L’Aigle et l’Étoile - Laure Lacoume - E-Book

L’Aigle et l’Étoile E-Book

Laure Lacoume

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Beschreibung

À presque sept ans, Joseph vit heureux à Amsterdam avec ses parents et sa sœur Rachel. Il aime observer le ciel et a comme amie et confidente une étoile, plus grosse et plus brillante que les autres. La famille, juive, mène une vie normale. Soudain, l’existence de Joseph et des siens bascule : les Allemands envahissent son pays et son monde s’écroule. Séparé des siens envoyés dans un camp de travail, le jeune garçon traversera la guerre accompagné de son alliée. Rien ne sera plus jamais pareil…


À PROPOS DE L'AUTEURE


Professeure des Écoles, Laure Lacoume a toujours été entourée et attirée par les livres. Son quotidien est rythmé par la lecture, la narration et l’invention des histoires. C’est donc tout naturellement qu’elle couche sur le papier les mots qui se sont imposés à elle.

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Laure Lacoume

L’Aigle et l’Étoile

Roman

© Lys Bleu Éditions – Laure Lacoume

ISBN : 979-10-377-8981-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

L’Aigle

Avant de commencer…

L’Aigle : constellation, facilement reconnaissable grâce à l’alignement de trois étoiles dont Altaïr est le centre. Elle fait partie du Triangle d’été.

L’Aigle : stylisé et combiné à une croix gammée pendant la période nazie, il devient l’emblème national allemand sur décision d’Adolf Hitler en 1935.

Amsterdam

Toc, toc, toc… je sens battre son petit cœur… toc, toc, toc… Normal, je suis tout contre. Aucun bruit, à part ces battements un peu précipités… Silence ! Il a bien compris, mon petit Joseph, qu’il ne fallait pas faire le moindre bruit. Voilà maintenant une bonne demi-heure que nous sommes là, dans le coffre du grenier, à respirer cette odeur d’humidité et à attendre. Les pas s’éloignent peu à peu, Joseph commence à respirer un peu mieux. Mais il ne faut pas encore sortir, il faut rester caché car les hommes peuvent revenir. Comment en est-on arrivés là ? Je devais te protéger et non te livrer à ces monstres… Qu’est-ce qui s’est passé ? Ne fais pas de bruit Joseph, voilà, c’est bien, respire calmement, on va bientôt pouvoir sortir… Tu te souviens de la première fois que tu m’as vue ?

Chapitre 1

Amsterdam, septembre 1940

« Joseph ? Joooseeeph ? Où es-tu encore ?

⸺ Je suis au grenier, maman.
⸺ Mais qu’est-ce que tu fais ? On va bientôt manger. Allez, descends, viens te laver les mains, papa est rentré.
⸺ J’arrive !

Joseph regarda encore une fois par le vasistas. La nuit était magnifique, des milliers d’étoiles brillaient dans le ciel. Elles émettaient des petits signaux lumineux, comme si elles avaient voulu communiquer. Joseph en avait repéré une plus grosse et plus brillante que les autres. Il la regardait tous les soirs et la considérait comme son amie. Une amie, à qui il pouvait confier ses secrets, ses joies, ses peines. Il lui racontait ses journées à l’école ou celles passées à jouer dans les bois. Et elle, elle brillait et lui faisait des petits clins d’œil. Pendant la journée, il ne la voyait pas. Elle allait sûrement se reposer pour pouvoir rester allumée toute la nuit suivante.

— Joseph ?

— Oui, je descends.

L’enfant quitta avec regret le grenier et descendit retrouver sa famille. Déjà assis autour de la table, il y avait papa, maman et Rachel, sa grande sœur de 9 ans, de 3 ans son aînée.

