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C'est souvent losrque l'on croit que plus rien ne va que le destin décide le contraire et se fait connaître. Ce n'est pas toujours vrai, hélas, et certains paient le prix d'une triste vie, de toute la vie! Une vie sans saveur, sans sel, sans piment, sans sucre non plus. Pourquoi? Souvent par ce qu'ils ne croient plus en rien tellement ils sont accablés, déçus par l'existence qu'ils mènent, par la société avec son rythme effréné qui ne laisse que peu de place à ceux qui trainent les pieds, à ceux qui ne montent pas dans le train en marche, à ceux qui ne se projettent pas vers l'avant, vers un avenir qu'ils devraient pourtant se construire. Déçus certainement par tellement de choses négatives qui tournent et gravitenet autours d'eux, du moins le pensent-ils! La vie n'a jamais été simple, cela se saurait et dans le cas contraire, nous ne nous la compliquerions pas! La romance qui va suivre est l'exemple même que parfois le destin fait bien les choses...
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Seitenzahl: 292
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Préface
Chapitre 1 : L’arrivée !
Chapitre 2 : Premier dîner !
Chapitre 3 : Découverte de la ville de Laval !
Chapitre 4 : Passé tourmenté et sulfureux !
Chapitre 5 : Amour compliqué !
Chapitre 6 : Tombe couperet !
Chapitre 7 : Nage en eaux troubles !
Chapitre 8 : Tentative de contact !
Chapitre 9 : Retrouvailles ?
Chapitre 10 : Une interminable attente !
Chapitre 11 : La vie continue malgré tout !
Chapitre 12 : Le travail pour seul oubli !
Épilogue
Ce roman est dédié à
Ceux qui ont foi en l’Amour
Aux passionnés
Aux derniers romantiques !
Toute ressemblance
Avec des personnages existants
Ou ayant existé n’est que pure coïncidence !
Et au premier battement de ses paupières,
Je l’ai connue.
C’était elle, l’inattendue et l’attendue !
Albert Cohen
Et puis qui sait ?
Pourquoi, d’un moment à l’autre, ne surgirait-il pas
Un évènement extraordinaire ?
Gustave Flaubert, Madame Bovary
La vie ne consiste pas à courir après le bonheur,
Mais d’être capable de le faire naître là où il est absent.
John Joos
Seul l’amour et l’amitié comblent
La solitude de nos jours.
Le bonheur n’est pas un droit de chacun,
C’est un combat de tous les jours.
Il faut savoir le vivre quand il se présente à nous.
Orson Welles
C’est souvent lorsque l’on croit que plus rien ne va que le destin décide le contraire et se fait connaître. Ce n’est pas toujours vrai, hélas, et certains paient le prix d’une triste vie, de toute la vie ! Une vie sans saveur, sans sel, sans piment, sans sucre non plus. Pourquoi ? Souvent parce qu’ils ne croient plus en rien, tellement ils sont accablés, déçus par l’existence qu’ils mènent, par la société avec son rythme effréné qui ne laisse que peu de place à ceux qui traînent les pieds, à ceux qui ne montent pas dans le train en marche, à ceux qui ne se projettent pas vers l’avant, vers un avenir qu’ils devraient pourtant se construire. Déçus également par tellement de choses négatives qui tournent et gravitent autour d’eux, du moins le pensent-ils ! Ou bien aussi déçus par le mal qu’ils ont peut-être reçu ou dont ils ont hérité de leurs proches, des antécédents familiaux.
La vie n’a jamais été simple, cela se saurait et dans le cas contraire, nous ne nous la compliquerions pas ! La vie n’a jamais été non plus un long fleuve tranquille ! La vie est pleine de méandres parfois très sinueux que nous nous devons de négocier sans chavirer, en menant notre barque. Combien d’entre nous pensent pouvoir se dire que demain sera meilleur ? Combien y croient ? Presque tous, bien évidemment ! Pourquoi en douter ? On espère toujours que tout va finir par rentrer dans l’ordre et que le pire est derrière nous, que tôt ou tard cela va s’arranger, on y croit dur comme fer, on s’accroche à cette idée, on garde l’espoir de jours meilleurs et sereins ! Mais quand, comment va-t-il se produire, ce changement d’existence ? Là est toute la question !
Y a-t-il un ordre défini pour cela finalement, un mécanisme automatique, déjà programmé ? Non, bien entendu ! Là encore, cela se saurait, nous serions, vivrions tous heureux. La paix règnerait partout dans le monde. La quiétude également, le bonheur ! Plus de tristesse, plus de gens seuls ! « Déboire » ne serait plus qu’un mot du dictionnaire, que l’on oublierait vite. Doux euphémisme, n’est-ce pas ? Rien n’est jamais perdu ni définitif.
