L’âne de Berzème - Eléonore Leïla Brousse - E-Book

L’âne de Berzème E-Book

Eléonore Leïla Brousse

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Beschreibung

À Berzème, un petit village niché au cœur des plaines agricoles et des forêts, le corps sans vie d’un homme est retrouvé. Il semble avoir été piétiné par un équidé. Une enquêtrice, en fuite des violences urbaines, est envoyée pour élucider ce mystère, alors que l’énigme de cette mort insolite défie toute explication. Très vite, parmi les habitants les plus superstitieux, les rumeurs font écho à une légende oubliée : celle d’un âne surgissant des entrailles de la Terre, semant la terreur parmi les pécheurs. Entre la froide logique de l’enquête et l’écho de ces récits ancestraux, Berzème dévoilera-t-il tous ses secrets ?

À PROPOS DE L'AUTRICE 

Eléonore Leïla Brousse est chanteuse, musicienne, conteuse et art-thérapeute. Depuis son enfance, elle est passionnée par les histoires et leurs émotions. Après un ouvrage très personnel, elle revient avec un récit policier, agrémenté d’une touche de mystère.

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Seitenzahl: 130

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Couverture

Titre

Eléonore Leïla Brousse

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’âne de Berzème

Roman

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Copyright

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Eléonore Leïla Brousse

ISBN : 979-10-422-5789-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À mon mari et à ma mère

À mon frère et à tatie Sylvie

Je vous aime

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Eli

 

 

 

Sur le plateau du Coiron, le soleil brillait, se reflétant sur la neige et aveuglant les quelques âmes déambulant sur ses routes sinueuses.

Eli, 23 ans, conduisait son tracteur pour se rendre dans le pré le plus éloigné de l’exploitation du vieux Frérot.

Habituellement ce pré n’était jamais utilisé, peu fertile et difficile d’accès, mais cette année le vieux Frérot avait décidé de le louer à un éleveur de brebis fraîchement installé. Il fallait donc réparer les clôtures et en cette fin de matinée c’est Eli qui allait devoir s’en occuper. Non pas que ce soit pressant, en plein hiver, les brebis n’allaient pas au pâturage, mais quand le vieux Frérot avait décidé quelque chose, il n’y avait pas à discuter. Planter des piquets de clôture dans un sol gelé n’était pas une mince affaire. Sans doute le vieux voulait faire payer à Eli sa négligence de la semaine dernière. Il avait oublié de fermer correctement le poulailler et des poules s’étaient échappées. Quatre d’entre elles étaient mortes gelées dans la nuit.

Qu’importe, Eli aimait le froid et il préférait être seul dans un pré plutôt qu’écouter les idioties que pouvaient dire les autres travailleurs de la ferme. Ces derniers temps, toutes les conversations tournaient autour de l’autre sexe et certaines blagues grivoises n’étaient pas au goût du jeune homme. Et puis il aimait être seul.

En arrivant, il constata que la barrière était ouverte, ce qui lui parut étrange. D’autant que cette barrière ne gênait en rien le passage d’éventuels promeneurs, puisque le pré n’était pas clôturé. Elle était là pour permettre le passage des véhicules lorsque les clôtures étaient en place. Après tout, cela n’avait pas grande importance. Il commença à clôturer du côté le plus dégagé du pré, en partant du portail.

Au bout d’une heure, il arriva à la partie collée aux sous-bois.

Alors qu’il allait chercher des piquets dans la remorque de son tracteur, un frisson lui parcourut la nuque. C’était comme si un désastre se préparait ou que quelqu’un de très mal intentionné l’observait. Jamais il n’avait eu ce genre de sensation, même lorsqu’il travaillait seul.

Un sentiment d’hostilité.

Il chassa cette sensation idiote de son esprit et de son corps et reprit le travail qu’il avait commencé. Il transporta les piquets jusqu’au-devant des sous-bois et commença à les planter.

