courbe sinueuse du développement du romantisme, en France en particulier, est tracée en comparaison, souvent en opposition, avec d’autres mouvements voisins, moins limités soit par l’histoire, alors fort agitée en France, soit par le poids des traditions classiques. La présentation du romantisme offerte ici envisage, par-dessus les talents ou les génies individuels, l’élan donné alors à l’histoire, à la philosophie, et surtout l’élargissement de l’homme. Plongeant alors plus avant dans le passé de la race ou dans son subconscient, il s’élance aussi plus hardiment vers le spirituel en lui, ou vers un avenir qu’il annonce et veut recréer.
L’adjectif « romantique », qui apparut le premier dans plusieurs langues de l’Europe (romantic, romantisch, romántico), et le substantif qui en fut tiré sont mal choisis et obscurs. Mais il en est de même pour « baroque », « classique », « réaliste », « symboliste » et pour presque tous les termes qui désignent une période ou un mouvement en littérature et en art ; et les adjectifs qui, dans certains pays, rattachent les productions intellectuelles au nom d’un souverain (« élisabéthain », « victorien » ou « édouardien ») les trahissent plus encore. L’adjectif, tiré du bas latin romanticus, apparaît timidement à la fin du XVIIe siècle. Il eut quelque peine à se distinguer en français d’un autre adjectif « romanesque », de l’italien romanzesco. L’origine est dans le mot « roman », issu lui-même de romano ou « romain », et qui primitivement s’appliquait à un récit d’un genre nouveau (novel, en anglais) écrit non en latin, mais en langue vulgaire ou « romane » et non soumis à des règles. La langue anglaise employa l’adjectif, tiré du français « romaunt » emprunté au XVIe siècle, en 1659 (Journal d’Evelyn) et en 1666 (Journal de Pepys). On l’associa vite, en cette époque où le raisonnable et le rationnel plaisaient en littérature, à quelque chose d’étrange, de fantaisiste, de faux. Une centaine d’années plus tard, le goût ayant changé, l’adjectif, d’abord en anglais et en allemand, devint un terme d’éloge. Il désignait le pittoresque dans un paysage (Rousseau l’emploie en ce sens dans sa célèbre cinquième Rêverie d’un promeneur solitaire) ou « une naïveté spirituelle et piquante » dans la musique du compositeur Grétry en 1784. Pierre Letourneur, dans la préface à sa traduction de Shakespeare commencée en 1776, s’efforce de différencier « romantique » et « romanesque », pour recommander de lire Shakespeare dans « le paysage aérien et romantique des nuages ».
C’est en Allemagne tout d’abord que l’adjectif revêtit son sens en littérature, avec les poésies de L. Tieck (1800), Romantische Dichtungen, la tragédie de Schiller sur La Pucelle d’Orléans, qualifiée de eine romantische Tragödie. Goethe opposa le terme à « classique », et A. W. von Schlegel fit de même à propos de la Phèdre d’Euripide préférée à celle de Racine (1807). Mme de Staël assimila dans De l’Allemagne (1810) la poésie romantique à celle « qui tient de quelque manière aux traditions chevaleresques » et elle compliqua les choses avec sa fameuse distinction entre les littératures du Nord et celle du Midi. Sismondi réserva l’épithète de romantique pour la littérature du Midi. Peu après, en France surtout, le mot de romantisme (et par moments, surtout chez Stendhal, celui de romanticisme, importé de l’italien) deviendra la bannière d’une école nouvelle, sans que la clarté y gagne beaucoup. À dix-huit ans, Hugo, dans Le Conservateur littéraire, loue Chénier d’être romantique parmi les classiques. Les deux termes dorénavant s’opposeront l’un à l’autre : Goethe revendiquera le 21 mars 1830 devant J. P. Eckermann l’honneur douteux d’avoir lancé cette opposition des deux adjectifs et appellera, d’une boutade tout aussi malheureuse, romantique ce qui est malade, par contraste avec le classique (que Goethe avait préconisé après ses années d’apprentissage), qui est le sain. Autour du mot nouveau se cristalliseront dès lors les divers traits qui paraissent concourir à former cet état d’âme, ou cette doctrine, « romantique ».
Le mot, étant devenu ou un cri de guerre contre les vieilles perruques ou un symbole du mépris que les académiciens et les conservateurs (surtout en Allemagne, en France et en Espagne) professaient pour les rebelles romantiques, fut d’emblée entouré de confusion et source de malentendus. Bien des historiens amis de définitions claires, notamment le penseur Arthur Lovejoy, ont proposé que l’on renonce à jamais à employer le mot au singulier. Leur thèse est que chaque romantisme national diffère profondément des autres romantismes en Europe. Sans doute est-ce également le cas pour les diverses Renaissances, pour les classicismes assez pâles qui ont imité celui de la France, pour les mouvements impressionniste, symboliste ou structuraliste. Valéry a insinué que, pour définir (et, dirions-nous, pour employer) ce terme de romantisme, « il faut avoir perdu tout sens de la rigueur ». Mais critiques, poètes, historiens, professeurs, élèves et gens du monde continuent en plusieurs pays à user du vocable et ne prennent point chaque fois le temps de le définir. Pour certaines littératures à la rigueur (celles d’Italie, de Russie, des États-Unis), le mot n’est pas indispensable. Mais on est contraint d’y avoir recours lorsqu’on parle de Michelet, de Hugo, de Berlioz, de Novalis et de Kleist, de Coleridge et de Shelley, de Larra et d’Espronceda, et même de Walter Scott, de Balzac et de Delacroix, quelque tièdes qu’ils aient été envers les groupes de jeunes théoriciens du romantisme. Force est donc de marquer l’hétérogénéité des romantismes de chaque pays, mais aussi de souligner les grands traits par lesquels cette révolution de la sensibilité et des formes d’art conserve dans l’Europe occidentale un substratum d’unité.
Les différences proviennent en partie de ce que les circonstances politiques, sociales, historiques n’étaient point semblables dans l’Allemagne morcelée en petites principautés, dans l’Autriche-Hongrie de Metternich, la Russie d’Alexandre Ier, les dix ou douze Italies piétinées par les étrangers, la Grande-Bretagne de George III et de Wellington, la France révolutionnaire, impériale, puis rétive sous la monarchie restaurée. En outre, dans divers pays d’Europe où l’influence classique française avait longtemps prédominé, au point de faire obstacle à la croissance d’une littérature indigène originale, le romantisme pouvait être acclamé comme la libération d’un joug intellectuel étranger. Les modèles français, et plus encore l’esprit du XVIIIe