La romance qui va suivre est l’exemple même que parfois le destin fait bien les choses. Pourquoi ? Parce qu’il a été provoqué ? Peut-être que oui ! Peut-être que non ! Rien ne l’assure avec certitude. Nous pourrons constater que l’espoir, la vie, la renaissance, la passion, l’amour avec un grand « A » existent vraiment et qu’il suffit juste d’y croire un peu ! Ça peut nous tomber dessus à tout moment. C’est ce que nous allons constater...
Paris, gare de Lyon, 15 décembre 1972. Le train en provenance de Marseille via Valence est en retard, le hautparleur de la gare annonce dix minutes de retard. Les voyageurs sur le quai prennent leur mal en patience, ont-ils le choix ? Non ! Alors, autant occuper ce laps de temps pour faire une dernière emplette. Un journal pour certains, une revue pour d’autres ou encore un sandwich, voire quelques friandises au distributeur automatique. Certains voyageurs trépignent d’impa-tience et protestent, comme toujours, dans ce cas-là. Cela ne change rien, le train n’ira pas plus vite pour autant ! Le quai est noir de monde et chacun s’occupe comme il le peut, on discute, on se croise... D’autres, de peur de louper le train — bientôt en partance, mais dans l’autre sens— après quelques vérifications d’usage auprès des cheminots, courent et s’essoufflent en portant leurs lourds bagages. À quoi bon ?
Avec un peu plus de retard que celui annoncé, la longue chenille arrive enfin au ralenti, comme pour énerver un peu plus les impatients. Puis, dans un bruit de freins effrayant et strident, à la limite du supportable pour les oreilles, le train s’immobilise enfin. Le premier voyageur à sauter sur le quai gris, le train tout juste à l’arrêt, n’est autre que Maxime Corentin, un grand reporter-photographe à la moustache saillante et fournie, proche de la retraite. Ce tout aussi célèbre globe-trotteur infatigable, portant toujours à la main sa vieille valise en carton bien usée par ses nombreux voyages et ses deux appareils photo qui ne le quittent jamais, pose les pieds sur le quai ! Il allume une cigarette en regardant tout autour de lui. Les gens qui s’affolent le font toujours sourire. Lui garde un calme olympien et s’en va tranquillement vers la sortie, vers la salle des pas perdus, avant de prendre l’air frais de la capitale. Sa dernière mission ? Un reportage dans le sud de la France, sur la Drôme et la Provence, commandé par le journal pour lequel il travaille régulièrement. La fatigue des voyages commence à peser sur la fougue de Corentin, il commence à manquer d’allant. Le poids des années, sans doute ! Certes, il a gagné beaucoup d’argent et a rencontré beaucoup de monde, des femmes surtout, il y en a eu plus que de mesure avec lesquelles il a passé de bien bons moments... Combien d’aventures d’un jour, d’une nuit ? Il ne peut le dire et n’en fait jamais étalage. Corentin est un modeste et tout cela est, pour lui, du domaine du privé ! De cela aussi, il commence à se lasser... Cependant, il voudrait trouver, enfin, celle qui accompagnera ses vieux jours, mais pour cela, il faudrait qu’il se pose enfin !
En attendant le taxi, Corentin pose sa valise juste à côté de son pied droit et tout à ses pensées, tirant sur sa cigarette, se la fait voler sans même s’en apercevoir, juste avant de vouloir la reprendre, à l’arrivée d’une voiture de la compagnie des taxis parisiens. Il enrage ! Non pas qu’elle ait de la valeur, non... loin de là, c’est plus sentimental qu’autre chose... En effet, à l’intérieur, il y a une grande partie de sa vie : son carnet de voyage comprenant ses nombreux souvenirs, et certains vêtements auxquels il tient particulièrement et qu’il emmène toujours pour ses périples à travers la France et le monde... son pantalon et son blouson de reporter aux multipoches bien pratiques pour y loger ses pellicules et divers objectifs. Ces effets vont lui manquer, il en est certain ! Heureusement, son portefeuille et son passeport sont, eux, dans la poche de son vieux blouson de cuir beige, bien passé lui aussi, mais celui-là, il ne compte pas le changer, il a bien trop de souvenirs avec et le porte le plus souvent possible, voire presque tout le temps ! « Mon blouson portebonheur », comme il aime à le dire.
— Sage précaution d’avoir conservé vos papiers sur vous ! lui dit le chauffeur.
— Oui et heureusement ! répond Corentin, avant de monter dans le taxi et de lui donner sa destination : 18, quai Albert Camus, s’il vous plaît ! Vous connaissez ?
— Bien évidemment ! C’est parti ! Ah si ? C’est sur la rive droite ou la rive gauche ? Je ne sais jamais !