Il avait fini de planter le premier quand quelque chose attira son regard. Un peu plus loin dans les sous-bois, caché dans les buissons, il y avait quelque chose de rouge. Rouge en plein hiver n’était pas une couleur que l’on retrouvait dans la nature. Il plissa les yeux pour essayer de comprendre ce que c’était, mais rien ne semblait pouvoir correspondre. Au loin la texture faisait penser à du tissu. Un vêtement envolé peut-être ?

Pour en avoir le cœur net et enfin comprendre, il décida de s’approcher.

Ce qu’il vit lui glaça le sang. C’était en effet du tissu rouge et en effet un vêtement, une doudoune plus exactement. Mais dans ce manteau d’hiver se trouvait un homme, en sous-vêtements, le visage comme figé dans une grimace de douleur, défiguré par cette douleur. Son torse, ses jambes, et probablement le reste de son corps, étaient criblés de marques de sabots. Comme s’il avait été piétiné.

Eli resta là, bouche ouverte, médusé par l’horreur de la scène qui se trouvait sous ses yeux. Tout allait très vite dans sa tête. Tant de questions. Comment ? Pourquoi ? Qui ?

Il s’ébroua comme pour sortir d’un mauvais rêve et se précipita sur son tracteur. Il roula le plus rapidement possible, même si les tracteurs n’étaient pas réputés pour leur vitesse.

Arrivé au corps de ferme du vieux Frérot, il se précipita à l’intérieur et se jeta sur le téléphone afin d’appeler la police.

Le vieux Frérot entra en furie, demandant à Eli pourquoi il était là alors qu’il savait pertinemment qu’il ne pouvait pas avoir déjà fini de poser les clôtures. Il stoppa net en voyant le visage blême du jeune homme. Après avoir écouté ses explications, il l’accompagna sur les lieux pour y attendre la police.

Le vieux faisait les cent pas en bougonnant, inquiet. Eli ne l’avait jamais vu aussi inquiet. Il ne l’avait d’ailleurs jamais vu inquiet.

Une heure plus tard, la police et les pompiers étaient sur place. Les premières conclusions tendaient plutôt vers un accident, même si les circonstances semblaient plutôt incongrues.

La nuit tombait quand le corps fut enfin enlevé. Le vieux Frérot se retourna vers Eli et lui dit :

« Tu finiras de clôturer demain. Rentre chez toi. »

Le jeune homme ne se fit pas prier. Encore dans un état second il rentra, s’allongea sans manger, encore tout habillé et resta les yeux grands ouverts, fixant le plafond sans vraiment le voir. Il ne put jamais s’endormir, pris dans une sorte de torpeur, un mauvais rêve beaucoup trop réaliste.

C’est tel un automate qu’il retourna le lendemain travailler dans le pré. Il était très tôt et il ne croisa personne à la ferme en allant récupérer son tracteur. Le vieux Frérot était, à cette heure-ci, en train de s’occuper des bêtes et les autres ouvriers n’étaient pas encore arrivés.

Alors qu’il en était au troisième piquet le long du sous-bois, il eut à nouveau cette sensation désagréable. Un frisson dans sa nuque descendit jusqu’au bas de sa colonne. C’était cette sensation malsaine d’être épié par quelqu’un de mauvais. Il regarda autour de lui, mais ne vit rien. Il décida de continuer malgré ce malaise persistant.

En fin de matinée la clôture était terminée. Il remonta sur son tracteur et rentra au corps de ferme. La lumière sur la neige était encore aveuglante et Eli, déjà mal en point, commença à avoir très mal à la tête.

En arrivant, il tomba du tracteur en descendant. Il marcha d’un pas peu assuré vers la cuisine, dans l’espoir de boire un peu d’eau, quand tout à coup il fut pris d’une violente nausée, instantanément suivie de vomissements. Le vieux Frérot qui arrivait sur son tracteur se précipita vers lui.

« Alors mon garçon, que t’arrive-t-il ? »

Sur son visage se lisait une réelle inquiétude. Ce qui n’était pas dans ses habitudes.

« Rentre chez toi, lui dit-il. Il faut te reposer ! »

Eli avait du mal à tenir debout. Voyant cela, le vieux fermier l’attrapa puis le fit entrer dans la ferme.