⸺ Alors, bonhomme, qu’est-ce que tu fabriquais encore là-haut ?
⸺ Je regardais les étoiles, papa.
⸺ Ah, les étoiles, elles sont belles, n’est-ce pas ?
⸺ Oh oui, elles sont si brillantes ! Il y en a une qui est plus belle que toutes les autres ! Et plus grosse aussi. J’ai décidé qu’elle serait mon amie.
⸺ Mamie dit que les étoiles sont toutes les personnes qu’on a aimées qui sont au ciel et qui veillent sur nous, dit Rachel.
⸺ Toutes les personnes qu’on a aimées ?
⸺ Oui, mamie dit que quand quelqu’un va au ciel, il se transforme en étoile et continue à veiller sur nous.
⸺ C’est pour ça que je les aime, elles ont l’air si gentilles. Mais, il y en a tellement. Comment savoir celles qui te connaissent ou pas ?
⸺ Je ne sais pas mais elles, elles doivent savoir.
⸺ Bon, allez, assez bavardé, mangez maintenant. Ensuite, une histoire et au lit. Il faut être en forme pour aller à l’école demain.
⸺ D’accord, papa.

Ah, mon garçon… Si j’avais su que tu nous aimais à ce point, mes sœurs et moi. Oui, nous étions en effet des milliers à éclairer le ciel la nuit. Depuis toujours, nous avions guidé les hommes dans leurs voyages, leurs découvertes, nous les avions aidés à mesurer le temps, à prévoir les saisons, à rêver d’infinis… D’ailleurs, ils nous avaient bien remerciées en nous donnant des noms magnifiques : Électre, Libertas, Mira la merveilleuse, Alcyone, Alnaïr la lumineuse.. Et moi, Meïssa, la brillante. Je pense que c’est pour cela que tu m’avais remarquée. Nous faisions de notre mieux pour honorer nos rendez-vous avec les Humains chaque nuit même si parfois certains mauvais garnements comme des nuages nous masquaient à leurs yeux. Nous vous voyions, tu sais, nous regarder : tous ces visages tournés vers le ciel, ces doigts pointés pour nous montrer, nous étions tellement heureuses…

Chapitre 2

janvier 1941

— Allez Joseph, à toi de jouer, lance ta bille !

⸺ Attention… hop… oui, gagné !
⸺ Bravo Joseph. On fait une autre partie ?
⸺ Non, je dois rentrer sinon maman va s’inquiéter. À demain !

Joseph partit en courant vers la maison familiale. Il adorait jouer avec ses copains. Il en oubliait souvent l’heure et il était rentré en retard plus d’une fois. Maman s’inquiétait et le grondait, il promettait de faire attention et recommençait quelques jours plus tard.

Ce soir-là, quand il entra dans la maison, il sentit tout de suite que quelque chose était arrivé. Maman et papa étaient assis dans la cuisine, ils avaient le regard fixe et vide.

Joseph s’arrêta net :

⸺ Papa, maman, qu’est-ce qui se passe ?
⸺ Rien, rien, ne t’inquiète pas, tout va bien.
⸺ Mais je vois bien que ça ne va pas, je ne suis plus un bébé, vous savez, vous pouvez me dire.
⸺ Ce sont des histoires d’adultes Joseph, ne t’en fais pas, ça s’arrangera. Allez, va te laver les mains et on pourra manger.

Le repas, ce soir-là, fut très triste. Personne ne parla, papa regardait son assiette et mangeait sans bruit, maman allait et venait, prenant un verre et le reposant puis allait vers l’évier pour en revenir et s’asseoir. Même Rachel, d’habitude si bavarde, semblait ne rien avoir à raconter. Après le dessert, les deux enfants montèrent dans leur chambre et se mirent au lit.

⸺ Rachel, qu’est-ce qui se passe avec les parents ? Ils étaient si tristes ce soir. Tu sais quelque chose ?
⸺ J’ai juste entendu papa dire qu’il allait sûrement être renvoyé de son travail à la poste et qu’on serait obligés de partir.
⸺ Renvoyé ? Mais pourquoi ? Il a fait quelque chose de mal ?
⸺ Non, je ne crois pas.
⸺ Et partir ? Mais pourquoi ? Et pour aller où ?
⸺ Je ne sais pas ! Tu m’énerves avec tes questions. De toute façon, tu es trop petit pour comprendre. Allez, dors, laisse-moi tranquille, on va se faire disputer si on continue à parler. Bonne nuit.
⸺ Je ne suis pas trop petit d’abord. Tu es méchante !
⸺ Tais-toi, Joseph et dors !