— Rive gauche !
— D’accord, merci !
Vingt minutes plus tard, Corentin règle le taxi et rentre chez lui, dans son studio de vingt mètres carrés situé au dernier étage, sans ascenseur, et sous le toit de son petit immeuble. C’est ici son petit pied-à-terre parisien, il s’y sent bien. Il se souvient que dans sa valise, il avait préparé son article, et du coup, il va devoir le réécrire... Et les nombreuses photos ? Elles aussi envolées ! Quelle poisse ! Heureusement, il a gardé sur lui les deux dernières pellicules... Ce sera toujours ça ! se dit-il.
Le lendemain, Corentin se rend à pied dans les locaux de son journal, y rencontre le directeur éditorial, lui raconte sa mésaventure de la veille, et lui remet l’article qu’il a rédigé à la hâte dans la matinée. Il ne reste plus qu’à faire développer les pellicules et à en choisir quelques-unes pour accompagner son papier. Quelques heures plus tard, le directeur de publication valide une dizaine de photos, l’article sortira quand même ! Corentin va devoir racheter une nouvelle tenue de reporter, il connaît la meilleure boutique de Paris pour ce genre d’articles... Il prend donc le métro et s’y rend. Arrivé dans cette boutique, il fouille, fouine, jusque dans les recoins au fond du magasin et trouve enfin la tenue la mieux appropriée pour lui. Il enrage encore de devoir sortir une belle somme pour cet achat, dont il se serait bien passé ! Maudit voleur ! pense-t-il. Sans s’en être rendu compte, il a dû s’exprimer à voix haute, car la vendeuse le regarde d’un air étonné ! Se rendant compte de sa bévue, Corentin s’excuse en précisant que ses paroles ne concernaient pas l’enseigne. La vendeuse retrouve son joli sourire instantanément, puis encaisse l’argent de son achat.
Quel idiot ! Que va penser de moi cette jolie vendeuse? Bah ! Après tout, elle doit certainement entendre souvent ce genre de paroles. Elle va les oublier très vite ! finit-il par se dire, en sortant du magasin son sac papier à la main.
Corentin s’assoit à la terrasse d’un café et après avoir commandé un bourbon, il se remémore son parcours. Que de souvenirs durant sa vie ! Des bons, mais aussi de mauvais moments. Tout à coup, il prend conscience qu’il a pris un sérieux coup de vieux. Sa santé n’est plus ce qu’elle était, il fatigue plus vite, s’essouffle aussi plus vite. Où est donc le temps où il passait ses nuits à danser, à batifoler ? Cela lui semble si loin. Pour chasser ses idées noires, il se met à réfléchir à la meilleure façon de passer les prochaines fêtes de fin d’années, et avec qui surtout ? Sa famille ? Il n’y compte plus et d’ailleurs, il ne les a pas vus depuis longtemps. S’inquiètent-ils seulement de lui, de ce qu’il fait ? De sa santé ? Rien n’est certain. Il lui reste bien quelques bons amis, mais ils sont loin et après ses anciens déboires financiers — un soir, au casino de Deauville, où il a laissé jusqu'à sa chemise— beaucoup l’ont abandonné à son sort. Maxime Corentin a donc fait du tri et n’a finalement conservé que ceux qui l’ont un peu aidé à remonter la pente, ils n’ont pas été bien nombreux, moins d’une main a suffi ! Puis, il se rappelle, il y a moins d’un mois, il a rencontré une femme, la cinquantaine bien trempée, qui habite Avignon et leurs ébats amoureux lui ont laissé un goût de miel en bouche. Cependant, elle pensait et en parlait beaucoup à son ex, de vingt ans son cadet. C’était une gentille femme, mais pouvait-il envisager de vivre avec l’amant entre elle et lui ? Bien sûr que non ! Corentin ne fait pas ménage à trois, même avec un souvenir ! Il y a bien aussi Martine, une ancienne connaissance rencontrée sur la plage à Aix-les-Bains. Mais là encore, problème ! Elle ne pouvait décider seule, pour quoi que ce fût, sans l’avis de son fiston, âgé d’une quarantaine d’années ! Lui demandait-elle aussi l’autorisation pour s’envoyer en l’air ? Ceci n’était pas impossible ! Martine lui avait proposé de rester quelques jours, afin de faire plus ample connaissance, après une folle nuit d’amour ! Corentin avait hésité avant de lui dire non. Là encore, il ne pouvait accepter la présence pesante de son fils, qu’il sentait comme une ombre, à surveiller les faits et gestes de sa maman chérie. Pourtant, elle vivait seule dans une bien jolie demeure près du lac ! Elle lui avait dit qu’elle s’ennuyait et que la solitude lui pesait ! Mais voilà, il y avait le fiston qui avait même la clé et pouvait entrer à tout moment ! Dommage ! Corentin avait trouvé là, une gentille femme, aux petits soins et une bien bonne maîtresse. En la quittant, il s’était dit : elles sont toutes folles ces nanas, ou alors mal b.…, mal aimées... ! Encore une histoire rapidement réglée, il l’avait quittée sans remords, sans se retourner.