« On me regardait… quelque chose de mauvais… » Eli répétait en boucle ces phrases. Il semblait fiévreux et terrifié.

Le vieux Frérot l’allongea sur le canapé, à côté du poêle, lui enleva ses chaussures et le couvrit avec une couverture de laine. Instantanément le jeune homme sombra dans un profond sommeil.

Un sommeil sans rêves.

 

 

 

 

 

Anita

 

 

 

Un homme d’environ 70 ans, écrasé, semblerait-il, par une bête avec des sabots. Un inconnu de corpulence normale avec une petite bedaine, les cheveux gris noués en catogan, une calvitie au sommet du crâne. Voilà toutes les informations dont elle disposait.

Pourquoi diable cet inconnu s’était retrouvé perdu sur le plateau du Coiron, à côté d’un minuscule village s’appelant Berzème ? Pourquoi était-il en slip et en doudoune rouge ? Pourquoi personne dans les environs n’avait reconnu cet homme ? En cette période de l’année, seuls les locaux étaient présents sur le plateau et pourtant, après l’enquête de voisinage menée par les agents, personne ne l’avait reconnu. D’où venait-il en ce cas ?

Il n’y avait pas non plus eu de signalement d’un cheval ou d’un âne échappé ou perdu, et la taille des empreintes de sabots sur le corps de l’homme impliquait que ce soit l’une des deux races. Il n’y avait pas de chevaux ou d’ânes sauvages dans la région. Alors d’où venait cet animal ? Et pourquoi personne ne l’avait aperçu ? Un cheval ou un âne seul ne passait pas inaperçu.

Anita avait été chargée de retrouver l’identité de la victime et de comprendre ce qui s’était passé.

Elle venait d’arriver au commissariat de Privas, auparavant enquêtrice au commissariat de la ville de Lyon. La jeune femme de 37 ans aspirait à une vie plus calme et c’est pour cela qu’elle avait demandé sa mutation dans une petite ville, loin des meurtres et des corps retrouvés dans le Rhône, loin de la violence, de la drogue et de toutes les histoires sordides auxquelles elle avait pu être confrontée.

Privas était une ville étrange. C’était une sorte de microcosme ou les disparités entre les différents types de populations étaient finalement plus visibles que dans une grande ville. Les gens, en général, étaient accueillants, mais finalement Anita se sentait bien seule. Elle vivait dans un village juste à côté de Privas. Elle y avait trouvé une petite maison rapidement et peu chère, avec un extérieur dans lequel elle pouvait se détendre le soir quand il faisait beau et y laisser son chat Hubert quand elle partait.

Elle ne savait pas si elle resterait longtemps ici. Pourtant l’Ardèche et ses paysages lui plaisaient énormément. Mais la ville de Privas et ses alentours avaient quelque chose d’étrange, une ambiance un peu lourde, quelque chose qu’elle ne pouvait pas vraiment expliquer.

L’ambiance sur le plateau où on avait retrouvé le corps était encore plus étrange. Des paysages magnifiques, des routes sinueuses, des gens parfois hostiles et souvent très peu loquaces. Pourtant elle sentait qu’il y avait une réelle solidarité entre les habitants et elle ne se sentait pas menacée ou jugée, juste étrangère. C’était un endroit à part, où il faisait apparemment bon vivre. Elle en était sûre, grandir dans cet endroit était autant une bénédiction qu’une malédiction. Tout le monde se connaissait et cela donnait un sentiment de sécurité, ce qui faisait que les enfants étaient libres de circuler comme bon leur semblait, en contact direct avec la nature. En contrepartie, il semblait difficile de faire des rencontres avec des gens d’horizons différents.

Anita, elle, avait grandi dans la ville de Lyon. Elle avait toujours eu accès à la culture et à tout ce qu’elle voulait comme le cinéma, les commerces, les rencontres variées, les événements culturels… Ici, parfois, le temps semblait s’arrêter. À Privas, par exemple, elle avait découvert que le lundi la ville était comme morte. Tout était fermé et même, de ce qu’elle avait entendu dire par ses collègues, en hiver les rues étaient désertes. À Lyon lorsqu’elle avait envie de sortir, même le dimanche soir, elle trouvait toujours un endroit où aller et la vie était partout, qu’importe le jour, qu’importe l’heure. C’était un tout autre rythme avec lequel elle devait apprendre à vivre.