Le garçon ferma les yeux et essaya de dormir. Mais, rien à faire, il n’y arrivait pas. Pourquoi est-ce qu’il faudrait partir ? Est-ce que son papa avait fait une bêtise comme il lui arrivait, à lui, Joseph, d’en faire à l’école ? Mais, ça finissait toujours par s’arranger. Il suffirait que papa s’excuse et tout redeviendrait comme avant ! Et puis, si on partait, on irait où d’abord ? Il faudrait trouver une autre maison, une autre école… Et ses copains ? Il n’avait pas du tout envie de les quitter. Il sortit doucement de son lit et, sans faire de bruit, grimpa au grenier. Il voulait voir son étoile et lui confier ses angoisses. Le ciel était clair et il la repéra tout de suite. Qu’elle était belle ! C’était toujours la première à apparaître. Joseph était sûr qu’elle était là pour lui. Il lui raconta tout bas sa journée puis lui parla de son papa. Il ne comprenait pas ce qui se passait mais il était sûr d’une chose : il ne voulait pas partir. Au bout d’une heure environ, il sentit que le sommeil le gagnait. Il redescendit dans sa chambre, se glissa sous sa couverture en pensant à son amie qui veillait sur lui. Trente secondes plus tard, il dormait…

Ah, il s’en passe des choses sur cette petite planète. Depuis que je suis née, j’en ai vu des Humains et j’ai pu observer leurs coutumes. Ils sont très surprenants ! Ils fondent des familles, construisent des villages, font fructifier la terre puis un jour, ils détruisent tout, comme ça, sans raison et recommencent. Ils ont parfois des disputes très violentes et on voit des feux ravager des pays, des hommes et des femmes perdre la vie, le malheur répandre son ombre… Puis tout se calme, d’autres reviennent et c’est reparti… Certaines d’entre nous avaient souvent eu envie de se rapprocher pour mieux voir et comprendre mais le Soleil nous l’avait déconseillé. Il nous autorisait à passer très vite de temps en temps pour nous approcher. Les Humains aimaient nous voir traverser le ciel ! Ils criaient : une étoile filante, il faut faire un vœu ! Nous portions bonheur, apparemment. Ah, on était fières !

Chapitre 3

février 1941

Joseph courait à perdre haleine. Ses vêtements étaient déchirés, son cartable arraché était vide, les larmes coulaient le long de son visage et il saignait de la lèvre. Il courait en bousculant des passants qui protestaient, il n’avait qu’une envie, retrouver la maison, le grenier et disparaître.

Cette journée avait pourtant bien commencé. À l’école, le maître lui avait rendu son devoir d’écriture en le félicitant pour son travail. Il avait fait tous ses exercices de calcul puis, à l’heure de la récréation, il avait joué avec ses camarades à chat perché. Ensuite, la classe avait repris et Joseph avait été interrogé pour lire. Il adorait ça. Au début de l’année, il s’était dit qu’il n’arriverait jamais à comprendre tous ces signes et à les mettre ensemble pour former des mots. Et puis, finalement, il avait très vite compris que “t” et “a” faisaient “ta”, que “ta” et “pis” donnaient tapis, etc. Il avait appris un tas de mots avec le maître mais aussi avec Rachel, papa et maman qui l’aidaient le soir pour lire des histoires…

Bref, une bonne journée à raconter à la maison. Mais tout s’était gâté à la sortie des cours. Des garçons de la classe des grands s’étaient approchés de lui et avaient commencé à le bousculer.

⸺ Alors, Joseph, on a bien fait son écriture ? Ça doit pas être facile avec des doigts crochus ! avait dit un grand blond qui l’avait poussé.
⸺ Pourquoi des doigts crochus ?
⸺ Ah, ah, ah, il demande pourquoi des doigts crochus. Mais parce que tous les juifs ont les doigts crochus, c’est bien connu.
⸺ Vous dites n’importe quoi. J’ai pas les doigts crochus. Et c’est quoi, les juifs ?
⸺