Il règle sa consommation et retourne chez lui, dans son studio, et en passant par les quais, il sera plus vite arrivé.
Paris s’est paré de ses lumières de fêtes ! C’est joli ! se dit Corentin ! Même les péniches amarrées à l’année ont été décorées ! Cela lui rappelle qu’il a une vieille connaissance sur l’un de ces bateaux, une femme de belle prestance, proche de son âge et avec qui il passe parfois de bons moments. Il va tenter d’aller y faire un saut, le lendemain... depuis le temps qu’elle le lui demande, cela sera une bonne occasion. Cette amie de longue date est encore désirable, ce n’est pas non plus un avion au lit, mais bon, à défaut de grive ! Même si parfois, elle est un peu snobinarde, elle se croit issue de la lignée des Wisigoths, mais elle est toutefois charmante et pas trop difficile. Nous pourrions aller faire un tour dans une ginguette, le soir ? se dit Corentin, qui aime toujours danser et qui, à cette idée, retrouve un peu de sa superbe, pas peu fier de cette trouvaille.
Le lendemain, comme il l’avait prévu, il retrouve son amie. Ils passent la journée à se promener sur les quais de la Seine et vont faire une rapide virée sur l’Île Saint-Louis ; son amie Marinette y a fait enterrer son dernier compagnon à quatre pattes, son amour, comme elle aime à le dire, qui lui a été certainement le plus fidèle. Elle a investi dans une sépulture digne des plus grands ! Corentin, lui, n’est pas un fan, mais il fait bonne figure pour lui être agréable. Le soir, finalement ce n’est pas dans une guinguette qu’ils vont passer la soirée, mais après un bon restaurant, ils entrent dans une boîte de nuit branchée. Là, Marinette lui assure que l’établissement est équipé de deux salles de danse, une pour la jeunesse branchée disco, rock, etc., et pour l’autre, réservée aux plus âgés, ils vont pouvoir profiter, car il y est diffusé des danses plutôt de leur époque du genre, valse, paso doble, jerk, musette et autres. Cela va très bien à Corentin. Lui, qui n’a pas les yeux dans sa poche, laisse son amie Marinette danser avec un autre homme et invite, lors d’un paso doble, une belle quinquagénaire. Pour ce qui est des virevoltes, Corentin ne craint ni Dieu ni le diable ! Il se déchaîne, et tout en dansant, drague ouvertement sa partenaire du moment. Allant vite en besogne, il sait déjà que la femme se prénomme Monique et qu’elle est originaire de Besançon. À sa demande, elle lui assure qu’elle ne pourra ni passer les fêtes à Paris avec lui ni finir la soirée à son studio, comme il l’espérait ! Monique est une femme mariée et elle doit retourner sous peu chez elle, dans sa ville de Dijon. Son mari doit revenir de voyage et ils vont se retrouver après deux semaines de séparation. Monique travaille pour une agence de mannequins, elle n’est à Paris que de temps à autre. « Eh merde ! », jure Corentin. Pourquoi tombe-t-il toujours sur des femmes déjà en main qui allument les chandelles, mais ne les éteignent pas ? La danse terminée, il jette son dévolu sur une autre femme, dès les premiers accords d’un tango. C’est une grande gigue, plate et blonde, elle se prénomme Béatrice et est parfumée au pâté de campagne ou au civet de lièvre ! Une odeur différente sous chaque aisselle, peut-être ? Après discussion, elle ne sera pas libre non plus pour le réveillon ! Décidément, Corentin se maudit intérieu-rement de ne pas s’y être pris plus tôt. Il se dit qu’il sera certainement le seul à passer le réveillon et son dîner en tête à tête avec une bouteille de champagne ; trouver son âme sœur n’est pas si facile, finalement ! Marinette, elle, a, semble-t-il, fait affaire avec un homme d’une cinquantaine d’années ; ils viennent de quitter la boîte de nuit. Tant pis, je vais rentrer chez moi et me saouler comme un Polonais ! pense-t-il. Ce qu’il fait en descendant une bouteille de bourbon !