 

Bien qu’appréciant le côté plus calme de sa nouvelle vie, Anita trouvait plutôt macabre la découverte de ce corps. Presque autant que l’accident de broyeur du mois dernier où il n’y avait pas eu de mort, certes, mais l’état des bras du pauvre fermier hantait encore ses cauchemars, parmi toutes les atrocités dont elle avait été témoin dans sa carrière.

La difficulté dans cette affaire allait être de trouver qui était cet homme. Sans doute un sans domicile fixe avec une maladie mentale qui s’était perdu et retrouvé au mauvais endroit, face au mauvais cheval. Anita avait déjà fait beaucoup d’équitation étant plus jeune et cela lui semblait étrange qu’un équidé ait pu s’acharner à ce point sur un autre être vivant. Les chevaux, ou même les ânes, avaient plutôt tendance à blesser pour se défendre, mais dans cette histoire-là tous les indices montraient plutôt une réelle volonté de l’animal de nuire et de détruire sa cible.

Quoi qu’il en soit, elle allait devoir passer des heures à chercher qui pouvait bien être ce mystérieux inconnu. Elle écopait souvent des tâches les plus ingrates, mais c’était le prix à payer quand on était la petite nouvelle.

Elle décida de commencer par éplucher les signalements de disparitions dans les environs. Avec un peu de chance, quelqu’un était à sa recherche.

Après quelques heures de recherches, elle était en train de se dire qu’elle allait faire une pause quand soudain une disparition attira son attention. Un homme de 73 ans atteint de la maladie d’Alzheimer avait disparu de la maison de retraite dans laquelle il était depuis déjà quelques années. Sur le signalement il était précisé que c’était un résident qui n’avait jamais posé de problème ni essayé de s’enfuir comme cela pouvait arriver avec ce type de maladie. Pourtant, deux jours avant la découverte du corps, il avait disparu en plein après-midi. Il s’était comme évaporé. L’aide-soignante qui avait fait le signalement avait expliqué qu’elle était en train de servir le goûter au moment des faits. Alors qu’elle avait tourné le dos aux résidents pour traverser la pièce et aller chercher son chariot, elle avait constaté en se retournant que l’homme n’était plus là. En quelques secondes il avait disparu. Il n’y avait pas de photo avec le signalement, aussi Anita décida de se rendre dans l’établissement. Elle prit avec elle une photo, pas trop effrayante, de la victime pour voir si des membres du personnel le reconnaîtraient.

La maison de retraite se trouvait en pleine campagne, non loin de Chomérac. Tout y semblait paisible, les résidents étaient très calmes et les soignants très aimables. On dirigea Anita vers le directeur d’établissement qui reconnut tout de suite l’homme comme étant Monsieur Robert Chaux, le résident qui avait disparu. Une photo du trombinoscope des résidents le confirma pour Anita. Bien que sa disparition eût été soudaine, cela ne semblait pas improbable au directeur que Monsieur Chaux soit sorti, se soit perdu et ait fait la regrettable rencontre d’un animal fou. L’enquêtrice demanda si elle pouvait rencontrer l’aide-soignante témoin de la disparition ce jour-là, mais le directeur l’informa qu’elle était depuis en arrêt maladie à cause du choc et de la culpabilité qu’elle avait éprouvés suite à cet événement tragique. Par acquit de conscience, elle demanda tout de même le numéro de téléphone de celle-ci, au cas où.

Avant de partir, elle demanda :

« Que portait-il ce jour-là ? »

« Un pantalon marron en velours côtelé, des charentaises et un pull de laine vert sombre », lui répondit le directeur.

« Il n’avait pas en sa possession de doudoune rouge ? »

« Non, seulement un manteau noir. »

Anita était debout devant la main sur la poignée de porte, l’air perplexe.