Le réveil est difficile au petit matin, Corentin a la bouche saumâtre, une colonie de Pygmées attaque son cerveau. Les tambours le rendent fou ! Il se cherche des aspirines et s’en veut de n’avoir ni caressé ni sauté le moindre corps de femme, il a trop bu également ! Pour lui, un jour sans câlin est un jour qui ne mérite pas d’être vécu, un de plus ! Il se sent maudit de Dieu. Encore un jour, un train de vie dans lequel on devrait ne pas monter, se contentant de le laisser filer, tel un métro aux heures d’affluence, bondé et aux odeurs nauséabondes. La mauvaise humeur de Corentin reprend le dessus. Cela l’incite à penser que, décidément, Paris ne lui convient pas ! Sans compter la grisaille, la pollution et les bruits de cette ville, les femmes veuves, divorcées ou célibataires, ce n’est pourtant pas ce qui doit manquer ici ! Alors pourquoi est-il encore seul ?
Lui, qui a devant lui plusieurs jours de tranquillité, décide de quitter Paris. Une nouvelle valise rapidement chargée de quelques habits et de son nécessaire de toilette, il prend les transports en commun et se dirige vers la gare Montparnasse. Sans but précis pour sa prochaine destination, il regarde le tableau d’affichage des trains en partance et décide de prendre un billet pour la ville de Laval, en aller simple. Corentin a entendu dire que dans cette ville de petite taille, les femmes y sont accueillantes. Ses appareils photo le suivent comme toujours, il espère pouvoir faire de jolies photos, et pourquoi pas, un petit reportage ? Le voyage ne sera pas long, deux heures tout au plus. Comme il ne connaît pas cette ville, il espère y trouver rapidement un charmant hôtel pour y passer au moins les premières nuits.
À son arrivée en gare de Laval, il se renseigne, on lui indique un hôtel de standing un peu plus bas, avenue Robert Buron, L’International ; il paraît qu’il y sera bien ! Soit. À grandes enjambées, il descend l’avenue et arrive devant la réception où une charmante hôtesse l’accueille. Après avoir renseigné sa fiche, il prend possession de sa chambre située au second étage avec vue sur l’avenue. Un petit balcon lui permet de prendre l’air. Corentin apprécie, le confort. Cette chambre devrait lui convenir, le temps de se poser pour quelques jours, voire plus si affinités ! En redescendant, il demande à l’accueil où il y aurait une boîte de nuit pas loin. On lui en indique une à quelques centaines de mètres, sous le théâtre, lui précise-t-on ! Il va pouvoir s’y rendre à pied plus tard, après avoir pris un bon dîner. Un bon restaurant sous les arcades de la rue de la paix qui est à proximité lui est également conseillé ! Corentin espère que la première soirée dans cette ville va lui permettre de trouver, dans la clientèle de cette boîte de nuit, une femme pour combler son vide affectif. Ce vide qui se rappelle, en ce sens, chaque seconde un peu plus. Maxime Corentin est si passionnément gourmet des délices féminins qu’il pense bien les connaître et en connaître tous les mystères. À cet instant précis, il est loin de se douter que sa vie va changer dans les heures à venir, et ce, du tout au tout... Que plus rien n'aura libre cours des valeurs sur lesquelles reposait sa conception de l’existence : les femmes, l’amour, l’argent, l’honneur, etc. ; du moins, telles qu’il les entendait alors !
Un petit vent d’hiver souffle sur Laval. Les gens, nez blotti dans les revers douillets de leur col de vêtements de saison s’affairent aux derniers préparatifs du proche réveillon. Corentin s’émeut de l’agitation des passants, sa tristesse s’estompe un peu au fil des rues, qu’il emprunte. Depuis quelques minutes, il est sous le charme d’une agréable intuition qui lui susurre que sa solitude présente ne passera pas la nuit. Corentin a toujours eu naïvement confiance en sa bonne étoile, aux signes subtils qu’elle lui adresse parfois. En passant devant un salon de coiffure, il se décide à y entrer. Il veut mettre toutes les chances de son côté et se fait faire une belle coupe. Cela lui prend un peu moins de deux heures... il y avait de l’attente. En sortant, il est convaincu qu’il reflète une meilleure image de lui. D’ailleurs, certains regards ne trompent pas ! Le voilà fin prêt à conquérir cette petite ville. Après avoir bien dîné, il se dirige vers la boîte de nuit qui lui a été indiquée. Il est temps d’aller danser, paré de son plus bel habit, qu’il avait pris soin de revêtir, avant de quitter sa chambre.
Corentin fait son entrée dans la boîte de nuit du théâtre. Il regarde sa montre, il est un peu plus de vingt-et-une heures. À ce moment-là, il est loin de se douter que plus de cinquante-six années de sa vie vont basculer. Chacun de ses pas le rapproche désormais de l’apothéose de sa vie et des tournants pour l’atteindre. « Le parquet est glissant ! Faites attention », lui annonce une hôtesse, en prenant son manteau pour le déposer au vestiaire. L’ambiance semble bonne. Corentin se dirige vers le bar et commande un whisky « sans glaçons ! », précise-t-il au barman. Tout en regardant les gens se déhancher, il se demande s’il est au bon endroit. La musique est forte, le rythme endiablé. Assises dans une petite alcôve sur un divan en arc de cercle rouge, deux femmes discutent entre elles. L’une d’elles se lève au bout d’un moment et se démène tant bien que mal, en regardant ses pieds, elle semble si peu sûre d’elle qu’elle ne s’éloigne pas de son amie, prête à retourner se rasseoir au prochain changement de rythme. Corentin se demande si c’est par timidité qu’elle regarde ses pieds, ou si elle ne sait faire que quelques pas observés auparavant. Une chose est sûre, ce qu’il se passe autour d’elle ne la perturbe pas, d’ailleurs elle ne regarde personne. Il observe la femme, elle lui plaît bien. Ses yeux ne la quittent pas. Tout à coup, elle s’essaie à un mouvement rotatif, qui fait virevolter sa jupe courte. Toujours aussi coquin, il se demande si, sous la jupette, se cache une belle parure. Le mouvement a été trop rapide pour qu’il s’en rende compte. Corentin continue de regarder cette jolie femme, avec une curiosité certaine. Relativement petite, juste ce qu’il faut, un peu potelée également, juste ce qu’il faut pour valoriser ses quelques rondeurs, sa coiffure sans artifices souligne un visage de poupée « Barbie ». On a envie de la prendre délicatement dans ses bras. Coquette jusqu'à la pointe de ses souliers, Corentin se dit qu’elle a certainement du chien, en dépit de son air un peu penché sur, dirait-on, certainement un chagrin douloureux et récent. Sans peine, il la devine espiègle, décidée à s’éclater durant cette soirée si l’occasion lui est offerte ! La fragilité apparente de cette femme souligne délicatement une fragilité évidente, à sa façon d’évoluer sur un seul petit quartier de la piste, elle semble en avoir délimité l’espace qu’elle utilise à ses voltes invisibles et volontairement tenues comme s’il s’agissait de frontières à ne pas dépasser. À la regarder ainsi, Corentin a une forte envie de la serrer fort dans ses bras, de lui provoquer un chagrin pour la consoler ensuite encore plus fort et longtemps.
Pourvu qu’elle soit seule ! Il faut qu’elle le soit, je dois la faire danser ! Elle est trop mignonne, voire envoûtante ! se met à penser Corentin. Il n’a qu’une hâte : sentir l’odeur de ses cheveux, de son cou, derrière son oreille. Bon sang, qu’elle est craquante ! La musique endiablée s’arrête, très vite remplacée par un langoureux tango. Maxime Corentin doit se faire violence pour ne pas se précipiter vers l’inconnue. Dans ses méthodes d’approche, il a toujours eu pour principe de ne pas commencer une invitation à danser sur un slow ou un tango, par crainte d’être classé immédiatement dans la catégorie du dragueur impertinent, ayant pour seul compte, la bagatelle. Sur la piste, peu de couples dansent. Quittant son coin de bar, après avoir vidé son verre tel un félin en chasse, l’esprit toujours à l’affût, Maxime, aussi droit que possible, se dirige lentement vers la troublante femme. Il la salue poliment d’un geste de la main en se courbant du buste. C’est sa manière à lui de lancer son invitation à venir le rejoindre sur la piste.
— Madame ?
— Moi ?
Elle semble étonnée, comme soudainement surprise de l’invitation directe. Qui peut, à cet instant, s’intéresser à sa personne avec un tel empressement ? Corentin insiste...
— S’il vous plaît ! Merci.
Les hanches de l’inconnue sont fines, délicatement, voire certainement secrètement moulées par un mystérieux accessoiriste, grand connaisseur de la gent féminine et de son anatomie. Maxime est troublé, voire grisé. Ce corps si frêle est, pour lui qui a l’esprit épicurien, comme chargé d’une jolie promesse. La femme est sensuelle, Maxime le ressent ! Certaines vibrations ne trompent pas ses mains expertes. Se rapprochant un peu plus, il peut sentir une odeur de miel sur ses cheveux. Les effluves de son corps, déjà transpirant un peu, font ressortir un corps sain, soigné, un confinement à l’extase sensuelle.
Corentin est plus que troublé, il apprécie de surcroît que sa cavalière se plie à merveille aux différentes figures imposées par un paso doble. Pourquoi sent-il un rare sentiment de complicité qui le prend aux tripes ? Une première pour lui qui a dansé tant de fois ! Bien entendu, il connaît bien le fulgurant attrait des premières fois et des étreintes étroites. Cependant, il ne s’attendait pas à cela. Corentin sait aussi qu’à la fin de la musique, cette sensation retombe souvent. Plusieurs danses s’enchaînent, lui ne retombe pas, elle non plus ! Le feu continue de brûler, voire de s’attiser ; la complicité est parfaite, presque surréaliste. Depuis qu’il est en âge de danser et de fréquenter les femmes, Maxime en a connu des centaines, des jeunes, des moins jeunes, des très belles, des moins jolies, des plus laides également durant ses nombreux voyages à travers le monde et ses contrées parfois lointaines. Ce qu’il éprouve ce soir est différent ! Il ressent quelque chose qu’il ne parvient pas à expliquer parce qu’il n’a jamais eu ce sentiment auparavant. C’est doux et violent à la fois ! Agréable, mais aussi inquiétant, meilleur et pire...
Corentin, fort de ses nombreuses expériences, doit prendre sur lui pour cacher son trouble et rester souriant, voire jovial.
— Merci madame et tous mes compliments ! Vous dansez divinement bien, c’est un plaisir de vous avoir comme partenaire. Puis-je réserver une prochaine danse lors de la prochaine série ?
— Avec grand plaisir, monsieur, merci.
Corentin la raccompagne jusqu'à sa table et se précipite au bar, il a besoin de s’humidifier le gosier, sa bouche est sèche. « Tu es troublé, mon cher Maxime, toi qui, d’ordinaire, ne t’émeus pas souvent », se murmure-t-il, un peu pantois et goguenard. Discrètement, il respire sa main droite qui, il y a peu, tenait par la taille sa partenaire, sa belle Lavalloise. Émoustillé, Maxime l’est certes, mais il est aussi perplexe. Les premières mesures d’une série de slows le ramènent à la réalité. Corentin voit rapidement l’urgence de se remettre de ses émois. Faisant appel à ses réserves d’énergie et à ses bonnes manières d’éducation, en dépit de ses réticences pour ce genre de danse, il a bien envie de serrer au plus près de lui le corps de cette femme qu’il apprécie déjà beaucoup. Un peu de tenue, que diable ! Il revient vers la femme qui, cette fois, ne se fait prier pour le rejoindre sur la piste. Leurs regards se croisent, se scrutent, deviennent brillants, voire malicieux, pétillants de soif de vivre. Maxime sent cette femme prête à vibrer, à profiter de ce que lui offre l’existence et il sent qu’elle devient complice de vertigineux ébats futurs. La regardant avec son meilleur regard langoureux, il lui dit :
— Permettez que je me présente. Maxime Corentin.
— Enchantée. Sylvie Ronsard.
— Ne me dites surtout pas que vous avez déjà tout prévu pour le réveillon de demain ?
— Si, je vous le dis, j’ai réservé une table à côté, à la Brasserie de Paris, seule, hélas !
— J’ai craint une seconde que vous fussiez retenue. Avec votre permission, pourquoi ne pas me joindre à vous ?
— Pourquoi pas ?
— Cela nous permettra à tous les deux de disperser notre solitude commune aux quatre vents de la Terre et de passer une bonne soirée ! Laissez-moi m’occuper de tout, dès demain matin, je ferai ajouter un couvert à votre table de cette brasserie. Vous êtes d’accord ?
— Oui et j’accepte bien volontiers de passer ce moment avec vous ! Cependant, pas de précipitation. Qui vous dit que d’ici demain, vous n’aurez pas changé d’avis ou rencontré une autre personne ?
— Rien, en effet ! Mais je n’ai pas pour habitude de me défiler et encore moins de courir après plusieurs jupons en même temps, je ne changerai pas d’avis ! Quant à la précipitation, reconnaissez que le temps nous manque pour agir différemment, nous serons vite à demain et pourquoi ne pas simplement nous dire que ce sera l’occasion de nous divertir et de passer un bon moment ? C’est rare, non ?
— En effet, vu sous cet angle...
— Puis-je vous offrir une consommation au bar, à moins que vous ne préfériez que je vous amène un verre à votre table ?
— Avec plaisir, ici à notre table, c’est parfait pour moi !
— Notre ?
— Oui, je ne suis pas seule ce soir, une amie m’accompagne !
— Qu’à cela ne tienne alors, ce sera une commande de plus !
— Inutile, je crois qu’elle a trouvé un prince charmant aussi de son côté !
— Aussi ? Serai-je donc le vôtre ce soir ?
— Votre présence est agréable, cependant, je ne peux pas dire cela vous concernant !
— Ah bon, c’est dommage pour moi, alors !
— Je n’ai pas dit que vous n’étiez pas charmant ! Prince non plus, d’ailleurs aussi, je ne le pense pas ! Même si vous me semblez fort courtois et bien élevé ! C’est rare de nos jours !
— Merci, je vais prendre cela comme compliment !
— Vous ne semblez pas être de la région ! Je me trompe ?
— En effet ! Je suis banlieusard, je suis né à Drancy, mais j’habite à Paris.
— Un Parisien ! C’est bien ma chance !
— Je peux vous comprendre, il est vrai que les Parisiens ont mauvaise réputation, mais je vais cependant vous rassurer, je ne suis à Paris que très peu de temps sur une année, pour raison professionnelle. Mes parents sont d’origines différentes, mon père est Breton, né à Vitré, et ma mère est Messine, donc de la ville de Metz. Sacré mélange, n’est-ce pas ?
— En effet !
Après en avoir bien ri en cœur, voilà qu’un rien les amuse finalement. Soudain, la vie paraît belle et simple entre ces deux-là. Maxime est aux anges et sans la moindre pensée qui pourrait exclure ce bonheur naissant. Tout en dansant une énième danse, Maxime Corentin se surprend à lorgner les genoux de sa partenaire qui apparaissent sous sa courte jupe, dans certains mouvements et pas. La dame, Sylvie, a des genoux très bien galbés. Ses doigts le démangent. Il aimerait bien s’y attarder un peu, caresser ces articulations sous le tissu de cette jupe, qu’il devine doux et soyeux. Les danses se succèdent, les corps se rapprochent encore plus, même le souffle des ventilateurs ne peut se frayer un chemin entre eux, tellement ils sont proches et ne font plus qu’un. Vient le premier baiser ! Simple, rapide et de bon ton même, vu le lieu et l’âge des deux danseurs. Certes, il n’en est pas moins marqué d’un brun de sensualité, mais surtout d’une fraîche sensibilité de Sylvie que Maxime découvre pour la première fois. Une belle charge émotionnelle !
Le temps passe vite en bonne compagnie ! Bientôt, la boîte de nuit fermera ses portes. De retour à la table, les deux tourtereaux se reposent un long moment. Ils sont très près l’un de l’autre. Maxime Corentin tient sa nouvelle compagne par les épaules. Il a peur de l’effaroucher et fait attention de ne pas suivre ses pulsions naissantes. On est aussi un peu pudique à nos âges et on sait se tenir un minimum ! Cependant, du bout d’un doigt, il effleure le sein droit de Sylvie, il a une rondeur délicate et prometteuse. Elle fait mine de ne rien remarquer. La piste de danse est comble, des couples se sont formés, d’autres défaits. Une constance dans ce genre d’établissement, il y a plus de femmes que d’hommes. Beaucoup plus même ! Les messieurs ont la part belle, ils ont du choix. Ils n’usent donc que très peu souvent de cette offrande. Une grande majorité ne danse pas et reste à siroter leurs verres, les uns après les autres, jusqu’à parfois arriver à l’ivresse. Les autres regardent évoluer les couples. Toutes les femmes qui font tapisserie depuis le début de la soirée affichent cependant une allure souriante et détendue. Elles passent quand même un bon moment, parfois en groupe de plusieurs et plaisantent entre elles. Cependant, certains sourires s’estompent au fur et à mesure que les minutes passent et qu’elles n’ont pas été invitées pour une danse. Ce soir, certaines repartiront le cœur encore un peu plus gros et se diront que ce sera pour une prochaine fois. Elles penseront à la solitude de leur foyer et il leur faudra braver la morosité, voire la déprime. Encore une longue journée et soirée pour rien ! penseront-elles. Certains s’amuseront le lendemain, elles peut-être pas ! Ainsi va la vie, les années passent inlassablement, l’âge fait des ravages, tant physiquement que mentalement. Le bonheur et l’amour ne sont pas pour tout le monde, ils se méritent. Les années passent, c’est lourd à porter parfois ! C’est ce que disait Maxime Corentin, avant ce soir. Chacun pense que trouver le compagnon, la compagne souhaitée, appelée du plus profond espoir et des nuits sans sommeil, cette femme ou cet homme avec qui l’on voudrait finir le parcours de la vie, dans la joie saine que la sagesse et la connaissance insufflent. Ce soir, ces femmes et ces hommes s’étaient pourtant bichonnés, pomponnés, ces femmes et ces hommes esseulés et malheureux, que la vieillesse effraie, reviendront une autre fois, le cœur chargé d’espoir en laissant la tristesse ancrée en eux, au fond du placard, pour un moment qu’ils espèrent être le dernier. Les retours de boîte de nuit sont souvent bien pathétiques pour ceux qui rentrent bredouilles !